Bernard Destremau
1917 - 2002
Bernard DESTREMAU
Né le 11 février 1917 à Paris
Décédé le 6 juin 2002 à Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine)
Député des Yvelines de 1968 à 1974, puis de 1976 à 1978
Secrétaire d’État aux Affaires étrangères du 8 juin 1974 au 25 août 1976
Bernard Destremau naît le 11 février 1917 à Paris dans une famille de militaires. Il est le dernier enfant de Félix Destremau, officier de l’Armée de terre, devenu général de brigade en 1918, puis général de division en 1925 après avoir contribué grandement à la formation de l’armée de la jeune République tchécoslovaque. Sa famille se déplace beaucoup, au gré des affectations. Après quelques années à Colmar, puis à Lyon où son père commande la sixième division de cavalerie, elle s’installe à Paris en 1930. Bernard Destremau suit alors ses études dans le seizième arrondissement, au cours Gerson, puis au lycée Janson-de-Sailly. Très sportif, le jeune garçon se tourne vers le tennis qu’il pratique d’abord au Tennis Park de Lyon. À son arrivée à Paris, il s’inscrit au Racing club de France. À force d’entraînement, il accède à la Première Série à 17 ans. Il remporte son premier grand tournoi en juillet 1935 au Touquet. L’année suivante, il est sélectionné dans l’équipe française de la Coupe Davis et en reste membre jusqu’en 1955. Bernard Destremau est devenu un grand champion de tennis : au cours de sa carrière, il est six fois premier joueur de France de tennis. Il concourt aussi aux Internationaux de Roland Garros.
Cette carrière sportive de très haut niveau n’empêche par Bernard Destremau de poursuivre de brillantes études : entré à HEC en 1936, il en sort diplômé trois ans plus tard. Il est alors mobilisé de septembre 1939 à l’automne 1940. Le jeune champion passe les premières années de la guerre entre Paris, où il obtient le diplôme de l’École libre des sciences politiques, et le Sud tunisien où sa famille maternelle possède des plantations d’oliviers et les courts de tennis. Bernard Destremau s’inscrit au concours des Affaires étrangères, mais il entend servir la France autrement. Après le débarquement de novembre 1942 en Afrique du Nord, il cherche à fuir la France : il quitte la métropole en février 1943 pour gagner le Maroc, après avoir franchi les Pyrénées et traversé l’Espagne et le Portugal. Il s’engage dans les Forces françaises libres (FFL), sous la direction de Jean de Lattre de Tassigny qui restera sa vie durant un modèle et à qui il consacrera une longue biographie en 1999. Après avoir participé au débarquement en Provence, à la Libération de la France puis à la campagne d’Allemagne, Bernard Destremau, qui est lieutenant, est démobilisé en novembre 1945. Il reçoit la Légion d’honneur à titre militaire.
Revenu à la vie civile, l’ancien champion reprend le chemin des courts de tennis, notamment les matches de Coupe Davis, mais sans retrouver son niveau d’avant-guerre. Il est toutefois, en 1950 et 1951, premier joueur national. Après avoir été capitaine de l’équipe française de la coupe Davis de 1953 à 1955, il quitte le tennis après un dernier match à Wimbledon en juillet 1956. Il a alors 39 ans. Le problème d’une éventuelle reconversion ne se pose pas : grâce à son diplôme de Sciences Po, Bernard Destremau est entré au Quai d’Orsay en octobre 1945. Attaché au cabinet de Georges Bidault, alors ministre des Affaires étrangères, il est d’abord affecté à la direction des affaires économiques, puis à la direction d’Amérique du ministère de 1946 à 1949. Cette même année, il obtient son premier poste à l’étranger : il est nommé secrétaire d’ambassade à Bruxelles, fonction qu’il occupe jusqu’en 1952. Détaché au Secrétariat général de la défense nationale (SGDN) à partir de 1952, Bernard Destremau devient, de 1954 à 1955, chef de cabinet de Roland de Moustier, secrétaire d’État aux Affaires étrangères du gouvernement de Pierre Mendès France. En 1955, le diplomate est nommé secrétaire d’ambassade au Caire, y vivant la crise de Suez, puis à New York, auprès des de l’Organisation des Nations unies (ONU) de 1956 à 1957. Après deux années parisiennes, l’ancien sportif gagne Pretoria en 1959 où il est conseiller d’ambassade pendant trois ans dans l’Afrique du Sud de l’apartheid. En 1964, après un bref séjour à Paris où il est auprès du secrétaire général du ministère des Affaires étrangères, Etienne de Carbonnel, Bernard Destremau est nommé premier conseiller à Bruxelles, poste qui lui permet d’observer la construction européenne alors en crise.
