Maurice Couve de Murville
1907 - 1999
Le fonds Maurice Couve de Murville, qui représente 2,1 mètres linéaires, est conservé par le Centre d’histoire de la Fondation nationale des sciences politiquessous la cote CM. Il a été donné en 1993. Ces archives se composent notamment de correspondance, discours, articles et interviews. On trouve également des documents relatifs aux voyages et affaires diplomatiques menés par Maurice Couve de Murville. Ces archives couvrent la période 1958-1996 et sont décrites dans un inventaire analytique. Leur consultation est soumise aux délais fixés par le code du patrimoine. De plus amples renseignements sur ce fonds sont disponibles sur le site internet du Centre d'histoire.
COUVE DE MURVILLE (Maurice)
Né le 24 janvier 1907 à Reims (Marne)
Décédé le 24 décembre 1999 à Paris
Député de Paris en 1968 et de 1973 à 1986
Sénateur de Paris de 1986 à 1995
Commissaire aux Finances (Comité français de la libération nationale), du 7 juin au 9 novembre 1943
Ministre des Affaires étrangères du 1er juin 1958 au 31 mai 1968
Ministre de l’Économie et des finances du 31 mai au 10 juillet 1968
Premier ministre du 10 juillet 1968 au 20 juin 1969
Alors que rien ne disposait ce haut fonctionnaire discret et impassible à entrer en politique, Maurice Couve de Murville a pourtant été une grande figure de la République gaullienne en assurant d’abord les fonctions d’inamovible ministre des Affaires étrangères du Général dans les années 1960, la plus grande longévité à ce poste depuis les treize ans exercés par Vergennes sous Louis XVI, puis celles, plus éphémères, de ministre de l’Économie et des finances en juin 1968 et surtout de Premier ministre de juillet 1968 à juin 1969. C’est avec le même flegme légendaire que l’intéressé aura exercé une carrière parlementaire moins connue, celle de député puis de sénateur de Paris.
Maurice Couve naît le 24 janvier 1907 à Reims à la faveur d’une affectation de son père, le magistrat Édouard Couve ; en 1925, ce dernier fera ajouter par voie de justice à son nom la particule « de Murville ». Élevé dans une famille de la haute société protestante installée dans la capitale dès 1910, Maurice Couve de Murville se révèle un excellent élève au lycée Louis-le-Grand. Lauréat du Concours général en 1922, il entre à l’École libre des sciences politiques tout en s’inscrivant parallèlement aux Facultés de lettres et de droit de Paris. Il réussit en 1930 le concours de l’Inspection des Finances. Sorti major deux ans plus tard et nanti d’un doctorat en droit, il se marie avec Jacqueline Schweisguth, fille d'un banquier lui-même inspecteur des finances. De cette union naissent trois filles prénommées Juliette, Dorothée et Béatrice.
Ce jeune haut fonctionnaire assure en 1936-1937 la fonction d'attaché financier près l'ambassade de France à Bruxelles. Il entre ensuite au « mouvement général des fonds » du ministère des Finances (équivalent actuel de la direction du Trésor). Cadre, puis directeur adjoint de cette administration, il doit à ce titre gérer les fonds lors de l'entrée en guerre de la France contre l'Allemagne. Il devient, en septembre 1940, directeur des Finances extérieures et des changes sous le régime de Vichy, chargé du budget, ce qui lui vaut de faire partie de la délégation française à la Commission d’armistice de Wiesbaden, où il empêche l'occupant de mettre la main sur le stock d'or de la Banque de France. Il supervise les mouvements financiers entre la France et l’Allemagne.
De l’Espagne où l’avait envoyé Jean Jardin, directeur de cabinet de Pierre Laval, Maurice Couve de Murville décide, après l’occupation de la zone sud en novembre 1942, de rallier Alger où il parvient le 25 mars 1943. Révoqué par le régime de Vichy, il se met d’abord à la disposition du général Giraud, adversaire de de Gaulle. Il est alors secrétaire général du Commandement civil et militaire d'Alger. Lorsque ce dernier fusionne avec le Comité national français de Londres pour former le Comité français de la libération nationale (CFLN), Maurice Couve de Murville, qui s’est rapproché entre-temps du général de Gaulle, est nommé en juin 1943 commissaire aux Finances.
