Mohammed Djouini
1912 - 1980
DJOUINI (Mohammed, Lakhdar)
Né le 12 octobre 1912 à Tébessa (Algérie)
Décédé le 8 mars 1980 à Paris (14ème)
Député de Bône de 1958 à 1962
Mohammed Lakhdar Djouini naît en 1912 dans le douar d’El Mezaraâ, dans la commune mixte de Tébessa située dans l’extrémité orientale de l’Algérie. Il obtient le certificat d’études puis le diplôme d’études supérieures de la Médersa d’Alger, l’école coranique. Il étudie également l’arabe à la Faculté des Lettres d’Alger. Enfin, il obtient un diplôme d’interprète judiciaire.
De 1934 à 1936, le jeune Mohammed Lakhdar effectue son service militaire. Il est ensuite mobilisé dans le 67ème régiment d’artillerie d’Afrique, à deux reprises : en 1939-1940, puis en 1942-1944, avant d’être réformé. A son retour à Tébessa, il devient oukil judiciaire, c'est-à-dire avocat de droit musulman, qui intervient aussi bien à la Mahakma où est rendue la justice selon le droit coranique, qu’au tribunal français. Cette activité dans le monde judiciaire n’est pas nouvelle : Mohammed Lakhdar a d’abord été adel, c'est-à-dire greffier, à la Mahakma de Tébessa en 1937, avant de devenir interprète judiciaire à la Justice de Paix de la même ville. Au retour de la guerre, en 1945, il se marie à la mairie de Tébessa avec une jeune Algérienne de sept ans sa cadette. De cette union naissent huit enfants, dont trois décèdent en bas âge.
L’activité politique de l’oukil de Tébessa remonte à l’après-guerre. En 1947, il est élu conseiller général de Constantine. De 1948 à 1951, il siège à l’Assemblée algérienne, dont il est questeur durant la première année de son mandat. Son activité de député est importante : il est rapporteur de la Commission de la comptabilité et de la Commission des finances. De 1950 à 1951, il est membre du conseil consultatif des Chemins de fer algériens (CFA). Dans ces mêmes années, il participe à l’organisation des Sociétés indigènes de prévoyance (SIP), censées encourager la modernisation de l’agriculture algérienne pratiquée par les fellahs. Il est membre du conseil d’administration du fonds commun des SIP de 1948 à 1951, vice-président du comité de gestion de ce fonds de 1950 à 1951, président de la SIP de Tébessa de 1949 à 1952. Il est en outre vice-président de la Caisse algérienne des prêts agricoles de 1950 à 1951.
Les attentats de la Toussaint 1954 sonnent le début de ce qu’on appelle alors les « événements d’Algérie ». Au printemps 1956, le gouvernement Guy Mollet ajourne sine die les élections législatives. L’arrivée au pouvoir du général de Gaulle, après les événements du printemps 1958, modifie la situation politique du pays. L’une des décisions majeures du général consiste à faire se tenir en Algérie des élections législatives à la fin de mois de novembre 1958. Ces élections se déroulent dans un climat de très grande tension ; l’administration et l’armée y jouent un rôle fondamental, depuis la constitution des listes jusqu’au vote. Partout en Algérie, des listes sont ainsi formées avec le soutien actif des militaires et des Comités de salut public, qui se sont multipliés après le 13 mai 1958. Tant la campagne électorale que le scrutin lui-même sont en outre soumis aux pressions de ces agents extérieurs au processus électoral habituel. L’ordonnance du 16 octobre 1958 relative à l’élection des députés des départements d’Algérie à l’Assemblée nationale introduit des changements considérables dans le scrutin. Pour la première fois, l’Algérie élit ses députés dans un collège unique, comprenant les individus des deux sexes, qu’ils soient « Français de souche européenne » (FSE) ou « Français de souche nord-africaine » (FSNA). Il s’agit, ensuite, d’un scrutin de liste majoritaire à un tour, sans panachage ni vote préférentiel. Chaque liste de candidats doit, enfin, « respecter une certaine proportion entre les citoyens de statut civil de droit commun et les citoyens de statut civil local, afin de permettre une juste représentation des diverses communautés ». Dans la seizième circonscription, celle de Bône, cette répartition est fixée à un candidat de statut civil de droit commun et trois candidats de statut civil local.
