Louis, Thibault Dubois du Bais
1743 - 1834
- Informations générales
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- Né le 13 avril 1743 à Cambremer ( - Généralité de Caen - France)
- Décédé le 1er novembre 1834 à Cambremer (Calvados - France)
1743 - 1834
Député en 1791, membre de la Convention, député aux Cinq Cents et aux Anciens, et membre du Sénat conservateur, né à Cambremer (Généralité de Caen, France), le 13 avril 1743, mort à Cambremer (Calvados), le 1er novembre 1834, il appartenait à une famille dont la noblesse remontait à Guillaume le Conquérant.
Il suivit la carrière des armes et servit pendant vingt-huit ans, tant dans les gardes du corps que dans les gardes de la manche. Il était chevalier de Saint-Louis, et capitaine de cavalerie dans la maison du roi quand la Révolution éclata. Il se jeta dans le mouvement révolutionnaire, en publiant une brochure intitulée : Mon opinion motivée ou vœu d'un gentilhomme normand à la noblesse normande. « Il s'agit, disait-il, de régénérer un grand empire, il s'agit de réédifier l'édifice politique de la monarchie française sur une base immuable, qui fixe imperturbablement les droits du monarque et de ses sujets. »
En 1790, il fut élu juge de paix, commandant de la garde nationale, administrateur du département du Calvados, et, le 7 septembre 1791, député du Calvados à l'Assemblée législative, le 2e sur 13, par 276 voix sur 475 votants. Il se rangea parmi les partisans de la monarchie constitutionnelle et vota contre les lois répressives de l'émigration. Envoyé en mission sur la frontière du Nord, il annonça à l'Assemblée les patriotiques dispositions des habitants de ces régions, et répondit de la conduite du général Arthur Dillon.
Elu membre de la Convention, le 5 septembre 1792, par le Calvados, le 2e sur 13, avec 578 voix sur 623 votants, il fut envoyé en qualité de commissaire à la frontière du Nord, et signa une martiale proclamation aux habitants des campagnes. Au premier appel nominal pour le jugement de Louis XVI, il dit :
« Comme mon opinion ne rentre point dans la série des questions arrêtées, je demande à la faire connaître. C'est dans ce moment surtout que je sens tout le poids du pénible devoir qui m'est imposé, et que je dois trembler, même en le remplissant avec scrupule. Etranger à tout parti, à toute faction, je suis toujours resté seul avec ma conscience, je n'ai jamais su composer avec elle, et je ne le ferai pas dans une des circonstances les plus sérieuses de ma vie. C'est donc ma conscience seule qui m'a dicté la déclaration suivante. Dans l'affaire de Louis je me regarde comme juge; je déclare qu'il est coupable, qu'il m'a toujours paru tel avant le 10 août, et que, s'il me fût resté quelques doutes sur son compte, les pièces de conviction qui m'ont été mises sous les yeux les auraient entièrement dissipés. Comme législateur ou représentant du peuple, je puis peser les conséquences de l'existence ou de la mort de Louis; j'ai dû examiner les biens ou les maux qui en résulteraient pour ma patrie. Le résultat de mes réflexions ne me permet pas d'autre vœu que celui de l'appel au peuple. »
Il répondit au 2e appel nominal : « Oui. » Au 3e appel nominal, il opina ainsi : « J'ai déclaré que Louis était coupable. Je ne me considère pas seulement comme juge, mais comme législateur. Comme juge, je dis : Louis est coupable, qu'on le mène au supplice ; mais comme législateur je dois examiner que d'utilité cette peine peut apporter à ma patrie. Si la mort de Louis est utile, comme il est coupable, qu'il la subisse; mais si son existence peut nous être utile, qu'il reste dans les fers. Je demande la peine de mort, mais à condition qu'il sera sursis à l'exécution, jusqu'à ce que les puissances ennemies mettent le pied sur notre territoire, ou que d'autres se joignent à elles pour nous faire la guerre. »
Envoyé de nouveau à l'armée du Nord, il annonça l'investissement de Condé par le prince de Combourg, mais il fut rappelé avec son collègue Briez, le 18 avril 1793, pour avoir engagé avec ce prince une correspondance au sujet de Dumouriez telle que, d'après l'expression de Ducos, les commissaires semblaient n'attendre que le moment d'être convaincus par Cobourg. Il resta néanmoins provisoirement à son poste et y fut confirmé par la Convention sur la motion de Merlin, le 3 mai 1793. II présida à Maubeuge, devant l'ennemi, la cérémonie de l'acceptation de la Constitution, et en rendit compte à la Convention par la lettre suivante :
« Maubeuge, le 8 juillet 1793, l'an II.
