Roger Devemy
1910 - 1998
Né le 28 juillet 1910 à Thiant (Nord)
Membre de la première et de la seconde Assemblée nationale Constituante (Saône-et-Loire)
Député de la Saône-et-Loire de 1946 à 1955
Fils d'un tourneur en fer et d'une mère épicière, Roger Devémy est titulaire du brevet supérieur et du baccalauréat. Il obtient également le diplôme d'ingénieur des arts et métiers de Lille. Il occupe successivement des fonctions de professeur dans l'enseignement libre puis d'ingénieur dans l'industrie de l'amiante et se marie le 27 août 1932 dans sa commune natale avec Germaine Hubert, fille d'un boulanger. Il participe à la guerre 1939-40 puis à la Résistance de 1941 à 1944. Arrêté par la Gestapo et torturé en janvier 1944, Roger Devémy garde le silence et évite ainsi à ses camarades de Résistance en Saône-et-Loire d'être arrêtés. Il parvient en outre à s'échapper du camp de Compiègne dont il dérobe les archives qu'il remet au service des recherches des Anciens combattants d'Henry Frénay, ce qui permet de renseigner les familles de 28 687 déportés sur leur départ de Compiègne et sur leur destination dans les camps de concentration d'Allemagne. A l'issue de la guerre, Roger Devémy est invalide de guerre à 100 %, Croix de guerre et officier de la Légion d'honneur au titre de la Résistance. Il fonde alors et préside l'Association des internés-déportés-résistants. Ingénieur au Creusot, Roger Devémy est l'un des animateurs du M.R.P. en Saône-et-Loire dont il dirige le Conseil départemental. Aussi figure-t-il comme tête de liste de ce parti dans ce département aux élections pour la première Assemblée nationale Constituante. Avec 32 856 suffrages, les démocrates chrétiens arrivent en quatrième position derrière le Parti communiste, le Parti socialiste et la Liste d'action sociale de la Résistance. Roger Devémy est le seul élu de sa liste au bénéfice de la plus forte moyenne. Dans la nouvelle Assemblée, il est nommé membre de la Commission des pensions civiles et militaires et des victimes de la guerre et de l'oppression et juré à la Haute Cour de justice. Les trois propositions de loi qu'il dépose ont toutes trait à des problèmes d'indemnisation consécutifs à la guerre. Il est en outre l'auteur d'un rapport sur diverses propositions concernant les règles d'indemnisation. Enfin il profite de la discussion du budget du secrétariat aux anciens combattants et victimes de guerre pour rappeler les créances morales que toutes ces catégories détiennent à l'égard du pays et présenter un catalogue de mesures financières et sociales qui doivent permettre de les honorer.
Aux élections pour la seconde Constituante, la liste M.R.P., de nouveau conduite par Roger Devémy, améliore nettement son score avec 46 237 voix, soit près de 14 000 de plus qu'au scrutin précédent. Pendant ce bref mandat, le député de Saône-et-Loire siège à la même Commission que précédemment. S'y ajoutent des fonctions à la Commission de la reconstruction et des dommages de guerre. Ses travaux parlementaires écrits sont de nouveau consacrés aux problèmes des prisonniers de guerre, des victimes de guerre et des déportés. Sa principale intervention a trait à la question de la reconstruction. Il critique l'excès de dirigisme du ministère compétent qui paralyse beaucoup d'initiatives individuelles et demande un système de répartition plus souple pour hâter les opérations.
Pour les premières législatives de la IVe République, Roger Devémy et ses colistiers connaissent une certaine érosion électorale en raison de la présence d'une liste se réclamant du gaullisme, conduite par Patrice Bougrain, qui progresse de 13 000 voix par rapport au scrutin précédent. En conséquence, le score du M.R.P. revient à son niveau de 1945 (32 384 voix). Après sa réélection, Roger Devémy retrouve ses fonctions à la Commission des pensions dont il est vice-président, à celle de la reconstruction et à la Haute Cour de justice. En 1951, il passe à la Commission des territoires d'outre-mer. En outre, il est désigné par l'Assemblée nationale pour la représenter au sein du comité d'administration de l'Office national et des offices départementaux des anciens combattants et victimes de guerre (26 janvier 1947). Les très nombreuses propositions de loi ou rapports qu'il dépose au cours de la législature sont tous liés à ces questions. Il en va de même pour ses interventions orales.
