Pierre Carous
1913 - 1990
CAROUS (Pierre)
Né le 17 septembre 1913 à Vieux-Condé (Nord)
Décédé le 14 janvier 1990 à Valenciennes (Nord)
Député du Nord de 1958 à 1962
Sénateur du Nord de 1965 à 1990
Pierre Carous est né le 17 septembre 1913 à Vieux-Condé, dans une famille d’ouvriers et d’employés des mines. Il accomplit ses études primaires à l’école de Bruay-Thiers, puis fréquente les lycées de Valenciennes et de Lille, avant d’entrer à la faculté de droit. Il en sort docteur, auteur d’une thèse sur La volonté unilatérale, source d’obligations en droit privé moderne. A cette suite, dès 1935, il s’inscrit comme avocat au barreau de Valenciennes : il en sera le bâtonnier en 1955 et 1956. A l’annonce du deuxième conflit mondial, il est mobilisé. Fait prisonnier en mai 1940, il est libéré en 1941.
La carrière politique de cet officier de réserve commence dans les premières années de l’après-guerre. En octobre 1947, il est élu maire de Valenciennes, ville qu’il enlève au Parti communiste. Deux ans plus tard, le 27 mars 1949, il entre à l’Assemblée départementale du Nord, comme conseiller général du canton de Valenciennes-Est. Secrétaire, il accède à la vice-présidence du Conseil général en 1952, et y demeure jusqu’en 1955. Il ne se représente pas au renouvellement de son mandat, le 17 avril 1955, pour raisons professionnelles.
Avec le changement de régime et le retour au pouvoir du général de Gaulle, Pierre Carous, marié et père de deux enfants, est candidat de l’Union pour la nouvelle République (U.N.R.) aux élections législatives de l’automne 1958, dans la 19ème circonscription du Nord. Cette partie du territoire départemental regroupe les cantons des deux rives de Saint-Amand-les-Eaux et de Valenciennes-Nord. Au soir du premier tour, Pierre Carous arrive en tête, avec 3 000 voix d’avance sur le député communiste sortant Arthur Musmeaux, élu au Palais-Bourbon depuis 1946. Au second tour, auquel le troisième candidat en lice, Georges Donnez, conseiller général et maire S.F.I.O. de Saint-Amand-les-Eaux, ne participe pas, le maire de Valenciennes est victorieux, en obtenant un bon report des voix socialistes sur sa candidature. Il recueille 32 373 des 54 325 suffrages exprimés, alors que le candidat communiste obtient un peu moins de 22 000 suffrages. La campagne électorale a été placée sous le patronage de Charles de Gaulle et de la défense du Valenciennois. Partisan d’une « République fraternelle et propre », le candidat de l’U.N.R. souhaite avant tout « réaliser la justice sociale », ce à quoi il souhaite parvenir en alliant stabilité gouvernementale, monnaie saine et politique constructive.
Pierre Carous rejoint l’Assemblée nationale et s’inscrit au groupe gaulliste dont il assure la vice-présidence de 1959 à 1962. Il siège à la Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, de 1959 à 1962. Membre de plusieurs commissions spéciales, il appartient notamment à l’aréopage chargé de l’étude des problèmes municipaux, et préside, trois ans durant, celui qui a reçu la charge d’examiner la demande de la levée de l’immunité parlementaire d’un député. A partir du 8 juillet 1959, il est élu membre du Sénat de la Communauté.
Au cours de son mandat, Pierre Carous intervient en séance publique, à l’occasion de vingt-neuf discussions différentes, en qualité de député et, à vingt reprises, préside la séance publique, comme vice-président de l’Assemblée nationale, du mois de juillet 1961 au mois d’avril 1962. Le député gaulliste du Nord est un parlementaire très actif, puisqu’il accepte par ailleurs dix-sept rapports de la commission à laquelle il appartient. C’est le cas du rapport sur le projet de loi relatif aux marques de fabrique et de commerce sous séquestre en France comme biens ennemis. Quelques mois plus tard, en juin 1960, il s’investit aussi, de manière poussée, dans le rapport sur la proposition de résolution tendant à requérir la suspension de la détention d’un membre de l’Assemblée. Il constate et rappelle qu’il ressort des précédents, une tendance générale à protéger la liberté des députés sous réserve d’une solution appropriée à chaque situation. Au cours de l’année 1960, il rapporte les projets de loi relatifs aux accords passés par la France avec les nouveaux Etats africains décolonisés. C’est le cas du texte se rapportant au Mali, le 9 juin. Il confirme, à cette occasion, la nécessité de permettre à certaines personnes qui ont la citoyenneté française de la garder si elles le désirent. Pierre Carous rapporte aussi le texte relatif à la République centrafricaine et aux Républiques du Congo et du Tchad ; dans cette discussion, il défend trois amendements. Les accords passés avec la République gabonaise font l’objet d’un autre projet de loi. Dans un amendement qu’il signe le 20 juillet, Pierre Carous rappelle que ces accords ont été conclus en application de l’article 86 de la Constitution. Le même jour, le député du Nord rapporte en séance publique le projet de loi portant approbation des accords signés, cette fois-ci, avec les Républiques de Côte d’Ivoire, du Dahomey, du Niger et de la Haute-Volta. Il défend alors quatre amendements visant à l’équilibre du texte. Enfin, le 15 novembre suivant, c’est au tour de la République islamique de Mauritanie de faire l’objet d’un texte d’initiative gouvernementale dont le rapport est confié au maire de Valenciennes. Ce dernier est responsable, également, d’un rapport relatif à la modification de certaines dispositions du Code de la nationalité, qui s’insère dans la discussion des précités et touche à des thèmes communs. En effet, nécessité s’est faite d’engager rapidement des conversations entre la France et les Etats nouvellement indépendants pour aboutir à des accords sur les problèmes de nationalité. Pierre Carous rappelle d’emblée la nécessité de modifier le Code éponyme pour éviter les conséquences fâcheuses de l’application de l’article 13 relatif aux Français résidant dans ces Etats de la Communauté devenus indépendants. Il regrette la hâte avec laquelle ce projet a été soumis à la commission et inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée. Il proteste d’ailleurs contre les conditions de travail imposées aux commissions. Il profite de ce débat et de la situation que lui confèrent ses fonctions de rapporteur, pour tenter d’introduire dans la loi en délibération, le 11 juillet 1960, à l’appui de trois amendements, la notion de reconnaissance de la nationalité française.
