Henri Duffaut
1907 - 1987
DUFFAUT (Henri, Sylvain)
Né le 7 juin 1907 à Béziers (Hérault)
Décédé le 11 mai 1987 à Avignon (Vaucluse)
Député du Vaucluse de 1962 à 1968 et de 1973 à 1977
Sénateur du Vaucluse de 1977 à 1986
Henri Duffaut est né à Béziers le 7 juin 1907, dans une famille originaire de Saint-Gaudens qui, parmi ses ancêtres, compte, dans cette ville de Haute-Garonne, nombre de magistrats municipaux. Après l’obtention de son doctorat en droit, Henri Duffaut entre au ministère des finances en 1926, comme inspecteur des contributions directes. Le 9 juillet 1935, il épouse Simone Hugues, union de laquelle naît un fils.
Sa carrière politique débute avec les premières années de l’après-guerre, à l’occasion des élections municipales de 1947. Président de la Caisse de sécurité sociale du Vaucluse, il est élu conseiller municipal SFIO d’Avignon et, dans la foulée, devient le premier adjoint au maire de la ville préfecture. Fort de cet ancrage municipal, président de la société d’équipement du Vaucluse à partir de 1950, il est candidat aux premières élections législatives du nouveau régime, dans la première circonscription du Vaucluse ; il a choisi un suppléant : le comptable Fernand Lombard. Cette portion du territoire départemental regroupe les cantons nord et sud d’Avignon, ainsi que ceux de Cavaillon et de l’Isle-sur-la-Sorgue. Parmi les sept candidats en lice au premier tour figure Edouard Daladier, député et maire d’Avignon. Mais c’est le candidat gaulliste Henri Mazo qui est en tête du premier tour, avec 11 469 des 47 128 suffrages exprimés et qui, la semaine suivante, sort victorieux du scrutin. Edouard Daladier avec 7 648 voix et Henri Duffaut, avec 7 488 voix, ne peuvent se maintenir. Quelques semaines plus tard, il est cependant élu maire d’Avignon, et succède alors au « taureau du Vaucluse ».
Président de la société coopérative d’HLM du Vaucluse, à compter de 1959, et de la société du Marché d’intérêt national d’Avignon, à partir de l’année suivante, l’élu avignonnais complète son implantation locale, en accédant à l’Assemblée départementale, lors des élections cantonales du 11 juin 1961 : il devient conseiller général d’Avignon-Nord. Aussi, lorsque le général de Gaulle dissout l’Assemblée nationale, en 1962, est-ce avec un ancrage politique renforcé que le maire d’Avignon, devenu par ailleurs directeur adjoint des impôts, se porte candidat dans la première circonscription du département, secondé par l’agriculteur Paul Trousse, maire de Cheval-Blanc, son nouveau suppléant. Sept candidats sont de nouveau en lice au premier tour du scrutin du 19 novembre 1962. Henri Duffaut arrive en tête, en rassemblant sur son nom 11 643 des 44 539 suffrages exprimés. La semaine suivante, il est élu député socialiste du Vaucluse, en face de l’avocat Jacques de Bouchony, candidat gaulliste. Il recueille 27 726 voix et devance son adversaire de 10 551 bulletins.
Le nouveau député du Vaucluse rejoint l’Assemblée nationale, et s’inscrit au groupe socialiste. Il est nommé membre de la Commission des finances, de l’économie générale et du plan. Il y siège pour la durée de la législature. Il appartient par ailleurs à trois commissions spéciales. Au cours de ce premier mandat, Henri Duffaut intervient à dix-sept reprises en séance publique, sur des thèmes de prédilection liés aux finances locales. Systématiquement, il prend la parole lors des discussions de la première partie des projets de loi de finances et des projets de loi de finances rectificative. C’est le cas pour les années 1963, 1964, 1965, 1966 et 1967. Il souligne, à chaque reprise, la baisse des investissements français, dans les secteurs public et privé. Il préconise le 22 octobre 1963, la détente fiscale comme stimulation de la consommation. Le 15 octobre 1964, il regrette que les discussions budgétaires ne soient pas à la hauteur de la fonction qu’elles revêtaient jusqu’alors, celle d’un acte solennel du Parlement. Il veille également à la progression du pouvoir d’achat des consommateurs, le 7 octobre 1965. Enfin, la question des logements sociaux lui est chère ; le 12 octobre 1966, il met un point d’honneur à en évaluer la mise en chantier, en face des besoins réels de la France en ce domaine. Dans la discussion du budget des affaires culturelles, le 27 octobre suivant, il défend la diffusion de la culture, en soulignant l’importance des théâtres lyriques et des festivals. Il met en avant l’exemple du festival d’Avignon qu’il connaît mieux que quiconque parmi ses collègues de l’Assemblée nationale, souhaitant par là souligner l’importance de la culture provinciale.