En 1966, Michel Poniatowski propose au diplomate de se présenter aux prochaines élections législatives, celles de mars 1967, dans la 5e circonscription des Yvelines, à Versailles, sous l’étiquette des Républicains indépendants (RI). Bernard Destremau adhère dans la foulée au parti centriste. Valéry Giscard d’Estaing se déplace à Versailles pour appuyer la candidature de ce nouveau en politique. Ce soutien, ainsi que sa popularité d’ancien champion et de Résistant, lui permettent de se placer en tête du premier tour avec 12 164 voix, devançant le maire communiste de Saint-Cyr-l'École, lui aussi Résistant et ancien déporté Jean Cuguen (9 925 voix) et le maire de Versailles (ex-député), André Mignot, du Centre démocrate (9 946). Au second tour, Bernard Destremau obtient 17 848 voix et 55,13 % des suffrages exprimés face à Jean Cuguen.
À son arrivée au Palais-Bourbon, le diplomate rejoint le groupe des Républicains indépendants et la commission des Affaires étrangères. Il est également membre de la commission spéciale chargée d’examiner la proposition de loi tendant à interdire la publicité à l’ORTF. Il prend également la tête du comité parlementaire pour le sport. Au cours de cette brève législature, il s’intéresse à l’Europe à l’occasion de la visite du chef de l’État à Rome (20 avril 1967). En juin, une semaine après la fin de la guerre des Six jours, Bernard Destremau prend la parole pour déplorer l’absence d’une position commune de l’Europe sur la question du Moyen-Orient (16 juin 1967). Dans son intervention du 7 novembre 1967, il regrette également le veto français à l’adhésion de la Grande-Bretagne à la CEE.
Les événements du printemps 1968 et la dissolution de l'Assemblée nationale par le général de Gaulle viennent mettre un terme au premier mandat de Bernard Destremau. Celui-ci se présente à nouveau à ses électeurs.
Le député sortant remporte 14 798 voix, soit plus de 35 % des suffrages exprimés au premier tour, et 2 points de plus que l’année précédente. Ses adversaires, le communiste Jean Cuguen, ainsi qu’André Mignot, qui défend les couleurs de Progrès et démocratie moderne (PDM), recueillent respectivement 22,6 % et 23 % des suffrages. Face au maire de Saint-Cyr-l’École, resté seul en lice, le député sortant remporte l’élection au second tour avec 19 787 voix et 62 % des suffrages.
À l’Assemblée, Bernard Destremau retrouve les bancs du groupe des RI et de la commission des affaires étrangères, qu’il quitte en 1971 pour rejoindre la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. En 1968, il est également élu représentant suppléant de la France à l’Assemblée consultative du Conseil de l’Europe. Il est aussi membre de la commission spéciale chargée d’examiner la proposition de loi de Lucien Neuwirth tendant à créer un Office national d’information et d’éducation familiale.
Durant cette législature, le député dépose en particulier une proposition de loi visant à organiser des paris sportifs en France, notamment dans le football, afin de pallier l’insuffisance des crédits alloués au sport (19 décembre 1969). Cette idée, longtemps rejetée, sera finalement retenue et mise en œuvre en 1985. C’est la même préoccupation qui guide sa proposition de loi du 26 avril 1972 tendant à la création d'une caisse d'aide à l'équipement sportif. Le même jour, le député de Versailles propose également l’abaissement de la majorité civile et politique à 19 et même à 18 ans pour les jeunes ayant satisfait à leurs obligations militaires. À la tribune, ses centres d’intérêts sont l’Éducation nationale et les Affaires étrangères. Il réitère, le 7 novembre 1968, à l’occasion du vote du budget puis, le 28 avril 1970, lors du débat sur la déclaration du gouvernement relative à la politique étrangère, son regret que la Grande-Bretagne ne puisse adhérer à la Communauté économique européenne (CEE) dans un contexte international tendu marqué par les crispations au Proche-Orient, la guerre du Biafra ou encore la répression du printemps de Prague. En outre, lors de chaque examen du projet de loi de finances, l’ancien champion revient sur l’insuffisance des ressources budgétaires en faveur du sport alors que ce domaine représente « la pierre angulaire du rapprochement social » (30 octobre 1969). Bernard Destremau s’intéresse également à l’indemnisation des Français dépossédés de leurs biens dans les anciennes colonies.
