Auguste Champetier de Ribes
1882 - 1947
Né le 30 juillet 1882 à Antony (Seine), mort le 6 mars 1947 à Paris.
Député des Basses-Pyrénées de 1924 à 1934.
Sénateur des Basses-Pyrénées de 1934 à 1944.
Sous-Secrétaire d'Etat aux Finances du 3 novembre 1929 au 21 février 1930.
Ministre des Pensions du 2 mars au 13 décembre 1930 et du 27 janvier 1931 au 3 juin 1932. Ministre des anciens combattants et pensionnés du 10 avril 1938 au 13 septembre 1939. Sous-Secrétaire d'Etat aux affaires étrangères du 13 septembre 1939 aux 10 mai 1940. Délégué à l'Assemblée Consultative provisoire de 1944 à 1945.
Sénateur élu par l'AN de 1946 à 1947.
Président du Conseil de la République de décembre 1946 à mars 1947.
La famille Champetier de Ribes est originaire d'Uzès où elle resta fixée jusqu'au début du XIXe siècle. Mais Auguste Champetier de Ribes tient son ascendance béarnaise de son arrière-grand-père qui, nommé inspecteur des Domaines en 1816 dans les Basses-Pyrénées, y épousa en 1817 la petite fille de Michel de Lesseps dont la propriété de Laa Mondrans, près d'Orthez devint le nouveau berceau de la famille.
Son grand-père était avocat à la Cour d'appel de Paris et membre du conseil de l'Ordre.
Son père était notaire à Paris.
Après avoir fait ses études primaires et secondaires au collège Stanislas, Auguste Champetier de Ribes passe son baccalauréat en 1900 et est reçu en 1903 licencié ès lettres et en droit de l'Université de Paris.
En 1905 et 1906 il fait sa cléricature dans une étude notariale puis s'inscrit au barreau de Paris le 12 mars 1907. Il devient premier secrétaire de la Conférence du stage le 9 juillet 1908, et à ce titre, prononce le 27 novembre 1909, l'éloge du bâtonnier Pouillet. Pendant seize années, de 1908 à 1924, il sera le collaborateur du bâtonnier Albert Salle.
Ayant fait son service militaire en 1903, au 28e régiment d'infanterie, comme soldat de 2e classe, et mis en disponibilité le 18 septembre 1904, il est nommé sergent de réserve le 1er novembre 1906, et passe son brevet de chef de section le 13 juillet 1907. Lorsque éclate la première grande guerre mondiale, il est mobilisé, le 11 août 1914, comme sergent au 50e bataillon de chasseurs à pied, et envoyé sur le front de Lorraine. Sa brillante conduite lui vaut d'être nommé sous-lieutenant le 8 octobre suivant. Lors des combats de Reillon, il est blessé, le 17 octobre, d'une balle dans l'épaule gauche, et cité à l'ordre du jour de l'armée. Il reste sur le front de Lorraine jusqu'en juillet 1916 où il est envoyé à Verdun. Nommé lieutenant le 8 octobre 1916, il est blessé à nouveau, le 24 octobre à Vaux-Chapitre par des éclats d'obus qui lui arrachent deux doigts de la main droite. Il est cité une fois de plus à l'ordre de l'armée le 5 novembre et fait Chevalier de la Légion d'honneur. Le 10 mars 1917, il passe une visite médicale pour quitter l'hôpital. La Commission veut le réformer, mais il n'accepte pas cette décision, et se fait désigner le 10 juillet comme instructeur des élèves aspirants, à Issoudun. Il est nommé capitaine le 3 octobre 1918, et démobilisé le 26 février 1919. Le 12 août il devient titulaire d'une pension de guerre, et son invalidité est fixée à 60 %. Enfin, le 18 février 1922, il devient capitaine d'infanterie honoraire au 10e bataillon de chasseurs à pied. Un de ses frères et trois de ses cousins sont morts pour la France au cours de cette guerre.
Son initiation à la politique, remonte à l'année 1907, lorsqu'il devient l'ami et le disciple d'Albert de Mun. Chrétien social dès cette époque, il restera, sa vie durant, fidèle aux principes affirmés par celui qui fut un des maîtres de sa pensée.
Quand Marc Sangnier crée Le Sillon, il n'y adhère pas, mais sympathique à ses idées, il suit de près son évolution.