Mohammed Lakhdar Djouini présente sa candidature au siège de député sur la liste « Fraternité – Progrès – Rénovation », menée par Pierre Portolano, avocat au barreau de Bône. La profession de foi de la liste bônoise se place explicitement dans le courant ouvert, en Algérie, par les manifestations du 13 mai 1958 : les quatre candidats se proposent de contribuer à la préservation de l’Algérie française en se faisant les chantres des valeurs de fraternité, de rénovation et d’intégration. Dans la continuité de la mise en scène des fraternisations du printemps 1958, ils appellent les habitants de l’Algérie à se remémorer qu’ils sont « destinés à vivre pour toujours ensemble ». La profession de foi énumère les projets que doit mener à bien le nouveau régime en place : émancipation de la femme musulmane, progrès social et politique, programme de scolarisation et d’enseignement professionnel. Elle proclame bien haut son attachement à l’idée de l’intégration, « dans une seule civilisation, une seule organisation, une seule affection, celle de la France », et conclut : « Vive l’Algérie française ! Vive la France éternelle ! ».
Le 30 novembre 1958, la liste menée par Pierre Portolano, sur laquelle figure Djouini, recueille 58% des suffrages exprimés, et emporte les quatre sièges de députés au Palais-Bourbon, face à quatre autre listes, d’inspiration « Algérie française » pour trois d’entre elles, la dernière étant menée par la SFIO. Le représentant de la seizième circonscription algérienne s’inscrit au groupe de la Formation administrative des élus d’Algérie et du Sahara (EAS), qui prend à partir du mois de juillet 1959 le nom de groupe de l’Unité de la République (UR). A partir d’avril 1960, il cesse d’appartenir à ce groupe, et demeure non inscrit. En accord avec ses compétences de juriste, il devient membre en 1959 de la Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, à laquelle il cesse néanmoins d’appartenir en 1960.
Durant ses quatre années de mandat, le député bônois n’intervient pas une seule fois à la tribune de l’Assemblée nationale. Ses mandats politiques en Algérie rendent en effet difficile l’exercice de ses responsabilités parisiennes : il est élu maire de Tébessa en 1959, et devient la même année président de la Commission administrative départementale de Bône. En 1960, il devient président du conseil général de Bône. En 1961 enfin, il devient président du conseil régional de Constantine. Il manifeste, à l’occasion des grands votes de ces années, sa fidélité relative à la politique gaullienne, tant métropolitaine qu’algérienne. Le 16 janvier 1959, il vote en faveur du programme du gouvernement Debré, le 15 octobre de la même année il approuve la déclaration de politique générale faite par le Premier ministre. Le 23 décembre 1959, il ne prend pas part au vote sur le projet de loi concernant l’enseignement privé ; il est absent et ne prend pas part au vote sur les pouvoirs spéciaux du gouvernement le 2 février 1960. Enfin, le 27 avril 1962, il se prononce en faveur du programme du nouveau Premier ministre Georges Pompidou.
Le 3 juillet 1962, le mandat de député français de Mohammed Lakhdar Djouini prend fin, avec l’indépendance de l’Algérie. En ce jour, l’ordonnance relative au mandat des députés et sénateurs élus dans les départements algériens et sahariens y met un terme. Ses mandats locaux en Algérie s’achèvent également. Il continue à exercer son métier de défenseur judiciaire à Tébessa jusqu’en 1963. Il mène, durant ses années de retraite, une activité littéraire ; il s’intéresse à l’histoire de sa région d’origine, le Sud-Est algérien, et à la culture berbère. Il passe les dernières années de son existence en France, en région parisienne. Il s’éteint, après des années de maladie, à Paris en 1980.