Par ailleurs, en 1969, lors du référendum, il vote blanc. Il souhaite que Valéry Giscard d’Estaing se présente à l’élection présidentielle qui suit, mais il n’est pas écouté.
Aux législatives de mars 1973, Bernard Destremau sollicite le renouvellement de son mandat. L’élection se présente sous un jour moins favorable. D’une part, le député des Yvelines n’a pas réussi à conquérir la mairie de Versailles en 1971. D’autre part, pas moins de dix candidats se présentent. Dans ces circonstances, Bernard Destremau recueille 13 912 voix et 31 % des suffrages exprimés au premier tour, soit quatre points de moins qu’en 1968, loin devant le communiste Jean Cuguen (22 % des voix). Les deux hommes se retrouvent pour la troisième fois au second tour : à nouveau, Bernard Destremau bat son adversaire communiste avec une confortable avance (25 548 voix et près de 59 % des suffrages).
À l’Assemblée, toujours inscrit au groupe des Républicains indépendants, le député des Yvelines siège à nouveau à la commission des affaires étrangères, dont il est vice-président, de 1973 à 1974, et membre de la commission de contrôle de l’ORTF. Il est également membre suppléant de l’Assemblée consultative du Conseil de l’Europe. Il dépose à nouveau des propositions de lois visant à abaisser l’âge de la majorité civile et à organiser des paris sportifs en France. Il est l’auteur de deux nouvelles propositions de loi, le 6 juin 1974 : l’une tendant à maintenir le droit aux prestations familiales pour les enfants qui font leurs études à l'étranger, l’autre visant à organiser le statut des gens de lettres et des créateurs littéraires.
Les événements du Proche-Orient retiennent à nouveau son attention. Le 17 octobre 1973, au cours d’une question orale avec débat, il rappelle la nécessité pour la France de s’abstenir de toute livraison d’armes dans la région, de circonscrire le conflit et de « risquer la paix » en garantissant la sécurité de l’État d’Israël dans des « frontières sûres et reconnues » et la reconnaissance du fait palestinien. Les 9 et 23 novembre 1973, après le premier choc pétrolier, Bernard Destremau soulève également le problème de l’énergie dans une question d’actualité, puis dans une intervention. À la tribune, lors de la déclaration du gouvernement sur sa politique générale, il n’hésite pas à souligner la nécessité de gouverner sans attendre et explique le choix des RI de créer « une société libérale et libérée faite pour l’homme ». À l’occasion des débats sur la déclaration de politique étrangère de la France, le 20 juin 1973, Bernard Destremau fait un long tour d’horizon de la situation internationale résumant ses positions personnelles sur les grands enjeux diplomatiques de l’époque. Il se dit notamment favorable à l’abandon du principe d’unanimité en Europe au bénéfice de la règle de la majorité qualifiée ou des deux tiers afin de donner un nouvel élan à un processus qui semble marquer le pas. Le député soutient le deuxième gouvernement de Pierre Messmer, le 12 avril 1973, et le projet de loi relatif à l’interruption volontaire de grossesse, le 28 novembre 1974. En revanche, ce gaulliste désapprouve la réforme du quinquennat le 16 octobre 1973.
La victoire de Valéry Giscard d’Estaing aux élections présidentielles de 1974 permet à Bernard Destremau de compléter sa carrière politique : il est nommé, en juin, secrétaire d’État aux Affaires étrangères dans le gouvernement de Jacques Chirac. Très actif, il représente souvent la France à l’étranger. En deux ans, il se rend dans près d’une quarantaine de pays. Mais, à partir de janvier 1976, la nomination au Quai d’Orsay d’un autre secrétaire d’État, Jean François-Poncet, rend son rôle plus effacé. Cependant, il est amené en tant que membre du gouvernement à répondre à de nombreuses questions portant sur des sujets divers tels que la dette du Chili envers la France (20 novembre 1974), la déclaration de Yasser Arafat devant l’assemblée générale des Nations unies (13 novembre 1974), l’accueil des réfugiés du Vietnam après la chute de Saigon (14 mai 1975), l’extension à 200 miles marins de la zone économique exclusive (18 juin 1976) ou encore de l’aide humanitaire de la France au Liban au début de la guerre civile (23 juin 1976).
