Saïd Mohamed Ben Chech Abdallah Cheikh
1904 - 1970
Né en 1904 à Mitsamiouli (Grande-Comore)
Décédé le 16 mars 1970 à Soavinandriana-Tananarive (Madagascar)
Membre de la première et de la seconde Assemblée nationale Constituante (Madagascar)
Député des Comores de 1946 à 1958
Saïd Mohamed Cheikh descend du sultan Ahmed, aïeul de la famille royale de la Grande Comore où son père exerçait les fonctions de « grand homme » religieux. Il effectue ses études aux écoles de Mitsamiouli et de Moroni puis à l'école supérieure d'Anjouan. Enfin, à l'issue de sa scolarité à l'école normale Lemyre de Vilers de Tananarive, dans la section médicale, il obtient son doctorat en médecine en 1926. Il pratique alors la médecine jusqu'en 1945.
Aux élections pour la première Assemblée nationale Constituante, il est le seul candidat du collège mixte de la troisième circonscription de Madagascar, qui correspond à l'archipel des Comores. Sur 3 404 votants, il recueille 3 086 voix, soit plus de 90 % des suffrages. Il s'apparente alors au groupe de l'Union démocratique et socialiste de la Résistance (U.D.S.R.) et siège à la Commission des territoires d'outre-mer. Son activité législative est marquée par le dépôt de deux propositions : l'une tendant à inviter le gouvernement à résoudre le problème agraire aux Comores et à assurer dans l'avenir à ces îles un véritable progrès social et culturel, l'autre tendant à accorder l'autonomie administrative et financière à l'archipel des Comores. Saïd Mohamed Cheikh n'intervient qu'une fois au cours de la discussion d'une proposition de Lamine Gueye concernant le régime électoral et la compétence des assemblées locales d'outre-mer.
Pour la seconde Constituante de nouveau seul candidat, Saïd Mohamed Cheikh recueille une adhésion encore plus massive avec 3 685 suffrages sur 3 708 votants (99,3 %). Dans la nouvelle assemblée il fait partie de la Commission du travail et de la Sécurité sociale. Au cours de la discussion générale du chapitre concernant l'Union française dans la Constitution, il demande un statut évolutif qui se démarque nettement de l'ancien Empire et s'inquiète de la régression que représente le nouveau projet par rapport à l'ancien.
Aux élections législatives de novembre 1946, la quasi unanimité des votes des élections précédentes se renouvelle puisque 5 326 suffrages sur 5 564 se portent sur le nom du député sortant des Comores. Au cours de la législature, celui-ci appartient à plusieurs commissions : éducation nationale, marine marchande, famille, population et santé publique. Il fait également partie des jurés de la Haute Cour de justice. Saïd Mohamed Cheikh dépose essentiellement des propositions de résolution ou de loi ayant trait aux problèmes des Comores ou de la région environnante. Il demande notamment l'institution d'une assemblée représentative territoriale dans l'archipel des Comores et des moyens de transport suffisants pour permettre aux musulmans de l'Union française de se rendre au pélerinage de la Mecque. Dans les débats publics, il s'attache à des problèmes analogues. Le 4 mars 1948, à propos du débat sur la question palestinienne, il évoque les responsabilités particulières de la France à l'égard des musulmans présents dans les territoires d'outre-mer et notamment aux Comores. Il critique l'acceptation par la France du partage de la Palestine qui, selon lui, n'est pas viable et plaide pour une solution de compromis où les autorités religieuses auraient un rôle conciliateur. Sa seconde intervention importante porte sur le projet de loi réorganisant le régime d'émission à Madagascar et aux Comores. Après avoir rappelé combien le territoire qu'il représente est déshérité, il affirme son soutien au projet gouvernemental qui est vital pour le démarrage de l'économie comorienne et ce, en dépit de ses insuffisances. Il obtient également l'accord du ministre de la France d'outre-mer pour que le nom des Comores figure dans l'intitulé de la nouvelle banque.
