Henri, Auguste d'Halluin dit Dorgères

1897 - 1985

Informations générales
  • Né le 6 février 1897 à Wasquehal (Nord - France)
  • Décédé le 22 janvier 1985 à Yerres (Essonne - France)

Mandats à l'Assemblée nationale ou à la Chambre des députés

Régime politique
Quatrième République - Assemblée nationale
Législature
IIIe législature
Mandat
Du 2 janvier 1956 au 8 décembre 1958
Département
Ille-et-Vilaine
Groupe
Non-inscrit

Biographies

Biographie extraite du dictionnaire des parlementaires français de 1940 à 1958 (La documentation française)



Né le 6 février 1897 à Wasquehal (Nord)
Décédé le 22 janvier 1985 à Yerres (Essonne)

Député d'Ille-et-Vilaine de 1956 à 1958

Henri d'Halluin est né le 6 février 1897 à Wasquehal (hameau de la Planche-sur-Riez), dans la banlieue de Lille, où son père, Léon Auguste Joseph d'Halluin, originaire de Mouvaux, s'était établi après son mariage et possédait une petite boucherie. Il suit l'enseignement primaire à l'école du Capreau, et, enfant très brillant, reçoit le prix départemental au certificat d'études. Mais son père décède rapidement et le jeune Henri d'Halluin doit aider sa mère à tenir la boutique. Il ne pourra poursuivre ses études que grâce à une bourse au lycée de Tourcoing, où la Première Guerre mondiale le surprend.

Très actif à l'encontre des occupants allemands, Henri d'Halluin est arrêté à trois reprises et notamment en janvier 1918 alors qu'il tente de passer en Hollande. Il est alors condamné et emprisonné à la forteresse de Bruges (4 février 1918), mais réussit à s'évader, le 4 octobre, et, à la faveur du désordre, à regagner les lignes alliées. Cette action lui vaudra la Croix de guerre (1914-1918).

Après avoir passé le baccalauréat es-lettres, Henri d'Halluin s'oriente vers une carrière juridique et suit pendant deux ans des études de droit. Mais il se trouve bientôt dans la nécessité de gagner sa vie, et doit abandonner ses études pour entreprendre une carrière de journaliste. En 1921 il se marie, à Lille, avec Cécile Cartigny, et entre la même année au Nouvelliste de l'Ouest à Rennes. Il s'installera définitivement en Ille-et-Vilaine à compter de 1922, et y découvre les difficultés de la condition paysanne, dont il devient aussitôt un défenseur convaincu. A partir de 1925, Henri d'Halluin est directeur du Progrès agricole de l'Ouest, dont il fera un important journal professionnel. C'est alors qu'il prend le pseudonyme de Dorgères pour signer ses articles.

Mais, homme de plume, Henri Dorgères est d'abord un homme d'action : progressivement, autour du Progrès agricole, il organise plusieurs mouvements d'action paysanne. C'est d'abord le « Comité de défense paysanne contre les assurances sociales » créé en 1929 en Ille-et-Vilaine (et opposé à la loi du 5 avril 1928, qui étendait le bénéfice des assurances sociales aux ouvriers agricoles). Suivront notamment les mouvements du Front paysan (1934), de Défense paysanne, des Jeunesses paysannes puis des Chemises vertes (1935) - ces dernières chargées d'assurer le service d'ordre dans les manifestations paysannes -, etc. Enfin, Henri Dorgères devient, en 1935, secrétaire général de la Ligue des paysans de France et l'année suivante, délégué à la propagande du Syndicat agricole de défense paysanne.

Il parcourt sans cesse le pays, organise des réunions et des manifestations, et soutient, souvent de manière spectaculaire et parfois violente, tout ce qui lui paraît pouvoir défendre la paysannerie, que ce soit légal ou non : arrêté alors qu'il tente de s'opposer à la vente aux enchères des biens d'un cultivateur, il est, ainsi, condamné, le 21 août 1933, à trois mois de prison ferme par le Tribunal de Péronne, et interné à la prison d'Amiens. Henri Dorgères dira lui-même, plus tard, avoir été inculpé à soixante reprises. En 1935, dans son premier livre, Haut les fourches, il précise : « Notre programme ne comprend qu'un seul paragraphe : aimant passionnément notre pays, nous voulons une France forte et prospère, une France débarrassée des partis et des politiciens qui l'ont affaiblie et ruinée, une France où les deux réalités de notre vie : le métier et la famille seront souveraines... »

