Denis Cordonnier
1893 - 1952
Né le 30 septembre 1893 à Saint-Amand-les-Eaux (Nord)
Décédé le 5 octobre 1952 à Paris
Membre de la première et de la seconde Assemblée nationale Constituante (Nord)
Député du Nord de 1946 à 1952
Issu d'une famille de sept enfants dont le père exerçait la profession d'instituteur, Denis Cordonnier effectue de brillantes études aux lycées de Valenciennes et de Lille puis à la faculté de médecine de cette ville. Dès 1910, avec Roger Salengro, il anime un groupe socialiste d'étudiants lillois. Mobilisé comme médecin auxiliaire, il fait toute la guerre de 1914-1918 au front. Blessé, il est deux fois cité à l'ordre de l'armée. Deux de ses frères, officiers, sont tués à l'ennemi.
Après l'armistice, il poursuit sa formation professionnelle : interne des hôpitaux à Lille, médecin légiste à l'Université de Paris, chef de travaux à la faculté de médecine de Lille. En 1926, Denis Cordonnier adhère à la S.F.I.O. L'année suivante il opte pour la médecine sociale et devient directeur du service médico-social de l'Union départementale des syndicats ouvriers C.G.T. du Nord. Médecin conseil à la Bourse du travail de Lille, il occupe un poste d'administrateur à la caisse « Le Travail ». Dans l'exercice de ses fonctions il rencontre la détresse et prend la mesure des ravages causés par l'alcoolisme. Il aura plus tard, en tant que parlementaire, l'occasion d'amplifier son action sociale. Pour l'heure il débute une carrière politique locale : élu conseiller municipal de Lille aux élections de 1929, il devient adjoint au maire, Roger Salengro, chargé de l'hygiène et de la santé après celles de 1935 puis conseiller général de Lille-Est en 1937.
A nouveau mobilisé en 1939 comme médecin, fait prisonnier à Calais en mai 1940, libéré en sa qualité de sanitaire, il participe immédiatement à la lutte contre l'occupant et le régime de Vichy. Naturellement, il ne figure pas dans le nouveau conseil municipal nommé fin 1940. Il travaille à la reconstitution du parti socialiste clandestin du Nord et exerce des responsabilités à Libération Nord et dans le réseau « Gloria ». Arrêté par la Gestapo en août 1942, il relatera dans Geôles allemandes ses onze mois de captivité à Loos (Nord). Dès son élargissement, Denis Cordonnier prend le maquis. Responsable civil du Comité français de libération nationale pour le département du Nord, il est nommé maire de Lille le 2 septembre 1944.
Il conserve ce mandat à la suite des élections municipales d'avril-mai 1945 : après avoir dirigé une liste socialiste homogène au premier tour, il conduit une liste d'union de la gauche pour le second tour. En septembre de la même année il retrouve son siège de conseiller général de Lille-Est et les électeurs lui maintiendront leur confiance lors du renouvellement de mars 1949. En revanche en octobre 1947, il devient conseiller municipal minoritaire de Lille, le R.P.F. ayant conquis la mairie dès le premier tour. Denis Cordonnier préside de nombreux organismes ou associations. Dans le cadre départemental : office d'H.L.M., associations d'anciens combattants et victimes de guerre, déportés et résistants, amicale laïque. A l'échelon national, ses amis de la S.F.I.O. le portent à la présidence de la fédération des élus municipaux et cantonaux socialistes.
Aux élections du 21 octobre 1945 pour la première Assemblée nationale Constituante, son parti le désigne comme second d'Auguste Laurent dans la 2e circonscription du Nord (Lille). Denis Cordonnier occupera cette même place aux élections du 2 juin 1946 pour la seconde Assemblée nationale Constituante ainsi qu'à celles de la première législature de la IVe République, le 10 novembre 1946. A chacune de ces consultations le Parti socialiste obtient trois sièges avec respectivement 27,6 %, 28,1 % et 24,5 % des suffrages exprimés et arrive en seconde position derrière le M.R.P.
