Henri Dauthy
1866 - 1939
Né le 13 novembre à Eguzon (Indre), mort le 11 juin 1939 à Paris.
Député de l'Indre de 1906 à 1910. Sénateur de l'Indre de 1924 à 1939.
A sa naissance, le 13 novembre 1866, à Eguzon, ce chef lieu de canton de l'Indre qui n'était pour lors qu'un gros bourg et où l'on ne se doutait guère de la sensible expansion que donnerait .à toute cette région, quelques décennies plus tard, la construction d'un barrage hydroélectrique d'assez de renommée, il semblait qu'Henry Dauthy eût devant lui une carrière tracée. M. Dauthy le père, qui avait pris une charge de notaire à Eguzon, s'y était fait tant estimer que la population l'avait choisi, fort jeune encore, pour maire, puis, à peu de distance, pour conseiller général, Henry, qui était l'aîné - car un autre fils naquit au notaire, neuf ans après, Raymond, qu'on verra, lui aussi, conseiller municipal, puis maire, puis conseiller général, qu'on retrouvera même, à partir de 1924, sur les bancs du Palais-Bourbon - Henry suivit fidèlement l'exemple paternel : il se donna pareillement au droit et à la chose publique.
Dans cette haute vallée de la Creuse, à quelques lieues de Nohant, où George Sand vivait encore - on sait qu'elle ne mourut qu'en 1876 - Henry Dauthy connut l'enfance d'un petit paysan berrichon, celle de la Petite Fadette ou de François le Champi. C'est là, d'abord qu'il prit non seulement son goût pour les choses de la terre, mais aussi son amour pour le petit peuple de la campagne, spécialement pour les métayers, qu'il peindra plus tard comme « de braves gens qui commencent sans rien, qui arrivent dans leur domaine riches de leurs bras, riches, surtout de leur famille et qui, à force de labeur, s'élèvent peu à peu dans l'échelle sociale ». Il n'est pas indifférent de noter que ces lignes d'Henry Dauthy sont celles que le Président du Sénat -a jugées le plus dignes de figurer dans son éloge funèbre, comme le résumant tout, en ce qu'on y sent « l'émotion d'un grand cœur ».
Après de brillantes études où il montrait déjà ces qualités de « précision, de sobriété et de bonne grâce » que ses collègues sénateurs lui reconnaîtront au déclin de sa vie, Henry Dauthy conquiert le grade de licencié en droit et on le trouve à Cosne, dans la Nièvre, avoué, mais pour peu de temps, les toutes dernières années du XIXe siècle et la première du XXe, car en 1901. Il choisit d'être avocat et s'inscrit au barreau de La Châtre, dans son département de naissance.
L'an d'après, aux élections générales législatives du 27 avril 1902, contre le député sortant, Vaissière de Saint-Martin Valogne, candidat de la droite, son choix est fait ; il se présentera comme candidat des gauches, candidat « républicain » acquis au programme de la démocratie laïque. Il fut tout près de réussir, battu d'un souffle : 8.436 voix à de Saint-Martin 8.221 à Dauthy.
Au renouvellement qui suivit, le 6 mai 1906, Vaissière de Saint-Martin Valogne ne se représentant point, Henry Dauthy avait pour adversaire un « républicain progressiste » Siboulet, dont il fut vainqueur d'aussi peu qu'il avait été lui-même vaincu quatre ans plus tôt : 8.625 voix contre 8.349 à Siboulet sur 17.243 votants.
A la Chambre, où il s'était inscrit à la gauche radicale, Henry Dauthy, quoiqu'il fût membre - et même secrétaire- de la Commission de l'armée, s'intéressa par dessus tout aux problèmes agricoles, au fermage, au métayage ; mais une trop courte carrière lui fut laissée, car, le 24 avril 1910, son mandat expiré, il trouva devant lui un autre « progressiste » Henry-Adrien Fougère, lequel le battit bien nettement, recueillant 9.758 voix, quand 7.735 seulement se donnaient à Dauthy.
De cet échec, Henry Dauthy, nous dit-on dans son éloge funèbre, « ne montra d'ailleurs nul désarroi », non plus que des deux autres qu'il allait essuyer coup sur coup aux élections générales législatives du 10 mai 1914 et du 16 novembre 1919. « Fort de son solide bagage juridique il entreprit aussitôt et réussit vite, à Paris même, une carrière nouvelle comme arbitre - rapporteur au Tribunal de Commerce, puis comme administrateur judiciaire. Il y accrut son expérience des affaires et des hommes, la solidité de son jugement et son savoir aussi. L'espoir d'un nouveau destin parlementaire lui pouvait rester, mais il n'en montrait nulle impatience. > L'année 1924, qui devait le voir sénateur, commença pour Henry Dauthy par la plus cruelles des épreuves. Il avait un fils dont le Président Léon Bougeois avait deviné le haut mérite au point de l'avoir voulu compter, depuis plusieurs années déjà, parmi ses collaborateurs les plus proches. En janvier 1924, ce fils s'éteignit et Henry Dauthy, tout à son chagrin, était fort loin, lorsque, quelques semaines plus tard, le décès de Leglos ouvrit dans l'Indre la vacance d'un siège au Sénat, de songer à se porter candidat. Cependant, « comme le devoir lui était fait de briguer ce siège », finalement il accepta.
L'élection eut lieu le 4 mai 1924. Au troisième tour, après une lutte des plus serrées, Henry Dauthy l'emportait par 310 voix, contre 295 à son plus redoutable adversaire, Salmont, sur 616 votants, succès qu'il retrouvera, à moindre peine, au renouvellement du 16 octobre 1932, au deuxième tour de scrutin, par 317 voix, sur 614 votants.
Au Sénat, c'est au groupe de la Gauche démocratique que Dauthy s'inscrit. Nommé, dès son élection validée, membre de la Commission de la législation et de la Commission de l'hygiène, il ne cessera plus, jusqu'à sa mort, de faire partie et de l'une et de l'autre. Continuant de se pencher, avec un intérêt jamais démenti, sur les baux à ferme et la condition des métayers, il attache son nom à deux rapports dont le Sénat l'a c h a r g e, dont l'un regarde les incompatibilités parlementaires et l'autre le régime de la presse. Cependant, sur les loyers, sur les assurances sociale, sur l'artisanat, sur le bien de famille, il dit aussi son mot, et diverses réformes ne se font point, celle du régime des valeurs mobilières, celle des sociétés anonymes, celle de la pratique des actions à vote plural, qu'il ne tienne à jeter dans le débat le poids de son expérience.
Dès 1937, les premières manifestations du mal qui l'emportera commencent à le tenir éloigné du Palais du Luxembourg. Le 11 juin 1939, il s'éteint dans son appartement de la rue Mizon, derrière la gare Montparnasse. Il avait 73 ans.
A la séance du 13 juin, le Président Jeanneney prononça son éloge funèbre, ajoutant aux passages déjà cités : « C'est à la liberté, à la générosité, à la justice que, par prédilection, il faisait appel. Il a servi sans relâche ces idéaux. Comme il est juste, nous nous inclinons avec respect devant la tombe du collègue excellent, à l'âme probe, à l'amitié sûre, que nous perdons. Aux siens et à tous ceux qui le pleurent, j'adresse l'hommage de notre sympathie très profonde ».