En 1908, il est parmi les promoteurs du Secrétariat Social de Paris et il apporte son appui au mouvement syndical chrétien en participant notamment à des cercles d'études et en s'intéressant aux Oeuvres de Midi qui réunissent les ouvrières pendant l'heure de liberté dont elles disposent à midi.
La guerre et la part qu'il y prend n'entravent pas son action. Durant sa convalescence, en juin 1917, il donne des conférences au syndicat de la rue de l'Abbaye pour propager la doctrine des chrétiens sociaux qu'il oppose aussi bien à l'individualisme libéral qu'au syndicalisme révolutionnaire, et encourage les salariés chrétiens à donner leur adhésion au mouvement pour élargir son efficacité et permettre une meilleure défense de leurs droits.
Au cours d'une conférence donnée ultérieurement il précise encore sa pensée en soutenant qu'il est possible d'aboutir à la paix sociale à la condition que les rapports entre employeurs et salariés soient basés sur la justice, le problème social étant à ses yeux un problème moral.
Réaliser cette justice sur le plan pratique, c'est d'abord organiser les syndicats de salariés et de patrons, et, par la conciliation, aboutir dans l'intérêt des uns et des autres, aux contrats collectifs de travail.
Ses contacts journaliers, durant quatre années, avec des hommes d'opinions, de milieu et d'origine différents, l'amènent à conclure au lendemain de la guerre, à la possibilité de l'union des Français, seule voie devant permettre au pays de sauvegarder son avenir.
Ainsi préparé à une action plus vaste, désireux de répandre sa doctrine, et de tenter de la faire aboutir sur un plan pratique, il se présente dans le département des Basses-Pyrénées aux élections générales législatives du 16 novembre 1919, qui ont lieu au scrutin de liste, mais subit un échec. Il renouvelle sa tentative, sans plus de succès, à une élection partielle qui se déroule les 1er et 15 mai 1921, dans le même département. Enfin, aux élections générales du 11 mai 1924, il prend la tête de la liste d'Union nationale républicaine. Il est élu avec trois de ses colistiers. Il recueille personnellement 39.842 voix sur 93.475 votants. Il ne cessera plus dès lors d'être réélu. Aux élections générales du 22 avril 1928 qui marquent le retour au scrutin d'arrondissement, il emporte le siège de député de la première circonscription de Pau, sous l'étiquette de « Démocrate populaire », au 1er tour de scrutin, par 9.752 voix contre 2.932 à M. Poitrenaud, sur 14.571 votants, et à celles du 1er mai 1932, par 8.390 voix contre 5.893 à M. Labes, sur 16.384 votants, toujours au premier tour de scrutin.
Mais, l'assassinat de Louis Barthou par un terroriste Croate, à Marseille, le 9 octobre 1934, laisse un siège vacant à la Haute Assemblée. Il y est élu à l'élection partielle du 9 décembre 1934 comme sénateur des Basses-Pyrénées, au deuxième tour de scrutin, par 593 voix, contre 396 à M Hirigoyen, sur 1.016 votants, et le 29 janvier 1935, se démet de son mandat de député. Il retrouve ce même siège aux élections sénatoriales du 20 octobre 1935 (renouvellement du 14 janvier 1936), au premier tour de scrutin, par 630 voix sur 1.027 votants, Léon Bérard ayant pris la tête de la liste.
Son action politique est la suite logique de son œuvre sociale, la conséquence de sa lutte pour une réconciliation nationale basée sur l'application de réformes concrètes.
A la Chambre, il est membre de la Commission des finances de 1924 à 1932, de la Commission de l'armée de 1932 à 1934, et de celle de la législation civile et criminelle au début de 1935.
Au Sénat, il siège à la Commission de l'air jusqu'en 1936 et entre à la Commission des finances à la fin de l'année 1937 pour l'examen du budget de l'exercice 1938.
Jeune député, Auguste Champetier de Ribes retrouve à la Chambre des hommes qui partagent ses idées. Ils n'ont pas constitué de groupe et se retrouvent dispersés dans diverses formations politiques, ce qui nuit à leur cohésion. Des tentatives faites en 1921 et 1922 pour fonder sur le plan national un parti politique compose de militants des premières fédérations démocrates et de propagandistes des Secrétariats sociaux et des Semaines sociales n'avaient pas abouti. Il était cependant souhaitable d'introduire dans la vie politique française une doctrine républicaine et démocratique inspirée de l'enseignement social de l'Evangile; aussi dès le 16 novembre 1924, Auguste Champetier de Ribes suivi d'une poignée de députés bretons et alsaciens-lorrains, fonde-t-il le parti Démocrate populaire.
