Raymond Derancy

1906 - 1983

Informations générales
  • Né le 8 avril 1906 à Hersin-coupigny (Pas-de-Calais - France)
  • Décédé le 26 avril 1983 à Barlin (Pas-de-Calais - France)

Mandats à l'Assemblée nationale ou à la Chambre des députés

Régime politique
Cinquième République - Assemblée nationale
Législature
Ire législature
Mandat
Du 16 mai 1959 au 9 octobre 1962
Département
Pas-de-Calais
Groupe
Socialiste
Régime politique
Cinquième République - Assemblée nationale
Législature
IIe législature
Mandat
Du 25 novembre 1962 au 2 avril 1967
Département
Pas-de-Calais
Groupe
Socialiste

Biographies

Biographie de la Ve République

DERANCY (Raymond)
Né le 8 avril 1906 à Hersin-Coupigny (Pas-de-Calais)
Décédé le 26 avril 1983 à Barlin (Pas-de-Calais)

Député du Pas-de-Calais de 1959 à 1967

Raymond Derancy est né le 8 avril 1906 à Hersin-Coupigny. Diplômé du certificat d’études primaires, il devient chaudronnier en fer puis basculeur et enfin inspecteur au service commercial des Houillères nationales. Dès mai 1945, il est élu conseiller municipal de Barlin dont il dirige la mairie à partir d’octobre 1947 et jusqu’en mai 1976. De 1964 à 1970, il est également conseiller général du Pas-de-Calais. Au cours de sa carrière, Raymond Derancy s’est largement investi dans la vie de sa région : il a en particulier cumulé les fonctions de président du syndicat d’aménagement du Bassin de la Lawe et du Fossé d’Avesnes, du syndicat intercommunal du Fossé d’Avesnes, du syndicat d’aménagement des zones industrielles dans l’agglomération Bruaysienne, de l’association sportive barlinoise. Il a également été vice-président du district BBN (Bruay-Beuvry-Noeux-les Mines) ainsi que du comité d’aménagement du territoire et d’expansion.
En 1958, le socialiste Télesphore Caudron, conseiller général et maire de Bruay-en-Artois lui propose d’être son suppléant à l’occasion des premières élections législatives de la Vème République dans la 10ème circonscription du Pas-de-Calais. Alors contrôleur aux Houillères nationales et maire de Barlin, Raymond Derancy accepte d’affronter trois autres candidats dont le député sortant, le communiste André Mancey. Placé en tête au premier tour avec 38,2% des suffrages contre 36,7% pour le Parti communiste français (PCF) et 16% pour l’Union pour la nouvelle République (UNR), Télésphore Caudron est largement élu au deuxième tour, réunissant 43,7% des voix, soit plus de 8 points d’avance sur le communiste dans le cadre d’une triangulaire.
Le brutal décès du député du Pas-de-Calais amène Raymond Derancy à lui succéder à l’Assemblée nationale le 16 mai 1959. À son arrivée au Palais-Bourbon, le maire de Barlin rejoint naturellement le groupe socialiste. Il est nommé, en remplacement de son prédécesseur, membre de la Commission de la production et des échanges, ainsi que membre et vice-président de la Commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi relatif à diverses dispositions tendant à la promotion spéciale. En 1962, il accède également à la Commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi tendant à favoriser l’intéressement des travailleurs à l’entreprise. Au cours de cette législature, Raymond Derancy déploie une activité parlementaire certaine. Il prend la parole à huit reprises en séance publique. Député d’un bassin houiller, il consacre l’essentiel de ses interventions à la défense des mineurs. Ainsi, dès décembre 1959, arguant de son appartenance à la corporation minière depuis 41 ans, le maire de Barlin se fait le porte-parole des revendications « modestes et légitimes » des mineurs dont il décrit la vie de la façon suivante : « L’ouvrier mineur travaille dans des conditions qu’aucun profane ne peut soupçonner. À huit cents mètres sous terre, il accomplit un travail excessivement pénible. La mort le guette et le menace à chaque instant. L'énorme quantité de poussière qu’il respire encrasse ses poumons et engendre cette maladie professionnelle, plus traîtresse que le grisou, qu'on appelle la silicose. En échange de ses sacrifices, quelle contrepartie trouve-t-il ? Des salaires très modestes. Un ouvrier mineur gagne quelquefois moins qu’un manœuvre de la métallurgie. Il vit dans des cités peu accueillantes où les routes sont de véritables fondrières