Jules Delafosse
1841 - 1916
Député depuis 1877, né à Pontfarcy (Calvados), le 2 mars 1841, il fit ses études à Vire puis à Paris, et se fit recevoir licencié ès-lettres. Il voyagea en Europe, servit à Paris dans la garde nationale pendant le siège, et entra au Journal de Paris en 1870; il succéda, après le 24 mai 1873, à M. Weiss au Paris-journal.
Candidat bonapartiste aux élections du 20 février 1876, dans l'arrondissement de Vire, il échoua avec 5,694 voix contre 7,477 à l'élu républicain, M. Arsène Picard, et 3,628 à M. de Larturière. A la fin de cette même année, il fonda à Paris, avec M. Albert Duruy, un journal bonapartiste, la Nation, qui vécut peu, puis il vint créer à Caen l'Ami de l'ordre.
Candidat officiel du gouvernement du Seize-Mai aux élections du 14 octobre 1877, il fut élu, à Vire, par 8,514 voix sur 16,963 votants et 20,980 inscrits, contre 8,403 voix au député sortant, M. Arsène Picard. La Chambre invalida cette élection, mais les électeurs, convoqués à nouveau, le 17 juillet 1878, confirmèrent le mandat de M. Delafosse par 8,464 voix sur 16,781 votants et 21,259 inscrits, contre 8,193 voix à M. Arsène Picard.
Il prit place à droite et devint bientôt un des orateurs les plus écoutés de ce côté de la Chambre surtout en matière de politique extérieure; en juin 1880, notamment, il blâma la précipitation avec laquelle M. de Freycinet s'était prononcé pour une neutralité absolue dans le conflit gréco-turc.
Réélu, le 21 août 1881, par 8,760 voix sur 17,297 votants et 20,843 inscrits, contre 8,317 à M. Victor Hébert, il interpella le ministre des affaires étrangères sur son attitude hostile vis-à-vis de la Turquie (23 février 1882), sur la question égyptienne (1er juin), intervint (juillet) dans la discussion relative au protectorat à Tunis, protesta (15 mai 1883) contre l'expédition de Chine, critiqua (10 juillet) le désaveu infligé par le gouvernement à M. Bourée dans ses négociations avec le Céleste Empire, interpella (26 juin 1884) le cabinet Ferry sur sa situation effacée vis-à-vis de l'Angleterre dans la question de l'occupation de l'Egypte, reprocha vivement au cabinet (novembre), à propos du Tonkin, ses indécisions et ses dissimulations, questionna le premier le cabinet (26 mars 1885) sur la malheureuse affaire de Lang-Son, déposa (30 mars) une demande de mise en accusation du ministère, et, lors de la discussion de cette motion (4 juin), attaqua l'ancienne majorité qui « a permis au cabinet, habile à exploiter son dévouement et sa complaisance, de tout oser impunément contre la patrie et contre la loi. »
Porté sur la liste conservatrice du Calvados aux élections du 4 octobre 1835, M. Delafosse fut élu, le 1er sur 7, avec 53,054 voix sur 89,064 votants et 117,207 inscrits. Il s'éleva, le 22 décembre suivant, contre les nouveaux crédits demandés pour le Tonkin, et continua de protester en toute occasion contre la politique coloniale.
En juillet 1887, son nom fut mêlé aux propositions de coup d'Etat qui, d'après M. Francis Laur (Voy. ce nom) auraient été faites au général Boulanger, d'une part par 94 généraux, d'autre part par une délégation de la droite. M. Delafosse reconnut sans peine qu'il avait eu avec le général une conversation toute privée, après l'incident de Pagny-sur-Moselle (avril 1887). « Si le général comprit, dit-il, que je préférais une dictature militaire, à défaut d'un régime plus régulier, au parlementarisme, je ne conteste pas qu'il ait eu raison. » M. Delafosse est un des collaborateurs réguliers du journal le Matin, dans lequel il défend les mêmes idées qu'à la Chambre; il a fait partie du comité des Douze chargé de la direction politique de la droite parlementaire. Dans la dernière session de la législature, il s'est abstenu sur la question du rétablissement du scrutin d'arrondissement (11 février 1889), et s'est prononcé pour l'ajournement indéfini de la révision de la Constitution, contre les poursuites contre trois députés membres de la Ligue des patriotes, contre le projet de loi Lisbonne restrictif de la liberté de la presse, contre les poursuites contre le général Boulanger. En avril 1889, il a combattu à la tribune la proposition de loi organisant le Sénat en haute cour de justice pour juger le général Boulanger. Chevalier de la Légion d'honneur.
Né le 2 mars 1841 à Pontfarcy (Calvados), mort le 31 janvier 1916 à Paris.
Député du Calvados de 1878 à 1898 et de 1902 à 1916. (Voir première partie de la biographie dans ROBERT ET COUGNY, Dictionnaire des Parlementaires, t. II, p. 302).