À la Libération, l’ancien spécialiste des finances publiques commence une carrière de diplomate. Envoyé à Naples au début 1944, comme délégué français au Comité consultatif des affaires italiennes, puis auprès de la Commission méditerranéenne, il devient l’ambassadeur du Gouvernement provisoire de la République française (GPRF) à Rome en février 1945. Directeur des affaires politiques au ministère des Affaires étrangères de novembre 1945 à février 1950, il participe à ce titre à la Conférence de la Paix à Paris en 1946. Le gaulliste Maurice Couve de Murville reste fidèle à de Gaulle, devenu le chef du RPF, adversaire du « régime des partis », tout en se mettant au service des différents gouvernements de la IVème République. Ceux-ci l’affectent au Caire de 1950 à 1954, auprès de l’OTAN comme représentant permanent de la France, en septembre 1954, à Washington, en novembre 1954, où il remplace Henri Bonnet, puis à Bonn, en juillet 1956, où il entretient des relations étroites avec Adenauer et critique les accords Chaban-Strauss estimant qu’ils risquent d’ouvrir la voie à un armement nucléaire de l’Allemagne.
De Gaulle, depuis Alger, s’est toujours montré admiratif des qualités de Maurice Couve de Murville : son intelligence, notamment son esprit de synthèse, mais aussi son caractère déterminé et loyal en font un collaborateur de choix. Dans ses Mémoires d’espoir il résume toutes les qualités du ministre : « Maurice Couve de Murville a le don. Au milieu des problèmes qui se mêlent et des arguments qui s’enchevêtrent, il distingue aussitôt l’essentiel de l’accessoire, si bien qu’il est clair et précis dans des matières que les calculs rendent à l’envi obscures et confuses. » Le Général fait donc de celui qui a, le 1er juin 1958, le rang d’ambassadeur le plus ancien au grade le plus élevé, son ministre des Affaires étrangères. Couve de Murville fait partie de cette élite technocratique en laquelle le chef de l’État puise ses collaborateurs pour marquer la rupture avec une IVème République perçue comme trop « politique ». Au quai d’Orsay, Maurice Couve de Murville, qui allie l’élégance à la retenue pleine de finesse, sait amortir la diplomatie audacieuse et parfois provoquante du Général. Il incarne aux yeux de l’opinion française et internationale la politique de grandeur et d’indépendance que de Gaulle entend mener pour redonner à la France sa puissance et sa souveraineté. Il assure ainsi le « suivi » des grands moments de crise diplomatique : indépendance algérienne (1962), refus de l’entrée du Royaume-Uni dans la CEE (1963), reconnaissance de la Chine populaire (1964), politique de la chaise vide à Bruxelles (1965), sortie de l’OTAN et discours de Phnom-Penh (1966), déclarations sur le Québec et Israël (1967). Il ne suit pas en revanche les affaires africaines qui ressortissent à la compétence du secrétaire général pour les affaires africaines et malgaches. Sachant taire ses réticences, il s’assure la confiance et l’estime du chef de l’État qui le maintient en poste pendant dix ans. Avec le président de la République, il est l’artisan dans les années 1960 de la construction européenne, de la mise en œuvre du marché commun et du rapprochement franco-allemand. Si ses relations avec le Premier ministre Michel Debré (1959-1962) étaient cordiales, celles avec le Premier ministre Georges Pompidou (1962-1968) sont plus froides.
