Théophile Delcassé

1852 - 1923

Informations générales
  • Né le 1er mars 1852 à Pamiers (Ariège - France)
  • Décédé le 21 février 1923 à Nice (Alpes-Maritimes - France)

Mandats à l'Assemblée nationale ou à la Chambre des députés

Régime politique
Troisième République - Chambre des députés
Législature
Ve législature
Mandat
Du 22 septembre 1889 au 14 octobre 1893
Département
Ariège
Groupe
Gauche radicale
Régime politique
Troisième République - Chambre des députés
Législature
VIe législature
Mandat
Du 20 août 1893 au 31 mai 1898
Département
Ariège
Groupe
Gauche radicale
Régime politique
Troisième République - Chambre des députés
Législature
VIIe législature
Mandat
Du 8 mai 1898 au 31 mai 1902
Département
Ariège
Groupe
Gauche radicale
Régime politique
Troisième République - Chambre des députés
Législature
VIIIe législature
Mandat
Du 27 avril 1902 au 31 mai 1906
Département
Ariège
Groupe
Gauche radicale
Régime politique
Troisième République - Chambre des députés
Législature
IXe législature
Mandat
Du 6 mai 1906 au 31 mai 1910
Département
Ariège
Groupe
Gauche radicale
Régime politique
Troisième République - Chambre des députés
Législature
Xe législature
Mandat
Du 24 avril 1910 au 31 mai 1914
Département
Ariège
Groupe
Gauche radicale
Régime politique
Troisième République - Chambre des députés
Législature
XIe législature
Mandat
Du 26 avril 1914 au 7 décembre 1919
Département
Ariège
Groupe
Gauche radicale

Biographies

Biographie extraite du dictionnaire des parlementaires français de 1889 à 1940 (Jean Jolly)

Né le 1er mars 1852 à Pamiers (Ariège), mort le 21 février 1923 à Nice (Alpes-Maritimes).

Député de l'Ariège de 1889 à 1919
Sous-Secrétaire d'Etat aux colonies du 17 janvier au 25 novembre 1893 ;
Ministre des Colonies du 30 mai 1894 au 14 janvier 1895 ;
Ministre des Affaires étrangères du 28 juin 1898 au 6 juin 1905 ;
Ministre de la Marine du 27 juin 1911 au 18 janvier 1913 ;
Ministre de la Guerre du 9 au 13 juin 1914 ;
Ministre des Affaires étrangères du 26 avril 1914 au 13 octobre 1915.

Théophile Delcassé est né d'une famille paysanne de fortune modeste. Ses études faites au collège de sa ville natale, il s'inscrivit à la faculté de Toulouse où il acquit le grade de licencié ès-lettres, puis il gagna Paris. Un poste de maître-répétiteur dans un lycée de la rive gauche lui assura sa subsistance et l'indépendance conforme à ses goûts. Tout en gagnant sa vie, il complétait sa formation classique par l'étude des langues vivantes : l'anglais et l'allemand.

Son admiration pour Gambetta, à qui il fut présenté, le conduisit à la politique et d'abord au journalisme. Il prit une part active aux réunions publiques parfois tumultueuses organisées à Belleville et à Ménilmontant par le grand tribun qui lui confia, dans son journal, la République française, les rubriques des affaires étrangères et des questions coloniales dont Camille Barrère, appelé à des fonctions officielles, était précédemment chargé.

Il avait alors à peine vingt-cinq ans. Le métier de journaliste lui permit d'approfondir les grands problèmes dont il eut à connaître les prolongements lorsqu'il assuma les responsabilités du pouvoir.

Il collabora également au journal Paris, quotidien du soir dont le rédacteur en chef était Arthur Ranc, ami de Gambetta, et donna des articles au Matin et au Jour.

En janvier 1881, sur les instances de Gambetta, il se présenta aux élections municipales de Paris dans le quartier de Chaillot où il habitait. Ce premier « galop d'essai » fut aussi un échec d'ailleurs prévu.

Cependant, de la tribune des journalistes, il suivait avec passion les débats dont la Chambre était le théâtre. Il y assista, le 26 janvier 1882, à la chute du Ministère Gambetta provoquée par le rejet du projet de réforme constitutionnelle sur le mode d'élection du Sénat et des députés. Bouleversé, tant par l'éloquence de son patron que par les attaques dont celui-ci était accablé, il rédigea dans la nuit même et publia quelques temps après une brochure intitulée : Alerte ! Où allons-nous ? Il y dénonçait les faiblesses du système ministériel et, relevant l'accusation lancée contre Gambetta de viser au pouvoir personnel et à la dictature, il affirmait que la République ne pouvait se concevoir sans un pouvoir fort et responsable « Au Parlement le contrôle et le jugement, à l'exécutif l'initiative et l'exécution ».

Le 31 décembre 1882, Gambetta était mort. Delcassé demeura fidèle, jusqu'à la fin de sa vie, à la mémoire de celui qui avait été pour lui un guide et un ami. Il se flatta, plus tard, de continuer sa politique.

Un autre homme d'Etat exerça sur lui une profonde influence : Jules Ferry dont il approuvait sans réserve la politique coloniale.

L'assaut violent lancé par Clemenceau au cours de la séance mémorable du 30 mars 1885, après le coup de surprise de Langson, au Tonkin, contre cet homme qu'il admirait, souleva son indignation. Dans la soirée qui suivit la chute du Ministère, il fut du petit nombre d'amis qui se rendirent au domicile de Jules Ferry pour lui témoigner leur réprobation de l'animosité dont il était l'objet.

Les élections générales législatives étaient proches. La loi électorale du 16 juin 1885 instituant le scrutin de liste donnait au département de l'Ariège quatre sièges au lieu de trois. Delcassé se présenta sur la liste Républicaine à laquelle s'opposaient une liste de droite et une liste Radicale. Au premier tour de scrutin, le 4 octobre 1885, la liste de droite obtint en moyenne 24 000 voix, la liste Républicaine 18 000 et la liste Radicale 13 000. Les tractations entre radicaux et républicains en vue du second tour aboutirent, pour faire échec aux « réactionnaires », à la constitution d'une liste commune dite de concentration et d'union qui fut élue, mais le nom de Delcassé n'y figurait pas.

Il avait dû céder la place à un ancien du Parti radical. Sans amertume, Delcassé reprit sa plume de journaliste. C'est en 1889 qu'il remporta ses premiers succès électoraux. Au mois de juillet, il enlevait le siège de conseiller général du canton de Vicdessos, en Ariège, au réactionnaire qui l'occupait depuis de nombreuses années. Il fut constamment réélu dans ce canton jusqu'à sa retraite de la vie publique.

Le 22 septembre 1889, se déroulèrent les élections générales, au scrutin d'arrondissement qui avait été rétabli. Delcassé fut désigné par les élus républicains de l'arrondissement de Foix comme candidat unique et l'emporta au premier tour de scrutin par 10 836 voix contre 8 086 à son concurrent immédiat, Albéric de Narbonne-Lara, candidat monarchiste, sur 19 148 votants.

