Jean-François Deniau
1928 - 2007
DENIAU (Jean-François)
Né le 31 octobre 1928 à Paris (Île-de-France)
Décédé le 24 janvier 2007 à Paris (Île-de-France)
Député du Cher en 1978, puis de 1986 à 1997
Jean-François Deniau naît le 31 octobre 1928 à Paris. Sa mère Marie-Berthe Loth-Simmons, d’origine irlando-britannique et fervente catholique, quitte l’Australie pour la France, pour épouser son père, solognot et ingénieur en chef des ponts et chaussées. Le décès de ce dernier, à l’âge de 46 ans, pousse la veuve et ses quatre jeunes enfants à s’installer à Granville. A l’instar de son frère aîné Xavier (né en 1923), il suit sa scolarité au lycée Pasteur à Neuilly-sur-Seine, avant de rejoindre le lycée Saint-Louis-de-Gonzague, établissement privé jésuite du 16e arrondissement de Paris, et enfin l’Ecole, également privée, Sainte-Geneviève à Versailles surnommée « Ginette ». Deux fois lauréat du Concours général, il obtient une licence ès lettres (ethnologie et sociologie) au sein de la Faculté de lettres et de droit de Paris, ainsi qu'un DES d'économie politique. Diplômé de l'Institut d'études politiques de Paris (section Service public, 1947) et docteur en droit, il rejoint son frère en Indochine (1949), où il sert dans une unité de Moïs (population d’origine malayo-polynésienne qui avait été refoulée vers les forêts des hauteurs par les conquérants vietnamiens). C'est donc à Saïgon qu'il passe les épreuves écrites du concours d'entrée à l'ENA. Admis l'année suivante, il effectue une année de stage au Haut-Commissariat de France en Allemagne auprès de l'ambassadeur André François-Poncet qui l’avait personnellement choisi sur une liste de candidats. Accueilli à Bonn par Alain Peyrefitte et Claude Cheysson, il noue avec ces derniers des relations d'amitié. Il y rencontre également Valery Giscard d’Estaing, qui appartient à la précédente promotion (« Europe », 1951) et lui fait répéter ses cours. A sa sortie de l'ENA, promotion « Jean Giraudoux » (1952), Jean-François Deniau opte pour l'Inspection générale des Finances. Il publie sous un pseudonyme – Thomas Sercq – son premier roman, Le Bord des larmes (1954).
Marié en 1958 à Frédérique Dupuy – qu’il épouse à nouveau en 1971 après leur divorce trois ans auparavant – avocate et première adjointe au maire de Bourges –, il est le père de deux enfants.
Jean-François Deniau fait ses premières classes administratives en 1955 comme chargé de mission au secrétariat général du comité interministériel pour les questions de coopération économique internationale (SGCI). Ce poste d’observation lui procure de précieux contacts avec l’ensemble de cabinets ministériels. Il obtient bientôt un poste de conseiller technique au sein des cabinets de Félix Gaillard, président du Conseil, et de Paul Ribeyre, ministre de l’Industrie et du Commerce (1957). L’année suivante, il rejoint la délégation française à l’OECE et participe à la conférence intergouvernementale pour le Marché commun et l’Euratom. Directeur de l’Association avec les pays tiers de la CEE (1958), il assume les fonctions de directeur général à la Commission du Marché commun (1959-1963). En charge des négociations d’adhésion à la Communauté, il démontre ses qualités de négociateurs lors des discussions ouvertes avec la Grande-Bretagne, avant que celles-ci ne soient brusquement interrompues en raison de l’opposition du général de Gaulle.
En décembre 1963, ce dernier le nomme, à l’âge de 35 ans, ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire à Nouakchott en Mauritanie. Il devient ainsi le plus jeune ambassadeur de la France. Comme il le reconnaîtra bien plus tard dans un entretien accordé à la presse, il conçoit sa mission de façon peu traditionnelle, vivant sous la tente et pilotant lui-même des avions pour faire des évacuations sanitaires. Revenu à Paris en novembre 1966, il connaît un bref intermède comme coordinateur de la mise en place de la télévision couleur SECAM (février-juillet 1967) et préside la commission franco-soviétique pour son utilisation (jusqu’en 1973), avant d’être nommé membre de la Commission des Communautés européennes (1er juillet 1967). L’homme prend alors en charge les questions du commerce extérieur et participe aux négociations du GATT avec les Etats-Unis. Ses attributions au sein de la Commission de Bruxelles s’élargissent en juillet 1970, lorsqu’il reçoit à la fois la coordination des négociations avec les pays candidats dans le Marché commun et la responsabilité de l’aide au développement de l’outre-mer.
