Paul Devinat
1890 - 1980
Né le 2 janvier 1890 à Mâcon (Saône-et-Loire)
Décédé le 1er mai 1980 à Paris (7e)
Membre de la seconde Assemblée nationale Constituante (Saône-et-Loire)
Député de Saône-et-Loire de 1946 à 1958
Secrétaire d'Etat à la présidence du Conseil du 11 septembre 1948 au 28 octobre 1949
Secrétaire d'Etat à l'Education nationale du 2 au 12 juillet 1950
Secrétaire d'Etat aux Travaux publics et à l'Aviation civile du 2 juillet 1953 au 19 juin 1954
Paul Devinat, fils d'un directeur d'école normale d'origine bourguignonne, naît à Mâcon le 2 janvier 1890. Il fréquente la khâgne de Louis le Grand et la faculté des lettres de Paris où il obtient une licence de lettres et un diplôme d'études supérieures d'histoire. Une bourse lui permet de compléter sa formation en Grande-Bretagne où il découvre les problèmes du travail. Il épouse Renée Mac Leod, parente de l'Ambassadeur de France. Ils auront trois enfants. Une conduite héroïque pendant la Première Guerre mondiale vaut à Paul Devinat la Croix de guerre et la Médaille militaire.
La victoire acquise, il revient à ses premiers intérêts intellectuels et obtient l'agrégation d'histoire mais il a pris pendant la guerre le goût des horizons plus vastes et de la politique. Aussi le jeune professeur du lycée du Havre et de l'Institut français de Londres entre-t-il au Secrétariat général de la S.D.N. Au Bureau international du travail, il noue des rapports d'amitié avec le syndicaliste Albert Thomas qu'il appelle volontiers « mon maître ». Il reste jusqu'en 1929 à l'Institution genevoise où il dirige l'Institut d'organisation scientifique du travail. Il regagne Paris pour y exercer des fonctions au Parti radical socialiste et dans différents cabinets ministériels. Conseiller pour les affaires économiques auprès du gouvernement, il participe de 1930 à 1935 à des conférences internationales. Il dirige le cabinet de André Laurent-Eynac puis d'Henri Queuille au ministère des Travaux publics. Au cours de l'élaboration du statut de la S.N.C.F., il établit d'excellentes relations qui deviendront une fidèle amitié avec le député de la Corrèze. Directeur des Affaires économiques au ministère des Colonies de 1938 à 1941, il est écarté par l'amiral Platon et nommé Conseiller-maître à la Cour des comptes. En 1941 il fonde un réseau de renseignements pour la France Libre et pour les Américains qu'il contacte grâce à d'anciennes relations de la S.D.N. A la Libération, Officier de la Légion d'honneur, il reçoit la Rosette de la Résistance.
Le retour à la paix entraîne son engagement public direct puisqu'il n'hésite pas à conduire une liste radicale-socialiste aux élections de 1945 en Saône-et-Loire mais ses 17 451 voix ne lui permettent pas d'être élu. Quatre sièges sont partagés entre le Parti communiste et la S.F.I.O. et les deux autres vont au M.R.P. et à la tête de liste d'Action sociale de la Résistance. La rapide évolution du département de Saône-et-Loire vers des positions très modérées permet cependant à Paul Devinat d'être élu en juin à la seconde Constituante puis en novembre 1946 à la première Assemblée législative par 29 523 et 26 006 voix.
A l'Assemblée Paul Devinat est membre de la Commission des territoires d'outre-mer. Elle le nomme vice-président en 1948 et le désigne comme membre du Conseil de surveillance de la Caisse centrale d'outre-mer. En 1948, il entre à la Commission de l'éducation nationale et à la Commission des affaires étrangères. En 1950, il est membre de la Commission des moyens de communication et du tourisme puis en 1951, la Commission de la défense nationale, le désigne pour la sous-commission chargée du contrôle de l'emploi des crédits affectés à la défense nationale ce qui le conduira à effectuer plusieurs missions en Indochine. Il est juré à la Haute Cour de justice.
Dans ses interventions, il manifeste sa préférence pour le scrutin d'arrondissement, le développement de l'épargne plutôt que celui de l'impôt et l'extension progressive des conventions collectives. Mais l'activité de Paul Devinat, partisan de l'Union française, est tournée vers les problèmes d'outre-mer qui le passionnent depuis qu'il les a découverts sous l'autorité de Georges Mandel en 1938. Son élection à l'Académie des Sciences d'outre-mer est un hommage à sa connaissance précise de questions délicates qu'il accompagne toujours de conceptions élevées et de larges perspectives intellectuelles. Ses analyses à la tribune sont sévères. C'est ainsi qu'il impute les graves incidents de Madagascar aux responsables français qui ont rejeté le développement progressif des institutions locales au profit d'une assimilation trop rigide aux institutions et aux mœurs de la métropole. Selon lui, dès lors que le tuteur oublie son rôle, il laisse s'imposer les anciennes féodalités de l'île. Mais les abus de réquisition de main d'œuvre et le gonflement des effectifs de fonctionnaires métropolitains dont les rémunérations seraient plus judicieusement affectées aux investissements économiques lui paraissent aussi regrettables.