Il avait placé sa campagne électorale sous le signe de la défense de la République, menacée l'année précédente par le boulangisme qui ouvrait l'ère des grandes crises. Ce qui donnait tout son sens à sa profession de foi débutant en ces termes : « Disciple fidèle de Gambetta, vous savez qui je suis : un républicain pour qui la République est indissolublement unie à la France, pour qui les ennemis de la République sont forcément les ennemis de la France. »

Il préconisait l'union de tous les républicains sans distinction de groupe. Soucieux des intérêts de ses futurs commettants, il se déclarait favorable au maintien et, au besoin, à l'élévation des droits protecteurs sur le bétail étranger et au dégrèvement de l'impôt foncier.

Son élection marquait le début d'une carrière politique de plus de trente ans. Il fut réélu le 20 août 1893 au premier tour de scrutin par 14.128 voix contre 104 à son concurrent immédiat, Théron, réactionnaire, sur 14.813 votants. A la Chambre, il s'inscrivit au groupe de la gauche Radicale et fit partie de diverses Commissions, notamment de la Commission des chemins de fer, de la Commission chargée de l'examen des projets et propositions de loi concernant la marine (1890), de la Commission du budget de 1891.

Il prononça son premier discours le 6 novembre 1890 dans la discussion générale du budget des Affaires étrangères. Evoquant la question d'Egypte, il reprochait au Gouvernement présidé par de Freycinet, vieil adversaire de Gambetta « sa politique de concessions perpétuelles et malheureusement pas réciproques à l'Angleterre ».

Il ajoutait : « Il s'agit, messieurs - cela vous a été dit à cette tribune il y a six mois - de ne pas séparer les deux grandes puissances occidentales qui représentent dans le monde les idées de liberté. Ce sera parfait : je comprends ce souci, mais à une condition, c'est de retrouver cette préoccupation et ce souci dans la politique anglaise. Eh bien ! ce souci, cette préoccupation nous en cherchons vainement la trace dans la politique anglaise. Trop de preuves attestent, au contraire, que l'entente cordiale n'a été profitable qu'à la seule Angleterre et c'est ce à quoi je pense : notre patriotisme ne peut indéfiniment se résigner. » Il analysait ensuite la politique coloniale en Afrique. Enfin, dressant un tableau de la situation européenne depuis la conclusion de la triple alliance, il préconisait l'entente de la France et de la Russie : « La France étant, j'imagine, une puissance aussi pleinement indépendante que l'Allemagne, l'Autriche et l'Italie peut très bien faire ce qu'ont cru devoir faire celles-ci sans prendre l'avis de qui que ce soit et sans consulter autre chose que son intérêt. »

Au cours de cette cinquième législature, divers rapports lui furent confiés : rapport sur la convention pour l'échange de télégrammes (1890) ; rapports sur le budget de 1892 (service des colonies ; chemin de fer et port de la Réunion ; crédit pour le Tonkin et l'Annam) ; rapport sur l'exploitation des mines de fer de Rancié en Ariège ; rapport sur la proposition de loi tendant à la création du Ministère des Colonies (1892).

Quand fut décidée l'ouverture d'une enquête sur les affaires de Panama, il fut élu membre de la Commission chargée de cette enquête. Il n'accepta ces fonctions que sur les instances pressantes de ses amis, notamment de Louis Barthou, qui fit appel à « son courage dans un combat pour l'équité ». Quoique sans indulgence pour les « chéquards » il éprouvait quelque répugnance à remuer les dessous d'une affaire où se trouvait impliqué son ancien colistier de 1885, Sens-Leroy.

Entre autres effets, l'affaire de Panama eut celui de faire tomber le Ministère Loubet, le 6 décembre 1892 et le premier Ministère Ribot le 11 janvier 1893. Appelé à constituer un nouveau Ministère, Ribot offrit un portefeuille à Delcassé qui accepta, après quelques hésitations, le Sous-secrétariat aux colonies, poste auquel le désignaient sa préparation et ses compétences.

Le 4 février 1893, lors de la discussion du budget de son département ministériel, il exposa à la Chambre son programme : « Garantir partout l'ordre et la sécurité ; protéger et encourager l'initiative privée... La conquête pour la conquête ne saurait constituer un programme... Je ne dirai pas que le domaine colonial est à jamais fixé... Mais le domaine colonial acquis ces dernières années est immense et son organisation suffira pendant longtemps à retenir toute notre attention. »

Le 28 mars, il répondit aux interpellations sur la situation au Dahomey.

Il conserva son portefeuille dans le Cabinet Charles Dupuy qui, le 30 mars 1893, succéda à celui d'Alexandre Ribot. Le 15 mai, il intervint à la Chambre pour appuyer la proposition tendant à transformer le Sous-secrétariat aux colonies en Ministère et obtint un vote favorable.

Quand le 25 novembre 1893, Charles Dupuy démissionna, il le suivit dans sa retraite.

Mais six mois après, le 30 mai 1894, Charles Dupuy ayant constitué un deuxième Cabinet, après la chute du Gouvernement Casimir-Perier, il y prit le Ministère des Colonies, nouvellement créé. Dans ce nouveau cabinet que dominaient des questions de politique intérieure - répression des menées anarchistes après l'assassinat du Président de la République Sadi Carnot, violente opposition de la gauche et de l'extrême gauche aux « lois scélérates », et, en fin d'année prodromes de l'affaire Dreyfus - il reprit avec sérénité sa tâche dans la ligne du programme qu'il s'était fixé. Au cours des huit mois de son ministère, il n'eut guère le loisir d'intervenir dans les assemblées parlementaires. Mais, revenu à son banc de député, après la chute du Cabinet Dupuy, il eut, le 2 mars 1895, dans la discussion du budget des Colonies, à faire le bilan de son action passée. Dans un discours qui occupa la majeure partie des deux séances que la Chambre tint ce jour-là, il fit un large tour d'horizon de nos possessions d'outre-mer et mit l'accent sur la répression de la piraterie au Tonkin, sur les aspects financiers, économiques, humains et sociaux de l'administration de l'Indochine, sur la situation au Congo, sur la mise en valeur des territoires africains par l'octroi de concessions - combattues par Jaurès qui y voyait un moyen d'expansion du capitalisme - sur la formation, dont il avait pris l'initiative, d'une colonne ayant pour mission de protéger le pays de Kong, en Côte-d'Ivoire, contre les incursions des bandes armées de Samory.

Le 27 juin suivant, à l'occasion de la discussion de crédits supplémentaires pour le budget des Colonies, il dut revenir sur cette dernière question pour déplorer la dissolution par le Gouvernement en place, de la « colonne de Kong » en pleine bataille, sous le prétexte faux, selon lui, qu'elle était privée de vivres et de munitions.

Au cours de ses passages au Sous-secrétariat puis au Ministère des Colonies, il avait eu des contacts suivis avec le Ministère de la Marine. Il avait pu se convaincre de l'infériorité en puissance et en nombre de notre flotte, en comparaison de flottes étrangères rivales. L'exposé fortement documenté qu'il fit, à la Chambre, le 12 décembre 1896 dans la discussion du budget de la Marine témoigna du soin extrême qu'il avait porté à son étude sur la situation de notre flotte, de nos ports, de nos arsenaux. Il dénonçait la confusion des attributions, l'étrangeté du système de comptabilité en usage dans le Département de la marine, le mauvais emploi des crédits.