Parallèlement à sa trajectoire européenne, Jean-François Deniau s’engage sur la scène politique nationale. Bénéficiant du soutien politique de son frère Xavier, député-maire de la 4e circonscription du Loiret (Montargis) sous l'étiquette de l'Union pour la nouvelle République (UNR) depuis 1962, il se présente dans la 1ère circonscription du Loir-et-Cher (Blois) lors des législatives qui suivent la dissolution du 30 mai 1968. Îlot centriste dans un département majoritairement acquis à la SFIO, le jeune candidat défie alors le député sortant, Pierre Sudreau (Centre démocrate). Bien qu’arrivé en deuxième position avec 27,27% des suffrages exprimés, il se retire au profit de ce dernier (arrivé en tête avec 41,12% des suffrages) pour faire barrage au communiste René Piquet, arrivé en troisième position. Il participe ainsi au triomphe du député sortant qui récolte 70,74% des voix au second tour.
Fin négociateur et spécialiste des affaires européennes (il publie Le Marché commun, Paris, PUF, 1974), Pierre Messmer l’appelle, le 12 avril 1973, pour entrer au gouvernement (2e gouvernement Messmer) comme secrétaire d’Etat auprès du ministre des Affaires étrangères (Michel Jobert), chargé de la coopération. Son frère avait été nommé dans le précédent gouvernement Messmer (5 juillet 1972 – 28 mars 1973), comme secrétaire d'Etat auprès du Premier ministre chargé des départements et des territoires d'outre-mer. Se refusant à avoir deux frères dans le même gouvernement, le président Pompidou aurait lui-même rayé de la liste proposée par Pierre Messmer le nom de Xavier Deniau. A la suite du remaniement survenu fin février 1974 (3e gouvernement Messmer), Jean-François Deniau est cette fois nommé secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Agriculture et du développement rural, Raymond Marcellin, jusqu’à la démission du Premier ministre, le 27 mai 1974. L’élection de Valéry Giscard d’Estaing à la présidence de la République passée, il retrouve son poste de secrétaire d’Etat auprès du nouveau ministre de l’Agriculture, Christian Bonnet, en raison d’un remaniement du cabinet de Jacques Chirac, le 31 janvier 1975. Son rapport sur l’agriculture française fait cependant quelque bruit au gouvernement et lui coûte semble-t-il son poste (12 janvier 1976), le domaine étant particulièrement suivi par le Premier ministre, Jacques Chirac.
L’homme profite alors d’une brève parenthèse pour retourner aux sources et se consacrer à sa passion pour la mer. Membre de la Fédération française de voile et de l’Union nationale de la course au large, il avait par le passé participé à de nombreuses compétitions nationales et internationales. Il s’occupe dorénavant de convoyer des bateaux entre les Etats-Unis et l’Europe et surtout de mettre par écrit (La Mer est ronde, Paris, Seuil, 1976) les mille et une expériences d’un « Marco Polo des temps modernes ». Cependant, la pause ne dure que huit mois avant que Valéry Giscard d’Estaing ne lui propose d’être l‘ambassadeur de France à Madrid, dans une Espagne qui s’ouvre à la démocratie. Un choix qui répond surtout à la demande du nouveau roi d’Espagne, Juan Carlos, avec lequel Jean-François Deniau avait noué de sincères relations d'amitié lors de régates nautiques. L’ambassadeur joue un rôle actif de conseil auprès du roi et du gouvernement durant cette transition qui suit le décès du général Franco.