Candidat dans la 5ème circonscription de Paris (VIIème arrondissement), aux élections législatives de mars 1967, à la demande du général de Gaulle qui, selon Michel Droit, cherche dès 1965 un Premier ministre « de rechange » et souhaite voir Maurice Couve de Murville disposer d’une légitimité électorale, le ministre des Affaires étrangères peine à sortir de sa réserve naturelle pour devenir tribun le temps d’une campagne. Il n’est pas homme à parcourir les marchés pour serrer les mains et cette distance, associée à sa particule aristocratique, passe mal auprès des électeurs. La campagne est d’autant plus difficile que le titulaire du quai d’Orsay se heurte à un vieux routier de la politique parisienne, député de la capitale depuis 1936, figure de la droite locale, fin connaisseur du Quartier latin et familier des concierges : Édouard Frédéric-Dupont. Celui qui avait soutenu le général Salan à la fin de la guerre d’Algérie et qui avait été battu en 1962 par le gaulliste Jacques Mer, veut sa revanche. Il se présente donc sous l’étiquette Progrès et démocratie moderne (PDM) et avec le soutien du Centre démocrate contre le ministre du Général, avec pour suppléant le député sortant Jacques Mer. À l’arrivée, le ralliement à Édouard Frédéric-Dupont d’une partie importante des électeurs socialistes, désireux de sanctionner le régime, provoque la défaite de Maurice Couve de Murville battu au second tour de 280 voix seulement. En juin 1968, estimant le contexte politique défavorable, Édouard Frédéric-Dupont choisira de ne pas se représenter, laissant pour une législature sa circonscription au gaulliste Michel Caldaguès. Maurice Couve de Murville fait partie des quatre ministres défaits, le 12 mars 1967, avec Pierre Messmer, ministre des Armées, Jean Charbonnel, secrétaire d’État aux Affaires étrangères chargé de la coopération et Alexandre Sanguinetti, ministre des Anciens combattants. Alors que de Gaulle, très respectueux de la légitimité électorale, avait toujours exigé des ministres défaits lors des législatives qu’ils quittent le gouvernement, il fait deux exceptions pour Pierre Messmer et Maurice Couve de Murville, estimant que la diplomatie de la France ne devait pas être tributaire des électeurs d’Édouard Frédéric-Dupont.
Maintenu au quai d’Orsay, Maurice Couve de Murville reste comme attendu fidèle au Général lors de la crise de mai 1968. Le 31 mai, de Gaulle, qui souhaite renouveler les équipes gouvernementales pour sanctionner les ministres qui ont fait défaut et renforcer la relance amorcée avec la manifestation des Champs-Élysées et la dissolution de l’Assemblée nationale, demande à Georges Pompidou de remanier son gouvernement. L’ancien ministre des Affaires étrangères devient provisoirement ministre de l’Économie et des finances tandis que le Quai d’Orsay échoit à Michel Debré. De Gaulle, qui songe toujours à Maurice Couve de Murville pour Matignon, a souhaité modifier l’image publique de son protégé en lui confiant un autre grand portefeuille conforme à ses compétences initiales. Reste pour Maurice Couve de Murville à conquérir cet adoubement électoral qui lui manque encore. Comprenant que l’opinion va fortement soutenir le pouvoir pour marquer son rejet de la chienlit, il entend profiter de la vague électorale légitimiste pour prendre sa revanche sur son échec aux législatives de 1967. Candidat de l’Union pour la défense de la République (UDR), dans la bourgeoise 6ème circonscription de Paris (VIIIème arrondissement), Maurice Couve de Murville est enfin élu député, dès le premier tour, le 23 juin 1968. Il démissionne, restant à son poste de ministre de l’Économie et des finances, et laisse son siège à son suppléant, le diplomate Raymond Bousquet, la démission étant effective le 11 août 1968. À peine a-t-il le temps de s’installer dans ses nouvelles fonctions ministérielles que le gouvernement remanié remet sa démission après le second tour des législatives, le 30 juin 1968. De Gaulle qui tient Georges Pompidou pour partiellement responsable de la contestation de mai en raison d’une politique qu’il juge immobiliste, pense que son ancien ministre des Affaires étrangères est l’homme de la situation pour relancer le pays et mener à bien certaines réformes de société. À la surprise générale, Maurice Couve de Murville est donc choisi pour Matignon. Le nouveau Premier ministre présente, le 10 juillet 1968, un gouvernement resserré de 18 ministres seulement. Le cabinet compte quatre ministres d’État tous gaullistes, André Malraux aux Affaires culturelles, Maurice Schumann aux affaires sociales, Roger Frey aux relations avec le Parlement et Jean-Marcel Jeanneney chargé de la réforme de la régionalisation et du Sénat, un nombre relativement important de gaullistes de gauche, tandis que les Républicains indépendants ne sont plus que trois, Raymond Marcellin à l’Intérieur, André Bettencourt à l’Industrie et Jean Chamant aux Transports.