Après la démission du Premier ministre Jacques Chirac et du gouvernement en août 1976, Bernard Destremau n’est pas reconduit dans ses fonctions. Son suppléant au Palais-Bourbon démissionne pour lui donner la possibilité de retrouver son mandat de parlementaire. Le résultat de l’élection partielle est très serré : Bernard Destremau est réélu avec seulement 457 voix d’avance et 50,65 % des suffrages exprimés. L’ancien sportif a été pénalisé par une importante abstention (50 % au premier tour, 40 % au second), par le score élevé de son adversaire communiste, Jean Cuguen (qui a gagné 8 points par rapport à l’élection précédente) et, surtout, par la candidature au premier tour d’André Damien, du Centre des démocrates sociaux (CDS). Ce dernier s’est présenté afin de barrer la route de la mairie de Versailles à Bernard Destremau. Cette stratégie s’avère d’ailleurs payante par la suite : en 1977 André Damien est effectivement élu maire de Versailles battant l’ancien Secrétaire d’Etat.
De retour à l’Assemblée, Bernard Destremau siège à la commission des finances, de l’économie générale et du Plan. Il dépose à nouveau une proposition de loi sur les paris sportifs (24 novembre 1977), ainsi qu’une seconde visant à modifier la législation des baux afin d’améliorer la protection des locataires âgés de plus de 75 ans (13 avril 1977). Le député interroge le gouvernement sur la baisse de la natalité française qu’il considère comme une conséquence des lois sur la contraception et l’interruption de grossesse et appelle à l’organisation d’un grand débat sur la politique familiale (question orale sans débat du 6 mai 1977). Le 31 mai 1977, à l’occasion du projet de loi instituant le complément familial, il justifie l’effort national en faveur de la famille. Enfin, l’ancien international de tennis continue de s’intéresser aux grands débats sur le sport, notamment en tant que rapporteur spécial des crédits de la Jeunesse et sports du projet de loi de finances pour 1978. Bernard Destremau approuve la déclaration de politique générale du Premier ministre Raymond Barre, le 28 avril 1977. Le député se prononce en faveur en faveur de l’élection des membres de l'Assemblée des communautés européennes au suffrage universel, le 21 juin 1977.
Deux ans plus tard, l’ancien député accepte de ne pas se représenter afin de laisser une femme, Christiane Scrivener, représenter les RI aux élections législatives de 1978. Finalement, la candidate se désiste et Bernard Destremau se présente. Dans ces conditions, sa campagne est difficilement menée. Ne réunissant que 21,8 % des suffrages au premier tour, il perd son siège face au candidat du Rassemblement pour la République (RPR) Etienne Pinte, en faveur duquel il se retire.
Il obtient en contrepartie une ambassade en Argentine en remplacement de François de La Gorce. Élevé au grade de ministre plénipotentiaire, il représente pendant trois ans la France sous la dictature militaire. Il quitte le pays à la veille de la guerre des Malouines, deux ans avant que le régime ne s’effondre.
Revenu à Paris en 1981, l’ancien député consacre la fin de sa vie à l’écriture. Membre de l’Académie des sciences morales et politiques à partir de 1995 en remplacement de Pierre-Olivier Lapie, il a écrit plusieurs ouvrages dont Weygand (Perrin, 1989), De Lattre de Tassigny (Flammarion, 1999), Quai d’Orsay, derrière la façade (Plon, 1994). Dans l’un de ses ouvrages autobiographiques, Cinquième set : du tennis à la diplomatie, il dit avoir mené « quatre carrières presque simultanées » au cours d’« une existence rebondissante comme une balle de tennis ». Par ailleurs, il crée, en 2001, un prix à son nom destiné à récompenser un athlète de haut niveau qui a su concilier la pratique d’un sport de compétition avec la poursuite d'études supérieures.
Bernard Destremau s’éteint le 6 juin 2002 à Neuilly-sur-Seine à l’âge de 85 ans. Il était commandeur de la Légion d'honneur, croix de guerre 1939-1945 et titulaire de la médaille des évadés, ainsi que de la croix du combattant volontaire. ,