Cette délicate mission s’interrompt cependant en septembre 1977, quand l’ambassadeur est rappelé à Paris pour rejoindre le deuxième cabinet de Raymond Barre, comme secrétaire d'Etat auprès du ministre des Affaires étrangères. Son essai L’Europe interdite, paru la même année (Seuil, 1977), rappelle les défis auxquels doit faire face l’Europe. Au-delà de ses convictions européennes et de quelques anecdotes glanées dans les coulisses de l’Europe, l’auteur entend alerter l’opinion publique vis-à-vis des réticences géopolitiques de toutes parts, comme des mécanismes d’une mondialisation économique conquérante qui entravent la construction européenne : « Un certain développement de l’Europe unie […] est aujourd’hui pratiquement interdit. A l’extérieur, à part sans doute la Chine populaire, aucun grand pays n’y est véritablement favorable. C’est le cas, notamment, des Etats-Unis […] Mais à l’intérieur aussi de la Communauté elle-même, nos principaux partenaires sont réticents. En outre, l’idée du Marché commun, qui était de parvenir à des structures de production proprement européennes par la constitution d’un grand marché, est une idée qui a échoué et qui est largement dépassée », rappelle-t-il dans un entretien, 30 jours d’Europe, en novembre 1977. L’homme lance ainsi un appel à « créer des Européens au lieu de tenter de faire l’Europe », dans le Figaro Magazine titré, « Deniau : un européen, très, très, européen », le 21 avril 1979. Un véritable sacerdoce européen qui ne lui fait toutefois pas oublier ses ambitions nationales.
Une décennie après son revers électoral lors des législatives de 1968, Jean-François Deniau se présente, lors des élections législatives du printemps 1978, dans la 1ère circonscription du Cher. C’est une circonscription pourtant réputée difficile face au communiste Jacques Rimbault. Ce dernier, secrétaire de la Fédération communiste du Cher, conseiller cantonal depuis 1973 et récemment élu maire de Bourges (1977) s’illustre par sa proximité et sa communication directe avec les berruyers. La tâche promet d’être rude, d’autant plus que Jean-François Deniau n’a jamais exercé le moindre mandat local. C’est toutefois sans compter sur une campagne dynamique qui, sous les couleurs de l’UDF, appelle au « bon choix » et n’oublie pas au passage de rappeler le caractère unitaire d’une candidature soutenue par « toutes les formations de la Majorité » (y compris par le Parti socialiste démocrate). Une candidature, qui plus est, valorisée par une solide expérience gouvernementale et une confiance présidentielle, toutes deux acquises depuis deux décennies (document électoral du 12 mars 1978). Déjouant tous les pronostics, la stratégie se révèle payante. Avec dix points d’avance sur son rival communiste, le candidat de l’Union pour la démocratie française (UDF) arrive ainsi en tête au soir du premier tour avec 43,9% des suffrages exprimés. Aux termes d’ultimes mises en garde contre « l’ancien stagiaire de Moscou », contre la menace du collectivisme qui plane sur les travailleurs et enfin contre un « changement à la remorque du Parti communiste » (document électoral, 19 mars 1978), Jean-François Deniau est élu au second tour avec 51,95%. L’élu quitte le Palais-Bourbon pour exercer les fonctions de ministre du Commerce extérieur au sein du 3e gouvernement Barre (5 avril 1978 – 2 octobre 1980). Il conserve néanmoins son ancrage local comme président du conseil départemental du Cher de l’UDF et se présente avec succès, l’année suivante, aux élections cantonales dans le canton de Bourges IV (25 mars 1979). La même année, il est élu aux élections européennes (10 juin 1979) sur la liste UFE (Union pour la France en Europe) conduite par Simone Veil, mais démissionne pour continuer à exercer ses fonctions ministérielles. Nommé ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des affaires administratives (en octobre 1980), il démissionne quelques mois plus tard, le 4 mars 1981, pour se consacrer à la campagne présidentielle de Valéry Giscard d’Estaing. Premier ministrable en cas de victoire, son ascension politique est pourtant stoppée net par la victoire de François Mitterrand à l’élection présidentielle après la dissolution de l’Assemblée nationale en mai 1981 et, avec lui, l’arrivée de la gauche au pouvoir.
