Paul Déroulède
1846 - 1914
- Informations générales
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- Né le 2 septembre 1846 à Paris (Seine - France)
- Décédé le 30 janvier 1914 à Mont-boron (Alpes-Maritimes - France)
1846 - 1914
Né à Paris le 2 septembre 1846,
mort au Mont-Boron (Alpes-Maritimes) le 30 janvier 1914.
Député de la Charente de 1889 à 1893 et de 1898 à 1899.
Paul Déroulède, né à Paris, place Saint-Germain-l'Auxerrois, descend en ligne directe du romancier Pigault-Lebrun. Fils d'un avoué à la Cour d'appel de Paris, il est par sa mère, neveu de l'illustre auteur dramatique Emile Augier. Cet atavisme explique peut-être . le double caractère de Paul Déroulède : poète et soldat.
Après des études aux lycées Louis-le-Grand et Bonaparte - ce dernier deviendra plus tard le lycée Condorcet - puis au lycée de Versailles, il s'inscrit à la Faculté de droit de Paris et obtient sa licence. Mais les lettres ont pour lui plus d'attraits que la procédure et on le voit plus souvent à la Comédie française qu'à la Faculté de droit. Avocat amateur, la gloire du poète le tente plus que les triomphes du Palais.
En 1868, sous le pseudonyme de « Jean Rebel », il envoie des vers à la Revue nationale. Voyageant beaucoup, il visite l'Europe et l'Egypte. En 1869, il assiste à l'inauguration du canal de Suez. De retour en France, il fait recevoir au Théâtre français et jouer, le 9 juin 1869, une pièce en vers en un acte, Juan Strenner.
En 1870, engagé comme volontaire dans les zouaves dès la déclaration de guerre, il est blessé d'une balle qui s'amortit sur un volume des Poésies d'Alfred de Musset. Fait prisonnier en portant secours à son frère, André Déroulède, à la bataille de Sedan, il fut interné en Silésie d'où il s'évada. Paul Déroulède reprend du service dans les armées de la Loire et de l'Est. A la tête d'une compagnie de tirailleurs algériens, il occupe Montbéliard, fait pour lequel il est cité à l'ordre du jour de l'armée et décoré. Il est fait Chevalier de la Légion d'honneur le 2 février 1871.
Plus tard, il participe à la répression de la Commune. Il a le bras fracassé en enlevant une barricade. Alors qu'il vient d'être promu lieutenant, il doit quitter le service militaire à la suite . d'un accident de cheval qui lui a brisé la jambe.
Paul Déroulède, dont le nom est déjà connu dans les milieux littéraires, continue à écrire poésies et drames.
En 1872, il publie un volume de vers, les Chants du soldat, dont le succès est retentissant et qui est couronné par l'Académie française. En 1875, il publie les Nouveaux chants du soldat. En 1877, un drame en cinq actes et en vers, l'Hetman, obtient près de cent représentations à l'Odéon. En 1878, il écrit Pro Patria. En 1880, il présente au Théâtre Français un drame biblique La Moabite, qui, après avoir été reçu n'est pas joué en raison d'une interdiction de la censure. La même année, il écrit un hymne patriotique, Vive la France, dont Charles Gounod compose la musique. En 1881, il publie les Marches et sonneries qui sont une suite aux Chants du soldat.
Tout en déclarant qu'il veut se consacrer exclusivement au culte de l'idée de revanche, Paul Déroulède manifeste une vive sympathie, sinon pour la politique, du moins pour la personnalité de Gambetta, à la mémoire duquel il consacrera, lors de sa mort, des strophes émues.
En janvier 1882, retiré dans sa propriété de famille de Langély, commune de Gurat (Charente), il écrit un drame, Pierre-le-Grand. C'est alors qu'il apprend par l'Officiel sa nomination de membre d'une Commission d'éducation militaire qui vient d'être instituée au Ministère de l'Instruction publique. Son ardeur au sein de la Commission se heurte à la prudence de Jules Ferry. Il fait claquer la porte et donne sa démission.