Membre de la Commission de la famille, de la population et de la santé publique durant les deux Assemblées nationales Constituantes, il siège de surcroît à celle de l'intérieur pendant la première Assemblée nationale Constituante qui, par ailleurs, le nomme juré à la Haute Cour de justice. Il s'intéresse essentiellement aux questions de santé publique. A ce titre il dépose propositions de loi ou de résolution et rapports au nom de la Commission de la famille concernant un fichier sanitaire et social de la prostitution (13 mars et 4 avril 1946), le dépistage et la déclaration des cas de tuberculose pulmonaire (11 juillet, 8 août et 18 septembre 1946), la lutte contre l'alcoolisme (3 octobre 1946) et enfin le sort des aveugles et grands infirmes auxquels il souhaite assurer un minimum vital (30 juillet et 28 août 1946). Avec ses collègues du groupe socialiste, il vote les nationalisations et les deux projets de Constitution de la IVe République, dont le premier sera rejeté par le référendum du 5 mai 1946.
Au cours de la première législature de la IVe République (novembre 1946-juin 1951), Denis Cordonnier accomplit un travail parlementaire considérable. Siégeant à la Commission de la famille et à celle de l'intérieur qu'il préside à partir de 1948, il dépose cent cinq propositions de loi ou de résolution et rapports. La plupart ont trait à la reconnaissance des droits des infirmes et des victimes de la guerre, à la tuberculose, aux maladies professionnelles et surtout à l'alcoolisme. S'il n'est pas possible de rendre compte en détail d'une telle activité, il convient réanmoins de faire état de sa proposition de loi n° 479, déposée le 6 février 1947, relative au minimum vital à assurer aux aveugles et aux grands infirmes qui deviendra la loi n° 49-1094 du 2 août 1949, dite « loi Cordonnier ». Très présent en séance, le député du Nord intervient principalement dans les domaines de compétence des deux Commissions auxquelles il appartient.
Aux élections du 17 juin 1951, à la suite du retrait d'Augustin Laurent, Denis Cordonnier prend la tête de la liste S.F.I.O. dans la 2e circonscription du Nord. Elle conclut un apparentement avec le R.G.R., le M.R.P. et les Indépendants. Il s'en justifie dans ses engagements électoraux qui placent sur le même plan « les staliniens et les néo-gaullistes » et « prônent l'union des républicains décidés à s'opposer à la dictature d'un général ou d'un parti malgré le rôle ingrat qui en résulte pour le parti socialiste ». Il termine : « Ni Thorez et l'occupation russe, ni de Gaulle et la guerre civile ». Avec 23,8 % des suffrages exprimés, sa liste S.F.I.O. distance légèrement le Parti communiste, arrivé en seconde position (23,5 %) et passe nettement devant le M.R.P. (18,7 %). Plus important, l'apparentement dépasse la majorité absolue, privant les autres listes, notamment communiste et R.P.F., de toute représentation et les socialistes obtiennent cinq des dix sièges à pourvoir.
Toujours membre de la Commission de la famille, de la population et de la santé publique, Denis Cordonnier préside à nouveau celle de l'intérieur. Malgré les atteintes de la maladie qui devait l'emporter, il poursuit son œuvre législative, spécialement en faveur des aveugles et des grands infirmes. Le 2 août 1951 il dépose une proposition de loi tendant à modifier la loi du 2 août 1949 puis deux rapports y afférents le 15 novembre 1951 et le 8 février 1952 et intervient dans leur discussion les 7 et 8 février 1952. Le député du Nord souhaite également faciliter la vie quotidienne des aveugles par la création d'une bibliothèque nationale Braille (sa proposition de loi du 5 juin 1952) et par l'exonération de la taxe téléphonique (son rapport du 9 juillet 1952 sur la proposition de résolution de Joseph Denais). Il dépose de nouvelles propositions de loi ou de résolution et des rapports concernant la lutte contre l'alcoolisme, les maladies professionnelles et les accidents du travail. Enfin le 4 décembre 1951, il intervient sur le budget de la santé publique et de la population pour 1952.
Au titre de la Commission de l'intérieur, Denis Cordonnier se consacre longuement aux indemnités des maires et des adjoints : il rédige trois rapports (21 décembre 1951, 12 et 26 juin 1952) sur des propositions de loi relatives à ce sujet, dont les siennes en date du 9 novembre 1951. Les 28 et 29 novembre 1951, il prend part à la discussion du budget de l'intérieur pour 1952.
Le 7 octobre 1952, le président Herriot annonce son décès à l'Assemblée nationale et prononce son éloge funèbre.