Les idées maîtresses du P.D.P., telles qu'elles se trouvent définies dans son programme n'ont encore jamais été résumées dans celui d'aucun autre parti politique : - attachement à la République et aux libertés de conscience, d'enseignement et d'association, de la presse et de réunion. - volonté de réaliser la démocratie dans l'organisation économique et sociale par une évolution hardiment réformatrice et par la collaboration sincère des divers éléments de la production.
- éducation civique des esprits et des consciences par l'appel aux forces morales et le respect des convictions religieuses. - mise en œuvre d'une politique extérieure à la fois résolument française et nettement favorable aux méthodes de collaboration internationale.
Le P.D.P. comprendra 14 membres en 1924, 18 en 1928, 16 en 1932 et autant en 1936. Mais ce nombre approche de la trentaine lorsque des députés non inscrits au groupe mais sympathisants, votent avec lui. Au Parlement, il se trouve placé entre une droite et une gauche souvent équivalentes en nombre, et ses suffrages décident alors de quel côté sera la majorité. En outre, ce parti rassemble dans le pays des hommes qui, par leur valeur morale, leur vie publique et privée, constituent une élite dont le rôle essentiel est de former des jeunes.
Auguste Champetier de Ribes assure la présidence du parti à partir de 1929 et y est maintenu. Il Préside le Congrès national qui réunit les militants de toutes les fédérations de France et fixe, sur le plan de la politique générale, la ligne de conduite du parti. Le parti est pauvre, modeste par le nombre, mais il est libre et doit le rester. Son président est là pour maintenir l'intégrité de la doctrine et doit aviser puisque celle-ci ne se traduit pas toujours, dans la pratique, par une unité d'action.
Au Parlement, Auguste Champetier de Ribes lutte pour réaliser l'union des partis républicains. Ses options politiques sont déterminées par sa doctrine qui reste constante. Il soutient les Gouvernements sur lesquels ne pèse pas la tutelle des partis extrémistes. Il adopte à la Chambre puis au Sénat, une position intermédiaire qu'il infléchit suivant la composition du Parlement puisque aussi bien celui-ci se modifie à chaque législature. Ces changements de majorité : cartel des gauches, front populaire ou droite, l'amènent à apporter son appui ou son concours aux Gouvernements dont les programmes correspondent à celui du P.D.P. en dépit d'attaques incessantes provenant des deux extrêmes. Son attachement aux valeurs spirituelles et morales, sa condamnation de la lutte des classes, le rendent suspect à gauche; son appel à la justice sociale contre le matérialisme libéral et le maintien des privilèges qui s'y attachent le rendent suspect à droite. Mais il attribue ces reproches à des « malentendus qui ne sont que superficiels » et qui ne s'opposent pas à l'union des Français lorsque le pays traverse des heures graves. L'étiquette politique ne représente pas, à ses yeux, le critère des valeurs humaines. Il lui en sera rendu témoignage.
Le 19 juin 1926, durant une crise ministérielle provenant de difficultés financières, Edouard Herriot, chargé de la dénouer fait appel à lui pour qu'il participe, avec deux autres modérés, au Ministère qu'il tente de constituer. Il décline cette offre, et le projet échoue.
Le 23 juillet suivant, le Ministère d'Union nationale, présidé par Raymond Poincaré, est formé : cette expérience réussit à sauver le franc. Un nouveau Cabinet Poincaré lui succède le 11 novembre 1928. Auguste Champetier de Ribes leur apporte fidèlement ses suffrages. , Enfin, lorsque André Tardieu accède à la Présidence du Conseil, le 3 novembre 1929, il confie à Champetier de Ribes le portefeuille de Sous-Secrétaire d'Etat aux finances. Il deviendra Ministre des pensions dans le deuxième Cabinet Tardieu du 2 mars 1930 et occupera ces mêmes fonctions dans les 1er, 2e et 3e Cabinets Pierre Laval des 27 janvier 1931, 13 juin 1931 et 14 janvier 1932. Il deviendra Ministre des pensions et des régions libérées dans le troisième Cabinet André Tardieu du 20 février 1932.
Après la victoire du cartel des gauches aux élections générales de 1932, il vote avec les radicaux, contre les extrémistes de droite et de gauche.
