Louis, René, Edouard de Rohan-Guéménée
1734 - 1803
Député aux Etats-Généraux de 1789, né à Paris (Généralité de Paris, France) le 25 septembre 1734, mort à Ettenheim (Margraviat de Bade, Allemagne) le 17 février 1803, il fit ses études au collège du Plessis et au séminaire de Saint-Magloire, et devint, en 1760, coadjuteur de son oncle, l'évêque de Strasbourg.
Sacré évêque de Canope in partibus le 16 mai de la même année, il entra à l'Académie française le 11 juin 1761, en remplacement de l'abbé Séguy, et reçut, en 1770, à la place de son oncle malade, Marie-Antoinette à Strasbourg. Dès cette époque, il était accablé de dettes, et la retentissante faillite de son frère avait encore aggravé sa situation.
Cependant, après la chute du duc de Choiseul, le duc d'Aiguillon lui proposa l'ambassade de Vienne, qu'il accepta sur les instances de l'archevêque de Paris; on lui accorda une très forte somme d'argent pour ses équipages et le titre d'ambassadeur extraordinaire. Il arriva à Vienne le 6 janvier 1772, et fut reçu froidement par Marie-Thérèse : il chercha à gagner ses bonnes grâces en déployant un luxe princier; mais ses petits soupers déplurent par leur élégance libertine à l'impératrice qui demanda son rappel. La véritable raison de cette disgrâce était peut-être ailleurs : M. de Rohan avait très bien démêlé les intrigues de la cour de Vienne dans le partage de la Pologne, et avait informé le ministre de la duplicité de l'Autriche, par une lettre devenue célèbre, qui lui valut l'animosité particulière de Marie-Antoinette.
L'avènement de Louis XVI brusqua son retour à Paris ; il y fut assez mal accueilli. Néanmoins, il devint grand aumônier en 1777, abbé de Saint-Waast, de Noirmoutiers et de la Chaise-Dieu, cardinal en 1778, et évêque titulaire de Strasbourg l'année suivante. Dans cette situation élevée, il perdit toute mesure. Ses domaines comprenaient en Alsace quatorze lieues carrées, comptaient 25,000 habitants, et rapportaient annuellement 800,000 livres; mais le prélat mena un train de souverain dans son palais de Saverne ; ses revenus ne lui suffirent plus et il contracta d'énormes dettes. D'autre part, le transfert de l'hospice des Quinze-Vingts, dont il était le directeur, le mit aux prises avec le parlement.
Outre Cagliostro et une société peu choisie, il était entré en relations avec la comtesse de la Motte-Valois qui, sachant combien il était désireux de rentrer dans les bonnes grâces de la reine, s'imagina de lui persuader que par son influence il pourrait reconquérir tout son crédit à la cour. On parlait alors beaucoup du fameux collier que Bœhmer et Bossange avaient composé pour la dernière favorite de Louis XV. Ce collier, estimé seize cent mille livres, avait été proposé à Marie-Antoinette; mais le roi, partisan des économies, n'avait point consenti à ce qu'elle en fît l'acquisition. Pour prix de sa réconciliation avec la reine, la comtesse de la Motte confia au prince de Rohan que Marie-Antoinette souhaitait posséder ce joyau, et le chargeait de le lui procurer secrètement. M. de Rohan, bien que fort crédule, demanda une preuve de cette mission, et Mme de la Motte lui montra un papier signé de la reine. Le prince n'hésita plus, s'aboucha avec les joailliers, auxquels il ne put se retenir d'avouer à qui le collier était destiné, et le remit à la comtesse, qui se hâta de le faire démonter et d'envoyer la plus grande partie des diamants en Angleterre pour en réaliser le prix; mais pour donner au cardinal une preuve de la satisfaction de la reine, elle arrangea un rendez-vous nocturne dans une allée du parc de Versailles, où Marie Antoinette devait remettre une rose au cardinal. Le rendez-vous eut lieu; ce fut une actrice, nommée d'Oliva, qui y joua le personnage de la reine à laquelle effectivement elle ressemblait. Cependant les joailliers qui avaient consenti la vente du collier moyennant 4 billets de 400,000 livres chacun, n'ayant touché qu'une faible partie de la somme, perdirent patience et s'adressèrent directement à la reine, le 15 août 1785. Celle-ci se plaignit à Louis XVI avec une amertume justifiée. Le duc de Rohan fut arrêté le jour même, dans ses habits pontificaux, au moment où il allait officier dans la chapelle de Versailles. Il confessa sa crédulité, mais nia avoir eu aucune part à l'escroquerie et au faux qui avaient été commis. Il fut néanmoins enfermé à la Bastille et des perquisitions furent faites à Paris, à Strasbourg et dans son château de Saverne : son secrétaire Georgel, prévenu, avait brûlé les papiers compromettants. Le procès dura près de 10 mois et eut un grand retentissement. Presque tous les témoins déposèrent en faveur du cardinal, qui, défendu par Target, fut acquitté du chef de l'accusation, mais destitué de ses charges publiques et condamné à l'exil. Ses malheurs lui attirèrent de nombreuses sympathies, moins pour lui-même que par haine contre la reine. Aussi lorsque Louis XVI envoya le prince de Rohan en exil à l'abbaye de la Chaise-Dieu, en Auvergne, tout le monde prit parti pour lui, la noblesse, le clergé et les parlements.
Retourné peu après à Strasbourg, il administra sagement son diocèse, s'occupa d'œuvres charitables, et fut élu, le 3 avril 1789, député du clergé aux Etats-Généraux par le bailliage de Haguenau et Wissembourg, à l'unanimité, par 223 voix sur 223 votants. Il refusa d'abord de siéger; mais lorsque son suppléant, l'abbé du Bourg, fut appelé à sa place, il protesta vivement ; après un long débat, l'Assemblée l'admit, sur le rapport de Gouttes ; il remercia dans un long discours où il fit allusion à son incarcération à la Bastille. Il protesta, cependant contre le décret concernant les biens du clergé, rentra dans son diocèse, et, accusé alors d'exciter la fermentation à Strasbourg, dénoncé par Montmorin en juin 1790, il fut cité à la barre de l'Assemblée, refusa de comparaître, et écrivit, le 31 août 1790, une longue lettre pour donner sa démission, en expliquant qu'il avait des devoirs vis-à-vis de ses créanciers, devoirs que son mandat législatif lui empêchait de remplir. Il protesta ensuite contre la constitution civile du clergé et lança un mandement contre son successeur, l'évêque constitutionnel, Brendel.
Peu après, il passa dans la partie de son diocèse située sur la rive droite du Rhin, et se joignit aux émigrés de Kehl. Dénoncé par de Broglie (4 novembre 1791), par Carnot et Rülh (8 et 27 novembre 1792), on agita la question de sa mise en accusation; mais, après des débats fort vifs, la question fut renvoyée au comité diplomatique, M. de Rohan ayant invoqué avec raison sa qualité de prince de l'Empire. Il mourut à Ettenheim, sous le Consulat.