Aux élections du 17 juin 1951, le corps électoral a fortement augmenté par rapport aux scrutin précédents : 40 491 inscrits et 22 420 votants. Dans sa profession de foi, Saïd Mohamed Cheikh se prononce pour « le maintien des liens qui unissent l'archipel des Comores à la France métropolitaine dans le cadre de l'Union française ». Il préconise un programme de progrès social et de développement économique par la lutte contre l'analphabétisme, une politique de santé publique et l'amélioration des relations avec Madagascar et l'Afrique orientale. Trois candidats, cette fois, osent se mesurer au député sortant. Saïd Mohamed Cheikh est de nouveau réélu confortablement avec 17 625 voix contre 4 685 à Mohamed Ahmed, gouverneur d'administration en service à Anjouan. Dans la nouvelle assemblée, le député des Comores siège à la Commission des territoires d'outremer dont il est nommé secrétaire le 19 juillet 1951. Il est également secrétaire de l'Assemblée nationale (9 janvier 1952) et membre suppléant du Conseil supérieur de la France d'outre-mer à partir du 17 février 1953. Toutes ses interventions dans les débats portent sur les problèmes de l'Union française, si importants dans cette période. Le 25 janvier 1952, l'adoption de son amendement au projet de loi sur les assemblées locales des territoires d'outre-mer permet la modification de la répartition des sièges attribués aux différentes îles de son archipel en rapport avec l'équilibre démographique nouveau. Dans ses autres interventions publiques, notamment le 27 août 1954, il apporte son soutien aux initiatives réformistes en matière de décolonisation prises par le gouvernement Mendès-France, seule voie d'avenir selon lui pour éviter de nouveaux drames.
Aux élections du 2 janvier 1956, Saïd Mohamed Cheikh est élu au terme d'un scrutin beaucoup plus serré qu'aux élections précédentes. Il rassemble 21 748 suffrages contre 20 940 à son adversaire Saïd Ali Saïd Ibrahim, candidat du parti de l'Entente comorienne. Dans la dernière assemblée de la IVe République, Saïd Mohamed Cheikh appartient à la Commission de la marine marchande et des pêches ainsi qu'à la Commission des territoires d'outre-mer dont il est élu vice-président le 10 février 1956 puis à nouveau le 4 octobre 1957. A ce titre, il est amené à rédiger une série de rapports concernant la réorganisation de Madagascar et des Comores. De même, le 13 mars 1958, il rend un avis au nom de la Commission sur le projet de loi autorisant le Président de la République à ratifier la cession des Etablissements français de Pondichéry, Karikal, Mahé et Yanaon.
Toutes ses interventions orales sont motivées par les mêmes questions. A propos du débat sur la loi-cadre Defferre, le 20 mars 1956, Saïd Mohamed Cheikh approuve les réformes gouvernementales, gage d'une évolution pacifique vers une plus grande autonomie par l'accession d'élites autochtones à des postes de responsabilité. Il réclame à ce propos que l'archipel des Comores soit dirigé par un gouverneur ce qui donnerait plus de lustre à ce territoire stratégique tant par sa position que par sa population nombreuse et souvent expatriée dans l'Océan Indien. Lors de sa présentation des rapports déjà cités à propos de la réorganisation de Madagascar, il se prononce pour une décentralisation de l'administration mais pour un maintien de l'unité territoriale qui se distinguerait du fédéralisme des anciens territoires d'A.O.F. et d'A.E.F. mis en place par la loi-cadre Defferre. De même, le 12 février 1958, en tant que rapporteur pour avis à propos de la révision constitutionnelle du titre VIII de la Constitution de 1946 concernant l'Union française, il se prononce pour qu'on surseoit à la discussion afin d'établir sur des bases solides une véritable communauté entre la métropole et les territoires d'outre-mer. Ses dernières interventions importantes concernent le projet d'amnistie des faits liés à la rébellion de 1947 à Madagascar. D'accord avec la Commission, il obtient un élargissement notable de celle-ci par rapport au projet gouvernemental afin d'établir l'apaisement définitif dans cette région (séances des 11 et 18 mars 1958). Lors de la crise finale de la IVe République, Saïd Mohamed Cheikh se rallie à l'accession au pouvoir du général de Gaulle et aux nouvelles institutions.
CHEIKH (Saïd Mohamed Ben Chech Abdallah)
Né en 1904 à Mitsamiouli (Grande-Comore)
Décédé le 16 mars 1970 à Soavinandriana –Tananarive (Madagascar)
Membre de la première et de la seconde Assemblée nationale constituante (Madagascar)
Député des Comores de 1946 à 1962
En 1958, Saïd Mohamed Cheikh se rallie à la politique du général de Gaulle. Député des Comores, c’est-à-dire de la 3ème circonscription de Madagascar, depuis 1945, il se présente à sa propre succession lors des élections de mai 1959. En moins de dix ans, le corps électoral a quasiment doublé, passant de plus de 40 000 votants en 1951 à 76 303 inscrits en 1959. Les élections comoriennes de 1959 se déroule au scrutin de liste, et ne posent guère de difficultés à Saïd Mohamed Cheikh. Une liste unique est présentée, sur laquelle il figure en compagnie de son adversaire de 1956, le prince Saïd Ibrahim, qu’il avait battu de justesse. Avec 49 075 votants et 48 877 exprimés (soit 64% de participation), les deux candidats sont élus députés des Comores.