Dans son discours de politique générale le 17 juillet 1968, le nouveau Premier ministre entame son propos par un vibrant hommage à son prédécesseur et souhaite explicitement que Georges Pompidou devienne un jour président de la République. Il explique vouloir protéger les mesures décidées au sommet de Grenelle, afin que les augmentations de salaires octroyées ne soient pas vidées de leur sens par des dévaluations ou l’inflation. Il présente cette dernière ainsi que le chômage comme les principaux périls menaçant le pays. Il faut, selon lui, que l’État augmente ses ressources et freine ses dépenses. Le Premier ministre, tout comme Georges Pompidou, perçoit mai 1968 comme une « crise de civilisation » et une « réaction contre une civilisation de consommation dominée par la technique ». Pour y répondre, l’État doit selon lui se moderniser. Il annonce une vaste réforme de l’enseignement, et notamment de l’Université. L’ensemble de son discours est structuré autour de l’idée de participation. Outre le projet d’une réforme constitutionnelle du Sénat, il souhaite « la déconcentration des pouvoirs administratifs ». L’action administrative et économique doit se diffuser dans les territoires : « Le monde moderne impose d'organiser dans l'ensemble du pays, entre la capitale et les régions, et à l'intérieur de chaque région, un vaste dialogue propre à préparer, à tous les échelons, la politique et les décisions, qu'il s'agisse du Plan et du crédit ou de l'aménagement du territoire, c’est-à-dire des travaux à entreprendre de la mise en valeur des régions et, plus généralement, de l'expansion économique. »
Afin d’augmenter les ressources de l’État, le budget de 1969 prévoit une hausse de l’impôt sur le revenu pour plus de deux millions de contribuables et une majoration des droits de succession. Alors que le franc est attaqué, le Premier ministre refuse la dévaluation et met au point un programme d’austérité rétablissant le contrôle des changes. Il fait aussi voter la loi d’amnistie au bénéfice des anciens activistes de l'Algérie française. Désireux de « finir » Mai 1968, Maurice Couve de Murville cherche à répondre aux contestations par plusieurs lois fondamentales réformant en profondeur la société française. C’est d’abord la loi Edgar Faure d'orientation de l'enseignement supérieur qui bouleverse le paysage universitaire français. Les universités autonomes et pluridisciplinaires remplacent les facultés auparavant cloisonnées et directement pilotées par l'État. Deux nouveaux centres universitaires sont créés : Dauphine et Vincennes. L’autonomie financière, par le versement d' « une subvention globale de fonctionnement », s'accompagne de l'application du principe de participation (création de conseils chargés d’administrer les établissements et composés de chercheurs, étudiants, personnel administratif et personnalités extérieures). C’est également la loi sur l’exercice du droit syndical dans l’entreprise par laquelle les syndicats peuvent désormais constituer des sections et désigner des délégués au sein des entreprises, qui consacre une liberté d'expression et d'action syndicale dans le monde professionnel.