Le citoyen Dubois-Dubais, représentant du peuple près les armées de la République, à la Convention nationale.
Citoyens mes collègues, le jour d'hier en fut un de la plus vive allégresse pour tous les citoyens de cette ville; l'assemblée primaire y vota à l'unanimité l'acceptation de l'acte constitutionnel; je m'empressai d'aller partager l'allégresse du peuple, et j'assistai à la proclamation qui s'en fit en cérémonie, premièrement sur la place, au pied de l'arbre de la liberté, et ensuite sur les deux bastions les plus près de l'ennemi ; il dut même entendre nos chants patriotiques et le refrain chéri de chaque hymne qui était : Vive la République une et indivisible! Le bruit du canon tiré de ces forts ajouta encore à la majesté de cette cérémonie, et si l'ennemi a pu connaître les motifs de cette allégresse si vive et si générale, il a dû pâlir d'effroi, et juger que les tombeaux seront le prix des imbéciles efforts qu'il fait pour changer cette terre de la liberté en une terre d'esclavage. Tous les citoyens militaires de la garnison et du camp se sont réunis en aussi grand nombre qu'ils ont pu au peuple; ils ont partagé son enthousiasme et sa joie, et s'ils ont eu un regret, c'est de n'avoir pu ajouter leurs suffrages à ceux de leurs concitoyens.
Depuis trois jours, mes collègues, le canon ne se fait plus entendre de Valenciennes : nous ignorons le motif qui a pu ralentir l'ardeur guerrière de nos ennemis au point d'avoir fait taire tout d'un coup les foudres dont le bruit effroyable se faisait entendre jour et nuit. Nous sommes impatients de le savoir, mais nous ne pouvons qu'en bien augurer, car nous jugeons par nous-mêmes tout ce que nous avons à espérer de l'indomptable courage de nos défenseurs, et tout ce que nos ennemis ont à en craindre par les terribles effets qu'ils en ont déjà éprouvés; peut-être ont-ils reconnu ce que j'ai prédit tant de fois, que leur perte était inévitable sous des murs défendus par d'invincibles républicains qui veulent la liberté ou la mort. Le général Custine a passé ici il y a quelques jours; il y a visité les fortifications de la ville et du camp, il a passé toutes les troupes en revue, et il a fait à chacun des corps la harangue la plus patriotique et la plus républicaine; il leur a promis de ne les faire marcher que pour les conduire à une victoire assurée. Il nous arrive tous les jours, à l'ordinaire. beaucoup de déserteurs.
Signé: DUBOIS-DUBAIS »
Il fit une réponse véhémente à la proclamation du prince de Cobourg; il terminait ainsi : « La seule conquête sur laquelle tu peux compter pour loger tes bandes de satellites, c'est le tombeau. Chaque jour tu en creuses la profondeur; chaque jour tu amoncelles les victimes qu'il doit dévorer, et à mesure que tu avances sur le territoire français, tu en approches toi-même. Frémis, et sois convaincu que telle sera la fin de tes sanguinaires et imbéciles efforts. »
Le 2 messidor an II, il demanda la mise en liberté des cultivateurs incarcérés: le 29 thermidor, il la réclama de nouveau et l'obtint à titre définitif. Le 24 brumaire, il fit rapporter la loi qui ordonnait l'érection d'une colonne infamante à Caen, en expiation du mouvement insurrectionnel qui avait eu lieu dans cette ville. Nommé secrétaire de la Convention (16 frimaire de l'an III), il défendit (23 frimaire) le girondin Henry Larivière, qui avait été mis hors la loi. Le 26 nivôse de l'an III, il fit l'éloge de Kellermann et demanda sa réintégration dans un commandement.