Avec l’année 1961, Pierre Carous prend à cœur de rapporter le projet de loi relatif au droit de préemption dans les zones à urbaniser en priorité (Z.U.P.) et dans les zones d’aménagement différé (Z.A.D.). Au mois de juin, en première lecture, à l’aide de trois amendements, il rappelle l’effort de construction entrepris à la libération. Aussi, en contrepoint, il montre comment la raréfaction des terrains à proximité des agglomérations importantes, le développement de la spéculation foncière et ses conséquences désastreuses, et l’allongement du délai pour l’exercice du droit de préemption dans les zones à urbaniser en priorité ont conduit aux difficultés et aux critiques suscitées par ces Z.U.P., et notamment à l’atteinte portée à l’autonomie communale. Aussi le député gaulliste insiste-t-il sur la nécessité de leur développement. Ses cinq amendements et trois articles additionnels y concourent. L’intervention des collectivités locales pour la création des Z.U.P. est suggérée, comme la fixation à dix ans du droit de préemption, lequel pourrait être fait sur les biens immobiliers dont l’acquisition a été déclarée d’utilité publique. En deuxième et troisième lectures, en mai 1962, douze amendements du député du Nord viennent préciser les modalités de la création des Z.U.P. Les éventuelles difficultés à la mise en place de telles structures pourraient être résolues par la possibilité de créer des zones d’aménagement différé (Z.A.D.) dans les mêmes conditions que celles prévues pour les Z.U.P. De toute façon, Pierre Carous souhaite consolider le droit pour l’Etat de se substituer à une collectivité locale qui n’exerce pas le droit de préemption.
Enfin, gaulliste fidèle, Pierre Carous n’a eu de cesse de défendre la politique du général de Gaulle en Algérie. Dès 1959, il a critiqué la campagne visant à opposer les députés de métropole à ceux d’Algérie. En 1960, il approuve le projet de loi autorisant le gouvernement à y prendre certaines mesures de maintien de l’ordre. Le 21 mars 1962, il prend la parole en séance publique pour souligner « l’aspect positif indiscutable » des accords d’Evian, « leur précision, leur équilibre, l’existence de garanties sérieuses dans le domaine des institutions et des juridictions chargées d’en contrôler l’application ». Le 5 juin 1962, considérant « la portée internationale du problème algérien », il regrette et condamne « les visées antirépublicaines » de certains adversaires de la politique du général de Gaulle. Pierre Carous consacre l’une de ses dernières interventions au débat sur la motion de censure déposée à propos des crédits pour l’usine de Pierrelatte, le 12 juillet 1962. Il condamne les signataires de la motion, rappelant la conformité à la Constitution de la procédure suivie par le gouvernement.
Au cours de son mandat, Pierre Carous témoigne, par ses votes, de sa fidélité au général de Gaulle. Le 16 janvier 1959, il approuve le programme du gouvernement de Michel Debré, comme il le fait à nouveau, le 15 octobre de la même année. Il apporte son soutien au Premier ministre au cours de la discussion et du vote de la loi qui porte son nom, et qui concerne l’enseignement privé, le 23 décembre 1959. Il soutient tout autant l’ensemble du projet de loi sur les pouvoirs spéciaux, le 2 février 1960. Quelques semaines plus tard, le 11 mai, il vote pour le projet de loi constitutionnelle tendant à compléter le titre XII de la Constitution. Sans surprise, il approuve le programme du gouvernement que le nouveau Premier ministre, Georges Pompidou, présente à la représentation nationale, le 27 avril 1962. Très logiquement, il combat la motion de censure, le 4 octobre 1962, déposée à l’encontre du gouvernement nouvellement investi.