Quelques jours plus tard, il reçoit la visite de M. Félix Faure, qui deviendra Président de la République, et de M. Turquet, futur sous-secrétaire d'Etat aux Beaux-Arts. Ceux-ci l'invitent à prendre la tête d'un mouvement 'patriotique. C'est de cette entrevue que naît l'idée de la Ligue des patriotes dont il sera le créateur, avec Henri Martin et quelques autres Français. Le 18 mai, il prend la parole au cours d'une fête organisée au gymnase Heiser. La Ligue des patriotes et sa devise, « Qui vive ? France ! Quand même ! » sont acclamées ; les feuilles d'adhésion se couvrent de signatures.
La ligue des patriotes, à laquelle Déroulède consacre dès lors son activité et sa fortune, fait appel au dévouement patriotique de tous les citoyens, sans distinction d'opinion ou de parti. C'est le début du nationalisme. En somme, ce mouvement - qui a bientôt des ramifications dans toutes les villes de France - se propose de réaliser par l'initiative privée ce que le Gouvernement ne peut pas ou ne veut pas faire. Ainsi celui-ci peut-il voir dans la Ligue un auxiliaire parfois utile, mais aussi parfois gênant.
Comme ambassadeur de sa Ligue et apôtre de la revanche, Paul Déroulède parcourt la Grèce, la Turquie, la Russie où il examine avec Tolstoï, Katkoff et les principaux hommes politiques, la possibilité d'une alliance franco-russe. En France, il préside des banquets, des concours de tir, de gymnastique, fait des conférences d'un patriotisme exalté. Dans toutes les cérémonies, on le voit vêtu d'une immense redingote verte qui contribue à l'originalité de sa personne.
Pour voies de fait sur M. Mayer, directeur de La Lanterne, qui l'accuse de vouloir faire de la Ligue des patriotes une entreprise électorale, il fait l'objet d'un procès retentissant, qui le condamne à 25 francs d'amende.
De son activité littéraire pendant cette période, il faut retenir L'éducation militaire, brochure publiée en 1882 ; Le Livre de la Ligue des Patriotes (1882-1887) ; La défense nationale (1883) ; M. le Uhlan et les trois couleurs, contes (1884).
La Ligue des patriotes change tout à fait de caractère après l'avènement au Ministère de la Guerre du général Boulanger, le 11 décembre 1884.
Paul Déroulède tente d'entrer dans la politique en se présentant aux élections législatives complémentaires de Paris, le 13 décembre 1885, comme « candidat de la revanche ». Sur 378 000 votants, il obtient 104 000 suffrages au scrutin de liste. Il n'est pas élu.
La même année, il fonde le journal Le drapeau organe hebdomadaire de la Ligue.
Déroulède est l'un des tout premiers et des plus ardents lieutenants du général Boulanger et il engage peu à peu dans son parti la Ligue des patriotes dont il vient d'être nommé président, après la démission du comte Féry d'Esclands, en 1887, et qui devient entre ses mains habiles un instrument puissant d'agitation politique et électorale. Il se montre préoccupé d'exciter à l'étranger l'agitation contre les ennemis de la France.
Paul Déroulède est l'organisateur avéré ou occulte des manifestations de la gare de Lyon, de la revue du 14 juillet 1887, et le contrôleur général des scrutins plébiscitaires. Il se signale dans les réunions publiques par la véhémence de ses attaques contre les scandales financiers produits dans l'entourage de l'Elysée. La retraite du chef de l'Etat devenant imminente, il organise des manifestations destinées à faire pression sur le Parlement, à la veille de la nouvelle élection présidentielle ; il va même jusqu'à menacer le Gouvernement d'une descente de cinquante mille hommes dans le cas où le candidat le plus en vue, Jules Ferry, serait élu Président de la République. La crainte de l'avènement de cet adversaire du général Boulanger le conduit à faire, le 30 novembre, une démarche auprès du président Grévy, si attaqué jusque là, pour le supplier, au nom des intérêts d'une entente franco-russe, de rester à son poste.
Il subit un nouvel échec à l'élection législative partielle du 17 juin 1888. Au premier tour, il obtient 20 966 voix contre 55 390 partagées entre le candidat bonapartiste et le candidat républicain. Cette fois, c'est sous l'étiquette boulangiste qu'il s'est présenté dans la Charente d'où sa famille est originaire. Maintenu au scrutin de ballottage, il n'obtient que 10 891 voix.
