Jacques, Georges, Louis Chastellain
1885 - 1965
Né le 7 juin 1885 à Rouen (Seine-inférieure)
Décédé le 30 novembre 1965 à Mont-Saint-Aignan (Seine-maritime)
Membre de la première et de la seconde Assemblée nationale Constituante (Seine-inférieure)
Député de la Seine-inférieure de 1946 à 1955
Sous-secrétaire d'Etat à la Marine marchande du 29 octobre 1949 au 7 février 1950
Ministre des Travaux publics, des transports et du tourisme du 7 février au 2 juillet 1950 et du 28 juin 1953 au 19 juin 1954
Jacques Chastellain, fils d'un magistrat, effectua ses études secondaires à l'institut Join-Lambert de Rouen. Il est mobilisé dès le 2 août 1914 au 319e régiment d'infanterie. Au terme de quatre années de front où il a été blessé, cité et décoré de la Croix de guerre et de la Légion d'honneur, il est affecté auprès de l'armée américaine comme conseiller technique du général commandant la 176e brigade. A son retour, Jacques Chastellain reprend ses études supérieures qu'il pousse jusqu'à la licence ès-sciences à la Faculté de Paris. Il s'oriente alors vers l'armement naval comme associé gérant, à partir de 1924, de la société J. Chastellain et compagnie qui poursuit les activités de l'une des plus vieilles maisons d'armement de la capitale normande. A ce titre également, Jacques Chastellain dirige la Compagnie des transports maritimes et fluviaux, la Compagnie maritime normande et la Compagnie des affréteurs français. De son union, en 1925, avec Françoise Pourpoint naissent quatre enfants.
Mais, fin août 1939, le futur député de Rouen est de nouveau mobilisé. Il sert à l'Etat-major de la 3e région militaire jusqu'en septembre 1940. Ses occupations professionnelles, à son retour dans la vie civile, ne l'empêchent pas de participer à la Résistance au sein de l'Organisation de la résistance de l'armée, ce qui lui vaut, à la Libération, la Médaille du combattant, la Croix du combattant volontaire de la Résistance et la Croix de guerre 1939-1945.
Dès avant la guerre, Jacques Chastellain était entré dans la vie publique comme conseiller d'arrondissement à partir de 1934. A la Libération, il est élu maire de Rouen (fonction qu'il occupe jusqu'en 1958), conseiller général du 2e canton de la Seine-inférieure (pendant la même période). Il sera également vice-président du Conseil général de 1949 à 1952 et président de 1952 à 1958. Cette forte position locale lui permet de figurer à la tête d'une liste d'entente républicaine lors des élections à la première Constituante. Cette liste arrive en seconde position, avec 39 802 suffrages, derrière la liste communiste. Aussi Jacques Chastellain fait-il partie des trois candidats élus en fonction du quotient électoral. Dans cette première assemblée, Jacques Chastellain appartient à la Commission de la reconstruction et des dommages de guerre, si importante pour une ville sinistrée comme Rouen. Sa principale intervention concerne la discussion du projet de loi relatif au monopole et à la nationalisation du gaz et de l'électricité. Jacques Chastellain le désapprouve au nom du groupe des Républicains indépendants en fonction de considérations financières. Il vote contre le projet de Constitution (19 avril 1946).
De nouveau chef de file de la liste d'entente républicaine lors des élections à la deuxième Constituante qui régresse cette fois à la troisième place derrière les communistes et le M.R.P., il est seul élu de sa liste avec 36 847 voix. Il siège à la Commission de la presse et à celle de la reconstruction. C'est ce dernier problème qui motive ses interventions orales. Selon lui, le projet de loi devrait respecter le principe de « l'égalité et de la solidarité de tous les Français pour assurer aux victimes de la guerre la réparation intégrale des dommages qu'elles ont subis ». Il profite aussi de l'occasion pour réclamer au ministre de la reconstruction l'adoption rapide d'un plan d'urbanisme pour la ville sinistrée qu'il dirige. Il vote contre le projet de Constitution (28 septembre 1946).
Lors des premières élections législatives de la IVe République, Jacques Chastellain dirige de nouveau une liste d'entente républicaine qui occupe encore une fois la troisième position avec 34 904 voix et dont il est le seul élu face à deux communistes, un socialiste, un M.R.P. et un radical. Au cours de la législature, le maire de Rouen appartient aux Commissions de la presse, de la reconstruction, du suffrage universel (en 1947), et des affaires étrangères (à partir de 1951). Ses travaux parlementaires écrits sont très liés à sa profession originelle puis à ses fonctions ministérielles. A ce dernier titre, il dépose une série de projets de loi concernant les ports, les transports aériens, maritimes et ferroviaires.
