Vincent, Paul, Marie, Casimir Audren de Kerdrel
1815 - 1899
Représentant du peuple aux Assemblées constituante et législative de 1848-49, député au Corps législatif en 1852, représentant à l'Assemblée nationale de 1871, puis sénateur, né à Lorient (Morbihan), le 27 septembre 1815, il est issu d'une famille noble du pays de Léon, qui compte parmi ses membres Dom Audren de Kerdrel (1651-1725) savant bénédictin. Il passa par l'École des Chartes, et débuta dans la politique comme rédacteur en chef du Journal de Rennes, organe légitimiste. La Révolution de 1848 le trouva à ce poste de combat.
Elu, le 23 avril, le 8e sur 14, représentant d'Ille-et-Vilaine, par 83 571 voix (132 609 votants, 152 985 inscrits), il prit plusieurs fois la parole à l'Assemblée constituante pour appuyer les mesures contre-révolutionnaires, et vota toujours sans exception avec la droite, où il siégeait, parmi les conservateurs monarchistes: dans le scrutin (9 août 1848) sur l'amendement Pascal Duprat; contre la loi qui rétablissait le cautionnement ; il déclara pourtant s'être abstenu volontairement, parce que l'amendement proclamait deux principes distincts : 1° l'abolition du cautionnement, 2° la responsabilité des rédacteurs remplaçant celle du gérant. « Partisan du premier, dit-il, mais opposé au second, je n'ai pu voter ni pour ni contre. »
Le Journal des Débats désigne M. de Kerdrel, sous le nom de Kerdul, et les autres feuilles sous son vrai nom, comme un des premiers qui, dans la journée du 15 mai, allèrent faire appel au zèle de la garde nationale : il était, en effet, sorti avec M. de Falloux de la petite réunion qui se tenait à l'hôtel de la vice-présidence, pour se rendre au milieu du 12e bataillon de la garde mobile. La Véritable physiologie de la constituante de 1848, par Raincelin de Sergy, prit occasion de cet acte pour faire ressortir « la bonne foi et le dévouement de leurs auteurs à la République (sic) ; car, s'ils avaient été des réactionnaires ou des fédéralistes, ils n'eussent pas pris une initiative qui devait porter un coup terrible à l'anarchie, ils n'eussent pas employé le moyen le plus décisif pour maintenir l'Assemblée nationale à Paris, et dans le palais même où elle avait siégé jusqu'alors. »
Réélu à la Législative (13 mai 1849) par 76 607 voix, dans le même département, il fit partie du comité de la rue de Poitiers, et fut un des chefs les plus actifs et les plus écoutés de la majorité de droite. Le coup d'Etat de Décembre n'ayant pas donné satisfaction à ses préférences légitimistes, il se joignit d'abord aux représentants protestataires réunis à la mairie du Xe arrondissement ; puis son opposition parut fléchir aux élections du 29 février 1852 : il fut alors élu avec 12 745 voix membre du Corps législatif dans la 3e circonscription d'Ille-et-Vilaine, sans que l'administration eût bien nettement combattu sa candidature ; il avait eu pour adversaire M. Bertin, ancien représentant (11 772 voix). Il siégea jusqu'au 22 novembre, donna sa démission « pour ne pas proclamer l'Empire » et se retira des affaires publiques. Plus tard, en 1869, il posa un instant sa candidature, mais il la retira devant celle de M. Dupuy de Lôme, candidat officiel, son parent.
C'est le 8 février 1871 qu'il rentra au parlement. Elu à la fois représentant de l'Ille-et-Vilaine par 89 367 voix, et du Morbihan par 56 830, il opta pour ce dernier département et compta parmi les principaux orateurs du parti monarchiste. Adversaire déclaré du gouvernement républicain, président de la réunion Colbert, il fut un des neuf députés délégués près de Thiers, le 20 juin 1872, pour lui porter l'ultimatum des droites ; cette démarche fut appelée plaisamment la manifestation des Bonnets à poil. Après le célèbre message dont le chef du pouvoir exécutif donna lecture le 13 novembre, il se fit encore l'interprète des mêmes sentiments, en demandant qu'une commission fût nommée pour examiner le message présidentiel. Il fit partie de cette commission, ainsi que de plusieurs autres, et porta la parole dans la plupart des grandes discussions politiques. Le 12 juillet 1873, il souleva un incident tumultueux sur le procès-verbal pour avoir mis en cause le discours de Gambetta à Grenoble et son fameux mot de couches sociales ; il était encore considéré alors comme un légitimiste irréconciliable. Mais, après la chute de Thiers, à laquelle il avait beaucoup contribué, on le vit avec les membres de la droite modérée, se rallier à la combinaison du septennat, interpeller complaisamment le cabinet de Broglie (12 janvier 1874) afin de lui permettre de rester au pouvoir. Il n'alla pas, cependant, jusqu'à accepter l'amendement Wallon ni l'ensemble des lois constitutionnelles. Choisi comme vice-président de l'Assemblée, le 1er décembre 1874, il apporta au fauteuil, quand il lui arriva de l'occuper, les qualités maîtresses de son tempérament d'orateur. « Grand, maigre et sec, a dit M. Jules Clère (Biographie des députés), on ne peut mieux le comparer qu'au fameux héros de Cervantes, plein de prétention, parlant avec recherche, s'écoutant et s'admirant à la tribune. À son banc, le pétulant monarchiste s'agite sans cesse, se démène continuellement sans pouvoir rester un instant en repos et semble un télégraphe vivant, un de ces télégraphes à grands bras destitués par l'électricité, un télégraphe d'ancien régime. »
Son adhésion au ministère de Broglie lui fit perdre l'appui des légitimistes purs lors des élections sénatoriales du 30 janvier 1876, où il se présenta, après avoir échoué devant l'Assemblée nationale comme sénateur inamovible. Il n'en fut pas moins élu dans le Morbihan en tête de liste par 230 voix sur 329 votants et 833 inscrits, contre 113 voix à M. Duplessis. Dans cette nouvelle Assemblée, dont il fut aussi le vice-président (du 13 mars 1876 jusqu'en 1879), il se prononça :
- contre l'abrogation des jurys mixtes (collation des grades),
- contre la suppression du traitement des aumôniers, etc.
