Noël Chapuis
1914 - 1990
CHAPUIS (Noël, Marie, Louis)
Né le 25 décembre 1914 à Vienne (Isère)
Décédé le 12 avril 1990 à Vienne
Député de l’Isère de 1958 à 1967
Noël Chapuis a été une figure marquante de la droite modérée dauphinoise, avant la conquête du département de l’Isère, par le socialiste et futur Président de l’Assemblée nationale, le maire de Vienne Louis Mermaz. Noël Chapuis est né le 25 décembre 1914 à Vienne précisément, dans une famille qui puise ses origines au cœur de la vallée du Rhône et du Vercors, dans les départements de l’Isère et de l’Ardèche. Après une scolarité au lycée de Tournon et à l’institution Robin à Vienne, ce dirigeant du scoutisme de 1930 à 1936 accomplit de solides études juridiques : il obtient une licence en droit et un diplôme d’études supérieures en droit privé et histoire du droit. Il devient alors avocat au barreau de sa ville natale, et sera par la suite bâtonnier. Le second conflit mondial le mobilise dès 1939 et, combattant courageux comme sous-lieutenant d’infanterie alpine, résistant exemplaire, il est titulaire de la croix de guerre 1939-1945. Il est membre du Comité de Libération de Vienne, en 1944.
Au cours du conflit, le 5 janvier 1942, il épouse Simone Tissandier, union de laquelle naissent six enfants. Au décès accidentel de sa fille aînée et de son gendre, en 1966, il recueille, dans son foyer, son petit-fils alors âgé de 2 ans.
Noël Chapuis se lance alors en politique. Bien que ne détenant pas de mandat local, il s’engage dans sa première campagne électorale, lors du premier scrutin législatif de la Vème République, les 23 et 30 novembre 1958. Secondé par son homonyme Maurice Chapuis, docteur en médecine et conseiller général de la Vienne, Noël Chapuis se présente dans la cinquième circonscription de l’Isère où sont ses origines. Cette partie du territoire départemental regroupe les cantons d’Heyrieux, de Meyzieu, de Saint-Symphorien-d’Ozon, de Vienne-Nord, et de Vienne-Sud, cantons auxquels il faut retirer les communes rurales.
Se déclarant indépendant de tout parti et partisan du général de Gaulle, il est en fait soutenu par la presque totalité de la classe politique iséroise, à l’exception des socialistes et des communistes ; le Centre national des indépendants et paysans (CNIP), le Mouvement républicain populaire (MRP) et de nombreux radicaux-socialistes – l’aile droite des valoisiens – lui apportent un soutien tacite, traduit par l’absence de candidats contre lui. Il fonde sa candidature sur sa virginité politique et sur sa défense du non-cumul des mandats, raison pour laquelle il ne concourt à aucune fonction locale. Il se fixe pour objectif de servir son département au Parlement, et dans une « France républicaine, neuve, loin de toutes les dictatures, de droite comme de gauche ». Membre de l’association de familles de Vienne, il n’exerce de fonctions locales que dans le cadre de la présidence de l’office H.L.M. de Vienne et, à ce titre, est vice-président de l’office départemental de l’Isère.
Au premier tour de scrutin, il est très largement en tête des cinq candidats en lice, avec 16 000 suffrages, alors que 36 906 électeurs ont exprimé leur vote. Son principal adversaire, le maire de Vienne et président du Conseil général le socialiste Lucien Hussel, est très en retard, avec seulement 9 289 voix. La semaine suivante, Noël Chapuis est élu député avec 22 597 des 37 271 suffrages exprimés. Lucien Hussel obtient moins de voix encore qu’au premier tour, en raison du maintien du candidat communiste, Maurice Maron. Le succès de Noël Chapuis est même un triomphe, d’autant plus que dans la 5ème circonscription de l’Isère, le député sortant ne s’est pas représenté.
A son arrivée à l’Assemblée nationale, Noël Chapuis appartient à la formation administrative des non-inscrits, puis la quitte, le 27 juillet 1959, pour rejoindre le groupe de l’Entente démocratique. Il est membre de la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales, et y siège durant toute la législature. Il appartient également à la commission spéciale chargée d’examiner le projet relatif à la promotion sociale, à compter du 26 mai 1959. Au cours de son mandat, il ne dépose aucune proposition de loi, mais intervient en séance publique à deux reprises. Le 23 juin 1961, il pose une question orale avec débat sur le thème de l’industrie textile cardée. Il rappelle la concurrence que ce secteur d’activités rencontre au sein du Marché commun, insistant sur l’importance de la commercialisation de ce type de tissu fabriqué dans la région de Vienne. Le 23 mai 1962, il intervient dans la discussion du projet de loi portant approbation du IVème Plan, en qualité de rapporteur pour avis. Il regrette l’insuffisance des perspectives de construction de logements, notamment la faiblesse de la part impartie aux logements ruraux. Dans le même temps, il n’oublie pas les problèmes que pose l’équipement urbain, et termine son exhortation en insistant sur le retard de la France en matière d’équipement hospitalier. Dans un domaine plus général, il traite du problème de l’enfance délinquante, et de l’effort à accomplir en faveur des familles, ce qui le conduit à regretter, dans le Plan, « l’absence d’une politique sociale d’ensemble ».