Il se fait ainsi largement connaître, et, lorsque Camille Chautemps, en 1934, abandonne son siège de député du Loir-et-Cher pour entrer au Sénat, et qu'une élection partielle doit être organisée à Blois, Henri Dorgères se présente, soutenu par le Parti agraire : à la surprise générale, il arrive en tête au premier tour, avec 7 761 voix contre 4 855 à Emile Laurens, professeur au collège de Blois et candidat de Chautemps. Mais au second tour, tous ses adversaires rassemblent leurs voix sur ce dernier, qui l'emporte avec 8 628 suffrages contre 7 761 à Henri Dorgères, sur 15 612 suffrages exprimés (31 mars 1935).

En 1939, dès l'ouverture des hostilités, Henri Dorgères entre comme volontaire dans le corps franc du 15e Régiment d'infanterie alpine, et participe activement aux combats en Alsace : il est nommé caporal, reçoit la Croix de guerre et est titulaire d'une citation. Fait prisonnier par les Allemands à Saint-Valéry-en-Caux, il réussit à s'enfuir en zone libre.

Mais, après l'Armistice, son rôle en faveur de la paysannerie fera rapidement d'Henri Dorgères un membre important de la Corporation paysanne instituée par Vichy. Ayant rejoint le maréchal Pétain dès 1940, il est nommé délégué général à l'organisation et à la propagande de la Corporation paysanne créée par Pierre Caziot le 21 janvier 1941. Il est nommé en outre conseiller national, en tant que délégué général de la Commission d'organisation corporative paysanne, et lance, le 15 mars, la collection des « Dossiers de documentation de la presse syndicale paysanne », publication qui se poursuivra avec régularité jusqu'en août 1944.

Enfin, Henri Dorgères publie, en 1943, Révolution paysanne, où se précisent déjà un certain nombre de thèmes qui annonceront le poujadisme : « Le fonctionnaire, voilà l'ennemi », et où est particulièrement attaquée la figure de l'instituteur rural et de « L'école du déracinement ». Pour Henri Dorgères et selon ses propres termes, la petite ferme ne doit pas disparaître, « le fils doit succéder au père selon une chaîne ininterrompue qui remonte dans le passé le plus lointain ». Ces positions, effectivement proches de celles de Pétain (qu'il désigne comme le « chef robuste et protecteur, vieux chêne indéraciné »), font qu'il se trouve en fait peu à peu marginalisé dans la Corporation, que tendent alors à dominer les grands propriétaires. Dès 1942, Henri Dorgères va progressivement s'en éloigner pour se consacrer à la propagande pétainiste proprement dite.

Cet engagement pour la personne de Pétain ne l'empêche nullement d'aider les prisonniers évadés et les résistants poursuivis : « Pendant l'Occupation, il a délivré des centaines de fausses cartes à des prisonniers évadés ou à des personnes poursuivies par les occupants. Et, souvent, c'est personnellement qu'il leur a fait franchir la ligne de démarcation ».

Henri Dorgères est arrêté par les Alliés en août 1944, dans l'Indre, et emprisonné à Paris. Lors de son jugement, il déclarera notamment : « Je n'avais fait ni collaboration, ni résistance », sinon aider les fugitifs à passer la ligne dans le Cher, ajoutant : « Etait-ce de la Résistance de s'aider entre Français ? » Condamné à dix ans d'indignité nationale, Henri Dorgères est immédiatement relevé de cette condamnation pour services rendus à la Résistance, et libéré le 26 avril 1946, mais un arrêté ministériel de juin 1945 l'exclut pour cinq ans de toute participation à des organismes agricoles. Il fonde alors une agence de publicité agricole.

Reprenant donc, à compter de 1950, son militantisme paysan, entre autres comme gérant de la Gazette agricole, Henri Dorgères sera à nouveau condamné à plusieurs reprises, notamment le 20 octobre 1953, à un mois de prison avec sursis et 25 000 F. d'amende par la 17e chambre correctionnelle de la Seine, sur plainte du ministre de l'Intérieur, pour injures publiques à l'égard des C.R.S.