Lors de la première discussion du budget des anciens combattants (séance du 21 juillet 1947), il passe en revue tous les thèmes qu'il reprendra inlassablement les années suivantes pour aboutir à des mesures concrètes : insuffisance des taux de pension en raison de l'inflation, mauvais rendement des services du ministère qui retarde les paiements, nécessité de fixer rapidement le statut des diverses catégories d'anciens combattants et des victimes de la dernière guerre. Il revient sur ces questions lors de la séance du 5 août 1948 et déplore notamment la mauvaise volonté dont témoignent les entreprises publiques et privées pour réserver des emplois aux mutilés de guerre. A chaque occasion, comme rapporteur pour avis, comme intervenant dans les débats ou comme auteur de demandes d'interpellation, il exerce une vigilance constante sur la législation et les mesures prises en faveur de cette catégorie qui lui tient à cœur. Aussi lors de la discussion du budget des anciens combattants dans la séance du 15 mai 1951, peut-il, en tant que rapporteur, dresser un bilan positif de l'œuvre accomplie pendant la législature qui a permis de rattraper le retard accumulé et de régler certains problèmes trop criants.
Aux élections législatives du 17 juin 1951, Roger Devémy et ses colistiers subissent un nouveau recul avec 22 348 suffrages (9 %). Ils pâtissent en effet de la concurrence de la liste R.P.F. qui compte en son sein un certain nombre d'élus locaux influents et rassemble 21,5 % des voix. Pour la deuxième législature de la IVe République, Roger Devémy appartient de nouveau à la Commission des pensions. De plus il siège à la Commission de la famille, de la population et de la santé publique (en 1951) et à celle de la défense nationale en 1954-55. Parlementaire très actif, il dépose vingt et une propositions de loi ou de résolution concernant les problèmes sociaux des pensions et des conséquences de la guerre et rédige dix-neuf avis ou rapports sur les mêmes thèmes. Ses nombreuses interventions orales sont également motivées par ces questions notamment lors de la discussion du budget des anciens combattants ou de celui de la défense nationale. Lors de la séance du 18 mars 1952, à propos de la demande d'octroi d'un pécule pour les déportés en Allemagne qui est difficilement compatible avec le souci de rigueur budgétaire du gouvernement Pinay, Roger Devémy tente de trouver un compromis raisonnable avec le secrétaire d'Etat au budget. Deux jours plus tard, à propos du scandale provoqué par l'usurpation d'identité d'un parlementaire au passé trouble, Tacnet-Ducreux, il dénonce la lenteur de la police à collaborer avec le pouvoir exécutif et le caractère inadmissible en démocratie de la constitution de dossiers secrets ou de la surveillance téléphonique des hommes politiques par la D.S.T. qui peut ainsi exercer un chantage sur le pouvoir. Lors de la discussion du budget des anciens combattants, il fait une longue intervention où il rappelle l'œuvre du M.R.P. en ces matières, le souci d'assurer la justice et l'équilibre budgétaire mais critique les méthodes archaïques de travail du ministère qui aboutissent à la non-application de certaines mesures votées et à l'insuffisante information sur les ayant-droits à ces mesures. Un an plus tard, lors des séances des 4 et 5 décembre 1954, Roger Devémy, après avoir déposé plusieurs propositions, présente le rapport de la Commission sur le projet de loi prévoyant un plan quadriennal pour les anciens combattants et les victimes de la guerre. Il conclut au progrès que marque ce texte mais conteste les chiffres sur lesquels se fonde le ministère pour calculer les dépenses qui en résulteront. Lors de la discussion, il est chargé également, avec ses collègues, de lutter pied à pied pour que le ministère des finances, au nom de la loi votée pour réduire les dépenses publiques, ne diminue pas la portée de nombreux articles du projet. La discussion du budget des anciens combattants en mars 1955 lui fournit l'occasion de se féliciter que l'Assemblée ait décidé de surseoir à l'examen du budget en décembre 1954 en attendant que le gouvernement adopte une lettre rectificative pour le mettre en harmonie avec la loi du 31 décembre 1953. Son rapport souligne cependant à nouveau l'archaïsme des méthodes de travail du ministère qui explique de nombreux retards inadmissibles dans le traitement des dossiers. Il critique également l'expression de dépenses improductives employée par le président du Conseil Edgar Faure, à propos de ce budget en rappelant que le sacrifice des anciens combattants a permis à la France de préserver ce « capital moral » et ce « capital matériel que représentent notre indépendance et notre liberté » (9 mars 1955).
Etabli à Nancy comme négociant en matériaux, concessionnaire des marques Eternit et Isover, Roger Devémy délaissant la Saône-et-Loire, se porte candidat dans son nouveau département de résidence, la Meurthe-et-Moselle, aux élections du 2 janvier 1956. Il ne recueille que 19 217 voix (6 % des suffrages), et n'est pas réélu.