C'est lors de la fameuse élection partielle de la Seine, le 27 janvier 1889, que l'action de la Ligue des patriotes se fait surtout sentir et émeut le Gouvernement qui en décide la dissolution. A la suite d'une perquisition dans les bureaux de la Ligue, le 1er mars 1889, Déroulède se voit infliger une amende de 100 francs.
Il reste l'un des plus fidèles défenseurs du général Boulanger qui, condamné par la Haute Cour, s'est retiré à l'étranger Le 22 septembre 1889, il se présente aux élections générales législatives, dans la deuxième circonscription d'Angoulême, en déclarant : « L'important, aujourd'hui, est de fermer l'entrée de la Chambre à tous les hommes, quels qu'ils soient, qui osent encore se réclamer de l'opportunisme et du parlementarisme et qui combattent contre la volonté nationale pour le maintien de cet état de choses ruineux et tyrannique qui s'appelle la république parlementaire. »
Il est élu au premier tour de scrutin, par 10 475 voix contre 3 893 à M. Donzole, candidat républicain, et 689 voix à M. Navarre, socialiste, sur 15.227 votants.
Hardi, passionné, violent, Paul Déroulède prend place au premier rang du groupe boulangiste plus bruyant que nombreux. Son éloquence et son tempérament lui donneront un des premiers rôles dans l'opposition. Il interviendra fréquemment, interrompra plus souvent encore, ce qui lui vaudra de nombreux rappels à l'ordre par le président de la Chambre, M. Floquet. Ses bruyantes interpellations soulèveront des scènes orageuses.
Dès le 20 janvier 1890, au cours d'une séance des plus tumultueuses à la Chambre, à l'occasion de la discussion d'une interpellation sur l'annulation des crédits votés par le Conseil municipal de Paris en faveur des grévistes de Cours (Rhône) et du Nord, avec deux de ses collègues. MM. Millevoye et Laguerre, il tente d'empêcher de parler M. Joffrin, député de Paris, proclamé dans le XVIIIe arrondissement aux lieu et place du général Boulanger déclaré inéligible. La censure avec exclusion temporaire est prononcée contre Paul Déroulède et ses deux collègues. Sur leur refus de quitter la salle des séances, tous les trois sont expulsés manu militari.
Un mois plus tard, le 25 février 1890, Paul Déroulède prend part à la discussion d'un projet de résolution, portant modification de l'article 125 du règlement de la Chambre, lequel a trait, précisément, à la censure avec l'exclusion temporaire appliquée aux députés. Le 3 mars 1890, il est nommé membre de la Commission chargée de l'examen de la proposition de loi relative à la régularisation de l'indemnité annuelle des conseillers municipaux de Paris.
Le 29 mars, pour avoir « donné le signal d'une scène tumultueuse », il se voit à nouveau infliger la censure.
Le 20 octobre de la même année, le Gouvernement est interpellé par M. Goussot sur les mesures qu'il compte prendre contre les menées boulangistes. Paul Déroulède prend à partie M. Joseph Reinach qu'il qualifie de « domestique de tous les pouvoirs », ce qui lui vaut une nouvelle application de la censure et, le lendemain, une rencontre sur le pré avec M. Reinach.
Le 4 novembre, il demande au Ministre des Affaires étrangères si la République française a des vues de conquête sur la Tripolitaine. Le 13 novembre, un nouveau duel l'oppose à l'un de ses principaux frères d'armes de la campagne boulangiste, M. Laguerre, moins fidèle que lui à la cause du général.
Le 22 novembre, à l'occasion de la discussion du budget, il dépose un ordre du jour tendant à réserver un tiers des bourses nationales aux élèves les plus méritants des écoles primaires, munis de leur certificat d'études.
Le 5 décembre, il dépose une proposition de loi tendant à empêcher que les députés puissent voter pour leurs collègues absents.
Le 29 janvier 1891, avec Maurice Barrès, s'opposant à la suspension des représentations de Thermidor à la Comédie Française, il dépose un ordre du jour qui n'est pas adopté.