Il refuse sa voix au premier Ministère Daladier le 3 février 1933 en raison du désir exprimé par celui-ci de ne gouverner qu'avec la majorité issue des dernières élections, mais il le soutient par la suite à diverses reprises.
Il apporte son appui et celui de son groupe au premier Cabinet Albert Sarraut du 26 octobre 1933 parce qu'il essaie une concentration.
Le 6 février 1934, il est partisan de résister à l'émeute. Il apporte ses suffrages au Ministère d'Union nationale de Gaston Doumergue du 9 février, ainsi qu'au Cabinet Pierre-Etienne Flandin qui lui succède le 8 novembre de la même année.
Elu sénateur, il soutient le quatrième Cabinet Pierre Laval, du 7 juin 1935.
Lorsque Albert Sarraut lui demande de participer à son Gouvernement du 24 janvier 1936, en qualité de Ministre de la Justice, il est rapporteur, à la Chambre, de la réforme judiciaire et à demandé en cette qualité l'incompatibilité de la profession d'avocat avec la fonction de Garde des Sceaux. Il veut continuer de plaider et ne consent pas à donner un démenti à la position qu'il a adoptée. Il décline l'offre qui lui est faite.
Après la victoire du front populaire de 1936, et devant l'aggravation de la situation intérieure et extérieure, il en vient à soutenir la politique du Gouvernement Léon Blum, le 7 mars 1937. S'il n'est pas partisan du « front populaire », il ne l'est pas non plus, du « front de la liberté » qui se constitue en juin 1937. Tous ces fronts ne sont bons, à ses yeux, qu'à maintenir l'atmosphère de guerre civile et à provoquer des conflits où sombreraient toutes les libertés.
Le 10 mars 1938, le Ministère Camille Chautemps démissionne. Le lendemain, Hitler adresse un ultimatum à l'Autriche. Le surlendemain, Léon Blum tente de constituer un Gouvernement d'Union nationale ; le groupe démocrate populaire s'en déclare partisan, mais la minorité ne le suit pas et le Ministère se forme avec le seul appui des partis de la majorité.
Le 30 mars, accompagné de Maurice Petsche et du chanoine Jean Desgranges, Auguste Champetier de Ribes exhorte Léon Blum à réaliser l'Union nationale, mais les partis de droite s'y opposent. Le 9 avril il lance un appel à la nation par la voix des ondes : « L'Union des Français, proclame-t-il, peut seule encore sauver la paix ! »
En politique intérieure, c'est évidemment la question sociale qui est, pour lui, primordiale. Il expose ses conceptions en 1928, lorsqu'il interpelle le Gouvernement sur sa politique financière et déclare qu'une véritable association des éléments de la production comporte une participation des organisations ouvrières à la gestion des entreprises, car, dit-il, ...« Jamais nous n'avons pensé que le salariat fut la forme définitive et intangible des rapports entre le capital et le travail... ». Cette même année, il définit ce que devraient être les rapports de l'économique et du politique et estime que, dans l'organisation de l'Etat moderne, les intérêts particuliers devraient avoir le droit de se faire entendre, mais au grand jour... « Il faut les mettre à leur place, les sortir de l'ombre où leur influence est dangereuse dans la mesure où elle reste occulte. » Le 20 février 1934, il interpelle le Gouvernement sur le budget du Ministère des Finances, démontre que les crédits destinés au paiement des pensions doivent être diminués de 346 millions de francs, en imputant cette erreur au désordre qui règne dans la comptabilité publique dont il réclame la réorganisation. Un décret du 8 juillet réalise cette réforme et lui donne satisfaction. En 1934 et 1935 il approuve le projet de loi tendant à dissoudre les associations qui s'organisent en groupes de combat. En 1936, il défend la liberté d'association professionnelle dans la discussion relative aux conflits collectifs du travail.
Il voit dans la question religieuse la cause principale de la division des Français et pense que certains aménagements sur le plan de la politique extérieure joueraient un rôle d'apaisement. Dans ce but, il élabore, étant Sous-Secrétaire d'Etat aux affaires étrangères, un projet de convention entre le Gouvernement français et le Vatican, ayant pour objet de suspendre l'application du titre III de la loi du 1" juillet 1901 et la loi du 7 juillet 1904 sur les congrégations, d'assurer à l'école le respect de la liberté des croyances et de permettre la remise aux associations diocésaines des biens ayant appartenu aux anciens établissements du culte qui n'ont fait l'objet d'aucune attribution. Après avis des chefs des différents partis politiques, et après plusieurs remaniements de son projet, il le présente au Conseil des Ministres le 24 avril 1940. Il est autorisé, après quelques réserves, à entreprendre des pourparlers avec le Vatican qui seront interrompus par son départ du quai d'Orsay.