« Je ne peux affirmer - disait-il - que la force actuelle de notre marine représente exactement les sacrifices que depuis vingt-cinq ans le pays a consentis. » Il proposait des remèdes, recommandait l'organisation, dès le temps de paix, de la défense des côtes, citant à ce propos de Moltke et l'exemple allemand.

De sa visite aux ports français, de celles qu'il ne manqua pas de faire au cours d'un voyage outre-Rhin, des grands ports allemands, il tira d'utiles conclusions. Le 1er février 1898, toujours dans la discussion du budget de la Marine, il traita la question plus spécialement sous son aspect politique.

Il signalait l'ampleur des programmes navals anglais, allemand et même italien.

« Il ne s'agit pas pour la France - déclarait-il - d'avoir une flotte égale en nombre à la flotte anglaise. Il s'agit de ne pas laisser s'accroître la distance déjà si grande qui les sépare. Surtout nous devons empêcher que l'équilibre que nous nous sommes efforcés de maintenir entre les flottes de la triple alliance et la nôtre soit peu à peu détruit à notre détriment. Je ne suis ni anglophobe, ni anglophile et mes préférences, en politique étrangère, sont avant tout déterminées par les intérêts de mon pays. Cela dit, pour éviter toute équivoque, j'estime que, dans l'établissement de notre programme naval, nous devons nous préoccuper de l'Angleterre.

« Pour nombreux, pour importants que soient nos différends avec elle, aucun n'est assez considérable, assez vital, pour justifier entre elle et nous une guerre d'extermination. Faites voir que vous êtes en état de vous défendre et que vous en avez la résolution. Il n'en faudra pas davantage pour qu'on s'abstienne d'empiétements et de provocations et pour qu'on incline plutôt à rechercher une amitié dont les événements qui paraissent devoir se précipiter se chargeront de faire ressortir tout le prix. »

C'est dans cette même discussion du budget de la Marine, le 3 février, que Delcassé dut relater - sur une interpellation de Jaurès au Gouvernement - les circonstances d'un viol de correspondance commis à son encontre. Le Gouvernement s'en tira par la promesse d'une enquête.

Dans l'intervalle de ses deux interventions sur la marine, il était entré dans l'opposition. Au cours de ses voyages, il avait recueilli dans plusieurs départements, dans le sien notamment, divers échos du mécontentement suscité par la politique du Gouvernement Méline qui ne devait son maintien au pouvoir qu'à l'appoint des voix de la droite et recherchait des appuis nouveaux dans les éléments catholiques. Le 27 mai 1897, il interpella le Gouvernement, soulignant l'inefficacité de sa politique extérieure, l'absence, en politique intérieure, de mesures propres à « apporter quelque soulagement à ces masses de paysans laborieux, économes, les plus nombreux et les plus fermes soutiens de nos institutions ».

Il observait que si le précédent Gouvernement de composition exclusivement radicale - celui de Léon Bourgeois - n'avait pu gouverner qu'avec les voix des collectivistes, le Gouvernement au pouvoir composé de modérés, ne pouvait se passer des voix de la droite. Il insistait sur le nécessaire maintien du « principe de la laïcité de l'Etat, de sa neutralité confessionnelle, de son indépendance absolue vis-à-vis de toutes les églises » et concluait une fois de plus, à l'union des républicains, rappelant cette formule de Gambetta : « Un Ministère républicain doit gouverner pour le pays tout entier mais avec le seul Parti républicain ».

Méline se maintint tant bien que mal jusqu'aux élections qui furent fixées au mois de mai 1898, les pouvoirs de la Chambre ayant été prolongés de six mois.

Pour Delcassé, cette campagne électorale fut la plus rude de sa carrière. Contre lui se présentait, dans l'arrondissement de Foix, un socialiste Raoul Lafagette, qui groupa sur son nom les mécontents. Cependant le 8 mai Delcassé était élu dès le premier tour de scrutin par 9 226 voix contre 8 333 à Lafagette, sur 17 771 votants.

Contre ce même candidat, aux élections législatives de 1902, le 27 avril, il sera réélu par 13 735 voix contre 2 648 sur 18 410 votants au premier tour de scrutin.

Le 28 juin 1898, le Ministère Méline se retirait et Henri Brisson, chargé de constituer le Gouvernement, fit appel pour les Affaires étrangères à Delcassé qui accepta.

En s'installant au quai d'Orsay, le 28 juin 1898, Delcassé inaugurait un septennat ministériel durant lequel il accomplit une œuvre considérable, diversement appréciée, mais assurément inspirée d'un ardent patriotisme.

Il y recueillait une succession peu enviable. L'Espagne était en guerre avec les Etats-Unis. Le désastre naval qu'elle subissait au large de Santiago de Cuba le 3 juillet rendait possible l'attaque de ses ports atlantiques par la flotte américaine. Sa résistance fut de courte durée. Le 12 août, elle acceptait les conditions des Etats-Unis. Cependant restait à régler le sort des Philippines. Delcassé offrit la médiation de la France. Cette offre ayant été acceptée de part et d'autre, une conférence réunit à Paris les commissaires espagnols et américains.

Autrement préoccupants étaient pour la France les effets de sa rivalité avec l'Angleterre sur le terrain colonial. L'expédition du Commandant Marchand, décidée en 1896 par le prédécesseur de Delcassé, Gabriel Hanotaux en dépit de 1'avertissement du Cabinet britannique selon lequel une telle expédition constituerait un « acte inamical » était en cours. Moins d'un mois après la prise de fonction de Delcassé, Marchand occupait la forteresse de Fachoda, dans le Haut-Nil. Le 26 septembre, Kitchener y arrivait. Marchand invité à rendre la forteresse répondit qu'il attendait les ordres de la France. On était à deux doigts de la guerre. De part et d'autre de la Manche, la fièvre montait, entretenue par la presse des deux pays. L'Angleterre procédait à une nouvelle répartition de ses escadres. Les experts navals français ne dissimulaient pas leurs inquiétudes. L'Allemagne qui, le 5 septembre, avait signé avec l'Angleterre un accord visant au partage éventuel des colonies portugaises, cherchait à tirer parti des événements. La conjoncture intérieure n'était pas moins mauvaise. L'affaire Dreyfus continuait à déchaîner les passions et provoquait la démission de trois ministres de la guerre successifs en moins de deux mois. Le 25 octobre, le ministère Brisson était démissionnaire.

Après un dernier entretien dramatique avec l'ambassadeur anglais Monson, Delcassé, dès que le nouveau Gouvernement présidé par Charles Dupuy eut obtenu la confiance de la Chambre, le 4 novembre, fit donner l'ordre à Marchand d'évacuer Fachoda.

Nombreux furent ceux qui lui reprochèrent cette reculade ressentie comme une humiliation. D'autres, au contraire, ont déploré ses atermoiements, son hésitation à prendre une décision inéluctable.

La réponse à ses détracteurs, Delcassé la donna moins de trois mois après, le 24 janvier 1899, devant la Chambre. On y relève la phrase significative suivante : « Une situation locale manifestement inégale, la comparaison entre les sacrifices trop certains et la médiocrité d'un résultat d'ailleurs problématique avaient dicté au Gouvernement, qui n'avait dans cette entreprise aucune responsabilité, pas plus dans la décision que dans l'action, une résolution parfaitement honorable, mais non moins cruelle. »

La crise trouva son épilogue dans la signature à Londres, le 21 mars 1899, d'une convention déterminant les zones d'influence de la France et de l'Angleterre dans la région Congo-Nil, complétant celle de juin 1898 sur l'Afrique occidentale.