Se représentant dans la même circonscription du Cher, Jean-François Deniau retrouve son opposant communiste, Jacques Rimbault. Si le député sortant arrive en tête au soir du premier tour (avec 42,91% des suffrages exprimés), la désillusion est totale lorsque, une semaine plus tard (21 juin), il est battu par son adversaire qui bénéficie d’un excellent report des voix de gauche (51,94%). Grande figure du pouvoir giscardien, l’homme maintient certes son influence sur le territoire comme président du Conseil général du Cher (1981) et vice-président de la région Centre (1982) mais, dorénavant libéré de ses plus hautes fonctions, il prend ses distances avec la scène parlementaire. Une nouvelle parenthèse s’ouvre alors qu’il connaît des difficultés financières, qui l’obligent à vendre son voilier pour rembourser ses créances. Esprit libre, il se consacre désormais à la promotion des droits de l’homme dans le monde. Il crée ainsi en 1982, à Strasbourg, le « prix Sakharov pour la liberté de l'esprit ». Journaliste-chroniqueur au Figaro (1983), il est affecté au service des grands reportages et suit durant près d’une décennie les guérillas aux quatre coins du monde : Erythrée, Cambodge, Nicaragua, Angola (1984), Afghanistan (1985) et Liban (1985-1986). Journaliste, écrivain et grand reporter, il alterne missions clandestines (dans la province de Wardak, aux côtés de la résistance afghane, après avoir franchi, dans une tempête de neige et à pied, la célèbre Khyber Pass, au prix d’une grave crise cardiaque) et coups d’éclat médiatiques (tel en 1988 quand, embarqué sur le porte-hélicoptères Jeanne d'Arc croisant en mer de Chine, il est invité à passer quelques heures à bord du cargo Mary, lors d’une opération de sauvetage de réfugiés vietnamiens – boat-people – organisée par Médecins du monde). Ne s’étant jamais lassé de « dire ce qu’il croyait » et « de faire ce qu’il disait » (Ce que je crois, 1992), l’écrivain reviendra longuement dans ses écrits sur ses diverses missions de Bruxelles à la Corne de l’Afrique, de l’Afghanistan à Moscou, de Madrid à Sarajevo (Mémoires de sept vies, 2 tomes, 1994 et 1997). Autant d’engagements que le journaliste Pierre-Jean Rémy résumera en ces termes : « Baroudeur de choc, homme d’une diplomatie secrète faite de rencontres à tous les coins de la planète qui constituent son tous-les-jours », dans Le Point, le 2 mai 1992.
Jean-François Deniau ne délaisse toutefois pas la scène politique européenne. Membre du groupe libéral et démocratique (LD), il est réélu au Parlement européen, en avril 1984, sur la liste « Union de l’opposition pour l’Europe et la défense des libertés », conduite par Simone Veil. Il est vice-président de la Commission politique et siège aussi à la Commission des relations économiques extérieures (24 juillet 1984 – 1er avril 1986). La politique nationale le rattrape à son tour à l’occasion des élections législatives de 1986 qui annoncent une victoire de la droite. D’autant plus que l’homme a su maintenir son ancrage local, comme président du Conservatoire des arts et métiers de Bourges (novembre 1984) d’une part, président du Conseil général du Cher (réélu en mars 1985) et trésorier de l’Assemblée des présidents des conseils généraux de France (juin 1985) d’autre part. L’heure semble donc venue de réaffirmer ses ambitions nationales.
Bien décidée à laver l’affront de 1981 qui avait conduit au triomphe des candidats de la majorité présidentielle dans deux des trois circonscriptions du département, la liste de droite, menée par Jean-François Deniau, entend profiter d'un scrutin proportionnel par liste départementale à un seul tour, et surtout fustiger le cortège des promesses non tenues et des échecs des gouvernements Mauroy et Fabius. Face aux rivalités à gauche, la liste d’Union de l’opposition (UDF-RPR) triomphe au soir du 16 mars avec 38,64% des suffrages exprimés, loin devant les listes communiste et socialiste qui, au coude à coude, obtiennent à peine 24% des voix chacune. Egalement réélu au conseil régional du Centre, Jean-François Deniau fait son retour sur la scène parlementaire et retrouve son siège au Palais-Bourbon.
Inscrit au sein du groupe UDF, il rejoint la commission des Affaires étrangères et en est vice-président (9 avril 1986). Président de l’intergroupe sur les droits de l’homme à l’Assemblée nationale (juillet 1986) et membre de la commission consultative des droits de l’Homme (10 décembre 1986), ses interventions dans l’hémicycle soulignent son expertise sur les questions internationales et géopolitiques, notamment au sujet de la lutte antiterroriste (25 juin 1986), des droits de l’homme et de la francophonie (projet de loi de finances pour 1987, 1988), des relations franco-allemandes ou encore des négociations américano-soviétiques sur le désarmement nucléaire (16 juin 1987). A ce titre, il est chargé par le Premier ministre, Jacques Chirac, d’une mission d’évaluation sur l’Afghanistan (février – août 1987). Il préside enfin la Commission d’examen de la mise en accusation de Christian Nucci devant la Haute Cour de justice (juin 1987).