Aux élections générales du 22 septembre 1889, il fut réélu au premier tour de scrutin dans la circonscription de Vire, par 9.073 voix contre 7.402 au candidat républicain Dugué sur 16.620 votants. Il fit partie de la Commission de la marine (1890) et s'intéressa surtout à la politique étrangère et coloniale. En 1890, il interpella le Gouvernement sur la situation des colons français en Tunisie et intervint dans la discussion du budget de l'exercice 1891 à propos des établissements français en Orient et de la Conférence de Bruxelles. Il prit également la parole sur le projet de loi portant approbation de l'Acte général qui avait conclu cette Conférence le 2 juillet 1890. Ce fut ensuite la politique française au Tonkin qui retint son attention (budget de l'exercice 1892) puis il posa une question au Ministre des Affaires étrangères sur l'envoi de troupes en Egypte par l'Angleterre (1893). Enfin il participa au débat relatif au câble sous-marin des Açores (1893). Il était également intervenu dans la discussion des interpellations sur les manifestations ultra-mondaines de certains évêques de France (1892) et à propos du régime des boissons (budget de 1893).
Aux élections générales du 20 août 1893, il est réélu au premier tour de scrutin par 10.079 voix contre 5.883 seulement à Dugué sur 16.129 votants. Il cesse alors de collaborer au Matin et donne des articles au Figaro. Il participe à la discussion du budget de la Guerre de l'exercice 1895, de la réforme de l'impôt sur les boissons (1895) et du budget de l'exercice 1898 à propos de la réforme du Conseil supérieur du baccalauréat, de la répression du vagabondage et de l'occupation de la baie de Kiao-Tchéou par l'Allemagne. Mais surtout il intervient lorsque le Gouvernement est interpellé sur sa politique en Afrique (1894), à Madagascar (1895) dans les affaires d'Egypte (1896). Il l'interpelle lui-même sur les événements d'Arménie (1896) et sur les affaires d'Orient.
Aux élections générales du 8 mai 1898, il est battu au premier tour de scrutin dans sa circonscription de Vire, par l'avocat républicain Chenel, maire de Vire, qui recueille 8.790 voix, tandis que lui-même ne parvient à en réunir que 7.793 sur 16.703 votants.
Il prend sa revanche aux élections générales du 27 avril 1902 : il est alors élu au premier tour de scrutin par 9.030 voix contre 7.638 à Chenel sur 16.849 votants. Au cours de cette législature, il s'intéresse au problème des bouilleurs de cru (1903 et 1905), à la politique religieuse et aux colonies. Il intervient sur les demandes d'autorisation des congrégations prédicantes (1903) et sur la loi de séparation des Eglises et de l'Etat pour demander le maintien du budget des Cultes (1905). Il interpelle le Gouvernement sur sa politique religieuse (1904), sur sa politique marocaine (1903) et sur sa politique extérieure (1905). Il prend aussi la parole à propos de la convention franco-anglaise relative à Terre-Neuve et à l'Afrique occidentale et centrale (1904) et sur le budget des Affaires étrangères (Maroc) de l'exercice 1905.
Aux élections générales du 6 mai 1906, il est réélu au premier tour de scrutin par 9.798 voix, contre 5.853 qui vont à Charles Berger sur 15.857 votants. Toujours passionné par les mêmes sujets, il interpelle le Gouvernement sur la rupture des relations avec le Saint-Siège (1906) et, à quatre reprises, sur sa politique marocaine (1907-1908-1909). Dans une question écrite, il demande au Ministre de l'Instruction publique d'assurer la neutralité scolaire dans une commune de son département, Sainte-Marie-Laumont (1909).
Aux élections générales du 24 avril 1910 il est réélu au premier tour par 7.861 voix, contre 7.742 à Berger sur 15.711 votants. Il est nommé membre de la Commission des affaires extérieures, des protectorats et des colonies. Il participe à la discussion du budget des Affaires étrangères de l'exercice 1911, demande à interpeller le Gouvernement sur les négociations franco-allemandes (1911) et se fait entendre à propos de la convention conclue entre les deux pays, le 4 novembre 1911, pour délimiter leurs possessions respectives en Afrique équatoriale.
Viennent les élections du 26 avril 1914 ; Jules Delafosse est réélu au premier tour, par 8.179 voix contre 6.881 à Maurice Canu sur 15.234 votants. Il fait de nouveau partie de la Commission des affaires extérieures.
Le mardi 1er février 1916 lendemain de sa mort, survenue à Paris le 31 janvier à l'âge de 73 ans, le président Paul Deschanel annonce la nouvelle à la Chambre et prononce son éloge funèbre : « ... Cet orateur diplomatique, cet homme de plume qui avait l'apparence d'un grand bourgeois du temps de Louis-Philippe, ce parlementaire malgré lui, dont l'ardeur languit dans les chambres républicaines, avait l'âme d'un soldat de Napoléon 1er ... C'était, dans son ordre et à son rang, une sorte de Bonald, mais sans le droit divin, jeté en plein droit populaire et partant fort mal à l'aise. »
Journaliste, polémiste, Jules Delafosse avait publié un grand nombre d'ouvrages politiques : Le procès du 4 septembre (1875) - Hommes et choses (1888) - A travers la politique (1889)- Etudes et Portraits (1894) - Vingt ans au Parlement (1898) - Figures contemporaines (1899) - Théorie de l'Ordre (1901) - Psychologie du député (1904) - La France au dehors (1908) - Portraits d'hier et d'aujourd'hui (1913).