Cependant il n'avait pas attendu de participer au gouvernement pour intervenir dans les débats importants de la législature. On peut citer par exemple la discussion du projet de loi relatif au Conseil supérieur de la magistrature, la discussion d'interpellations relatives au ravitaillement (1er février 1947), où il critique les expédients du gouvernement et souligne les difficultés d'approvisionnement en viande dans les deux grandes agglomérations de son département, Le Havre et Rouen. Son intervention la plus longue concerne le projet portant organisation de la marine marchande (séances des 19 février 1948 et jours suivants). Il réfute, fort de son expérience personnelle, les critiques adressées à l'attitude de l'armement français entre 1919 et 1939. Jacques Chastellain explique notamment les difficultés des armateurs par les charges supérieures auxquelles ceux-ci durent faire face par rapport aux armements étrangers. Après une énumération des défauts du projet gouvernemental, il conclut par un acte de foi dans l'avenir de la marine marchande française. Son appartenance au deuxième cabinet Bidault, comme sous-secrétaire d'Etat à la Marine marchande puis ministre des Transports, lui donne la possibilité d'appliquer ses idées dans ce domaine. Lors de la deuxième séance du 8 juin 1950, il défend le budget de son ministère en soulignant les grands progrès réalisés depuis la Libération dans le domaine de la reconstruction de la flotte marchande. Mais il insiste également sur la nécessité de poursuivre l'effort d'investissement pour assurer la modernisation des transports français. Aux élections du 17 juin 1951, le maire de Rouen dirige une liste des républicains indépendants apparentée aux listes socialiste, radicale et M.R.P., ce qui permet aux partis de la troisième force de remporter tous les sièges. 35 016 voix s'étaient portées sur le nom du premier magistrat de la capitale normande.
Dans la nouvelle assemblée, Jacques Chastellain appartient à la Commission des affaires étrangères, à celle de la comptabilité et, à partir de janvier 1955, à celle de la marine marchande et des pêches. Elu au sein de la majorité de troisième force, il s'attache tout au long de la législature à défendre les présidents du Conseil qui s'en réclament. Ainsi, le 20 novembre 1951, au cours de la discussion des interpellations sur la politique économique et financière du gouvernement Pleven, il se prononce, au nom des Républicains indépendants, contre le risque d'une crise ministérielle. Il relève que les déclarations du gouvernement lui ont paru un peu timides et souhaite un programme résolu d'économies pour rassurer l'épargne et alléger la dette publique. Après la chute du gouvernement Pleven et lors du débat d'investiture d'Edgar Faure, Jacques Chastellain met en cause la responsabilité des socialistes dans cette nouvelle crise. Mais surtout il rappelle l'opposition de son groupe au projet d'échelle mobile et conditionne l'investiture du président du Conseil désigné à une réponse claire à ce sujet. Après la chute de ce bref ministère dirigé par Edgar Faure, il soutient avec ses amis l'expérience Pinay, puis après la chute de ce dernier annonce au nom des Républicains indépendants qu'il soutiendra le ministère René Mayer dont il souligne la continuité avec le précédent. Le 24 mars 1953, il marque cependant une première réserve et plaide pour une lutte vigoureuse contre l'inflation. Le 21 mai, il vote avec ses amis la confiance au cabinet Mayer mais celui-ci n'obtient pas la majorité. Le 27 mai Jacques Chastellain appuie la tentative de formation d'un cabinet Reynaud. En revanche, le 3 juin 1953, lors du débat d'investiture de Pierre Mendès-France, il exprime les nombreuses réserves que suscite la politique étrangère de celui-ci dans les rangs de son parti. La crise est finalement dénouée avec l'investiture de Joseph Laniel que Jacques Chastellain a appelée de ses vœux. Le nouveau président du Conseil le fait figurer dans son cabinet avec le portefeuille des Travaux publics, des transports et du tourisme. A ce titre, le maire de Rouen dépose trois projets de loi, le plus important instituant une aide de l'Etat en faveur de l'armement au cabotage. Il lui revient aussi de défendre le budget de 1954 de son ministère et de répondre à diverses questions ou interpellations.
Démissionnaire après la mise en minorité du cabinet Laniel le 12 juin 1954, sa dernière intervention importante concerne la discussion du projet de ratification des accords de Paris le 29 décembre 1954. Il déplore l'abandon de la C.E.D. après le vote du 30 août, souligne les défauts de la solution trouvée et le risque d'une collusion entre l'Allemagne et l'Union soviétique.
Après la dissolution de l'Assemblée nationale, Jacques Chastellain se présente, lors des élections du 2 janvier 1956, à la tête d'une liste composée de représentants du Centre national des indépendants paysans et d'anciens membres du R.P.F. Mais son score régresse nettement avec près de 10 000 voix de moins qu'en 1951 (9,8 %). Aussi perd-il son mandat tout comme son second de liste. Ce sera le premier pas vers son retrait de la vie publique complété par l'abandon de ses mandats locaux au cours des deux années suivantes.