et, bien souvent, ne sont même pas éclairées la nuit . […] Quand le mineur est à la retraite, on lui sert une pension très modique et, chose encore plus inhumaine, on l’oblige à abandonner le logement où il a vécu quelquefois pendant plus de trente ans, estimant sans doute que, pour finir sa vie, il ne mérite pas mieux qu’un baraquement ». Inlassablement, le député du Pas-de-Calais défend les intérêts des mineurs. Il plaide ainsi en faveur d’un niveau de salaire en rapport avec la pénibilité et les risques de l’emploi, de la semaine de 40 heures sans réduction de salaire pour les mineurs, des « retraites décentes, car actuellement les mineurs ont le taux de retraite le plus bas ». A l’occasion de la discussion du budget, il prend la défense de l’allègement de service militaire accordé aux mineurs de fond et remis en question par le gouvernement en novembre 1960. Lors de la discussion du projet de loi portant approbation du IVe plan, Raymond Derancy propose également des enquêtes à chaque fermeture de puits de mines pour éviter les fermetures abusives. Enfin il dénonce l’importation de charbons étrangers venant concurrencer la production française et menacer les emplois ainsi que les pratiques de dumping qu’emploient les grandes compagnies mondiales de pétrole pour conquérir des marchés et évincer le charbon de ses débouchés traditionnels.
Toutes ces préoccupations n’effacent pas le thème essentiel de ses interventions : la question de la silicose. Raymond Derancy s’est en particulier emparé du problème de l’attribution des rentes aux veuves et enfants des mineurs morts de cette maladie. Il a défendu avec ardeur l’extension des pensions aux veuves de mineurs mariées et aux enfants nés postérieurement à la cessation d’activité du mineur ou à la contraction de sa maladie (le 21 octobre 1960 dans une question pour le ministre de l’industrie et le 28 octobre 1961, lors de l’examen du budget pour 1962). À la tribune, le maire de Barlin résume ainsi la situation : « Un célibataire passe une visite au cours de laquelle on décèle un peu de silicose. Il a vingt-trois ou vingt-cinq ans, peu importe. A-t-il le droit de se marier ? Oui ! Mais si dix ou quinze ans plus tard la maladie vient à évoluer et qu'elle provoque son décès, la femme et les enfants n’auront droit à aucune indemnité parce que la maladie était antérieure au mariage ». De la même façon, en juin 1962, lors de l’examen du IVe plan, il soumet à l’Assemblée le témoignage suivant : « Il y a quelques heures, on a enterré, à Liévin, l’un de mes neveux, décédé dimanche soir de la silicose. Notre famille, comme toutes les familles de mineurs, a payé un lourd tribut à la mine. L’un de mes frères a été tué dans une catastrophe minière qui a fait quarante-deux victimes. Il avait vingt ans. Ce neveu qu’on a enterré aujourd’hui avait deux frères. Ils sont morts tous deux silicosés, l’un à l'âge quarante-six ans, l’autre à l’âge de quarante-trois ans. Lui avait trente-cinq ans et il était père de sept enfants. Quatre d’entre eux sont nés avant la reconnaissance de la maladie ; ils toucheront la rente. Les trois autres, les plus jeunes parce qu'ils ont été conçus après, n'auront droit à rien. »
À l’occasion des principaux votes de la législature, Raymond Derancy s’oppose au nouveau règlement de l’Assemblée nationale dont il juge qu’il limite les possibilités d’expression des élus de la Nation (3 juin 1959), à la loi Debré sur le financement de l’enseignement privé (23 décembre 1959) ou encore à la levée de l’immunité parlementaire de Georges Bidault (5 juillet 1962). Il s’est également associé, en vain, à la motion de censure du 4 octobre 1962. En revanche, le député du Pas-de-Calais a voté en faveur de la déclaration de politique générale du Premier ministre le 15 octobre 1959, quelques semaines après l’évocation de l’« autodétermination » de l’Algérie puis, le 2 février 1960, en faveur de l’attribution au gouvernement des pouvoirs spéciaux pour ramener l’ordre en Algérie après la semaine des barricades.