Le 5 février, il prend part à la discussion d'un projet de loi relatif au travail des enfants, des filles mineures et des femmes dans les établissements industriels.
Le 19 février, avec plusieurs de ses collègues, il dépose un ordre du jour motivé tendant à la suppression du Conseil supérieur du Travail nommé par décret ministériel et invite le Gouvernement à présenter un projet de réorganisation ayant pour base la représentation prépondérante des travailleurs nommés par voie d'élection.
Peu de temps après, il prend part à la discussion d'un projet et de propositions de loi relatifs à l'exercice de la médecine.
Le 23 juin 1891, à la suite d'une interpellation de M. Lasserre sur le retard apporté par le Gouvernement dans les poursuites exercées contre les personnes impliquées dans l'affaire dite de la mélinite, il se pose en défenseur de l'armée - il en aura d'ailleurs plusieurs fois l'occasion au cours de sa vie parlementaire - comme il soutient, le 10 juillet, la cause des condamnés pour faits de grève, pour délits de presse, de parole, de réunion, d'association, et pour tous les crimes ou délits politiques pour lesquels une amnistie générale est demandée.
Le 17 juillet, il prend part à la discussion sur l'ajournement d'une interpellation relative aux mesures que le Gouvernement compte prendre pour assurer la liberté commerciale à nos frontières.
Le 29 octobre de la même année, prenant la parole sur l'urgence d'une proposition de loi relative à la séparation des Eglises et de l'Etat, il se proclame « républicain chrétien » et déclare que son vote de républicain est « tout prêt à tomber dans l'urne avec ceux de la droite pour la défense de la foi chrétienne ».
En novembre et décembre 1891, il est entendu dans la discussion du budget de l'exercice 1892 et dépose plusieurs amendements. L'un a pour objet de majorer le crédit en faveur de l'enseignement agricole ; un autre amendement tend à favoriser la reconstitution des vignobles de France ; un autre enfin demande une réduction des frais d'occupation du Dahomey.
Il participe à la discussion du projet de loi portant approbation de l'arrangement conclu avec le roi du Dahomey le 3 octobre 1890.
Le 11 décembre, il oppose la question préalable à une interpellation relative aux récentes manifestations ultramontaines de certains évêques de France et spécialement sur une lettre pastorale de l'archevêque de Bordeaux.
Le 29 mars 1892, il s'oppose à toute diminution de crédit sur le budget du Ministère de la Guerre.
Le 7 avril, à l'occasion de l'examen d'un projet de loi portant ouverture de crédits pour le Soudan et d'une interpellation relative aux événements du Dahomey, il se déclare hostile au maintien de la France dans ce dernier pays.
Le 21 mai, la Chambre est saisie d'une demande d'interpellation relative à des arrestations opérées le 22 avril, à la suite de divers attentats à la dynamite commis dans la capitale. L'interpellateur, M. Lavy, attaque vivement le mouvement boulangiste et, à travers lui, Paul Déroulède qui, cependant, se déclare l'adversaire de toutes les anarchies.
Le 16 juin, Paul Déroulède appuie une proposition de loi tendant à l'organisation du crédit agricole et populaire.
Le 11 juillet, la Chambre se prononce contre la mise à l'ordre du jour de la prise en considération d'un projet de résolution que Paul Déroulède a déposé plus d'un an auparavant et tendant à modifier le règlement, en ce qui concerne le vote d'abstention volontaire et le vote personnel, par la création d'un troisième bulletin permettant de discerner et de séparer les abstentions volontaires des abstentions involontaires.
En novembre et décembre 1892, lors de la discussion du budget de l'exercice 1893 et de l'examen du régime des boissons, Paul Déroulède défend les bouilleurs de cru, « cette bonne race de travailleurs... » - dit-il - «... dont les robustes et laborieuses mains nous versent de loin dans nos verres l'eau-de-vie de France et le vin gaulois ». Avec plusieurs de ses collègues, il présente un amendement tendant à faire exception en faveur des bouilleurs de cru pour ce qui concerne la déclaration préalable à la régie. Il demande la suppression de l'article 17 qui oblige tout détenteur d'appareils propres à la distillation des eaux-de-vie d'en déclarer à la régie le nombre et la capacité. Il dépose un amendement - qui n'est pas adopté - portant fixation à quarante litres de la tolérance pour consommation de famille.