Doit-on voir dans ce début de liquidation du contentieux colonial franco-britannique une amorce de l'entente cordiale ? Delcassé a-t-il recherché cette entente dès son arrivée aux affaires ?

Le point demeure controversé.

En fait, quelles qu'aient été les intentions de Delcassé, la route qui, de 1899 à 1904, conduisit à l'entente cordiale fut sinueuse et semée d'embûches.

Il eut à compter avec un gouvernement britannique germanophile, Lord Salisbury étant aux affaires étrangères et Baldwin aux colonies ; avec une diplomatie allemande ondoyante, le Kaiser Guillaume II se mêlant de toutes les querelles, non pour les apaiser, mais pour désunir les puissances, tantôt faisant des avances à notre ambassadeur de Noailles pour une coopération des flottes allemande et française dans le cas d'une guerre avec l'Angleterre, tantôt s'efforçant d'obtenir de la reine Victoria, sa grand-mère, une invitation officielle à Londres, proposant à la France et à la Russie une démarche conjointe auprès du cabinet britannique pour faire cesser la guerre du Transvaal, puis refusant au président Kruger l'accès de l'Allemagne après sa visite en France, cherchant à ruiner la confiance du Tzar Nicolas II dans la France, et la confiance de la France dans son allié russe.

Après le règlement de la crise de Fachoda, c'est cette alliance russe que Delcassé s'employa à raffermir. Officiellement, il louait fort l'initiative prise par le Tzar Nicolas II de réunir à La Haye une conférence de la paix pour la limitation des armements, il se félicitait à la tribune de la Chambre, des résultats obtenus dans la capitale néerlandaise, l'essentiel étant l'institution d'une cour internationale d'arbitrage ; mais, pas plus que ses homologues étrangers, il ne se faisait d'illusion sur la portée pratique d'une telle conférence, qui, dans l'esprit des dirigeants russes, avait surtout pour objet d'éviter à leur pays les dépenses que supposait le renouvellement de son matériel d'artillerie.

En accord avec Waldeck-Rousseau, successeur de Charles Dupuy, il entreprit un voyage à Saint-Pétersbourg au mois d'août 1899 et engagea des négociations avec le comte Mouraviev. Celles-ci aboutirent le 9 août à un échange de lettres prévoyant que l'alliance resterait valable sans limite de temps - et non plus pour la durée de la triple alliance - et que la France et la Russie se prêteraient un mutuel appui pour le « maintien de l'équilibre européen ».

Cette formule impliquait que la France accepterait de donner son appui à la politique balkanique de la Russie, qui, de son côté, devrait tenir compte des revendications françaises sur l'Alsace-Lorraine. L'alliance resterait défensive ; rien n'était changé au casus foederis.

Revenu de Saint-Pétersbourg, Delcassé se tourna vers l'Italie. En la personne de Camille Barrère, ambassadeur de France à Rome, il disposait d'un négociateur habile qui sut tirer parti des embarras de notre voisine transalpine, après de durs échecs coloniaux.

Le 21 novembre 1898, un accord commercial avait mis fin à la guerre des tarifs qui durait depuis dix ans entre les deux pays. Au mois de décembre 1900, un accord colonial secret consacra un échange de promesses : l'Italie ne mettra plus obstacle à une action de la France au Maroc ; la France ne cherchera pas à étendre son domaine nord-africain vers la Tripolitaine, où l'expansion coloniale italienne pourra trouver un champ d'action.

Cet accord était d'autant plus opportun que l'anarchie qui régnait au Maroc y favorisait les entreprises anglaises, à tel point que notre ministre à Tanger pouvait écrire que « l'on se trouvait en présence de la tentative la plus redoutable qui ait encore été faite pour placer le Maroc sous la protection britannique. » Cette situation motiva une démarche au Foreign Office de notre ambassadeur à Londres, Paul Cambon, nommé à ce poste par Delcassé dès 1898, ce dernier jugeant que le Gouvernement britannique devait être « officiellement et fermement informé que le voisinage et l'étendue de la frontière algéro-marocaine créaient à la France des droits et des devoirs spéciaux au Maroc ».

D'autre part, les interventions de notre diplomatie au Siam portèrent ombrage à l'Angleterre où reprit une campagne antifrançaise.

En février 1901, Delcassé fit décider par le Conseil des Ministres l'envoi à Saint-Pétersbourg d'une mission militaire, afin de déterminer avec notre allié russe les mesures à prendre en cas de guerre avec l'Angleterre.

Le 23 février 1901, un protocole d'Etat-major secret complétant des dispositions précédemment élaborées au mois de juillet 1900, précisa les formes dans lesquelles la France et la Russie pourraient en pareil cas, se donner appui armé. Deux mois après, le 21 avril, Delcassé, sur l'invitation du Tzar Nicolas II, se rendit lui-même, pour la seconde fois, à Saint-Pétersbourg Ses conversations avec le Gouvernement russe portèrent sur un raccourcissement du délai de mobilisation de l'armée russe en cas de guerre, la construction vers la frontière allemande de deux lignes stratégiques, dont la dépense devait être couverte par l'émission d'un nouvel emprunt sur le marché français ; sur la question du chemin de fer de Bagdad afin de contrarier le rapprochement en cours de l'Allemagne et de l'Angleterre ; sur les visées russes en Mandchourie, dont le Tzar promit l'évacuation.

Delcassé, invité à la table des souverains russes, comblé de prévenances, revint enthousiasmé de son voyage, ce qui fit écrire à Abel Combarieu, Secrétaire général de l'Elysée, dans ses souvenirs : « J'ai demandé au Président s'il ne trouvait pas que Delcassé, que j'estime et que j'aime profondément, était un peu porté parfois à considérer les attentions personnelles comme des avantages nationaux. Si l'empereur avait bien voulu promettre de venir en personne en France cet automne, cela aurait mieux fait les affaires de la France. »

Le Tzar n'avait pas promis à Delcassé de venir en France ; il y vint cependant avec la Tzarine à la fin de l'été.

Au mois de mai 1902 le président Loubet lui rendait sa visite. Delcassé qui l'accompagnait revit pour la troisième fois Saint-Pétersbourg

Au mois de mai 1901, Delcassé, surmené, ayant dû quitter Paris pour prendre quelque repos, le bruit courut de sa démission. Bruit sans fondement. De Biarritz où il séjournait, il continuait à suivre les affaires en cours et à donner par correspondance des instructions à ses collaborateurs. Absence de courte durée : moins d'une semaine après, il regagnait Paris où le rappelaient les devoirs de sa charge.