Au cours de ce mandat, les votes de Noël Chapuis caractérisent son positionnement centriste et indépendant : un soutien critique apporté à la politique de la majorité. En effet, il approuve le programme de gouvernement de Michel Debré, le 16 janvier 1959, comme il le fait, également, de la déclaration de politique générale faite par le Premier ministre, le 15 octobre suivant. Il vote en faveur de la loi dite « Debré », sur les rapports entre l’Etat et les établissements d’enseignement privés, le 23 décembre 1959. Le 2 février 1960, il apporte son soutien au texte d’initiative gouvernementale, relatif aux pouvoirs spéciaux. En revanche, il est de ceux qui, le 11 mai 1960, rejettent le projet de loi constitutionnelle tendant à compléter les dispositions du titre XII de la Constitution qui instituèrent une communauté entre la France et ses anciennes colonies d’Afrique subsaharienne. Il refuse, dans la foulée, d’apporter son soutien au nouveau gouvernement formé par Georges Pompidou, le 27 avril 1962. Ainsi, le 4 octobre suivant, vote-t-il la motion de censure, déposée en application de l’article 49 alinea 2 de la Constitution, et entraînant la chute du gouvernement fraîchement nommé.
Noël Chapuis est candidat au renouvellement de son mandat législatif, à l’occasion du scrutin qui suit immédiatement la dissolution de l’Assemblée nationale par le général de Gaulle, à l’automne de 1962. Arrivé en tête des cinq candidats en lice dans la 5ème circonscription de l’Isère, il recueille 9 883 des 33 138 suffrages exprimés. N’étant pas parvenu à creuser un gros écart avec son principal adversaire, le docteur Cinelli, conseiller général et maire socialiste de Saint-Symphorien-d’Ozon, il est réélu, mais de justesse, la semaine suivante. Les deux candidats ne sont distants que de 506 voix. Dans sa campagne électorale, bien qu’ayant contribué à la chute du gouvernement Debré, il a défendu le bilan des premières années de la Cinquième République, en insistant notamment sur le franc, « monnaie l’une des plus fortes du monde ». Sans l’expliciter davantage, il est revenu sur la réforme constitutionnelle visant à faire élire le président de la République au suffrage universel ; il s’agit pour lui d’ « une question de droit qui n’apparaissait pas essentielle », et qui est venue « troubler gravement les consciences, en présence d’un manquement formel au texte constitutionnel ». Il a donné sa parole pour qu’au sein de la majorité qui devra sortir des élections à venir, « aboutisse une législation assurant la stabilité de l’emploi, l’alignement des allocations familiales sur le coût de la vie, et une vie décente pour les vieillards ». Il n’a pas oublié sa région, et les craintes que suscite la zone d’influence lyonnaise. Plus avant, il s’est engagé à ce que cette proximité soit un atout, sans que pour autant chacun n’oublie « la défense de ses intérêts légitimes ». Investi par les Républicains indépendants, bien que présenté comme un candidat « totalement libre, n’appartenant à aucun parti », il a reçu, à nouveau, le soutien complémentaire du Mouvement républicain populaire (MRP) et des radicaux-socialistes. Le conseiller général et maire de Vienne, Maurice Chapuis, l’a secondé à nouveau dans cette campagne, comme suppléant éventuel.
