Jean Coumaros
1907 - 1991
COUMAROS (Jean)
Né le 1er juillet 1907 à Micra-Valtsa (Grèce)
Décédé le 25 avril 1991 à Strasbourg (Bas-Rhin)
Député de la Moselle de 1958 à 1973
Jean Coumaros naît le 1er juillet 1907 à Micra-Valtsa, en Grèce. Fils de médecin, il s’engage lui-même dans des études de médecine d’abord à Athènes, puis à la faculté de médecine de Strasbourg, où il obtient son diplôme de docteur en médecine, spécialiste en pneumo-phtisiologie. Surpris par le conflit mondial, qui se poursuit en Grèce jusqu’en 1949 du fait de la guerre civile, il décide de s’établir en France. Bien que dispensé de service militaire, car il n’a pas la nationalité française, Jean Coumaros rejoint la Résistance, ce qui lui vaut une naturalisation automatique en sa qualité d’ancien combattant volontaire de la Résistance. À la Libération, sa carrière professionnelle se déroule en Lorraine : il est notamment médecin-chef des dispensaires de Forbach, Merlebach, Saint-Avold et Boulay.
Sa carrière politique commence en 1953 : Jean Coumaros se présente sans étiquette aux élections municipales de la petite commune de Puttelange-aux-Lacs, dont il est élu maire. En avril 1958, dans un contexte de crise gouvernementale liée au conflit algérien, le maire de Puttelange est élu conseiller général du canton de Sarralbe, toujours sans étiquette politique. L’effondrement de la IVe République et le retour du général de Gaulle offrent à Jean Coumaros l’occasion de se présenter aux élections législatives de novembre 1958. Dans son adresse aux électeurs, il explique son soutien au général de Gaulle, soulignant notamment que « les hommes de l’ancien système et des anciens partis, qui ont attendu jusqu’à la veille de la catastrophe pour laisser la place au général de Gaulle, ne méritent plus [leur] confiance. » Par ces mots, Jean Coumaros vise explicitement son principal adversaire, le député sortant Emile Engel, élu du MRP dans les deux assemblées nationales constituantes de 1945 et 1946 puis en 1956. Ce dernier se place d’ailleurs en tête au soir du premier tour : il rassemble 47,7 % des voix, manquant de quelques centaines de voix une élection directe, tandis que Jean Coumaros obtient 37,3 % des suffrages. Les candidats socialiste et communiste recueillent respectivement 2,8 % et 12,2 % des suffrages. Au second tour, dans le cadre d’une triangulaire, le maire de Puttelange parvient à inverser la tendance et est élu avec 46 % des voix contre 44,3 % des voix à Emile Engel, qui a perdu des électeurs entre les deux tours.
À son arrivée au Palais-Bourbon, le nouveau député rejoint les bancs du groupe d’Union pour la nouvelle République (UNR), et est nommé membre de la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales, à laquelle il siège jusqu’en 1962. Son activité au sein de cette commission l’amène à intervenir à plusieurs reprises en séance sur les questions sociales. Ainsi, le 15 décembre 1959 et le 16 juillet 1960, il prend la parole en qualité de rapporteur dans l’examen de deux projets de loi sur l’assurance vieillesse agricole et la réparation des accidents du travail agricole. Par ailleurs, ses origines grecques l’amènent à prendre la parole à deux reprises : le 18 décembre 1959, lors d’une question orale relative à la création d’une agrégation de lettres modernes, il intervient spontanément dans le débat pour dénoncer les mauvaises conditions de l’enseignement du grec en France, qu’il juge « superficiel et sans âme ». De même, le 6 décembre 1961, il défend avec une grande ardeur les projets de loi relatifs à l’association de la Grèce au Marché commun européen : au-delà des intérêts économiques, le député cite Platon et Hésiode dans une intervention, applaudie par tout l’hémicycle, qui souligne la parenté spirituelle entre l’Europe et la Grèce, « berceau de notre civilisation ».