Partisan d'une puissance militaire chargée de préserver la paix en assurant notre sécurité, il vote régulièrement les crédits demandés pour l'armée. En politique extérieure, il s'associe à la croisade d'Aristide Briand dont la vie, dit-il, est « vouée tout entière à la poursuite d'un grand idéal, l'union des Français et la paix du monde. » Il restera toujours fidèle à cette politique et approuvera ses conceptions de l'organisation de la paix par la sécurité collective.
Convaincu de la nécessité d'un rapprochement franco-allemand, il assiste en qualité de délégué du Gouvernement, aux côtés du Chancelier Bruning, démocrate et chrétien, à une messe célébrée en faveur de la paix, à l'église Notre-Dame des Victoires, le 19 juillet 1931, à Paris. Des contacts sont établis entre démocrates français et allemands, mais l'avènement d'Hitler les interrompt et ruine tout espoir de réconciliation. Devant les exigences insatiables du Chancelier du Reich, il préconise une politique de fermeté, seule capable, selon lui, de sauvegarder la paix. Il est atterré par les concessions accordées à l'Allemagne à Munich, qui aboutissent six mois plus tard, à l'occupation de la Tchécoslovaquie.
La guerre civile espagnole ne le laisse pas indifférent : s'il est partisan de la non-intervention, il vient en aide aux réfugiés basques. Il est un des fondateurs de la ligue internationale des amis des basques, et obtient, en 1940 les moyens de transport nécessaires au départ du Président du Gouvernement de l'Euzkadie, M. Aguirre, bloqué par l'avance allemande, qui risque d'être pris et livré à Franco.
Son passage au Ministère des pensions est marqué par d'importantes réalisations, telles que le vote, le 16 avril 1930, de la loi instituant la retraite du combattant, l'augmentation de l'allocation des grands invalides de guerre, la création d'un fonds spécial leur facilitant le bénéfice de la loi Loucheur, et le rajustement du taux de base des pensions des veuves de guerre.
Le 20 février 1931, il obtient du Parlement un crédit de 50 millions de francs destiné à ensevelir les corps des milliers de combattants tombés à Verdun, et restés sans sépulture.
Lorsqu'éclate la deuxième guerre mondiale, il devient Sous-Secrétaire d'Etat aux affaires étrangères le 13 septembre 1939. Il s'efforce, à ce titre, de limiter l'action de ceux qui, au sein même du Cabinet, sont partisans de traiter avec l'Allemagne. Lorsque l'U.R.S.S. attaque la Finlande, il fait condamner cette agression par la Société des nations. Le 10 mai 1940, il apprend, que, contrairement aux décisions qui avaient été prises, l'armée française est entrée en Belgique. Ce même jour, le Président Paul Reynaud décide la suppression des Sous-secrétariats d'Etat et A u g u s t e Champetier de Ribes quitte les affaires étrangères.
Le 2 juin, il apprend la mort de son fils Bernard, tombé en Belgique le 14 mai.
Le 10 juillet 1940, il assiste à l'Assemblée Nationale de Vichy. Tenant à rester fidèle à la signature donnée par le Chef d'un Gouvernement dont il fut membre, à la convention suivant laquelle les alliés ne devaient négocier ni conclure d'armistice ou de traité de paix, à moins d'un commun accord, il vote contre les pleins pouvoirs demandés par le maréchal Pétain. Il retourne alors dans le Béarn où il devient président départemental clandestin du mouvement de Résistance « Combat » dans les Basses-Pyrénées. Il y consacre toute son activité. Le 2 décembre 1942 il est arrêté et conduit à Evaux-les-Bains où il fera dix-huit mois d'internement. Il est libéré au 555e jour de sa captivité et regagne clandestinement son Béarn en traversant le Massif Central ou combattent encore le maquis et les troupes allemandes. Nommé vice-président du Comité départemental de libération des Basses-Pyrénées, il est appelé le 15 septembre 1944 à Paris par le général de Gaulle qui lui offre le poste d'Ambassadeur de France à Washington. Il décline cette offre, estimant pouvoir rendre plus de services au Gouvernement provisoire en le secondant à l'intérieur dans son œuvre de reconstruction.