Le dernier chantier, celui des réformes institutionnelles, est plus périlleux. Le premier projet prévoyait de transformer les régions en collectivités territoriales dotées d’un conseil régional, le second faisait du Sénat une chambre consultative via la fusion du Sénat et du Conseil économique et social, tandis que l'intérim du président de la République passait du président du Sénat au Premier ministre. Le 27 avril 1969, le texte est rejeté par référendum. Charles de Gaulle démissionne de la présidence de la République. Maurice Couve de Murville, qui vit d’autant plus mal cet échec qu’il s’est personnellement investi dans la campagne référendaire, reste en place durant l'intérim exercé par Alain Poher du 28 avril au 20 juin 1969.
Celui qui n’aura pas véritablement imposé sa marque comme Premier ministre durant ces onze mois et onze jours passés à Matignon – mais pouvait-il vraiment aider de Gaulle à imposer « une politique PSU à cette chambre PSF » selon la formule prêtée au Général ? –, a vu parallèlement ses relations avec Georges Pompidou se détériorer. Ce dernier est en effet persuadé que Maurice Couve de Murville, par sa passivité, a favorisé la diffusion des rumeurs lors de l’affaire Markovic à l’hiver 1968 et au printemps 1969. L’arrivée à l’Élysée d’un homme qui le tient pour partiellement responsable de sa disgrâce politique de l’été 1968, puis de la campagne de diffamation qui a blessé sa femme à l’hiver 1968, sonne donc la fin de la carrière gouvernementale de Maurice Couve de Murville. Sa retraite est accélérée par la défaite inattendue qu’il essuie lors d’une législative partielle dans les Yvelines à l’automne 1969. En effet, comme son suppléant, Raymond Bousquet, refuse de démissionner de son siège de député pour provoquer une législative partielle dans la 6ème circonscription de Paris, l’ancien Premier ministre, qui souhaite retrouver l’Assemblée nationale, se fait parachuter dans une circonscription de banlieue moins favorable aux candidats de la majorité, la 6ème circonscription des Yvelines (Marly et Louveciennes) créée en 1968 et située au nord-est du département. Toujours aussi peu à l’aise dans les campagnes de terrain, pénalisé par une défaite référendaire récente et par son passage écourté à Matignon, le candidat UDR Maurice Couve de Murville affronte une nouvelle fois un adversaire redoutable mais très différent de celui de 1967 : le leader du Parti socialiste unifié (PSU) Michel Rocard. Ce dernier, figure de la nouvelle gauche, très populaire à l’Union nationale des étudiants de France (UNEF), et qui avait marqué les esprits en mai 1968 en accompagnant Pierre Mendès France au stade Charléty, prend sa revanche de la présidentielle du printemps où il n’avait obtenu que 3,61 % des suffrages (toutefois à cette date le meilleur score du PSU et proche des 5 % du socialiste Gaston Defferre). Profitant d’un bon report des voix de gauche mais aussi des électeurs du candidat du Centre démocrate Pierre Sonneville, Michel Rocard, qui se veut le « candidat de la gauche et du socialisme », bat nettement le 26 octobre 1969 au second tour son adversaire gaulliste. Accusant « la coalition d’un socialisme révolutionnaire, des modérés du centre et des ultras de la droite », Maurice Couve de Murville est ébranlé l’année suivante par le décès du général de Gaulle. L’ancien ministre des Affaires étrangères prend alors du champ et entreprend la rédaction de ses mémoires. Il publie en 1971 chez Plon (l’éditeur du Général), Une politique étrangère, 1958-1969.