Ses prises de parole sont multiples, dès que les enjeux économiques et financiers de la politique gouvernementale sont en discussion. Aussi s’illustre-t-il dans la délibération des projets de loi relatifs à l’émission d’un emprunt d’Etat ; à l’unification et à l’harmonisation des procédures, délais et pénalités en matière fiscale ; à l’imposition des entreprises et des revenus des capitaux mobiliers ; à la réforme des taxes sur le chiffre d’affaires et diverses dispositions d’ordre financier. En fin de législature, il prend une part particulièrement active dans la discussion du projet de loi tendant à l’institution d’une déduction fiscale pour investissement, les 20 et 21 avril 1966. Il défend alors deux amendements, l’un tendant à instaurer un avoir fiscal en faveur des entreprises inscrites au répertoire des métiers, l’autre relatif à un allégement général de la fiscalité. Fort de ses spécialisations, il est élu secrétaire de l'Assemblée, le 2 avril 1965, le temps d’une session.
Par ses votes, Henri Duffaut s’inscrit en opposant vigoureux à la politique menée par le gouvernement de Georges Pompidou. Ainsi, le 13 juin 1963, rejette-t-il le projet de loi de ratification du traité du 22 janvier de la même année, entre la République française et la République fédérale d’Allemagne sur la coopération franco-allemande. Le 26 juillet suivant, il vote contre l’ensemble de la réforme gouvernementale sur les modalités de la grève dans les services publics. Lors du Congrès réuni à Versailles, le 20 décembre 1963, il s’abstient volontairement sur le projet de loi constitutionnelle portant modification des dispositions de l’article 28 de la Constitution, relatives à la date des sessions parlementaires ; l’Assemblée nationale adopte ce texte par 557 voix contre 1. Le 21 mai 1964, en première lecture, il rejette le texte d’initiative gouvernementale sur l’élection des conseillers municipaux. Il en est de même, le 17 juin suivant, lors de la deuxième lecture. Enfin, il s’oppose tout aussi vigoureusement à l’ensemble du projet de loi relatif au recrutement, en vue de l’accomplissement du service national, le 26 mai 1965.
Henri Duffaut est candidat au renouvellement de son mandat, lors des élections législatives du 12 mars 1967. Investi par la Fédération de la gauche démocrate et socialiste (FGDS), et arrivé très largement en tête du premier tour, avec 24 027 des 58 535 suffrages exprimés, il bat la semaine suivante son principal adversaire, le gaulliste Jacques Miron, avocat au barreau d’Avignon, en rassemblant près du double de ses voix : 38 052 contre 19 459. Il retrouve le Palais-Bourbon, le groupe socialiste et la Commission des finances, de l’économie générale et du plan. Il est, par ailleurs, membre de la commission centrale de contrôle des opérations immobilières, le 9 novembre 1967. Enfin, à compter du 23 avril 1968, il appartient à une commission spéciale qui vise à créer une commission d’enquête, sur les conditions de fonctionnement et les résultats obtenus par l’agence de défense des biens relative à l’accueil et à la réinstallation des Français d’outre-mer. Au cours de son deuxième mandat, le député-maire FGDS d’Avignon dépose une proposition de loi sur l’organisation de la réforme sur le chiffre d’affaires, le 27 avril 1967. Durant cette législature bientôt écourtée à une session parlementaire, il intervient à neuf reprises en séance publique.
Ses prises de parole ont à nouveau un caractère économique, et nul parmi ses collègues n’ignore désormais les talents du maire d’Avignon, en matière d’expertise de la fiscalité locale et nationale, autant par goût que par profession. Il fait face à Michel Debré, ministre des finances, avec souplesse et détermination. Dans la discussion du projet de loi de finances (PLF) pour 1968, il intervient longuement sur la politique gouvernementale en matière de niveau des prix et regrette l’insuffisance de la croissance française. Le 11 octobre 1967, il pointe ce qu’il estime être la dégradation des exportations françaises vers l’Allemagne, et se demande si l’activité économique de son pays doit être liée à celle du marché extérieur. Dans la première partie du PLF, il défend cinq amendements, le 10 novembre suivant, visant à une meilleure répartition de l’impôt entre l’Etat, les départements et les communes.