Il est nommé délégué à l'Assemblée Consultative provisoire qui valide sa désignation le 8 novembre 1944.
Mais son souci dominant, au moment où il est question d'établir une nouvelle Constitution, est de tenter d'unir les trois branches de la « famille démocrate ». A côté du parti démocrate populaire, existent deux tendances : socialiste avec la « Jeune République», issue du « Sillon », et le mouvement républicain populaire, de tendance plus modérée.
Auguste Champetier de Ribes convoque les membres de la Commission exécutive du P.D.P. le 29 octobre 1944, et leur propose une nouvelle formation politique destinée à réunir les trois tendances. Le Conseil national approuve cette orientation le 25 novembre, et les pourparlers se poursuivent. Cependant, le M.R.P. recrute des cadres du P.D.P. pour former son armature politique. La « Jeune République » décline l'offre de participer à une formation commune avec le M.R.P.
Plusieurs mois après, les dirigeants du M.R.P. demandent à Auguste Champetier de Ribes d'accepter la présidence de leur formation. Il estime difficile de prendre la direction d'un mouvement qui ne suivra pas absolument la politique qu'il préconise, et il donne une réponse négative.
Le 17 janvier 1946, le général de Gaulle le nomme délégué du Gouvernement provisoire près le tribunal militaire international de Nuremberg. Il est chargé de présenter l'accusation de la France, de la Hollande, de la Belgique et du Luxembourg dont les Gouvernements ont envoyé des missions qui travaillent en liaison avec la délégation française. Il y a quatre chefs d'accusation : complot, crimes contre la paix, crimes de guerre, crimes contre l'humanité. Le 29 juillet 1946 il demande au tribunal de déclarer tous les accusés coupables. « Hitler pouvait sans doute disposer de leur corps, déclare-t-il, mais non de leur volonté. En lui désobéissant, ils auraient peut-être perdu la vie, mais ils auraient, du moins, conservé leur honneur. La lâcheté n'a jamais été une excuse, ni même une circonstance atténuante... ». Le 30 août suivant, il requiert contre les organisations criminelles, et, après avoir démontré leur culpabilité, réclame le châtiment des responsables... « car si nous croyons nécessaire que les coupables soient punis, nous pensons qu'il est non moins salutaire de rappeler solennelle ment aux puissants d'aujourd'hui et de demain les impératifs d'une morale sans laquelle ni l'ordre ni la paix ne peuvent régner dans l'univers... »
Cependant il montre que le caractère criminel de ces organisations ne doit pas conduire à en condamner indistinctement tous les membres, les peines devant être proportionnées à la gravité des infractions relevées... « et si le tribunal le pense aussi, rien dans le Statut, ne lui interdit de le dire sous la forme qui lui paraîtra opportune. Ainsi, messieurs, votre sentence ne sera pas, comme paraissait le craindre le docteur Steinbauer dans sa plaidoirie pour Seiss-Inquart, la conclusion d'un « procès du vainqueur contre le vaincu », elle sera la manifestation solennelle et sereine de la justice éternelle. »
Le tribunal rend sa sentence contre les inculpés le 1" octobre. Sur 21 accusés présents, 11 sont condamnés à mort, 7 à la prison à vie ou à terme, 3 sont acquittés.
Il rentre à Paris le 5 octobre singulièrement désabusé sur ce qu'on peut attendre de la justice des hommes. La sentence est exécutée le 16 octobre.
Cependant, le Conseil de la République, prévu par la Constitution de 1946, est élu le 8 décembre. L'Assemblée Nationale, en application de l'article 20 de la loi du 27 octobre 1946, doit élire certains de ses membres. Le nom d'Auguste Champetier de Ribes est aussitôt mis en avant, et il accède ainsi au Palais du Luxembourg. Quelques jours plus tard, le 27 décembre, ses collègues l'élèvent à la présidence de leur Assemblée et le réélisent à ce poste le 14 janvier 1947. Le surlendemain, se réunit à Versailles le Congrès qui doit désigner le premier Président de la IVe République. Auguste Champetier de Ribes, sollicité par ses amis, pose sa candidature. Mais M. Vincent Auriol, Président de l'Assemblée Nationale l'emporte sur lui, au premier tour de scrutin, par 452 voix, contre 242. Il ne peut reprendre son fauteuil au Conseil de la République, car il est atteint d'un mal implacable. Il meurt, lucidement et en chrétien le 6 mars 1947, après deux mois de souffrances. Pendant son agonie, il répète : « Il n'y a pas de chefs, il faut des chefs ». Ce furent ses dernières paroles.