Lors des grands scrutins de son premier mandat, Jean Coumaros approuve le programme du gouvernement Debré le 16 janvier 1959, le nouveau règlement de l’Assemblée nationale limitant les possibilités d’expression des élus de la Nation en juin 1959, ainsi que la déclaration de politique générale du Premier ministre le 15 octobre 1959, quelques semaines après le discours du général de Gaulle évoquant l’« autodétermination » de l’Algérie. Il soutient également le projet de loi Debré sur les rapports entre l’Etat et les établissements d’enseignement privés le 23 décembre 1959, l’octroi des pouvoirs spéciaux au gouvernement pour ramener l’ordre en Algérie après la semaine des barricades en février 1960, le programme du gouvernement Pompidou, le 27 avril 1962 et la levée de l’immunité de Georges Bidault, le 5 juillet 1962. Enfin, il ne vote pas la motion de censure du 4 octobre 1962, dont l’adoption conduit le général de Gaulle à dissoudre l’Assemblée nationale.
Dès lors, aux élections législatives anticipées de 1962, le député sortant sollicite auprès des électeurs le renouvellement de son mandat. L’approbation par référendum de l’élection du président de la République au suffrage universel donne en conséquence une légitimité aux candidats gaullistes : Jean Coumaros est élu dès le premier tour du scrutin à une large majorité : il obtient 59,3 % des voix, contre 18,3 % au candidat MRP Adrien Wahl, 11,3 % au Républicain indépendant Jean-Joseph Delange, 8,9 % au communiste Pierre Muller et 2,2 % au socialiste Nicolas Schmitt.
De retour à l’Assemblée, Jean Coumaros s’inscrit au groupe d'Union pour la nouvelle République et retrouve brièvement la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales, avant de rejoindre en janvier 1962 la Commission des affaires étrangères. Ses interventions orales montrent le député mosellan toujours à la fois préoccupé et féru de questions sociales. Ainsi, le 16 juin 1964, il intervient lors de l’examen du projet de loi relatif au Fonds d’action sociale pour les travailleurs étrangers : Jean Coumaros évoque l’égalité des droits entre travailleurs français et étrangers dans la région lorraine, et se dit au nom des travailleurs étrangers « reconnaissant à la France hospitalière de son accueil et de son œuvre ». Le 19 juin 1966, il prend part à la discussion du projet de loi relatif à l'assurance maladie et à l'assurance maternité des travailleurs non salariés des professions non agricoles, pour dénoncer la complexité du projet. Le 28 octobre 1965, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 1966, il dénonce les problèmes de l’habitat rural, qu’il juge rudimentaire et sans hygiène, dont son expérience de médecin lui a fait connaître les conséquences sur la santé des populations rurales : le député invite donc à augmenter les aides financières de l’Etat pour l’amélioration de l’habitat en milieu rural. Le sort des agriculteurs le pousse également à intervenir le 27 octobre 1966, lors des discussions du projet de loi de finances pour 1967 : il évoque notamment les difficultés rencontrées par la sylviculture dans l’Est. A la même occasion, le député d’origine grecque prononce le 3 novembre un nouveau plaidoyer pour l’enseignement du grec, tout en demandant une augmentation des écoles maternelles en Moselle, et en soulignant que, dans les études médicales, l’importance des mathématiques ne doit pas être exagérée. Enfin, le 4 novembre, il intervient pour évoquer la situation de l’industrie mosellane : dans un contexte de plafonnement de la production de charbon, Jean Coumaros estime que « les grands utilisateurs, notamment la sidérurgie de l'Est qui vient de recevoir de l'Etat un soutien financier considérable, doivent donner la priorité dans leurs approvisionnements au charbon lorrain par rapport au charbon importé des pays tiers » et estime que la conversion de la région vers les industries nouvelles doit être progressive. Lors des grands scrutins de la législature, Jean Coumaros soutient avec constance l’action du gouvernement. Il se prononce ainsi en faveur de la ratification du traité de l’Elysée le 13 juin 1963, du projet de loi encadrant les grèves des services publics en juillet 1963, de la modification des dates des sessions parlementaires le 20 décembre 1963, de la réforme du mode d’élection des conseillers municipaux en juin 1964 et de la réforme du service national le 26 mai 1965.