A son retour à l’Assemblée nationale, Noël Chapuis s’inscrit au groupe du Centre démocratique, plus à gauche que le regroupement parlementaire des Républicains indépendants. Il retrouve la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales, et y siège cinq années durant. A partir du 2 décembre 1966, il est membre de la commission spéciale chargée d’examiner la proposition de loi tendant à modifier le Code de la sécurité sociale, pour permettre à certains travailleurs chargés de travaux pénibles de prendre leur retraite avant 60 ans. Au cours de ces cinq nouvelles années, il prend la parole à cinq reprises en séance publique, sur des sujets variés, mais dont le caractère économique est le point commun. Ainsi, le 30 octobre 1963, il prend part à la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances (PLF) pour 1964, au chapitre du budget des travaux publics et du bâtiment. Il proteste contre le système des autoroutes payantes. Le 26 novembre suivant, il prend part au débat sur la déclaration du gouvernement relative à l’aménagement du territoire. Il regrette, à cette occasion, la constitution, autour de chaque métropole régionale, et en particulier autour de Lyon, « d’une sorte de désert ». Il expose un plan d’aménagement et d’organisation de la « petite » région lyonnaise, et souhaite voir maintenue, autour de la métropole, une ceinture verte reliant les petites cités voisines. L’année suivante, le 21 octobre 1964, il intervient dans l’hémicycle, au cours de la discussion du PLF de 1965, sur le budget des postes et télécommunications et de la Caisse nationale d’épargne. Quelques semaines après, dans les débats visant à l’approbation d’un rapport sur les principales options qui commandent la préparation du Vème Plan, il souhaite aménager une place plus grande pour les thèmes de la « famille » et des « personnes âgées ». Le 26 novembre 1964, à cet effet, il défend les prestations familiales. Enfin, le 7 octobre 1966, il consacre sa dernière intervention en séance publique au projet de loi relatif aux communautés urbaines. S’il rappelle les problèmes dauphinois de l’agglomération lyonnaise, il insiste surtout sur l’antagonisme entre Lyon et Villeurbanne. Il soulève, à cet égard, les problèmes relatifs aux compétences urbaines. Les 11 octobre et 17 novembre 1966, il défend trois amendements dans cette discussion sur le plan directeur d’urbanisme de la région lyonnaise, mais ne parvient pas à les faire adopter.
A nouveau, les votes qu’il émet caractérisent sa volonté d’émancipation et celle de son groupe d’une tutelle gaulliste, considérée comme de plus en plus pesante. Ainsi, dès le 26 juillet 1963, il vote contre l’ensemble du projet de loi relatif à certaines modalités de la grève dans les services publics. Le 20 décembre suivant, comme la représentation nationale à sa presque unanimité, il approuve le projet de loi constitutionnelle portant modification des dispositions de l’article 28 de la Constitution. Le 21 mai 1964, il vote contre le projet de loi sur l’élection des conseillers municipaux. Il en fait de même, le 17 juin suivant, en deuxième lecture de ce texte d’initiative gouvernementale. Enfin, le 26 mai 1965, alors que les démocrates chrétiens du MRP votent contre la réforme du service national, Noël Chapuis se distingue des centristes historiques en s’abstenant volontairement.
Noël Chapuis est candidat pour la troisième fois aux élections législatives, dans la 5ème circonscription de l’Isère, au scrutin des 5 et 12 mars 1967. Bien qu’en tête du premier tour, avec 2 804 voix d’avance sur son concurrent principal, le socialiste Louis Mermaz, il est battu, la semaine suivante, de 5 813 bulletins. Louis Mermaz, assistant à la faculté des Lettres et des Sciences humaines de Clermont-Ferrand, investi par la Convention des institutions républicaines (CIR) de François Mitterrand et, à ce titre, soutenu par la Fédération de la gauche démocrate et socialiste (FGDS), est élu député de l’Isère en rassemblant sur son nom 28 077 des 50 341 suffrages exprimés. Il semble avoir bénéficié d’un bon report des voix du candidat communiste Maurice Maron qui, au premier tour, avait rassemblé 8 876 voix. Une partie des suffrages portés au premier tour sur Alain Vial, candidat sans étiquette, a bénéficié à Louis Mermaz la semaine suivante. Enfin, la mobilisation de l’électorat a été plus forte au deuxième tour de scrutin, avec 1 091 suffrages de plus, ce qui a contribué, aussi, à la victoire de Louis Mermaz.
Noël Chapuis, qui était secondé, pour ce scrutin, par un nouveau suppléant éventuel, le professeur de médecine Jean Courjon, maire de Meyzieu, retrouve alors ses activités d’avocat. Mais l’année d’après, alors que les événements de mai 1968 conduisent à la dissolution de l’Assemblée nationale, il accepte, non de se représenter, mais de suppléer le journaliste David Rousset, soutenu par les gaullistes de l’Union pour la défense de la République (UDR), dans la même circonscription de l’Isère. Au second tour, en tête de quatre-vingts voix seulement sur Louis Mermaz, les deux hommes sont élus. Ainsi, Noël Chapuis, député suppléant, limite désormais son action aux activités de la circonscription. En 1971, David Rousset choisit son indépendance en quittant le groupe gaulliste de l’Union des démocrates pour la République et en rejoignant les non-inscrits. Noël Chapuis n’est pas candidat aux élections législatives du mois de mars 1973. Il abandonne progressivement la vie politique.
Après quarante-deux années consacrées à ses fonctions d’avocat, puis de bâtonnier au barreau de Vienne, Noël Chapuis prend sa retraite. Il disparaît le 12 avril 1990, à l’âge de 75 ans, dans la ville dont il avait été l’élu à l’Assemblée nationale.