Il fit une guerre active aux cabinets républicains, notamment au cabinet Jules Simon, dont il amena en grande partie la chute, et vota (juin 1877) la dissolution de la Chambre des députés.
Après les élections d'octobre, qui condamnaient la politique du gouvernement du 16 mai, le sénateur du Morbihan ne désarma pas ; il poussa le ministère de Broglie-Fourtou dans la voie de la résistance, et ne recula pas devant la perspective d'un conflit entre les deux chambres, en proposant au Sénat un ordre du jour de blâme contre l'enquête parlementaire votée par la Chambre ; l'ordre du jour fut adopté le 19 novembre, à une majorité de 22 voix. Depuis cette époque, M. de Kerdrel, toujours membre influent de la droite sénatoriale, est encore intervenu dans de nombreuses discussions, entre autres, dans le débat des lois Ferry sur l'enseignement.
Au Congrès du 28 décembre 1885, il présenta, au nom des droites réunies, une proposition d'ajournement, fondée sur « l'illégalité » d'une Assemblée dont 22 membres étaient exclus par des invalidations. La majorité ne permit pas la lecture de cette protestation dont le texte fut publié par les journaux, et à la suite de laquelle la droite refusa de prendre part à l'élection du président de la République.
Dans la dernière session, M. Audren de Kerdrel a voté :
- le 13 février 1889 contre le rétablissement du scrutin uninominal,
- le 18 février contre la proposition de loi Lisbonne restrictive de la liberté de la presse,
- le 29 mars contre la proposition de loi déférant au Sénat, constitué en Haute Cour de justice, les personnes inculpées d'attentat contre la sûreté de l'Etat.
Né à Lorient (Morbihan) le 27 septembre 1815, mort à Paris le 22 décembre 1899.
Représentant du peuple aux Assemblées Constituante et Législative de 1848-1949.
Député au Corps Législatif en 1852. Représentant à l'Assemblée Nationale de 1871, puis Sénateur du Morbihan de 1876 à 1899.
(Voir 1re partie de la biographie dans ROBERT et COUGNY, Dictionnaire des Parlementaires, t. 1, p. 115.)
De 1889 à sa mort, il continua au Sénat à voter avec la droite dont il fut à maintes reprises à la tribune, l'interprète autorisé. Vice-Président de la Commission de la marine, il intervint souvent dans l'examen des questions maritimes et coloniales. Mais on l'entendit également au cours des débats : sur le retour au scrutin uninominal dans l'élection des Députés (1889); sur les travaux des enfants et des femmes dans les établissements industriels (1889, 1891 et 1892) ; sur les candidatures multiples (1889) ; sur l'établissement de l'heure légale en France et en Algérie (1890); sur la réglementation des courses de chevaux (1891) ; sur la conciliation et l'arbitrage facultatifs entre patrons et ouvriers ou employés (1892) ; lorsqu'il fut question en cette même année de la levée de l'immunité parlementaire de plusieurs sénateurs compromis dans l'affaire de Panama, il prononça un discours dont l'émotion gagna tout son auditoire. Il s'intéressa encore à l'enseignement supérieur musulman en Algérie (1894) ; et aux abattoirs publics.
Il fut réélu Sénateur au renouvellement partiel du 3 janvier 1897 par 659 voix. Mais son âge (il avait à ce moment 82 ans) l'obligea à se ménager. Son activité politique diminua progressivement et il mourut à Paris, en cours de mandat, le 22 décembre 1899. Le Président Emile Loubet prononça son éloge funèbre à la séance du Sénat du 23 décembre 1899.
Il fut remplacé le 11 mars 1900 par M. Charles Riou.