A la séance du même jour, M. Henri Martel, vice-président du Conseil de la République, annonce la triste nouvelle à ses collègues et prononce l'éloge du défunt. M. Ramadier, Président du Conseil, s'associe, au nom du Gouvernement, à cet hommage, et la séance est levée en signe de deuil.
Quelques instants plus tard, l'Assemblée Nationale est saisie d'un projet de loi tendant à accorder des funérailles nationales à Auguste Champetier de Ribes. A cette occasion, le Président Edouard Herriot fait à son tour l'éloge du défunt, et le Ministre des Finances, M. Robert Schuman, ancien Président du Conseil, s'associe à ses paroles. Les obsèques nationales ont lieu le 10 mars, à Notre-Dame de Paris, et l'émotion est à son comble lorsque M. Henri Martel, M. Edouard Herriot et M. Pierre-Henri Teitgen prononcent leur dernier adieu et présentent leurs condoléances à la famille.
« Il aura été un moment de la conscience française, dit le Président Edouard Herriot. Pour cette raison, ceux qui, avec des opinions ou des convictions peut-être différentes, croient, eux aussi, que la grande loi de la vie publique est de rapprocher de plus en plus la politique de la morale, ceux qui croient aux droits inaltérables de la conscience individuelle et de la personne humaine, s'inclinent devant ce cercueil avec une sincérité profonde. »
Né le 30 juillet 1882 à Antony (Seine)
Décédé le 6 mars 1947 à Paris
Député des Basses-Pyrénées de 1924 à 1934
Sénateur des Basses-Pyrénées de 1934 à 1944
Sous-Secrétaire d'Etat aux Finances du 3 novembre 1929 au 21 février 1930
Ministre des Pensions du 2 mars au 13 décembre 1930 et du 27 janvier 1931 au 3 juin 1932
Ministre des anciens combattants et pensionnés du 10 avril 1938 au 13 septembre 1939
Sous-Secrétaire d'Etat aux affaires étrangères du 13 septembre 1939 au 10 mai 1940
Conseiller de la République des Basses-Pyrénées de 1946 à 1947
Président du Conseil de la République de décembre 1946 à mars 1947
(Voir première partie de la biographie dans le dictionnaire des parlementaires français 1889-1940, Tome III, p. 951 à 956)
Lors de la réunion de l'Assemblée Nationale à Vichy, le 10 juillet 1940, Auguste Champetier de Ribes compte parmi les 80 parlementaires qui refusent la délégation de pouvoirs au Maréchal Pétain.
Retourné dans son département des Basses-Pyrénées, il y prend la tête du mouvement de résistance « Combat ». Arrêté en décembre 1942, il est interné, mais parvient à s'évader en 1943.
Rentré clandestinement dans le Béarn, il devient, en 1944, vice-président du comité départemental de libération, puis siège à l'Assemblée consultative provisoire.
Quelques jours avant sa démission du gouvernement provisoire, le Général de Gaulle le nomme délégué de la France au procès de Nuremberg.
Le tribunal rend, le 1er octobre 1946, une sentence plus indulgente que celle souhaitée par Auguste Champetier de Ribes, qui s'était prononcé en faveur de l'entière culpabilité des 21 accusés présents.
De retour à Paris, il renoue avec la vie parlementaire grâce à son élection au Conseil de la République parmi les conseillers élus par l'Assemblée Nationale pour y représenter le groupe du MRP.
Le 27 décembre, il est élu, au troisième tour de scrutin, Président du Conseil de la République : il recueille alors 124 voix, contre 119 à Georges Marrane, candidat communiste. Il est confirmé dans cette éminente fonction à l'ouverture de la session suivante : lors de la séance du 14 janvier 1947, il recueille au troisième tour 129 voix, à égalité avec Georges Marrane ; il est alors proclamé Président au bénéfice de l'âge.
Le surlendemain, le MRP le présente à l'élection à la Présidence de la République, mais Vincent Auriol l'emporte au premier tour, par 452 voix contre 242.
C'est là le dernier acte de sa vie publique, puisque la maladie l'emporte, le 6 mars 1947 ; des obsèques nationales lui sont faites le 10 mars, à Notre-Dame de Paris.