En mars 1967, Jean Coumaros sollicite un troisième mandat auprès des électeurs de la sixième circonscription de Moselle, toujours sous l’étiquette gaulliste (Ve République), en mettant en avant son expérience et une « connaissance approfondie des problèmes tant économiques que sociaux ». A l’issue du premier tour où s’affrontent six candidats, Jean Coumaros arrive largement en tête avec 32,1 % des voix contre 19,5 % à son premier concurrent, le Républicain indépendant Jean Muller. Le député sortant a pourtant été affaibli par la candidature comme indépendant gaulliste de Louis Houpert, qui a obtenu 7459 voix (16,7 %). Les candidats de gauche font respectivement 16,7 % des voix pour le communiste Erwin Maurer, et 5,3 % pour le socialiste Gabriel Mai. Au second tour, le député sortant est réélu avec 46 % des voix, contre 33,1 % à Jean Muller et 20,9 % à Erwin Maurer.
Retrouvant le chemin de l’hémicycle, Jean Coumaros s’inscrit au groupe d'Union démocratique pour la Ve République et est nommé membre de la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Sa principale intervention durant cette législature écourtée par les événements de mai 1968 concerne la proposition de loi de Lucien Neuwirth tendant à légaliser la contraception. Le 1er juillet 1967, le député de Moselle prend la parole en séance publique en tant que professionnel de santé pour dénoncer le rôle du médecin dans la prescription du contraceptif : « Non, le rôle du médecin n'est pas de départager les femmes et de classer, d'un côté, celles qui auront le droit d'avoir des enfants qui s'appelleraient "désirés" et, de l'autre, celles qui, parce qu'on leur a refusé la pilule, seraient obligées d’accepter des enfants pour ainsi dire "maudits" et qui seraient de pauvres gosses ! » Il propose alors de limiter l’ordonnance à un certificat médical de non contre-indication de l’emploi de contraceptifs. Mais son intervention critique également plus largement les conséquences du contrôle des naissances sur la famille et sur les mœurs : « Les enfants, mesdames, messieurs, ne sont pas toujours engendrés par la réflexion et par la raison, mais dans un élan d'amour irrésistible, comme l’exigent la nature et l’instinct de continuité de l’espèce humaine. Or, avec la pilule, ces effusions périront dans le néant. D'autre part, les maris ont-ils songé que désormais c’est la femme qui détiendra le pouvoir absolu d'avoir ou de ne pas avoir d'enfants en absorbant la pilule, même à leur insu ? Les hommes perdront alors la fière conscience de leur virilité féconde, et les femmes ne seront plus qu'un objet de volupté stérile. » Lors de l’examen du projet de loi de finances pour 1968, s’agissant des crédits des Anciens combattants et victimes de guerre, Jean Coumaros évoque la situation compliquée des Malgré-nous alsaciens et mosellans, incorporés de force dans l’armée allemande et déportés, le 26 octobre 1967. Ce même jour, il intervient également pour évoquer diverses questions sanitaires, notamment le problème de la silicose ou encore les maisons de vieillards. Gaulliste indéfectible, il ne vote évidemment pas les trois motions de censure de mai et juin 1967 sur la loi d’habilitation en matière économique et sociale ni celles relatives aux ordonnances de sécurité sociale, à la publicité à l’ORTF et aux manifestations d’étudiants de mai 1968.
Après les événements de mai 1968, Jean Coumaros se présente une quatrième fois comme candidat d’Union pour la défense de la République (UDR) : rappelant le bilan du général de Gaulle, il s’engage également à défendre les intérêts de la circonscription, particulièrement l’avenir des Houillères du Bassin de Lorraine. Affrontant les mêmes candidats qu’un an plus tôt, à l’exception du dissident gaulliste Louis Houpert, le député de Moselle arrive à nouveau en tête du premier tour (46,7 %), devant le Républicain Indépendant Jean Muller (31,4 %), le communiste Erwin Maurer (14,8 %) et le socialiste Gabriel Mai (7,1 %). Au second tour, Jean Coumaros est réélu avec 50,5 % des voix, contre 35,6 % à Jean Muller et 13,9 % à Erwin Maurer.