Le 21 novembre, il fait adopter une motion dans laquelle la Chambre adresse ses félicitations au général Dodds et à l'armée du corps expéditionnaire au Dahomey.
Le 23 novembre, il est élu contre son gré membre de la Commission d'enquête sur l'affaire de Panama. Dès le lendemain, il se démet de ce mandat.
Le 13 décembre, il prend part à la discussion de l'interpellation de M. Trouillot sur la démission de M. Rouvier, Ministre des Finances, et sur les motifs de cette démission.
Le 20 décembre, il demande à interpeller le Gouvernement sur les mesures disciplinaires à prendre par le Grand Chancelier de la Légion d'honneur au sujet de Cornélius Herz, actionnaire au journal La Justice dirigé par M. Clemenceau. Au cours de cette séance historique, Paul Déroulède dénonce l'action plus ou moins occulte de Cornelius Herz, « agent de désagrégation funeste pour notre pays », et prend directement à partie M. Clemenceau qu'il accuse d'avoir reçu des subsides de cet « agent de l'étranger cosmopolite de race hostile, d'origine germanique », qui, selon M. Clemenceau, est citoyen américain. Il tente de démontrer que M. Clemenceau a subi l'influence de l'étranger et que cette influence a eu pour résultat de diriger sa politique et de jeter la perturbation dans le pays. Une violente joute oratoire oppose les deux hommes qui, le soir même, décident de se battre en duel, chacun revendiquant la qualité d'offensé. Une rencontre au pistolet - sans résultat - a lieu le 23 décembre dans le champ de course de Saint-Ouen, en présence de quelque trois cents curieux.
Le 16 février 1893, Paul Déroulède prend part à la discussion d'une interpellation de M. Leydet sur la direction que le Gouvernement entend donner à sa politique générale. Il reproche au président du Conseil, M. Ribot, « sa souplesse, sa mobilité, ses ondulations qui désorientent le pays ».
Le 26 avril, il pose au Ministre de la Guerre une question au sujet d'attaques dirigées contre le général Ladvocat à l'occasion de l'affaire Turpin.
Le 1er juin, il est nommé membre de la Commission d'intérêt local.
Le 15 juin, il demande et obtient en faveur de l'agriculture française la suppression temporaire des droits de douane sur les fourrages étrangers.
Le 19 juin, il sera de nouveau question de Cornelius Herz et l'on en reparlera encore dans la séance du 22 au cours de laquelle après l'insuccès d'une interpellation de M. Millevoye au sujet d'une prétendue trahison, les débats ayant montré que celui-ci et ses amis avaient été joués (affaire Norton), Paul Déroulède donne sa démission de député, qu'il renouvelle par lettre adressée au président de la Chambre.
Il ne se représentera pas aux élections générales de 1893 et restera éloigné du Parlement jusqu'à 1898.
Il conserve toutefois son mandat de conseiller général du deuxième canton d'Angoulême où il a été élu sous l'étiquette boulangiste, le 31 juillet 1892, par 2.768 voix sur 4.899 votants. Il se maintiendra au renouvellement suivant et, le 31 juillet 1898, il sera réélu conseiller général au premier tour de scrutin, dans le même canton, cette fois sous l'étiquette nationaliste. Ce mandat prendra fin en juin 1901, date à laquelle M. Mulac lui succédera.
Pendant ces douze dernières années, son œuvre littéraire est marquée par la publication des ouvrages suivants :
- Le premier grenadier de France, La Tour d'Auvergne et Avant la bataille (1886) ;
- Histoire d'amour, roman (1890) ;
- Chants du paysan, couronné par l'Académie française en 1893 ;
- Messire du Guesclin, drame joué à la porte Saint-Martin en 1895 ;
- Paris (1896) ;
- La mort de Hoche, drame (1897) ;
- La plus belle fille du monde, conte dialogué en vers libres, joué à la Comédie française en 1898.
