Louis, Marie Marcein de Carné
1804 - 1876
- Informations générales
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- Né le 17 février 1804 à Quimper (Finistère - France)
- Décédé le 11 février 1876 à Plomelin (Finistère - France)
1804 - 1876
Député de 1839 à 1848, né à Quimper (Finistère), le 17 février 1804, mort au château du Péromou, près Quimper, le 12 février 1876, il appartenait à une famille noble qui a joué un rôle marquant dans l'histoire de la Bretagne ; lui-même a pris soin de constater (Souvenirs de ma jeunesse au temps de la Restauration) qu'en 1248, Olivier de Carné fut de ceux qui s'embarquèrent à Nantes pour aller rejoindre en Egypte les croisés. Sa famille étant ruinée, Louis de Carné fut recueilli à seize ans par son grand oncle maternel, le chevalier de Lanzay-Trézurin, qui lui fit achever ses études à Paris.
Catholique et royaliste, il entra en 1825, dans les bureaux du ministère des affaires étrangères, d'où il passa dans la carrière diplomatique, comme attaché et secrétaire d'ambassade, notamment à la légation de Lisbonne. Avant de se rendre à ce dernier poste, il avait fait, avec la permission du ministre, un voyage d'étude en Espagne.
La révolution de 1830 modifia ses chances d'avenir : M. de Carné se rallia au gouvernement nouveau, conserva ses fonctions, fut élu (1833) conseiller général du Finistère, puis décoré de la Légion d'honneur (1837), et enfin, le 2 mars 1839, entra à la Chambre comme l'élu du 5e collège du Finistère (Quimper). Il défendit le ministère Molé contre la « coalition », et prit bientôt une part active aux travaux parlementaires.
L'avènement du ministère Guizot lui rendit son indépendance. Il vota alors quelquefois avec l'opposition, et, réélu le 9 juillet 1842, par 182 voix (290 votants, 347 inscrits), contre MM. de Châtellier, 61, et Lebastard de Kerguiffinec, 43, il repoussa l'indemnité Pritchard et blâma l'ensemble de la politique extérieure suivie par le cabinet. Un de ses discours les plus importants fut celui qu'il prononça sur la question d'Orient, en 1840, dans le débat soulevé par les victoires d'Ibrahim. L'intérêt politique de ce discours a été exposé dans un passage de l'Histoire de dix ans, de Louis Blanc :
« ... Tout autre était le système de M. de Carné. À la légitimité morte d'un droit condamné par les batailles, la civilisation et le destin, il opposait la vivante et féconde légitimité du fait. Il saluait dans Méhémet Ali le régénérateur d'une race que mal à propos on avait jugée éteinte. Selon M. de Carné, la nationalité arabe allait refleurir sous les auspices du vice-roi, évidemment destiné à tenir le sceptre de l'Orient rajeuni. Il importait donc de ne rien jeter entre sa fortune et Constantinople. Après Koniah, vingt marches l'eus sont conduit au sérail ! Pourquoi l'avait-on arrêté ? Puisque la Turquie agonisait, puisqu'elle ne pouvait plus s'interposer efficacement entre l'Europe occidentale et les Russes, que ne cherchait-on à la remplacer ? On voulait l'intégrité de l'empire ottoman, et elle n'était plus possible au moyen du sultan et des Turcs : il fallait donc la rendre possible au moyen des arabes et de Méhémet Ali. Sur le trône de Constantinople siégeait un fantôme: il y fallait mettre un homme armé. Méhémet Ali, d'ailleurs, n'était-il pas un ami de la France? Et l'Egypte, soumise à notre influence, ne faisait-elle pas de la Méditerranée ce qu'avait deviné le génie de Napoléon, un lac français ? »
M. de Carné se montra un partisan déterminé de la liberté d'enseignement; en 1845, il proposa un amendement qui réclamait, au nom du parti catholique, la liberté d'enseignement, avec l'abolition du certificat d'études, et se fit, contre Thiers, l'avocat des congrégations non autorisées. À l'ouverture de la même session, il proposa un amendement exprimant le regret « qu'une conduite prévoyante et ferme n'ait pas prévenu ou terminé d'une façon plus satisfaisante les complications de la politique étrangère » (épilogue de l'affaire Pritchard). Cet amendement qui menaçait l'existence du cabinet, fut rejeté, mais M. Drouyn de Lhuys fut renvoyé du ministère des Affaires étrangères par M. Guizot pour l'avoir voté, et, M. de Carné qui l'avait déposé, fut appelé par le même ministre, moins de deux ans après, à occuper aux Affaires étrangères le poste de M. Drouyn de Lhuys. M. de Carné parla encore sur le projet de loi relatif à l'augmentation de nos forces navales, sur la propriété littéraire, sur le Conseil d'Etat, sur la proposition relative à la translation du domicile politique, sur le régime législatif des colonies, etc.
Réélu le 1er août 1846, avec 234 voix sur 324 votants et 373 inscrits, contre 90 à M. Le Bastard de Kerguiffinec, ancien député, il se rapprocha alors sensiblement du pouvoir, et accepta, au commencement de 1847, les fonctions de chef de la direction commerciale au ministère des affaires étrangères, en remplacement du comte Lambert admis à la retraite.
Il dut, à la suite de cette nomination, se soumettre à une nouvelle réélection, qu'il obtint le 10 avril 1847, par 248 voix (334 votants, 373 inscrits) contre M. de Sivry, 79 voix. Il vota pour le gouvernement dans cette dernière législature, et fut rendu à la vie privée par la révolution de février.
Sous la République et sous l'Empire, il ne garda que les fonctions de conseiller général du Finistère ; il essaya cependant, en 1869, d'entier au Corps législatif ; il obtint alors 11 766 voix, comme candidat spécialement dévoué aux intérêts de l'Eglise et du pape, mais ne fut pas élu.
Comme publiciste, M. de Carné fut un collaborateur assidu de la Revue des Deux Mondes et du Correspondant. Ses ouvrages les plus remarquables ont pour titres :
- Etudes sur le gouvernement représentatif en France (1841), livre dont le ton est parfois agressif ;
- Etudes sur les fondateurs de l'Unité française, où l'auteur a réuni Suger, saint Louis ; Duguesclin, Jeanne d'Arc, Louis XI, Henri IV, Richelieu et Mazarin ;
- Histoire des Etats de Bretagne (1868),
- et les Souvenirs de ma jeunesse (1872), pleins d'anecdotes agréables et de piquants aperçus sur les hommes et les choses de la Restauration, sur le salon de Mme de Montcalm, sœur du duc de Richelieu, où se réunissaient les membres du Corps diplomatique, sur celui de Mme d'Aguesseau, fille du ministre Lamoignon, chez laquelle se rencontraient Molé, Pasquier, Chateaubriand, et de jeunes écrivains comme Mérimée et Sainte-Beuve, le second, hésitant encore entre le couvent de la Trappe et l'abbaye de Thélème, car « les paris étaient ouverts, dit M. de Carné, pour savoir s'il mourrait disciple de Rancé ou disciple de Rabelais. »
M. de Carné était de l'Académie française, depuis le 23 avril 1863 : il avait eu Littré pour concurrent.