Membre du Comité directeur du Parti républicain (novembre 1986), Jean-François Deniau est désigné comme candidat unique de la majorité parlementaire dans sa circonscription lors des élections législatives anticipées de juin 1988. Le député sortant centre habilement sa campagne sur les enjeux nationaux et se présente comme le défenseur d’une République libérée de toute « duperie » socialiste. Porte-étendard de la liste d’Union du Rassemblement et du centre, il arrive largement en tête, au soir du premier tour, avec 43,54% des suffrages exprimés face au challenger socialiste Jean-Pierre Saulnier (30,74%), son rival Jacques Rimbault, député sortant communiste, ayant préféré se présenter dans la circonscription voisine (Vierzon). L’union des forces de gauche (le communiste Maxime Camuzat se retirant), comme la percée du Front national (avec ses 8,48% des voix), annoncent toutefois un second tour particulièrement disputé. Jean-François conserve toutefois son siège en recueillant, au second tour, 51,91% des suffrages exprimés. Il démissionne néanmoins de son siège au Conseil régional du Centre pour se mettre en règle avec les dispositions contre le cumul des mandats.
Vice-président de la commission des Affaires étrangères à l’Assemblée nationale (28 juin 1988), conseiller auprès de François Léotard – président du Parti républicain – en décembre 1988, il est chargé par Roland Dumas, alors ministre des Affaires étrangères, d’une mission au Liban et en Afghanistan (janvier 1989). Candidat de l’opposition à la présidence de la commission des Affaires étrangères (place laissée vacante par la démission de Valéry Giscard d’Estaing), il s’impose d’une voix face à Bernard Stasi, député de la Marne (16 novembre 1989). Il se consacre presque exclusivement aux questions internationales, et plus particulièrement aux tensions géopolitiques qui concernent le Proche-Orient. Il demande notamment, le 24 octobre 1990, une minute de silence au lendemain de l’assassinat de Dany Chamoun, fils de l'ancien président Camille Chamoun, hostile à la présence des forces syriennes et des forces israéliennes au Liban. De même, au lendemain de l’opération tempête du désert, le député ne manque pas de questionner le gouvernement sur les buts de la guerre du Golfe, et notamment sur la mise en place d’une aide humanitaire française destinée aux populations kurdes d’Irak (3 avril 1991). Se plaisant à rappeler que « gouverner et gouvernail ont la même racine » (Le Progrès, 11 avril 1992), « Deniau sans frontières » (Le Figaro, 30 avril 1992) appelle le gouvernement à réaffirmer les droits des peuples balte, arménien et libanais à disposer d'eux-mêmes. Evoquant les relations franco-soviétiques, le socialisme, le conflit du Golfe et l'avenir de l'Europe, il revient à ce titre sur le traité de Rambouillet signé à l’occasion de la visite officielle en France, les 28 et 29 octobre 1990, de Mikhaïl Gorbatchev. Européen convaincu, il ne cache toutefois pas ses réserves sur le traité de Maastricht. Il reste enfin très attentif aux négociations du GATT (25 novembre 1992).
Le député du Cher préside aussi la commission d'enquête sur les modalités de financement des campagnes électorales et des partis et groupements politiques ayant soutenu des candidats aux élections nationales depuis 1958 (30 mai 1991), avant d’en démissionner quelques mois plus tard (25 septembre 1991), jugeant ses pouvoirs insuffisants. Réélu conseiller régional du Centre (mars 1992), il démissionne en raison de la loi du cumul des mandats (juin 1992). L’homme s’illustre, la même année, par son élection à l’Académie française au fauteuil de Jacques Soustelle. Déjà candidat sans succès au fauteuil de Marguerite Yourcenar en mars 1989, il est élu au second tour de scrutin par 23 voix (sur 36 votants) face aux historiens Henri Amouroux et Jean Favier. Auteur de nombreux essais, « baroudeur de l’idéal » pour les uns, « témoin engagé » pour les autres, Jean-François Deniau devient dorénavant le « baroudeur immortel » (Le Figaro, 10 avril 1992 ; La Croix, 11 avril 1992), le « rebelle immortel » (Journal du Dimanche, 26 avril 1992) ou encore « capitaine courage » (Ouest France, 27 mai 1992). Il n’en reste pas moins affecté par un cancer des poumons qu’il ne cache nullement à l’opinion publique.