Il lui fallait notamment préserver les intérêts français en Turquie. Notre ambassadeur à Constantinople, qui se heurtait à « un manque de foi absolu et offensif du commandeur des croyants » fut rappelé. Les Cabinets de Londres et de Berlin se concertaient pour offrir leur médiation. Le Conseil des Ministres, convoqué à la demande de Delcassé, décida de brusquer les choses. La flotte reçut l'ordre de débarquer à Mytilène, ce qu'elle fit sans coup férir. Le 4 novembre 1901, Delcassé eut à répondre à la Chambre aux interpellations de Denys Cochin et de Marcel Sembat sur nos relations avec la Turquie et les persécutions des Arméniens. Il obtint le vote d'un ordre du jour de confiance par 305 voix contre 77. Au cours de la discussion du budget des Affaires étrangères, le 21 janvier 1902, il se félicita de l'efficacité de l'intervention énergique du Gouvernement, la Turquie ayant fait droit aux demandes de la France.

Depuis son arrivée au quai d'Orsay, les affaires d'Extrême-Orient avaient requis sa vigilance constante. La révolte des Boxers, encouragés par l'impératrice Tseu-Hi, les massacres d'Européens, l'assaut donné au quartier des légations à Pékin au mois d'août 1900 avaient déterminé l'intervention armée des grandes puissances sous le commandement du maréchal allemand von Waldersee. Après le succès de cette intervention, Delcassé avait pris l'heureuse initiative de proposer à celles-ci d'agir en commun, et non plus chacune pour son propre compte, auprès du Gouvernement impérial pour obtenir les réparations nécessaires. Cette méthode qui avait le mérite d'une meilleure efficacité porta ses fruits : par le traité du 15 novembre 1900, la Chine s'engagea à punir les coupables des massacres et à verser des compensations aux familles des victimes.

En Mandchourie et en Corée, la Russie, alliée de la France, s'opposait au Japon, soutenu par l'Angleterre. Delcassé ne put dissuader notre alliée d'y poursuivre une politique hasardeuse qui devait la conduire à un désastre.

En novembre 1901, au cours d'entretiens qu'il eut avec le marquis Ito, ancien président du Conseil nippon, en voyage d'étude en Europe, il s'efforça en vain de prévenir le conflit. Le traité anglo-japonais du 12 février 1902 encouragea le Japon dans son attitude de fermeté et ruina les espoirs de Delcassé. Convaincu qu'un antagonisme entre la France et l'Allemagne était inéluctable et ne voyant que trop bien les risques d'un affaiblissement de l'alliance russe que faisait courir la politique de notre alliée en Extrême-Orient, il devait rechercher des assurances dans d'autres capitales que Saint-Pétersbourg

Il les chercha à Rome et surtout à Londres.

A Rome, Camille Barrère poursuivait l'œuvre de rapprochement franco-italien qu'il avait si heureusement commencée. A l'occasion d'un voyage du Président de la République, en avril 1901, s'était déroulée en rade de Toulon, en présence du duc de Gênes, une manifestation d'amitié entre les deux pays. Le 10 juillet 1902, au lendemain du renouvellement sans modification du traité de Triple-Alliance, l'Italie concluait avec la France un accord politique secret comportant sa promesse de garder la neutralité non seulement si l'Allemagne attaquait la France, mais aussi dans le cas où la France « par suite d'une provocation directe » serait amenée à prendre l'initiative d'une déclaration de guerre à l'Allemagne.

Le 3 juillet 1902, sans trahir le secret des négociations, Delcassé put déclarer à la tribune de la Chambre, en réponse à une question de Guillaume Chastenet, qu'aucun doute ne subsistait sur « le caractère résolument pacifique et amical de la politique italienne à notre égard, ni sur les sentiments de sécurité dont s'inspirent désormais les relations entre les deux nations ».

Les souverains italiens furent un an plus tard reçus en visite officielle à Paris.


A Londres, Delcassé trouvait un terrain assez favorable à un rapprochement. Edouard VII, qui avait succédé à Victoria, morte en 1901, ne cachait pas ses sympathies pour la France. Au Foreign Office, Lord Landsdowne était mieux disposé que son prédécesseur Lord Salisbury à entrer dans la voie des arrangements. Le programme naval de l'amiral von Tirpitz, Ministre allemand de la Marine, le double jeu du chancelier von Bülow, la versatilité de Guillaume II, inspiraient au cabinet britannique méfiance et inquiétude, et le déterminèrent à rejeter la proposition allemande tendant à l'entrée de l'Angleterre dans le système triplicien. Pour sortir de son isolement, celle-ci n'avait d'autre perspective qu'une entente avec la France. Le grand diplomate que fut Paul Cambon s'employa, sur les instructions de Delcassé, à rechercher avec le Foreign Office un système de compensations qui permettrait aux deux pays de mettre fin à leur rivalité.

En contrepartie du désistement de l'Angleterre au Maroc, en proie à une anarchie menaçante pour la sécurité de l'Algérie, la France offrait son engagement de renoncer définitivement à entraver la politique anglaise en Egypte. Mais, à partir du mois d'août 1902, Delcassé prit l'initiative d'étendre les conversations à toutes les questions litigieuses : Terre-Neuve, Siam, Afrique occidentale, Nouvelles-Hébrides, la plus épineuse de ces questions secondaires étant celle des droits des marins français à Terre-Neuve.

En août 1903, la présence, dans les eaux d'Alger, d'une escadre anglaise venue saluer le Président Loubet en voyage en Afrique du Nord, témoigna du chemin parcouru dans la voie de l'entente. Un mois après, Edouard VII, en visite à Paris, y reçut un accueil dont il voulut bien se déclarer satisfait, malgré quelques cris, moins hostiles qu'ironiques, d'une population encore sensible aux souvenirs de Fachoda et de la guerre des Boers.

Plus chaleureuse fut, le 4 juillet, la réception du peuple de Londres à Emile Loubet en visite officielle avec Emile Combes, président du Conseil, successeur de Waldeck-Rousseau, et Delcassé. L'entente cordiale fut définitivement scellée le 8 avril 1904, jour de la signature de l'accord franco-anglais formé de trois conventions. Par la première la France renonçait au droit de ses marins de s'installer pendant la saison des pêches sur une portion de côte de Terre-Neuve et obtenait en contrepartie des avantages en Afrique occidentale; la seconde fixait les zones d'influence respectives de la France et de l'Angleterre au Siam et les modalités de l'administration conjointe aux Nouvelles-Hébrides ; la troisième enregistrait le désistement de l'Angleterre au Maroc et de la France en Egypte.

Des articles secrets prévoyaient le cas où l'influence de l'une ou de l'autre prendrait la forme d'un protectorat. Mais il était stipulé que la partie Nord du Maroc - exigence formelle de l'Angleterre - formerait dans ce cas une zone réservée à l'influence espagnole. Cette dernière stipulation était d'ailleurs conforme aux résultats d'une négociation antérieure, engagée par Delcassé dès 1902 avec l'Espagne. Celle-ci devait souscrire aux accords. Au mois d'octobre 1904, elle renonça à toute prétention sur le territoire marocain autre que la région Nord définie dans la convention du 8 avril.

Les accords franco-anglais donnèrent lieu en novembre 1904 à la Chambre des députés à quatre interpellations dont la discussion occupa cinq séances. Jaurès apporta l'adhésion des socialistes à une œuvre qui avait « une valeur positive de conciliation et de paix ».

Les critiques portèrent sur l'abandon de nos droits à Terre-Neuve et en Egypte. Delcassé répondit aux interpellateurs en faisant valoir l'intérêt pour la France de la reconnaissance de son influence prépondérante au Maroc, ce qui valait des concessions en d'autres domaines.