Mais l’inaction sied mal à cet homme d’engagement et les législatives de 1973 voient son retour actif en politique. Admis à la retraite à l’Inspection générale des Finances en janvier 1973, il peut se consacrer à la campagne. Il obtient l’investiture de l’Union des démocrates pour la République (UDR) dans la 6ème circonscription de Paris (VIIIème arrondissement) où il s’était imposé en juin 1968. Le gaulliste sort enfin de sa réserve habituelle pour aller au-devant des électeurs. Dans un contexte politique pourtant difficile pour la majorité à Paris, il s’impose au second tour, le 11 mars 1973, avec 52,2 % des voix contre le réformateur Philippe Tollu, élu conseiller de Paris en 1971 sur la liste présentée par Édouard Frédéric-Dupont. Le soutien à Philippe Tollu de la droite antigaulliste – Raymond Bourgine, candidat du Centre national des indépendants, avait obtenu 5 332 voix au premier tour – n’a pas suffi cette fois-ci à faire battre l’ancien Premier ministre. Maurice Couve de Murville s’inscrit au groupe UDR (Rassemblement pour la République après décembre 1976) et rejoint la commission des affaires étrangères, dont il prend aussitôt la présidence. À l’Assemblée, le député parisien intervient très souvent sur les questions diplomatiques. Il interpelle ainsi le gouvernement sur la situation au Proche-Orient, lors de la guerre du Kippour en octobre 1973, et lors du dénouement de la guerre du Vietnam en juin 1975. Il s’exprime régulièrement lors de l’examen du projet de loi de finances lorsqu’il est question du volet affaires étrangères (12 novembre 1973, 6 novembre 1974, 29 octobre 1975, 9 novembre 1976, 8 novembre 1977), s’attachant à faire respecter l’héritage gaullien en la matière (politique à l’égard du Tiers-Monde, politique arabe de la France, politique agricole commune, positionnement à l’égard des États-Unis et de l’URSS, dissuasion nucléaire, etc.). Il prend également la parole après les déclarations du gouvernement sur la politique étrangère de la France (19 juin 1973, 27 juin 1975, 6 mai 1976) pour soutenir celle-ci tout en émettant ici et là quelques critiques discrètes.
Maurice Couve de Murville, qui avait soutenu la candidature de Jacques Chaban-Delmas à la présidentielle de 1974 avant de se rallier au second tour à Valéry Giscard d’Estaing, siège dans les instances dirigeantes de l’UDR, devenue RPR. Il a rejoint, en 1976, le conseil régional d’Ile-de-France comme élu gaulliste - il y restera jusqu’en 1992 - et le Conseil de Paris en 1977. Ses relations avec Jacques Chirac, l’homme fort du néo-gaullisme, ne sont pas particulièrement chaleureuses mais l’autorité dont peut se prévaloir le député parisien, en tant qu’ancien dernier Premier ministre du Général, lui permet d’obtenir l’investiture du parti gaulliste à l’occasion des législatives du printemps 1978. Le 19 mars, dans la même circonscription parisienne, il s’impose très nettement en rassemblant 68,3 % des suffrages face à un candidat divers droite. Il reste au groupe RPR et conserve la prestigieuse présidence de la commission des affaires étrangères. Comme lors de la législature précédente, le député interroge régulièrement le gouvernement sur ses choix diplomatiques et ses orientations militaires (coopération militaire avec le Zaire le 17 mai 1978, accords monétaires européens le 11 avril 1979). Il se montre toutefois plus critique que dans le passé, exprimant ses réserves lors des discussions suivant la déclaration du gouvernement sur la politique étrangère (le 8 juin 1978, il déplore l’insuffisance des informations émanant du gouvernement en matière de diplomatie et rappelle la nécessité d’un débat au parlement sur la politique étrangère de la France, il regrette que l’Assemblée ne soit pas informée de certains accords de coopération ou de défense conclus avec des pays africains, note le piétinement de la construction européenne et s’inquiète de l’inaction de la France au Liban) ou lors des débats portant sur le volet « affaires étrangères » des projets de loi de finances (le 2 novembre 1978, il déplore le manque de crédits du ministère des Affaires étrangères et l’insuffisance de moyens qui en découle notamment sur le plan de l’action culturelle, souhaite un large débat sur l'élargissement de la communauté européenne, s’inquiète de l’élection au suffrage universel du Parlement européen qui risquerait d’entraver la construction européenne par des querelles partisanes et de l’extension des compétences du Parlement européen). Il suit de près l’évolution du système monétaire européen (24 avril 1979). Fin 1979, début 1980, le ton se fait moins critique. Il se félicite, le 7 novembre 1979, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 1980, du plan de redressement réussi du ministère des Affaires étrangères, il approuve la politique française au Cambodge mais considère comme excessif l’engagement militaire de la France en Afrique. Très attaché à la souveraineté française en matière de dissuasion, il ne souhaite pas que la France participe aux accords sur la limitation des armes nucléaires. Le 12 novembre 1980, intervenant à l’occasion de l’examen de la loi de finances pour 1981, il évoque les choix diplomatiques gaulliens, toujours d’actualité selon lui, face aux crises nouvelles (invasion de l’Afghanistan, tensions Pologne, guerre Iran-Irak) et insiste sur « le style en politique étrangère ».