A nouveau candidat dans sa propre succession dans sa circonscription du Cher, lors des élections législatives de mars 1993, face à pas moins de sept opposants, il manque de peu de s’imposer dès le premier tour (49,55% des suffrages exprimés) face au communiste Maxime Camuzat, avant de triompher une semaine plus tard (64,65%). L’élu confirme son assise dans son fief local, l’année suivante, lors des élections cantonales de mars 1994, en étant réélu pour la troisième fois de sa carrière à la présidence du Conseil général du Cher. Au Palais-Bourbon, il rejoint dorénavant la commission de la Défense nationale et des forces armées (8 avril 1993), avant de devenir juge titulaire de la Haute Cour de justice (15 avril 1993), puis d’être nommé rapporteur pour avis des projets de loi de finances pour les années 1994, 1995, 1996 et 1997, au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées (12 mai 1993 ; 8 juin 1994, 28 juin 1995 ; 18 juin 1996). Il participe enfin à la mission d'information commune sur le service national (4 avril 1996).
Le député du Cher se voit également confier par Philippe Séguin, nouveau président de l’Assemblée nationale, une mission d’aide parlementaire « aux jeunes démocraties ». Celle-ci consiste à animer et à coordonner les délégations que l’Assemblée envoie pour observer le déroulement des élections dans ces pays. Le député se rend en Albanie, au Cambodge, ainsi que dans plusieurs pays d’Europe de l’Est. La ministre déléguée à l’Action humanitaire et aux Droits de l’Homme, Lucette Michaux-Chevry, le nomme dans cette perspective à la présidence d’une commission consultative sur l’action humanitaire, visant à établir une concertation permanente entre les ministères concernés et les organisations non gouvernementales opérationnelles. Jean-François Deniau se voit enfin confier, en décembre 1993, la présidence d’un groupe de travail chargé de préparer le programme du Parti républicain pour les prochaines élections européennes.
L’homme réussit toutefois à concilier ses passions pour l’écriture (L’Atlantique est mon désert, Gallimard, 1996), le reportage (comme éditorialiste de la politique étrangère à L’Express, dès novembre 1994) et enfin la navigation. Il préside à ce titre un Haut comité pour la coupe de l’America, en charge de préparer la participation française à la prochaine édition de cette manifestation prévue à Auckland en Nouvelle-Zélande en 2000.
Les élections législatives de 1997 marquent cependant une nouvelle rupture, lorsque le député sortant annonce ne pas se représenter et préfère soutenir la candidature d'Yves Fromion (RPR), son suppléant en 1993, après avoir soutenu l'investiture d'Yves Galland (UDF-Parti radical) qui a finalement renoncé à se présenter. Décidé toutefois à se représenter lors des élections cantonales de mars 1998, en tant que président du Conseil général, il dénonce les manœuvres de l’UDF départemental qui lui refuse l’investiture et préfère l’accorder à l’ancien député Franck Thomas-Richard, désormais candidat officiel de l’opposition (UDF-Démocratie libérale). Arrivé en troisième position au premier tour avec 20,48% des suffrages, Jean-François Deniau se retire au terme d’une « campagne qui n’a pas été [selon lui] un modèle de démocratie et de responsabilité ». Il perd donc son dernier mandat électif. Se considérant « lâché » par une famille politique davantage « préoccupée par les questions de personnes et les bagarres de places » (déclaration à la presse, 24 mars 1998), il démissionne avec fracas de l'UDF, alors en pleine crise interne, à la suite des alliances de cinq présidents de régions UDF avec les voix du Front national, dont Charles Millon, ancien ministre de la Défense sous les gouvernements Juppé (finalement exclu de l’UDF et dont l’élection est invalidée en 1999).
Retiré de la vie politique, le passionné de la mer est élu en 1999 à l'Académie de marine, en remplacement d'Eric Tabarly. Au lendemain de la publication de son Dictionnaire amoureux de la Mer (Plon, 2002), il fonde l'association « Les Ecrivains de marine », ce qui lui vaut le « Grand Prix de la Mer » pour son action et son œuvre littéraire (2003). Auteur reconnu, Jean-François Deniau aura publié pas moins de vingt-deux romans ou essais, depuis le succès rencontré par son ouvrage Deux heures après minuit (Grasset, 1985).
Européen éclairé, il avait tenu à participer en décembre 2006, aux côtés de Maurice Faure et de Jean François-Poncet, à la séance d'installation du Comité d’honneur du traité de Rome. Il s’éteint toutefois, le 24 janvier 2007, à son domicile parisien, quelques semaines avant la commémoration du cinquantième anniversaire du Traité de Rome.