Il obtient en 1894 le prix Jean Renand. Paul Déroulède ne rentre dans l'arène politique que pour prendre part à l'agitation intense qui entoure l'affaire Dreyfus.
Il se présente au renouvellement législatif du 8 mai 1898 dans la deuxième circonscription d'Angoulême, son ancien collège, où il est élu en remplacement de M. Gellibert des Séguins qui ne se représente pas. Il obtient 7 768 voix contre 5 880 à M. Mulac, ancien maire d'Angoulême, républicain, et 1 169 voix à M. Legrand, socialiste, sur 15 067 votants, dès le premier tour de scrutin. Leader du parti nationaliste à la Chambre, il réorganisera la Ligue des patriotes en septembre 1898. Par ses actes au Parlement comme au dehors, il s'efforcera de ressusciter sous le vocable de « nationalisme » le boulangisme plébiscitaire dont il est demeuré l'inébranlable champion.
Partout, sur la voie publique, dans des meetings, dans des bagarres, Déroulède paie de sa personne et se manifeste toujours à la tête des mouvements populaires qui s'opposent à la révision du procès Dreyfus. Il ne cache pas son intention de modifier le régime. Il veut jeter bas la Constitution et fonder la république plébiscitaire.
Le 10 juin 1898, plusieurs de ses collègues ayant annoncé leur intention de lui accorder leurs suffrages pour la vice-présidence de la Chambre, il décline la candidature à ces fonctions.
Le 27 juin, il dépose et fait adopter une proposition de loi tendant à l'organisation d'une Commission agricole de trente-trois membres, chargée d'étudier les projets et propositions qui intéressent l'agriculture, la viticulture, la sériculture, la sylviculture et, en général, tous les projets et propositions concernant la culture de la terre. Il sera nommé membre de cette Commission le 5 juillet suivant. Le 30 juin, le Gouvernement est interpellé par M. Krantz sur sa politique générale. Paul Déroulède se déclare prêt à voter avec ses amis pour un Cabinet ayant pour Ministre de la Guerre M. Cavaignac. Il ajoute : « Nous tenons seulement à déclarer que si nous lui donnons notre confiance, c'est que nous sommes convaincus que l'homme de droit courage et de ferme volonté qui a pris nettement position dans l'affaire Dreyfus dira tout ce qui doit être dit, fera tout ce oui doit être fait - sans nuire à la France - pour la défense de l'armée, pour l'honneur de la Légion d'honneur et pour l'apaisement de la nation. »
Le 12 juillet, il est nommé membre de la Commission du suffrage universel.
Le 25 octobre, il se prononce pour la discussion immédiate des interpellations relatives à la transmission à la Cour de cassation de la demande en révision du procès Dreyfus. Au cours de cette séance, le général Chanoine, Ministre de la Guerre, donne sa démission, à la surprise du président du Conseil, M. Henri Brisson.
Le 1er décembre, Paul Déroulède est nommé membre de la Commission des congés.
Le 16 février 1899, M, Félix Faure meurt subitement. Le Congrès appelle M. Loubet à lui succéder. Le moment paraît favorable à Paul Déroulède pour tenter un coup de force. Le 23 février, place de la Nation, à l'issue des funérailles du président Félix Faure, il essaie d'entraîner les troupes et la population parisienne à faire un coup d'Etat ; il adjure le général Roget de le suivre à l'Elysée « pour sauver la France et la République ». Il s'obstine à suivre le général jusque dans la cour de la caserne de la rue de Reuilly. Le général Roget le fait arrêter. Paul Déroulède est poursuivi pour cette tentative mais la Cour d'assises de la Seine prononce son acquittement le 29 mai 1899, la Chambre des mises en accusation ayant écarté l'accusation de complot.
Le 27 juin, à la Chambre des députés, proclamant que son but est l'émancipation pleine et entière du suffrage universel, il demande sans succès la déclaration de l'urgence d'un projet de résolution qu'il a déposé et dont l'objet est la révision des lois constitutionnelles.
Le 29 juin, il est nommé membre de la Commission des pétitions.