Fort de la défense de sa région mono-industrielle et solidement implanté au niveau local, Raymond Derancy sollicite le renouvellement de son mandat en 1962. Il y affronte les candidats du Mouvement républicain populaire (5,3% des suffrages pour Maximilien de Bettignies), de l’UNR (13,4% pour André Everaère) et du PCF (39,2% pour André Mancey), seul parti qui le devance à l’issue d’un premier tour au cours duquel il a recueilli 31,6% des voix. Il est à noter que, dans son fief de Barlin, ses concitoyens ont voté à plus de 57% pour leur maire. C’est dans le cadre d’une triangulaire qui divise la gauche que le député du Pas-de-Calais est réélu très largement au deuxième tour avec 52,5% des suffrages contre 45,1% pour le communiste et 5,4% pour le gaulliste.
Le maire de Barlin retrouve le groupe socialiste de l’Assemblée. Il est appelé à siéger dès son retour au Palais-Bourbon à la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales. En 1966, le député du Pas-de-Calais est également nommé membre de la Commission spéciale chargée d’examiner la proposition de loi Cassagne tendant à modifier le code de la sécurité sociale pour permettre à certains travailleurs chargés de travaux pénibles de prendre leur retraite avant soixante ans.
La situation des mineurs reste au cœur de ses préoccupations et de ses huit interventions à la tribune (sept à l’occasion de l’examen des projets de lois de finances et une lors d’une question orale sans débat posée au ministre des affaires sociales). Raymond Derancy y défend inlassablement le cas des veuves et des orphelins dont le mariage ou la naissance sont postérieurs à la première constatation de la silicose (le 26 octobre 1965 et le 5 octobre 1966), s’inquiète de la récession de l’industrie charbonnière (9 janvier 1963, 30 octobre 1963, 30 octobre 1964, 7 novembre 1966), déplore les fermetures des puits de mines lorsqu’il n’a pas été démontré que le gisement est réellement épuisé (30 octobre 1963) ou s’insurge contre le fait que des mineurs silicosés soient envoyés dans des chantiers d’abattage poussiéreux.
Lors des grands débats nationaux, le député du Pas-de-Calais s’est prononcé avec constance contre les mesures du gouvernement. Il s’est en effet opposé à la ratification du traité de l’Elysée (13 juin 1963), à l’encadrement des grèves dans les services publics (26 juillet 1963), à la réforme du mode d’élection des conseillers municipaux (17 juin 1964) ainsi qu’à celle du service national (26 mai 1965).
En 1967, Raymond Derancy tente de conserver son siège au Palais-Bourbon face aux trois autres candidats dont les scores, au terme du premier tour, se répartissent de la façon suivante : 37,1% pour Maurice Andrieu du PCF, 36% pour la Fédération de la gauche démocrate et socialiste (FGDS), 23,3% pour André Everaère du Comité d’Action pour la Vème République et 3,6% pour Christian Delattre du Centre Démocrate. La réélection du député du Pas-de-Calais, même placé en seconde position, ne semble pas compromise car les suffrages attribués au candidat de droite – qui se retire – constituent une réserve possible pour le socialiste face à son adversaire communiste. Cependant, une plus faible participation au deuxième tour (84,6% au lieu de 87%) et un médiocre report des voix des candidats gaullistes et centristes, ne lui permettent pas de battre Maurice Andrieu, maire communiste d’Hersin-Coupigny. Celui-ci remporte une victoire écrasante en recueillant plus de 61% des suffrages.
Ce premier échec ne décourage pourtant pas l’ancien député socialiste qui, l’année suivante, se présente à nouveau devant les électeurs de la 10ème circonscription du Pas-de-Calais. Opposant les mêmes candidats, ces élections voient cependant s’opérer une nette recomposition des scores obtenus : à l’issue du premier tour, si le communiste Maurice Andrieu reste en tête avec 36% des suffrages, Raymond Derancy (29,8%) a cédé la seconde position au candidat UDR André Everaère (31,4%). Dans le contexte de la vague gaulliste qui suit la crise de mai, l’ancien député préfère se retirer en faveur du communiste, lui permettant de conserver son siège.
Après ces deux tentatives infructueuses pour retrouver le chemin du Palais-Bourbon, Raymond Derancy choisit de se consacrer à ses mandats locaux – en particulier à la mairie de Barlin qu’il quitte en 1976. Il est décédé le 26 avril 1983. Il était chevalier du mérite social, chevalier des palmes académiques et titulaire de la médaille d’argent du travail.