Pour sa quatrième rentrée parlementaire, le député de Moselle s’inscrit au groupe d'Union des démocrates pour la République et retrouve la Commission des affaires étrangères, au nom de laquelle il présente plusieurs rapports et avis. Ses prises de parole voient Jean Coumaros retrouver les sujets qui lui sont chers. Il intervient notamment sur les questions de société : lors de l’examen du projet de loi de finances pour 1970, le 21 novembre 1969, il évoque le problème des personnes âgées, dénonçant une rupture familiale dans la société moderne et insistant sur la nécessité d’éviter un fossé entre les générations. Dans une question orale, le 15 octobre 1971, Jean Coumaros défend à nouveau le modèle français d’intégration des travailleurs étrangers, tout en reconnaissant qu’il peut rencontrer des difficultés. Enfin, en tant que médecin, le député prend la parole à deux reprises sur des questions sanitaires : le 28 octobre 1970, durant la discussion du projet de loi de finances pour 1971, il évoque la progression de la rage dans l’Est de la France et plaide pour une reconnaissance de cette dernière comme maladie professionnelle, notamment pour le personnel médical à son contact ; le 4 novembre 1971, lors de l’examen du budget pour 1972, il défend la profession médicale, rappelant les difficultés auxquelles les médecins, notamment en milieu rural, sont confrontés. Sa dernière intervention à la tribune, le 9 novembre 1971, donne l’occasion à Jean Coumaros de saluer la mémoire d’Hippolyte Ducos, député radical décédé en 1970 en cours de mandat, dans lequel il reconnaît « l’un des plus grands défenseurs de l’héritage sacrée de l’immortelle Hellade » et de défendre à nouveau l’enseignement du grec dans le système éducatif français.
Le député poursuit son soutien à la politique du gouvernement sous la législature, votant pour les déclarations de politique générale du gouvernement les 15 octobre 1970 et 24 mai 1972, pour le projet de loi d’orientation de l’enseignement supérieur en octobre 1968, pour le projet de loi relative à l’exercice du droit syndical dans les entreprises en décembre 1968, pour le projet de loi visant au renforcement de la garantie des droits individuels des citoyens en mai 1970, pour le projet de loi Pleven (ou loi dite « anticasseurs ») et pour l’abaissement du service national à douze mois en juin 1970 ainsi que pour le projet de loi relatif à la création des régions le 27 avril 1972.
En mars 1973, le député gaulliste se présente pour la cinquième fois en quinze ans devant les électeurs. Face aux six candidats en lice, Jean Coumaros arrive en tête du premier tour, avec moins d’un demi-millier de voix d’avance : il obtient 29,5 % des voix contre 28,6 % à sa principale concurrente Anne-Marie Fritsch, candidate du Mouvement Réformateur. Le ballottage se révèle favorable à cette dernière, qui double ses voix au deuxième tour et bat son adversaire avec 60,8 % des voix. Jean Coumaros ne se représente pas aux élections législatives suivantes. Sa carrière politique s’achève, puisqu’il a déjà quitté la mairie de Puttelange en 1971 et qu’il se retire du conseil général de Moselle en septembre 1973.
Président du groupe parlementaire d’amitié France-Grèce, apprécié du général de Gaulle pour sa fidélité, et de Georges Pompidou pour son franc-parler, Jean Coumaros se définissait lui-même comme « un méditerranéen qui ne sait pas dominer ses sentiments. » Il meurt le 25 avril 1991 à Strasbourg, à l’âge de 83 ans. Il était chevalier de la Légion d’honneur, officier des Palmes académiques, décoré de la croix du combattant volontaire de la Résistance et de la médaille de la Libération, et haut dignitaire du patriarcat œcuménique de Constantinople.