Plus avant, il combat fermement la politique économique du gouvernement en interrogeant, le 29 juin 1967, les membres de l’exécutif concernés sur la situation des industries productrices de biens de consommation. Il poursuit son opposition au gouvernement, lors de la délibération du projet de loi relatif aux impôts directs locaux et à la mise en œuvre de l’ordonnance du 7 janvier 1959 sur la fiscalité des communes. Il défend alors une plus juste répartition des charges entre l’Etat et les collectivités locales. Enfin, il prend une part active aux débats sur le projet de loi de programme relatif à la restauration des monuments historiques et à la protection des sites. Le 6 décembre 1967, il défend bec et ongles la protection des sites et enrichit son propos par un nouvel exemple puisé en Avignon, avec la restauration du Petit Palais et le succès du festival ; à cet effet, il n’oublie pas de rendre hommage à Jean Vilar. Il met en avant, également, le rôle déterminant de la commission des sites du Vaucluse. A ce propos, il défend deux amendements qui, in fine, sont retirés.
Sans surprise, en première comme en deuxième lectures, les 20 mai et 9 juin 1967, Henri Duffaut vote en faveur de la motion de censure déposée au cours de la discussion du projet de loi, autorisant le gouvernement à prendre des mesures d’ordre économique et social.
Il est candidat au renouvellement de son mandat législatif, alors que le général de Gaulle a décidé de dissoudre l’Assemblée nationale, les 23 et 30 juin 1968. La campagne est rude pour la gauche, car très favorable aux candidats du pouvoir. Dans la troisième circonscription, c’est effectivement Jean-Pierre Roux qui le représente, et qui arrive largement en tête au premier tour, avec 26 321 des 58 553 suffrages exprimés. Henri Duffaut, à nouveau investi par la FGDS, ne rassemble que 19 224 voix. La semaine suivante, il cède son mandat de député à Jean-Pierre Roux, mais ne le perd que de 2 000 voix. Le nouveau député de la majorité accède au Palais-Bourbon, en obtenant 30 257 voix.
Henri Duffaut se consacre alors à ses mandats locaux de maire et de conseiller général, puis de conseiller régional, à partir de 1973. Il préside la Commission des finances des assemblées départementale et régionale, ainsi que la Fédération des œuvres de sécurité sociale de la région du sud-est. Il est aussi vice-président de la Commission du développement économique régional (CODER) de Provence – Côte d’Azur.
Réélu maire d’Avignon en 1971, il est candidat aux élections législatives du 11 mars 1973, dans la première circonscription du Vaucluse. En tête au premier tour, avec 21 059 des 66 619 suffrages exprimés, il est réélu député la semaine suivante, avec 7 400 voix d’avance sur Jean-Pierre Roux, le député sortant. Avec 55,4% des suffrages, il regagne le Palais-Bourbon.
Henri Duffaut s’inscrit au groupe socialiste et des radicaux de gauche. Logiquement, il est nommé membre de la commission des finances, de l’économie générale et du plan. En plus de son appartenance à une commission spéciale, il siège à la commission de contrôle et de gestion financière de l’ORTF, le 18 décembre 1973. Il ne dépose aucun texte de loi, durant ce troisième mandat de député, mais intervient à l’occasion de la discussion de vingt-quatre textes différents, tous de nature économique. En plus de ses interventions dans la discussion des PLF pour 1974, 1975, 1976 et 1977, et du PLF rectificative pour 1976, il parfait sa spécialité d’expert des finances locales. Ainsi, dans la discussion du projet de loi relatif à la modernisation des bases de la fiscalité directe locale, il est le porte-parole de son groupe sur ce thème très technique, les 4 et 5 décembre 1973. Jugeant le projet de loi « imparfait et prématuré », il dénonce la crise du système fiscal. Il défend une réforme globale du système des finances locales. Dans l’amendement qui porte sa signature, il met en lumière les conclusions du rapport du gouvernement au parlement sur l’application de la réforme et sur les transferts de charges constatés. L’année suivante, le 4 décembre 1974, il juge « inapplicable » le projet de loi portant institution d’un prélèvement conjoncturel.