« Ce que nous cédons, dit-il, avait surtout du prix pour l'Angleterre, ce qu'elle a abandonné a surtout de la valeur pour la France. »

Le vote de confiance fut acquis par 436 voix contre 94. Par 443 voix contre 105, la Chambre adopta le projet de loi portant approbation de la convention concernant Terre-Neuve et l'Afrique occidentale et centrale, la seule des conventions dont l'objet requérait la ratification du Parlement.

Cependant Emile Combes avait accentué la politique anticléricale qu'il menait depuis son arrivée au pouvoir. Delcassé, n'approuvant pas le sectarisme du chef du Gouvernement, avait en 1903 fait part au Président de la République de son intention de démissionner après avoir mené à bien les négociations avec l'Angleterre.

Cette politique, qui n'était pas pour déplaire au peuple italien, ne pouvait en revanche qu'envenimer les rapports de la France avec le Saint-Siège. La visite du Président Loubet et de son Ministre des Affaires étrangères aux souverains italiens en avril 1904 fut un succès pour l'amitié franco-italienne. Pour des raisons de protocole, elle détermina Pie X à adresser à toutes les chancelleries catholiques une note de protestation dont la publication par Jaurès dans l'Humanité contraignit Delcassé à rappeler notre ambassadeur auprès du Saint-Siège (le 21 mai).

La convocation à Rome de deux évêques sans consultation préalable du Gouvernement français créa un nouvel incident auquel Delcassé s'efforça de trouver un règlement honorable. Une note publiée dans la presse par la présidence du Conseil rendit vaine toute tentative de conciliation. Delcassé, « dégoûté », proposa au Président de la République de provoquer, en donnant sa démission, une crise ministérielle et de constituer ensuite un nouveau Cabinet ayant une orientation nouvelle. Loubet n'accepta pas ce service et Delcassé s'inclina. Le 30 juillet 1904, la rupture des relations diplomatiques avec le Saint-Siège était consommée.

Cette rupture eut comme suite la séparation des Eglises et de l'Etat. Elle n'affecta guère nos relations avec les grandes puissances.

Au Maroc, la France, assurée du désistement italien et britannique, pouvait intervenir avec une autorité accrue auprès du Sultan pour la préservation des intérêts nombreux qu'elle y possédait. Elle ne s'était pas fait faute de le faire en 1901 et en 1902, en négociant avec le Sultan des accords à cet effet.

Mais l'Allemagne, quoique ayant reconnu qu'elle n'avait pas au Maroc d'intérêt direct, ne voulut pas admettre, ne fût-ce que pour une question de prestige, qu'un domaine colonial pût être attribué sans qu'elle eût été elle-même consultée. Au moment où se nouait l'entente cordiale, la guerre tant redoutée de Delcassé venait d'éclater entre la Russie et le Japon. Au début de l'année 1905, la défaite russe ne fit plus de doute et Guillaume II crut avoir la partie belle. Des troubles révolutionnaires éclatèrent en Russie. Ils eurent leur écho à la Chambre des députés, où Delcassé fut vivement interpellé par un orateur de l'extrême gauche, qui lui reprochait le maintien de l'alliance avec les responsables des « massacres de Saint-Pétersbourg ».

Le 30 mars 1905, Guillaume II débarque à Tanger et y déclare, dans un discours retentissant, que l'Allemagne est prête à intervenir avec toutes ses forces pour garantir l'indépendance du Maroc.

Le 19 avril, Delcassé est violemment interpellé à la Chambre. Il y déclare que « conformément à ce qu'il venait de dire lui-même à l'Ambassadeur d'Allemagne et à ce qu'il avait fait savoir par notre Ambassadeur à Berlin, si un malentendu quelconque subsistait, il était prêt à le dissiper ». Soutenu mollement par le Président du Conseil Rouvier, il lui adresse sa démission qu'il reprend sur les instances du Président Loubet. Mais la nouvelle a été divulguée. Edouard VII, l'ayant appris à Malte, se rend à Alger et prie le gouverneur général de télégraphier à Delcassé qu'il est consterné et qu'il forme des vœux pour qu'il garde son portefeuille.

Quant à Guillaume II, « il a compris qu'en faisant la grosse voix, il pouvait faire tomber Delcassé et, du même coup, détruire l'effet des accords conclus » (Paul Cambon).

Delcassé croit à un bluff de l'Allemagne. Tel n'est pas l'avis de Rouvier qui a reçu des avertissements explicites d'un conseiller de l'Ambassade d'Allemagne.

Se fondant sur une interprétation abusive d'une convention signée à Madrid en 1880, Guillaume II suggère que la question du Maroc soit soumise dans son ensemble à une conférence internationale. Le 2 juin, le Sultan prend cette proposition à son compte. Soutenu par le Foreign Office qui laisse entrevoir une alliance possible entre la France et l'Angleterre, encouragé par Paul Cambon et Camille Barrère, Delcassé se déclare résolu à refuser toute conférence et met sa démission dans la balance.

Le 6 juin, le Conseil des Ministres se réunit. Delcassé se sait sacrifié. Il demande néanmoins d'accueillir l'offre de concours anglais. Rouvier déclare qu'il sait de source sûre que l'alliance avec l'Angleterre signifierait une déclaration de guerre de l'Allemagne. On vote. A l'unanimité, le Conseil des Ministres décide de ne pas donner suite aux ouvertures britanniques. Delcassé quitte la salle du Conseil. Rouvier assure l'intérim des Affaires étrangères.

L'Allemagne l'a emporté. Le Chancelier von Bülow est fait prince et altesse sérénissime. Au début du mois de janvier 1906 se réunit la conférence d'Algésiras.

Dans ses Mémoires, Joseph Caillaux, ancien collègue de Delcassé au sein du Gouvernement de Waldeck-Rousseau, lui reconnaît une « habileté prodigieuse », une « souplesse étonnante », une grande puissance de travail - qualités qui lui sont unanimement reconnues - mais il lui refuse la haute intelligence, « l'ampleur et la pénétration dans les vues, la sûreté de jugement, l'aptitude aux vastes conceptions d'ensemble » qui caractérisent l'homme d'Etat. Pour Caillaux, Delcassé, qu'il taxait d'anglophobie, était vaniteux et avait besoin d'une direction; il a toujours subi ou suivi ; livré à lui-même après le départ de Waldeck-Rousseau, il a cherché sa voie ; son plus grand tort fut d'exclure délibérément l'Allemagne de ses combinaisons et son effondrement en 1905 a été la conséquence de « sa politique d'étourneau ». A l'opposé, M. Albéric Neton, ministre plénipotentiaire, auteur d'une biographie apologétique de Delcassé dont il fut le secrétaire et l'ami, lui accorde les vertus d'un grand politique sûr de sa voie, s'élève contre la réputation d'anglophobie, fondée sur une interprétation erronée de ses discours qui lui fut faite ; il lui attribue le mérite des succès diplomatiques remportés depuis 1899, rapporte les entretiens de Delcassé avec le prince Radolin, ambassadeur d'Allemagne, les propos du Chancelier de Bülow, prouvant que l'Allemagne avait été tenue au courant des négociations avec l'Angleterre et l'Espagne au sujet du Maroc et avait reconnu l'influence prépondérante que la France y exerçait. Il déplore comme un malheur national le départ de Delcassé.