L’alternance de mai 1981 et la vague rose qui l’accompagne lors des législatives de juin 1981 n’affectent pas la 6ème circonscription de Paris très ancrée à droite. Candidat RPR, Maurice Couve de Murville est facilement reconduit au Palais-Bourbon où il retrouve le groupe RPR et la commission des affaires étrangères. Durant cette législature, l’ancien Premier ministre se révèle un adversaire résolu du gouvernement de gauche même s’il n’en sanctionne pas toutes les réformes (il s’abstient ainsi lors du vote sur l’abolition de la peine de mort le 18 septembre 1981). Membre de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi de nationalisation, il s’inquiète le 14 octobre 1981, lors de l’examen du projet de loi, de ce qui lui paraît être une « étatisation de l'ensemble de l'économie française » avant de mettre en avant le coût excessif des nationalisations. Toutefois, même s’il déplore le 18 novembre 1981, lors de l’examen du volet « affaires étrangères » du projet de loi de finances pour 1982, la passivité du gouvernement face au déclin de la francophonie dans le monde et le manque de moyens attribués à la coopération, Maurice Couve de Murville exprime (non sans une certaine ironie) sa satisfaction de voir adoptées par le pouvoir de gauche « les idées du général de Gaulle sur la politique extérieure » et se félicite d’une certaine « continuité dans de nombreux domaines (présence politique, culturelle, économique et militaire en Afrique) ». Il s’inquiète le 10 juin 1982 de « l’indifférence de la France » face à la guerre au Liban et alerte le Parlement, le 17 novembre 1982, à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances pour 1983 sur l’accroissement de la dette extérieure de son pays. Le député parisien s’alarme, lors de l’examen le 22 juin 1983 du projet de loi sur les conditions d’accès aux corps des ministres plénipotentiaires, d’un risque de « politisation » du corps des ambassadeurs. Il souhaite que le Parlement soit mieux informé de la crise au Tchad (6 octobre 1983). Le 25 décembre 1984, il interpelle le gouvernement sur l’absence de Français à la Commission des communautés européennes et « le caractère inadmissible de cette situation ». La participation de ministres communistes au gouvernement en pleine crise des euromissiles l’inquiète. Il met en garde, le 8 novembre 1984, les parlementaires sur les problèmes de l'adhésion de l'Espagne et du Portugal et du fonctionnement de la CEE. Très attaché au respect dû aux institutions de la Vème République mises en place par le Général, il s’insurge, le 10 avril 1985, lors d’une question au gouvernement à propos d’une déclaration de Lionel Jospin au sujet de la Constitution évoquant « les temps du coup d'État permanent ». Lors de la discussion le 11 juin 1985 consécutive à la déclaration du gouvernement sur la politique étrangère, Maurice Couve de Murville critique la « désinvolture » avec laquelle le gouvernement traite l'Assemblée nationale, s'agissant de la politique étrangère et déplore le « zèle atlantique » manifesté par le l’exécutif au début du septennat. À propos de l’affaire Greenpeace, il relève les « dégâts faits dans le domaine de la politique extérieure » (6 novembre 1985).