Le texte gouvernemental portant institution des ressources provenant de plus-values assimilables à un revenu le mobilise plus longuement, au mois de juin 1976. Il rappelle, à cet effet, l’incidence défavorable de l’impôt sur les contribuables modestes. Il ajoute que le groupe socialiste et des radicaux de gauche, qui l’a délégué dans ce débat, est partisan d’un impôt sur le capital qui existe même en Suisse et aux Etats-Unis. Il défend alors deux sous-amendements et quinze amendements, dont un est cependant adopté, le 17 juin 1976 : il tend à ce que la compensation entre plus-value et moins-value s’effectue à l’intérieur de chaque élément du patrimoine. Enfin, le 17 mai 1977, il prend la parole dans la discussion du projet de loi aménageant la taxe professionnelle. Il rappelle la demande de son groupe d’une expérience « à blanc » en la matière, avant de légiférer sur ce sujet. Cette demande avait pourtant reçu l’assentiment du président de la Commission des lois du Palais-Bourbon. Ce texte marque pour lui le report de la liberté donnée aux collectivités locales de moduler les impositions et la répartition entre les différentes taxes.
Le député Duffaut est toujours un opposant vigoureux au gouvernement. Ses votes le montrent à nouveau. Aussi, le 12 avril 1973, rejette-t-il la déclaration de politique générale du gouvernement Messmer. Il agit de même, le 16 octobre suivant, sur l’ensemble du projet de loi constitutionnelle portant modification de l’article 6 de la Constitution, sur la durée du mandat présidentiel et visant à assouplir le régime de l'incompatibilité entre le mandat parlementaire et les fonctions gouvernementales. Le 6 juin 1974, il refuse son soutien au gouvernement Chirac. Son opposition est tout aussi vive sur le projet de loi constitutionnelle portant révision de l’article 25 de la Constitution portant sur les suppléant de parlementaire, le 17 octobre 1974. En revanche, le texte gouvernemental relatif à l’interruption volontaire de grossesse (IVG), soutenu par la ministre de la santé Simone Veil, trouve satisfaction à ses yeux, raison pour laquelle il lui apporte son soutien, le 28 novembre 1974. Contrairement à une large partie des collègues de son groupe, il ne prend pas part au vote du projet de loi portant réforme du divorce, le 4 juin 1975. Le 8 juin 1976, il rejette le projet de loi constitutionnelle modifiant l’article 7 de la Constitution, sur les règles de la campagne électorale de l’élection présidentielle. Le programme du gouvernement Barre est objet de discorde, pour le député socialiste du Vaucluse. Ainsi vote-t-il « contre », le 28 avril 1977. Enfin, le 21 juin suivant, il s’exprime en faveur du projet de loi relatif à l’élection des représentants à l’Assemblée des communautés européennes.
Le 25 septembre 1977, Henri Duffaut, vice-président de l’Association des maires des grandes villes de France depuis le mois de mai 1977, est élu sénateur. Il quitte l’Assemblée pour rejoindre le Palais du Luxembourg. Membre du bureau du comité national des jumelages depuis le mois de juin 1976, il s’inscrit au groupe socialiste. Membre de la Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation, il en devient l’un des vice-présidents. Il ne se représente pas au renouvellement sénatorial de 1986. Entre-temps, en 1973, il a quitté le canton d’Avignon-nord, pour se présenter dans celui de l’est de la ville. Il y est élu, puis réélu en 1979. Sa présence à l’Assemblée départementale prend fin en 1985, deux ans après sa défaite à la mairie d’Avignon, en mars 1983. Son ancien rival Jean-Pierre Roux, ancien député élu en 1968, lui ravit la Cité des Papes, entraînant de fait, mais progressivement, le retrait de celui qui, depuis vingt-cinq ans, a été le premier magistrat de la ville.
Moins d’un an après avoir quitté le Parlement, le 11 mai 1987, Henri Duffaut disparaît, victime d’un malaise cardiaque à l’hôpital avignonnais de la Durance, et ce, à quelques jours de son quatre-vingtième anniversaire. Henri Duffaut a été l’une des grandes notabilités politiques du Sud-Est de la France, au cours des trente premières années de la Cinquième République. Il était chevalier de la Légion d’honneur et du mérite sportif. Il était également officier des palmes académiques et du mérite social.