Il n'est pas facile de discerner la part de chacun des acteurs dans le succès des négociations avec Rome et Londres.

On peut certes concevoir que d'habiles diplomates, comme Paul Cambon et Camille Barrère, jouèrent leur rôle avec talent, que notamment les dialogues engagés entre Waldeck-Rousseau et le Président du Conseil italien Zanardelli, grâce aux bons offices d'un intermédiaire discret, ont contribué à l'heureux dénouement de pourparlers entre Paris et Rome en 1902 ; on ne doit pas non plus négliger les apartés du Président Loubet. Mais, confrontant les idées exprimées par Delcassé longtemps avant son entrée sur la scène politique dans ses articles et, depuis, dans ses discours avec ses actes de chef de la diplomatie française, voyant le programme au départ et le point d'arrivée, on ne peut s'empêcher de penser que tout n'a pu être accompli que parce que ce patriote n'a perdu de vue à aucun moment une ligne directrice qu'il s'était tracée.

« Ni anglophobe, ni anglophile », il semble avoir attendu, pour aborder le règlement de nos différends avec nos rivaux britanniques, d'avoir consolidé la position de la France en Europe, en Asie, en Afrique. Ensuite, le rapprochement commandé par la raison est devenu l'entente cordiale. Peut-être n'en espérait-il pas tant au début de 1902. Il y fallut des concessions. Il se souvenait de ces paroles de son maître Gambetta : « Au prix des plus grands sacrifices ne rompez jamais l'alliance anglaise ». D'après les documents allemands, il aurait envisagé, en 1899, un rapprochement avec l'Allemagne. Mais ce rapprochement était-il possible sans un renoncement définitif à l'Alsace-Lorraine, ce qu'aucun homme d'Etat français n'aurait pu accepter ?

Les accords que Delcassé a conclus à Saint-Pétersbourg pour le resserrement des liens de l'alliance franco-russe n'étaient pas offensifs. Mais ces accords, le débauchage de l'Italie en 1902, l'entente avec l'Angleterre ont donné naissance outre-Rhin au thème de l'encerclement qui, depuis, y a reparu. Au fond, le Maroc importait peu à l'Allemagne ; le coup de Tanger avait pour but de briser l'encerclement.

Et c'est là que sont apparus les points faibles dans les plans de Delcassé. Il avait agi seul sans trop se préoccuper de mettre les moyens matériels en accord avec sa politique. La France était-elle en mesure de riposter à une menace allemande ? L'état moral du pays, où, depuis cinq ans, la lutte était engagée autour de la question religieuse, était-il satisfaisant ? L'armée était-elle en mesure d'assumer sa tâche ? L'Angleterre n'avait pris en 1904 aucun engagement formel pour le cas où une guerre franco-allemande éclaterait. La défaite militaire de la Russie en Extrême-Orient ne lui permettait guère, dans la même éventualité, de jouer un rôle efficace.

De tous ces éléments le Président du Conseil, Maurice Rouvier, avait dû tenir compte.


Pendant deux ans, Delcassé se tut. Il ne rompit le silence que le 24 janvier 1908, à la Chambre des députés, au cours de la discussion d'interpellations sur le Maroc - entre autres celle de Jaurès. Il s'employa à justifier sa politique, réaffirmant que le refus de la France de se rendre à une conférence n'aurait pas entraîné la guerre.

Il avait été réélu aux élections générales du 27 avril 1902 par 13 735 voix contre 2 648 à M. Lafagette, sur 18 410 votants et à celles du 6 mai 1906 par 10 327 voix contre 4 182 à son concurrent immédiat, M. de Rivals, sur 18 509 votants.

Delcassé n'a jamais été un fervent du régime parlementaire tel qu'il fonctionnait en France. Ministre, il déplorait l'ingérence excessive des élus dans la conduite des affaires. Il souhaitait un pouvoir fort, à l'abri des indiscrétions gênantes pour l'action gouvernementale, libre de ses initiatives comme de ses décisions. En 1903, dans une « conversation d'intimité » avec Abel Combarieu, déjà cité, il lui dit son « dégoût » pour le Parlement, livré selon lui aux plus bas appétits et se déclarait partisan de réformes profondes : « Le régime est perdu, peut-être la France avec lui. Il faudrait changer cela violemment, légalement ou non, fermer les parlotes du Palais-Bourbon et du Luxembourg, remettre l'administration à des Ministres qui ne seraient pas responsables devant le Parlement, mais seulement devant le Président de la République. »

Député, il ne manque pas de se montrer pour le Gouvernement un censeur sévère.


L'explosion, en rade de Toulon, du cuirassé Iéna donna lieu de sa part, en mars 1908, à une première intervention, qui provoqua la démission du Ministre de la Marine, Thomson. L'année suivante, jugeant insuffisantes les mesures proposées par le nouveau Ministre de la Marine du Gouvernement présidé par Clemenceau, il demanda et obtint la constitution d'une commission d'enquête de trente-trois membres. Parlant de la rénovation de la flotte, il affirmait : « Au Parlement seul à en déterminer la composition, parce qu'il est seul juge des nécessités de notre politique et de nos possibilités financières. » Nommé président de cette commission d'enquête, il en présenta les conclusions le 20 juillet en séance publique. Après un exposé technique sur l'état de la flotte et sur l'anarchie régnant dans l'administration de la marine, cause, à ses yeux, de plusieurs catastrophes, il s'en prit directement au chef du Gouvernement.

Piqué au vif, Clemenceau lui répondit sans ménagement, allant jusqu'à lui reprocher d'avoir, par sa politique extérieure, conduit la France à Algésiras. Delcassé riposta. L'allure de la discussion ne permettait aucun compromis. La Chambre refusa la confiance à Clemenceau qui alla porter sa démission à l'Elysée. Pressenti par le président Fallières pour constituer le nouveau ministère, Delcassé se récusa et ne reçut aucune offre de portefeuille de la part d'Aristide Briand, qui en fut chargé.

Aux élections générales du 24 avril 1910, il fut élu au premier tour de scrutin par 9 419 voix contre 9 120 à Lafagette sur 18 797 votants. Une demande d'invalidation de son élection, déposée par l'élu de l'arrondissement de Pamiers, ne fut pas retenue par la Chambre.

Il reprit sa place à la Commission de la marine. Le Gouvernement ayant déposé un projet de loi sur la réorganisation et l'aménagement des arsenaux, Delcassé prit la tête de la délégation qui se rendit en Angleterre pour examiner sur place les organisations similaires de Grande-Bretagne.

Quand Briand se retira le 27 février 1911, il prit le portefeuille de la Marine dans le Cabinet Monis et le conserva dans le Cabinet Caillaux, puis dans le Cabinet Poincaré, après que Joseph Caillaux eut démissionné à la suite des incidents soulevés à la Commission des affaires étrangères de la Chambre et au Sénat, à propos de la négociation avec l'Allemagne du traité relatif au Congo (11 janvier 1912).