Âgé de presque 80 ans en 1986, Maurice Couve de Murville ne figure pas sur les listes du RPR pour Paris à l’occasion des législatives du printemps, qui se déroulent au scrutin proportionnel de liste. En revanche, il est tête de liste RPR aux sénatoriales du 28 septembre 1986 (Voir le site Internet du Sénat). La liste emmenée par Maurice Couve de Murville rassemble logiquement le plus de suffrages à cette occasion. Avec 1 189 voix sur 2 351, elle obtient même une courte majorité absolue (50,6 %) et rafle en conséquence 11 des 12 sièges de sénateurs de Paris.
D'aucuns insistent alors sur le paradoxe rétrospectif que constitue l'entrée de Maurice Couve de Murville au Palais du Luxembourg. Comme Premier ministre, il avait en effet soutenu le texte soumis à référendum le 27 avril 1969, qui prévoyait la fin de la Haute assemblée. Devenu sénateur de Paris, il s'inscrit au groupe du RPR et siège à la commission des finances.
Ses interventions en séances publiques portent toutes sur des questions économiques et financières ou de politique étrangère. Rapporteur spécial du budget des services du Premier ministre de 1986 à 1994, il plaide avec constance pour une rationalisation des dépenses qui figurent sous ce titre, qu'il s'agisse du fonctionnement de l'École nationale d'administration (ENA), du Secrétariat général du Gouvernement (SGG) ou des autorités administratives indépendantes, par exemple. Il ne cache pas son hostilité au transfert de l'ENA à Strasbourg, décidé par le Premier ministre, Édith Cresson, en 1991. La mesure lui semble très coûteuse, outre qu'elle méconnaît, selon lui, la spécificité du recrutement des enseignants de l'ENA (séances du 1er décembre 1991). Le 26 novembre 1994, il parle même d'une « mesure absurde ». L'ancien Premier ministre se montre réticent lorsqu'il s'agit, plus généralement, d'augmenter les charges financières de l'État. Il s'abstient ainsi sur le projet de loi créant le revenu minimum d'insertion (RMI) ; le texte sur lequel la Haute assemblée doit se prononcer le 27 novembre 1988 a pourtant été largement modifié par les sénateurs, au point que les élus de droite l'approuvent et que les socialistes préfèrent s'abstenir sur cette nouvelle version du projet du gouvernement de Michel Rocard (27 novembre 1988).
En matière de politique extérieure, Maurice Couve de Murville se montre un défenseur résolu de ce qu'il considère comme la doxa gaullienne et prône avant tout une politique d'indépendance nationale. Cela se traduit notamment par une opposition résolue aux projets qui lui semblent relever du fédéralisme européen, qu'il s'agisse de la création de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (séance du 27 novembre 1990) ou du projet d'Union économique et monétaire (séance du 5 décembre 1991). Il appelle ainsi à voter « non » au référendum sur le traité de Maastricht le 20 septembre 1992.
L’ancien chef du Quai d’Orsay reproche aussi au gouvernement français de s'aligner exagérément sur la politique américaine pendant la crise du Golfe (séance du 27 novembre 1990) et persiste dans son hostilité aux opérations militaires engagées en janvier-février 1991, même après que la victoire sur les troupes irakiennes a été remportée (séance du 19 mars 1991). Ces positions lui valent d'être critiqué, et à travers lui la politique extérieure du général de Gaulle, par Roland Dumas, ministre des Affaires étrangères de François Mitterrand jusqu'en 1993.
Maurice Couve de Murville décède le 24 décembre 1999, à Paris, à l'âge de 92 ans. Le président de la République Jacques Chirac déclare que « la diplomatie française prend le deuil », tandis que le Premier ministre Lionel Jospin salue « un acteur important de la vie diplomatique et politique ». Grand officier de la Légion d’honneur depuis 1996, l’ancien ministre gaulliste était titulaire de nombreuses décorations prestigieuses de pays africains et européens.