Envoyé en mission dans les départements de l'Orne et de la Sarthe, en ventôse an III, il lança une proclamation où il était dit : « Je viens consolider parmi vous, et rendre encore plus étendus s'il est possible, les effets bienfaisants de la mémorable journée du 9 thermidor. » Non seulement il toléra le culte, mais il voulut que les citoyens ou les communes fussent entièrement libres de suivre le culte qui leur plairait.
Rappelé le 29 prairial an III, il appuya, le 14 thermidor suivant, une motion présentée par des citoyens de la commune de Caen en faveur de Robert Lindet. Le 2e jour complémentaire de l'an III, il fit adopter un décret relatif à l'organisation de la police militaire, et, le 1er vendémiaire an IV, un projet renvoyant les Chouans devant les commissions instituées par ce décret, dont les principales dispositions étaient la faculté pour les juges dans certains cas d'atténuer la peine encourue, et la nécessité d'une majorité des deux tiers des voix pour l'application de la peine capitale. Le 25 vendémiaire an III, il proposa une disposition pénale contre les cultivateurs qui refuseraient de vendre leurs grains.
Le 22 vendémiaire an IV, il fut élu député du Calvados au Conseil des Cinq Cents par 270 voix sur 392 votants. Il demanda l'institution d'un conseil militaire pour juger les chefs des bandes royalistes et attaqua très vivement le parti clichien.
Le 23 germinal an VI, il passa au Conseil des Anciens, par 275 voix sur 390 votants. Il combattit le projet de la réorganisation de la garde nationale présenté par Pichegru. Après l'assassinat des plénipotentiaires français à Radstadt, il exprima une vive admiration pour le général Bonaparte, accusa Schérer de dilapidations à l'armée d'Italie, et donna à entendre que certains membres du Directoire étaient ses complices. Il profita du rapport de Mengaud sur l'armée d'Ilalie pour faire le procès très transparent de certains directeurs. Après une vive explication avec Rewbell, il conclut en demandant au Conseil la déclaration solennelle que l'armée d'Italie avait bien mérité de la patrie.
Il fut élu, la même année, secrétaire et président des Anciens, et prit une part active au 18 brumaire. Bonaparte l'en récompensa en lui donnant une mission dans les quatre départements non réunis de la rive gauche du Rhin.
Il entra au Sénat conservateur le 3 frimaire an VIII, fut nommé membre de la Légion d'honneur le 9 vendémiaire an XII, et commandeur de l'ordre, le 25 prairial suivant. Il avait reçu la sénatorerie de Nîmes, le 2 prairial précédent, et il fut créé comte de l'Empire le 20 juillet 1808.
En 1814, il se prêta à l'organisation du gouvernement provisoire et adhéra au rétablissement des Bourbons. Il signa, aux Cent Jours, l'Acte additionnel, sous réserve d'y introduire les changements réclamés par l'opinion publique. Compris dans la loi du 12 janvier 1816 contre les régicides, Dubois-Dubais dut s'expatrier, bien que son vote eût été compté contre la mort du roi. Il vécut près de deux ans dans les environs de Liège, chez des personnes alliées à sa famille, et fut rappelé en 1818, le gouvernement ayant reconnu que la loi d'exil ne lui était pas applicable. Il se retira dans sa terre du Bois prés de Cambremer. et y mourut à l'âge de 91 ans.
Membre de l'Athénée des Arts et de plusieurs sociétés savantes, Dubois-Dubais a publié un certain nombre d'ouvrages, parmi lesquels : Mémoire pour le comte Dubois-Dubais, sénateur titulaire de la sénatorerie de Nîmes, à S. E. le comte de Jaucourt, etc. Paris, 1814, in-4° ; - Observation justificative sur les votes conditionnels dans la malheureuse affaire du roi Louis XVI, Paris 1816: Mémoire pour le comte Dubois-Dubais à une lettre que lui a écrite M. C. D. B. sur l'explication qu'il a donnée de son vote dans la malheureuse affaire de Louis XVI. Paris, 1814; - Réponse à la pétition présentée à M. le commissaire du roi, par plusieurs habitants de Cambremer, à l'occasion de la réparation d'un chemin reconnu vicinal, Paris, 1815; - Le Retour de l'Empereur des Français et roi d'Italie, discours, 1807, in-8°.