Le 11 novembre 1911, il avait eu à répondre à la Chambre aux interpellations sur la catastrophe du cuirassé Liberté, qui, comme l'Iéna en 1908, avait sauté en rade de Toulon.

Ses interventions dans la discussion générale du budget de la Marine lui avaient donné l'occasion de définir son programme.

Le 30 mars 1912, parut la loi navale fixant la composition de la nouvelle armée de mer.


Le 7 mai 1912, il publia le décret donnant son statut définitif à l'école supérieure de la marine, qui fut par la suite dénommée Ecole de guerre navale. Dans une ambiance troublée par les événements extérieurs, s'ouvrit, au début de 1913, la succession de Fallières, parvenu au terme de son septennat. Delcassé ne fit rien pour encourager ceux de ses amis qui lui proposaient de poser sa candidature et se prononça en faveur de l'élection de Pams plutôt que de Poincaré. Elu, ce dernier remit sa démission de Président du Conseil à Fallières et Briand reprit la direction des Affaires, sans avoir insisté auprès de Delcassé pour son maintien à la Marine ou son retour aux Affaires étrangères.

On le destinait à un autre poste. Dans l'imbroglio balkanique, l'alliance russe soumettait la politique française à des variations périlleuses. Au gré de Briand et de Poincaré, l'ambassadeur de France à Saint-Pétersbourg, Georges Louis, s'acquittait trop mollement de sa mission. Il fut décidé de le remplacer par Delcassé qui jouissait dans les milieux politiques russes d'une plus grande autorité.

La tâche de conciliation que Delcassé s'efforça de remplir à Saint-Pétersbourg était presque sans espoir : les vainqueurs de la Turquie s'opposaient violemment les uns aux autres dans leurs revendications territoriales, la Russie soutenant la Bulgarie, les puissances de la Triplice appuyant plutôt la Roumanie, la France ne cachant pas ses sympathies pour la Grèce. Delcassé eut à calmer les ressentiments de la Russie à l'égard de la France après la cession à la Grèce de Cavalla au traité de Bucarest, et s'employa à obtenir de notre alliée l'exécution rapide de son programme de voies ferrées stratégiques, afin de hâter la mobilisation de ses forces en cas de guerre avec l'Allemagne, problème auquel était liée la question du placement des emprunts russes sur le marché français.

Il rentra en France en janvier 1914. Aux élections générales du 26 avril, il recueillit 12 137 voix sur 14 876 votants, contre 1 304 à M. Figarol.

Trois ministères s'étaient succédé pendant son absence. Le dernier, présidé par Gaston Doumergue, se retira après les élections. A Alexandre Ribot qui fut appelé à lui succéder, Delcassé prêta son concours au ministère de la Guerre, mais le Gouvernement fut renversé le jour même de sa présentation devant la Chambre.

L'exclusive des socialistes empêcha Viviani de donner suite à son intention de lui confier les Affaires étrangères dans le cabinet qu'il constitua à la veille de la Grande Guerre. Celle-ci venue, il le désigna pour faire partie de la Commission de ravitaillement créée le 6 août 1914. Le 26 août, la formation, consécutive à la défaite de Charleroi, d'un nouveau ministère Viviani d'union nationale décida de son retour au Quai d'Orsay.

De Bordeaux, où le Gouvernement avait dû se retirer, il négocia le pacte par lequel l'Angleterre, la Russie et la France s'engageaient à ne pas signer de paix séparée. Il ne partageait pas les illusions de Sir Edward Grey, qui croyait encore à la neutralité possible de la Turquie. Quand celle-ci eut pris parti pour l'Allemagne, le 14 novembre 1914, l'Angleterre se montra disposée à garantir à la Russie la garde des détroits et la possession de Constantinople, plaçant la France dans une position délicate. Le 12 avril 1915, Delcassé dut céder sur ce point, réserve faite des intérêts français, tout étant subordonné à la victoire finale.

Au début des hostilités, l'Italie était prête à se livrer au plus offrant, d'où les conditions - jugées excessives par les Alliés - qu'elle mit à son entrée en guerre à leurs côtés. Delcassé contribua à la recherche d'un compromis qui permit l'heureuse issue des pourparlers, en mars 1915.

L'entrée de la Turquie dans le camp austro-allemand avait fait naître l'espoir d'attirer dans celui de l'Entente des Etats balkaniques. Mais la Bulgarie revendiquait des territoires dont les Serbes et les Grecs étaient maîtres depuis la deuxième guerre balkanique. Delcassé désireux de soutenir la politique slavophile de la Russie et persuadé des sentiments francophiles du roi Ferdinand de Bulgarie, fit à la Bulgarie des avances répétées. Les événements lui donnèrent tort. La Grèce, dont l'entrée en guerre était sollicitée, ne pouvait acquiescer, sans garanties expresses, à des avantages territoriaux consentis à son détriment à la Bulgarie. Jugeant insuffisantes les garanties qui lui étaient offertes et menaçantes pour ses aspirations séculaires les prétentions russes sur Constantinople, la Grèce décida de garder la neutralité.

Le 8 octobre 1915, les Austro-Allemands entraient à Belgrade. Le 11, les Bulgares déclaraient la guerre à l'Entente. Le 13, le général Sarrail débarquait ses troupes à Salonique, expédition que n'avait pas approuvée Delcassé, inquiet d'y voir employer des effectifs plus utiles à ses yeux sur le front français.

Ce même jour, Delcassé, qui avait à deux reprises manifesté l'intention de se retirer, donnait à Viviani sa démission irrévocable pour des raisons politiques évidentes, auxquelles s'ajoutaient des raisons de santé et d'ordre familial.

De son mariage avec Geneviève Wallet, en 1887, étaient nés deux enfants, Suzanne en 1889 et Jacques en 1891. Le sort de son fils, lieutenant aviateur, blessé en combat aérien et prisonnier en Allemagne, lui causait de vives inquiétudes et des souffrances morales que sa mauvaise condition physique, après une année de travail incessant, lui rendait difficiles à surmonter. Jacques Delcassé, transféré en Suisse, devait y mourir quelque temps après, à l'âge de 25 ans.

Le 20 juin 1916, devant la Chambre réunie en comité secret (comité du 16 juin), Delcassé, face aux socialistes qui ne le ménagèrent pas, exposa les données du problème balkanique tel qu'il s'était posé durant la première année de la guerre et expliqua les raisons de son opposition à l'expédition de Salonique. Ce fut son dernier discours. Puis il se retira de la vie publique.

Après la guerre, il songea à reprendre sa plume de journaliste. La mort le surprit à Nice le 21 février 1923, à l'âge de 71 ans.

Ses obsèques eurent lieu le 28 février aux frais de l'Etat. Poincaré, président du Conseil, y prononça son éloge funèbre au nom du Gouvernement.

Foix et Paris ont honoré sa mémoire en donnant son nom à l'une de leurs avenues, l'Ariège en lui élevant un monument.

Sur l'initiative de ses amis, une plaque commémorative a été apposée le 3 octobre 1934 sur la façade de la maison qu'il habita à Paris, 11, boulevard de Clichy. Il était Chevalier de la Légion d'honneur depuis 1887 et décoré de plusieurs ordres étrangers : Grand-Croix de Saint André de Russie, des Saints Maurice et Lazare de Russie, de Charles III d'Espagne, etc.