Lors des élections anticipées du 2 janvier 1956, Henri Dorgères se présente dans l'Ille-et-Vilaine, en tête de la liste d'Union pour le salut de la patrie (Groupement pour la Réforme de l'Etat et la défense des libertés électorales, Défense paysanne et des classes moyennes). Ses engagements électoraux, proches en fait de certaines positions poujadistes, déclarent notamment : « Voilà trente ans que vous connaissez Henri Dorgères d'Halluin. Il ne vous a jamais menti et ne vous a jamais trahis. Il a toujours tenu ses promesses. Pour défendre les paysans, les artisans, les commerçants, il a été en prison. Il est aussi pauvre aujourd'hui qu'à son arrivée en Bretagne. Sa liste a été constituée avec des hommes qui lui ressemblent, et qui ne reculeront devant rien pour vous servir et servir la patrie... »

Ayant obtenu 38 384 voix sur 300 280 suffrages exprimés, Henri Dorgères emporte l'un des sept sièges à pourvoir dans le département. D'abord non inscrit, le nouveau député d'Ille-et-Vilaine est, à partir du 24 juillet 1957, apparenté au groupe paysan. Il est nommé membre suppléant de la Commission des finances (1957) et dépose dix textes pour la plupart relatifs à des problèmes agricoles ou fiscaux.

Mais, surtout, Henri Dorgères intervient très largement dans les débats autour de ces mêmes problèmes. Particulièrement hostile à toute politique européenne, il dépose, le 27 décembre 1956, une demande d'interpellation sur le sort qui sera réservé à l'agriculture française dans le traité sur l'organisation du marché commun, mais l'Assemblée ne le suit pas.

Henri Dorgères donne à nouveau longuement les explications de son vote sur la question de confiance, dans la séance du 21 mai 1957 : « ... Vous avez (...) exprimé le souhait que les progrès de la technique en matière industrielle (...) bénéficient à l'ensemble de la population par une baisse des prix. Or, en agriculture, cette baisse existe déjà depuis plusieurs années (...). Les injustices dont souffre l'agriculture (...) font qu'actuellement les jeunes paysans quittent les campagnes (...). Dans ces conditions, ceux qui représentent l'agriculture, ceux qui représentent le paysannat, ne peuvent pas vous accorder leur confiance (...). Certains de mes amis et moi-même ne voterons pas la confiance... »

Enfin, il revient sur la question européenne dans la séance du 6 juillet 1957 ; la découverte du pétrole et des ressources minières du Sahara donne, selon lui, à la France, vocation à s'insérer dans un « marché commun » dépassant le seul cadre européen. Se rapprochant de Pierre Poujade, Henri Dorgères crée le Rassemblement paysan, en 1957, avec ce dernier et Paul Antier.

Opposé à l'investiture de Guy Mollet (31 janvier 1956), il s'abstient volontairement lors du scrutin du 25 octobre suivant sur la situation à Suez et en Algérie, et la politique générale du gouvernement, mais s'oppose à l'investiture de Maurice Bourgès-Maunoury (12 juin 1957), ainsi qu'à la ratification des traités instituant la C.E.E. et l'Euratom (9 juillet). Henri Dorgères s'abstient à nouveau volontairement lors du vote du 19 juillet 1957 sur la prorogation des pouvoirs spéciaux en Algérie, mais se prononce contre la loi-cadre sur l'Algérie (30 septembre, scrutin qui entraîne la chute du gouvernement Bourgès-Maunoury) et contre le même projet amendé par Félix Gaillard (29 novembre 1957, 28 et 31 janvier 1958). Toujours opposé à la confiance à Pierre Pflimlin (13 mai 1958) et à l'état d'urgence (16 mai), il est l'un des trois députés à ne pas prendre part au scrutin important du 27 mai sur la révision constitutionnelle. Enfin, s'il approuve, le 1er juin, la confiance au général de Gaulle, il est l'un des deux seuls députés à s'abstenir volontairement lors du vote du 2 juin sur les pleins pouvoirs, mais il soutient la révision constitutionnelle.

Henri Dorgères est l'auteur de très nombreux articles et de plusieurs ouvrages dont la Révolution paysanne, Au XXe siècle : dix ans de jacquerie, et Au temps des fourches (autobiographie).