Après la dissolution de l’Assemblée nationale, consécutive à l’adoption de la motion de censure précitée, Pierre Carous est candidat à sa succession, dans la 19ème circonscription du Nord. Secondé par le même suppléant, le cultivateur Pierre Decourrière, le député sortant est devancé au premier tour de scrutin par le conseiller général communiste Arthur Musmeaux : 2 000 voix séparent les deux candidats qui, seuls des six personnalités en lice, restent présents au second tour. Pierre Carous est alors battu de 3 000 voix par son ancien concurrent. Il n’obtient que 25 485 des 53 870 suffrages exprimés. Après sa défaite, il entre au Conseil économique et social où il siège de janvier 1963 à septembre 1965. Presque simultanément, en novembre 1963, il est désigné au Comité central de l’Union pour la nouvelle République (U.N.R.).
Président du Mouvement national des élus locaux (M.N.E.L.) à partir de 1963, et inlassable défenseur des droits et libertés des collectivités locales, il est candidat aux élections sénatoriales en septembre 1965 : il est élu sénateur du Nord, sur la liste d’Union pour la défense de la Vème République, qui obtient 938 voix et deux sièges. Comme à l’Assemblée nationale, il rejoint le groupe U.N.R. dont il assure la vice-présidence jusqu’en octobre 1968, et la Commission des finances, d’octobre 1965 à octobre 1968. A cette date, il est élu vice-président du Sénat. Il demeure dans cette fonction jusqu’en octobre 1971. A ce titre, il intervient fréquemment sur le plateau du Sénat, d’où la présidence de nombreuses séances est assurée par ses soins. En 1968, il siège à la Commission des affaires culturelles, qu’il quitte l’année d’après pour la Commission des lois, dont il assure la vice-présidence de 1980 à 1983. Il en est d’ailleurs président intérimaire, de février à avril 1983. Enfin, en 1971, il quitte la vice-présidence du Sénat pour la présidence du groupe sénatorial de l’Union pour la défense de la République (U.D.R.) rebaptisé, en 1976, du nom du Rassemblement pour la République (R.P.R.), à la tête duquel il est élu à l’unanimité.
Il est réélu au Sénat en 1974 et en 1983. Il retrouve alors la vice-présidence du Palais du Luxembourg jusqu’en 1986 et, ne parvenant pas à réintégrer la Commission des lois dont il a fait partie de 1969 à 1983, rejoint la Commission des affaires culturelles dès le mois d’octobre 1983. Sénateur du Nord, il prend des positions parfois contradictoires avec celles que son propre parti préconise. En 1967, il vote la loi Neuwirth sur la contraception et, en 1972, la loi portant création des régions. Il fait de même, en 1973, pour la loi Royer et, en 1974, pour celle qui fixe à 18 ans l’âge de la majorité. La même année, il se montre favorable à la loi Veil sur l’interruption volontaire de grossesse (I.V.G.), puis, en 1975, à la réforme sur le divorce. En 1980, il se prononce pour le projet de loi sécurité et liberté, présenté et défendu par le garde des Sceaux Alain Peyrefitte. Pierre Carous en est le rapporteur. S’il est, à titre personnel, favorable à la peine de mort, il ne prend pas part au vote du texte qui entraîne son abolition, à l’automne 1981. En revanche, il s’exprime favorablement vis-à-vis de la loi Defferre sur la décentralisation, et pour la loi relative aux prestations de vieillesse, d’invalidité et de veuvage, en 1982. En 1988, après la réélection de François Mitterrand à la Présidence de la République, il approuve le projet de loi présenté par le Premier ministre Michel Rocard, instituant le revenu minimum d’insertion (R.M.I.).
A la tête de la mairie de Valenciennes de 1947 à 1988, il décide de préparer sa succession, en en démissionnant en janvier 1988, laissant la place à son premier adjoint Olivier Marlière. Ce dernier est cependant battu au scrutin municipal de l’année d’après, par le député européen Jean-Louis Borloo. Membre du comité directeur de l’Association des maires de France de 1969 à 1977, administrateur de la Caisse d’aide à l’équipement des collectivités locales depuis 1966, Pierre Carous a reçu la Marianne d’or en 1985 pour l’exemplarité de son action municipale, dans un arrondissement, ancien haut lieu de l’histoire industrielle, frappé par les fermetures d’usines et conduit à une profonde remise en cause. Conseiller régional du Nord-Pas-de-Calais de 1973 à 1986, membre du Conseil supérieur de l’électricité et du gaz, il a longtemps présidé la Société d’horticulture et des jardins populaires de France, et a administré le port autonome de Dunkerque.
Au matin du 14 janvier 1990, le sénateur du Nord est retrouvé sans vie dans son garage personnel, un fusil de chasse à ses côtés. Très malade, âgé de 76 ans, Pierre Carous s’est donné la mort. Peu avant sa disparition, il avait avoué que « le plus pénible avait été l’abandon de son mandat de maire », tout en souhaitant que l’on garde de lui le souvenir d’un homme de bonne foi.
Pierre Carous était chevalier du mérite civil.