En mai 1949 en tant que secrétaire d'Etat auprès de la présidence du Conseil (11 septembre 1948-28 octobre 1949), il participe à la discussion du projet de loi organisant un référendum à Chandernagor où le départ des Français doit s'accomplir dans la fierté de l'œuvre réalisée. Il souhaite imposer la reconnaissance de l'œuvre humanitaire de la France en Indochine que la propagande d'Ho-Chi Minh avec lequel on ne saurait négocier, a obscurcie pour de trop nombreux esprits. Il est rapporteur du projet de loi approuvant les rapports des Etats associés d'Indochine avec la France. Les dispositions prévues dans les domaines diplomatiques, militaires, économiques et culturels, lui semblent susceptibles d'assurer la reconstruction de ces Etats, leur marche vers l'indépendance au sein de l'Union française. Un bref secrétariat d'Etat à l'Education nationale (2 au 12 juillet 1950) ne le détourne pas de ces préoccupations et il demeure convaincu que la France défend en Indochine des Etats qu'elle a appelés à l'indépendance.
Pour les élections législatives du 17 juin 1951 un apparentement est conclu en Saône-et-Loire entre les listes S.F.I.O., M.R.P., Indépendante et radicale, qui ne recueille pas la majorité des voix (101 089 voix), entraînant ainsi une répartition des sièges à la proportionnelle. Paul Devinat, tête de la liste radicale (24 163 voix) est réélu tandis que deux sièges vont aux communistes, un à la S.F.I.O., un au M.R.P., un aux Indépendants et le dernier, au R.P.F. Le député retrouve la Commission des territoires d'outre-mer et la sous-commission chargée de contrôler l'emploi des fonds destinés à la défense nationale.
Il est membre de la Commission des affaires étrangères en 1953 et de la Commission de coordination pour l'étude des questions relatives à la C.E.C.A. Il appartient, en cette même année 1955 à la Commission de coordination de l'énergie atomique et - en tant que suppléant - à la Commission chargée d'examiner les problèmes des Etats associés d'Indochine.
Paul Devinat vote pour la C.E.C. A mais s'interroge, avant de la voter, sur la C.E.D. car il comprend les craintes que peut inspirer l'Allemagne encore que les accords économiques devraient être de nature à les apaiser.
Du 2 juillet 1953 au 19 juin 1954, Paul Devinat est un secrétaire d'Etat aux Travaux publics et à l'aviation civile attentif aux remarques des députés et soucieux d'expliquer longuement les choix du gouvernement. Il est partisan d'une coordination entre les administrations s'occupant d'aviation militaire et celles qui se consacrent à l'aviation civile. Il annonce qu'en fonction des progrès de l'équilibre financier d'Air France il substituera les contrats pour services rendus au système de la subvention a priori. Séduit par l'avion à réaction « Comet » il impose la construction de la Caravelle.
Redevenu député, il retrouve tous les problèmes de la décolonisation. Lucide sur l'Indochine, il exprime, à propos du Maroc des conceptions libérales.
Aux élections législatives de 1956 où se produit en Saône-et-Loire une poussée à gauche, Paul Devinat retrouve la confiance de ses électeurs (24 650 voix) auxquels il présente un programme modéré de réforme de l'Etat. Il est membre de la Commission des territoires d'outre-mer et de la Commission des affaires étrangères dont il devient président en 1957, année où il est aussi nommé membre de la Commission du suffrage universel. Il appartient de nouveau à la sous-commission chargée de suivre l'emploi des crédits affectés à la défense nationale. Les affaires européennes retiennent de plus en plus l'attention du représentant suppléant à l'Assemblée consultative des communautés européennes (1958) qui avoue la difficulté de se consacrer à la fois à l'Assemblée nationale et aux affaires européennes.
Le 22 novembre 1956, Paul Devinat demande au gouvernement d'ajourner la ratification d'un traité d'amitié entre la France et la Libye tant que la contrebande d'armes vers l'Algérie subsistera et que la frontière avec le Sahara ne sera pas exactement fixée. Il émet des doutes sur l'intérêt de conclure un accord culturel avec la Roumanie où de nombreux étudiants sont incarcérés. Dès la fermeture du canal de Suez, il interpelle le gouvernement pour appeler à la fermeté mais aussi pour envisager les conséquences d'une crise économique. Il suggère de mieux exploiter le gaz national, de développer les capacités d'accueil des « tankers » dans les ports français. Soucieux de l'opinion de l'O.N.U, très conscient des impatiences des Africains, il demande que la loi-cadre, votée vingt mois plus tôt, soit enfin consacrée par une modification de la Constitution, justifiée par ailleurs par l'indifférence croissante du Vietnam, du Maroc et de la Tunisie. Plus la France se montre libérale, plus elle a des chances, selon lui, de maintenir des relations de confiance avec ses partenaires. Si Paul Devinat soutient les tentatives de Pierre Pflimlin, il n'hésite pas, en pleine crise algérienne, à se rallier au général de Gaulle en votant pour lui les 1er et 2 juin 1958.