A l’Assemblée nationale, Saïd Mohamed Cheikh siège à la Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de janvier 1959 à sa démission de ses fonctions de député en janvier 1962. Il est d’ailleurs nommé vice-président de cette commission le 30 janvier 1959. Il est également membre titulaire du Fonds d’investissement pour le développement économique et social des Territoires d’Outre-Mer (TOM) à partir du 26 avril 1960. Le statut et les intérêts des TOM sont en effet un sujet de préoccupation constante pour lui, du fait de la situation juridique et politique des Comores. Les îles n’accèdent au titre de TOM qu’en 1961, et à l’autonomie interne par la loi du 12 décembre 1961. Le 15 janvier 1962, Saïd Mohamed Cheikh démissionne de ses fonctions de député pour occuper le poste de président du Conseil du gouvernement, après son élection par la Chambre des députés des Comores en décembre. C’est à ce titre qu’il devient l’homme fort des Comores jusqu’à sa mort en mars 1970 : il devait en particulier décider de réprimer les manifestations étudiantes du début de 1968. L’élection législative partielle du 4 mars 1962 devait par ailleurs permettre au candidat Ahmed Mohamed de lui succéder à l’Assemblée nationale.
Jusqu’au début de 1962, Saïd Mohamed Cheikh a joué un certain rôle au Palais-Bourbon. Le 21 novembre 1959, il prend part à la discussion portant sur la loi de finances pour 1960. Il déplore la modicité des crédits pour les Comores, la réduction de la subvention qu’elles reçoivent, leur rattachement arbitraire à Madagascar – les Comores ne devaient devenir indépendantes qu’en juillet 1975 –, le retard dans l’équipement de cet établissement français par ailleurs livré aux ravages des cyclones. Le 10 mai 1960, il prend part à la discussion sur la modification de l’article XII de la Constitution de 1958, et réclame le statut de TOM, ainsi que l’études des intérêts communs de Madagascar et des Comores « par les autorités locales seules représentatives et qualifiées ». Le 9 juin 1960, il intervient dans la discussion portant approbation des accords avec la Fédération du Mali, pour souligner la nécessité inéluctable du vote de ces accords. Le 8 novembre 1960, pendant la discussion du projet de loi de finances pour 1961, il réaffirme l’insuffisance de la subvention allouée aux Comores et souligne les conséquences de la mévente de la vanille. Le 25 octobre 1961, les thèmes de ses interventions sont identiques : insuffisance des crédits et des infrastructures de l’archipel, faiblesses du revenu du paysan comorien, etc. Il insiste également sur les conditions lamentables de logement du chef du territoire, ainsi que sur les impressions de la mission parlementaire française au retour de son voyage. Le 27 et 28 avril 1961, il intervient pendant la discussion du projet de loi sur les TOM pour déplorer à nouveau les retards des Comores en matière d’installations électriques et téléphoniques, mais surtout pour expliquer les raisons de son vote, motivé par les « restrictions regrettables » apportées par l’adoption d’un article additionnel introduisant un contrôle du Parlement sur l’exécution de la loi.
C’est lui, en tout cas, qui précipite la discussion du projet de loi sur l’autonomie interne des Comores, par un rappel au règlement qu’il adresse le 12 décembre 1961. Immédiatement pris en compte, son rappel à l’ordre ouvre une longue discussion à laquelle il participe, par le dépôt d’un amendement.
Saïd Mohamed Cheikh, affilié à l’UNR, est un gaulliste fidèle. A partir de 1962, il devait d’ailleurs user d’un style politique à la fois populaire et autoritaire qui s’inspirait, selon lui, du style du Général de Gaulle. Pendant la première législature de la Vème République, il adopte toutes les lois importantes. Il ne prend cependant pas part au vote sur le règlement définitif de l’Assemblée nationale le 3 juin 1959, ni sur la politique générale du gouvernement Debré le 15 octobre suivant.
Le « Cheikhisme », de 1961 à 1970, est une période de stabilité autoritaire dans l’histoire des Comores, avant la transition difficile vers l’indépendance complète. La mort du « Premier docteur de l’archipel » le 16 mars 1970 à Soavinandriana–Tananarive (Madagascar), laisse un archipel autonome face à son avenir.