En dépit de l'arrêt rendu précédemment par la Cour d'assises, le nouveau président du conseil, Waldeck-Rousseau, fait perquisitionner chez les chefs des partis nationalistes et monarchistes, à la suite de quoi Paul Déroulède est incarcéré. Malade, il ne se présente qu'une fois à l'audience devant le Sénat constitué en Haute Cour de justice et se distingue, le 19 novembre 1899, par ses violences de langage. Pour insultes à la magistrature, il est d'abord condamné à deux ans de prison. Puis, le 3 janvier 1900, après des débats qui ont nécessité quarante-sept audiences, il s'entend condamner à dix ans de bannissement, pour complot contre le Gouvernement. Il s'établit alors à Saint-Sébastien, en Espagne.
En 1900, après une très vive polémique, il décide de se battre en duel contre son ancien coaccusé, M. André Buffet, au sujet de la responsabilité revenant à chacun des chefs des partis royaliste et nationaliste dans les événements qui viennent d'être rappelés. La rencontre doit avoir lieu en Suisse, mais la police vaudoise, prévenue, parvient à l'empêcher.
D'Espagne, Paul Déroulède - qui a été déchu de son mandat de député dans la séance de la Chambre du 4 mars 1901 - continue de diriger Le Drapeau qui, de quotidien qu'il était alors, redevient hebdomadaire.
En 1905, il refuse le bénéfice de la grâce qui vient de lui être accordée et séjourne à Vienne, en Autriche. Il ne rentrera en France que quelques mois plus tard, après le vote de la loi d'amnistie du 2 novembre 1905.
Il sort de sa retraite en 1906 et se présente de nouveau aux élections législatives, toujours dans la deuxième circonscription d'Angoulême. Alors qu'au premier tour, le 6 mai, il a obtenu 7 087 voix contre 6 948 à M. Mulac, maire d'Angoulême, député sortant, il est battu le 20 mai au second tour : il n'obtient cette fois que 7 205 voix, tandis que son adversaire, M. Mulac, se fait élire par 9 353 voix, sur 16 826 votants.
Dès lors, Paul Déroulède se consacre presque exclusivement à ses fonctions de président de la Ligue des patriotes. Membre de la Société des auteurs et compositeurs de musique, il fait encore publier, en 1907, Les Nouvelles feuilles de route qui sont la suite des Feuilles de route écrites en 1870 ; en 1909, Pages et discours ; en 1910, Qui vive ? France ! Quand même !, Notes et discours et, en 1911, Corneille et son œuvre.
A la fin du mois de novembre 1913, son état de santé s'est aggravé. Néanmoins, il tient à assister, le 7 décembre, à la cérémonie annuelle de Champigny, en l'honneur des soldats français morts pour la patrie au cours de la guerre de 1870-1871 ; il y prononce même une allocution. Mais il a trop présumé de ses forces et, le soir même, son état empire. Sur les conseils de ses médecins, il part pour le Mont-Boron, près de Nice, où il possède une propriété, la villa « Roc Fleuri », en bordure de la Petite Corniche. C'est là que, le 30 janvier 1914, à l'âge de 68 ans, il succombe à une crise cardiaque. Sa dépouille mortelle sera ramenée à Paris et inhumée au cimetière de La Celle Saint-Cloud.
Maurice Barrès - qui, lui aussi, participa activement au mouvement boulangiste - a dit : « Un trait principal de Déroulède, c'est de ne point admettre une volonté qui lui résiste », et il est indéniable que, même dans ses erreurs, Paul Déroulède, grand cocardier, fut toujours animé de l'amour le plus passionné pour sa patrie, « France, quand même ».
L'approche de la guerre de 1914 en laquelle il voyait une occasion de revanche, lui inspira son dernier sonnet : Sous le portrait d'une charmante Alsacienne aux cheveux blonds surmontés du traditionnel nœud noir, il écrivit :
« Allons petits soldats, et vous grands capitaines
Qui portez nos drapeaux sur des plages lointaines,
Regardez-les ces yeux qui cherchent à vous voir !
« Il est là le salut, elle est là la Patrie.
Ah ! que puisse ma main moribonde ou meurtrie,
Piquer nos trois couleurs aux plis de son nœud noir ! »
Une statue de Paul Déroulède a été élevée à Paris, square Henri-Bergson.