Henri, Eugène, Philippe d'Orléans Duc d'Aumale
1822 - 1897
Quatrième fils du roi Louis-Philippe, pair de France et député à l'Assemblée nationale de 1871, né à Paris, le 16 janvier 1822, il fit ses études au collège Henri IV.
Sous-lieutenant en 1839, il partit pour l'Algérie en 1840 et assista au combat de l'Afroun et à la prise du col de Mouzaïa. Il rentra en France l'année suivante, pour raison de santé, avec le grade de lieutenant-colonel du 17e léger ; de retour en Algérie, en 1842, comme maréchal de camp (7 septembre), il conduisit la brillante campagne qui aboutit, le 16 mai 1843, à la prise de la smala d'Abdel-Kader, et passa lieutenant-général le 3 juillet 1843. En 1844, il dirigea l'expédition de Biskra.
Gouverneur de l'Algérie, du 21 septembre 1847, il remit patriotiquement ses pouvoirs au gouvernement issu de la Révolution de février, le 3 mars 1848, et se retira en Angleterre. Là, il se livra à des travaux historiques qui lui ont fait une place parmi nos meilleurs écrivains, publia ses recherches sur la Captivité du roi Jean et sur le Siège d'Alésia, fit paraître, dans la Revue des Deux-Mondes, des études sur les Zouaves, sur les Chasseurs à pied et sur l'Autriche, et réunit les éléments de sa remarquable Histoire des princes de la maison de Condé, dont la grande fortune lui avait été léguée par le dernier prince de Condé, son oncle et son parrain.
Le 1er mars 1861, le prince Napoléon, dans un discours au Sénat, ayant cru devoir « flétrir ces membres des familles royales qui, voulant se faire une situation anormale, injuste, immorale, trahirent leur drapeau, leur cause et leur prince, pour se faire une fallacieuse popularité personnelle », le duc d'Aumale répondit au cousin de l'Empereur par une Lettre sur l'histoire de France adressée au prince Napoléon, où il disait :
« Auriez-vous oublié, par hasard, les démarches faites par le roi Jérôme et par vous, leur heureux succès en 1847, la faculté qui vous fut accordée de rentrer en France, d'où la loi vous bannissait, et l'accueil plein de bienveillance qui vous fut fait à Saint-Cloud ? Mais parmi les huissiers qui remplissent l'antichambre de l'Empereur, vous pourriez reconnaître celui qui vous introduisit dans le cabinet de Louis-Philippe, lorsque vous veniez le remercier de ses bontés et en solliciter de nouvelles ».
En lui rappelant ensuite la clémence dont on avait usé envers l'auteur des échauffourées de Strasbourg et de Boulogne il ajoutait :
« Ces d'Orléans sont incorrigibles, et ce serait à recommencer, que je crois vraiment qu'ils seraient aussi cléments que par le passé. Mais pour les Bonaparte, quand il s'agit de faire fusiller, leur parole est bonne. Et tenez, prince, de toutes les promesses que vous et les vôtres avez faites ou pourrez faire, celle-là est la seule sur l'exécution de laquelle je compterais. »
La brochure était déjà dans toutes les mains, lorsque le ministre de l'intérieur, de Persigny, en ordonna la saisie ; l'éditeur et l'imprimeur furent condamnés, le premier à un an de prison, le second, à six mois, et chacun à 5 000 francs d'amende ; le duc d'Aumale envoya, dit-on, ses témoins au prince Napoléon, qui refusa de se battre.
En 1865, le gouvernement impérial s'opposa à la publication de l'Histoire de la maison de Condé, qui ne put paraître qu'en 1869. Dans cet intervalle, le duc d'Aumale perdit (1866) son fils aîné, le prince de Condé, mort en Australie d'une fièvre typhoïde et en 1869, sa femme, la princesse Marie-Caroline de Bourbon, fille du prince Léopold de Salerne. Son dernier fils, le duc de Guise, mourut en 1872.
A la nouvelle de nos premières défaites on août 1870, le duc d'Aumale demanda (9 août) au ministre de la Guerre l'autorisation de servir dans l'armée active : aucune réponse ne fut faite à sa lettre.
En septembre 1870, il posa, dans la Charente, sa candidature à la future Assemblée nationale dont le gouvernement de la Défense nationale venait de décréter la convocation, mais les élections furent ajournées jusqu'en février 1871, et le duc, toujours en exil, s'adressa alors aux électeurs de l'Oise, en marquant ses préférences pour une monarchie constitutionnelle, mais en se déclarant prêt à s'incliner devant tout gouvernement issu de la volonté nationale. Il fut élu, le 8 février, par le département de l'Oise, le 2e sur 8, par 52 222 voix, sur 73 957 votants et 118 886 inscrits, mais ne put venir siéger, les lois d'exil n'ayant pas été rapportées. Elles ne furent abrogées que le 8 juin suivant, malgré M. Thiers, qui ne céda qu'après avoir obtenu du duc d'Aumale et du prince de Joinville, également élu dans la Manche et dans la Haute-Marne, la promesse de ne point siéger. Mais, après le vote de la proposition Rivet (30 août 1871) (voy. ce nom), les princes s'estimèrent déliés de leur promesse ; M. Thiers ne pensa pas ainsi, mais finit par céder, après un débat assez tumultueux provoqué à la Chambre par une interpellation de M. Jean Brunet (voy. ce nom) : la Chambre refusa de se prononcer, et les princes prirent séance le 19 décembre 1871.
Le due d'Aumale s'abstint de voter, le 3 février 1872, sur le retour de l'Assemblée à Paris; il fut peu après réintégré dans le service actif en qualité de général de division, et, le 16 mai, monta à la tribune au sujet de la composition du Conseil de guerre qui avait à juger Bazaine ; le 28 mai, il parla sur la loi de réorganisation de l'armée, s'éleva contre le remplacement, et termina par un appel à la concorde « sous le drapeau chéri, symbole de gloire et d'union. ». Le 24 mai 1873, il vota pour l'acceptation de la démission de M. Thiers, le 10 juin pour l'approbation de la circulaire Pascal, le 24 juin pour l'arrêté concernant les enterrements civils, et, nommé président du Conseil de guerre appelé à juger Bazaine, il se consacra entièrement à cette affaire, dont il dirigea fort habilement les débats.
Le 20 novembre 1873, il se prononça pour la prorogation des pouvoirs du maréchal de Mac-Mahon; il fut placé ensuite à la tête du 7e corps d'armée à Besançon. Le 20 janvier 1874, il s'abstint sur la loi des maires, et, le 16 mai, sur la proposition relative à la priorité à accorder à la loi d'élections politiques sur la loi d'élections municipales, proposition dont le rejet, voté par 381 voix contre 317, amena la chute du ministère de Broglie.
Le 29 juillet, il vota contre la dissolution de la Chambre, le 30 janvier 1875, contre l'amendement Wallon, et s'abstint, le 25 février, sur l'ensemble des lois constitutionnelles. En décembre 1875, il prévint les électeurs de l'Oise qu'il refusait tout nouveau mandat, et resta à la tête du 7e corps d'armée.
Elu membre de l'Académie française, le 30 décembre 1871, le duc d'Aumale ne s'occupait guère que de ses travaux historiques et de la restauration de son magnifique château de Chantilly, lorsque fut promulguée la loi du 22 juin 1886, « interdisant le territoire de la République aux chefs des familles ayant régné en France », et dont l'article 4 entraînait l'exclusion des armées de terre et de mer de tous les membres de ces mêmes familles. Le duc, mis en disponibilité en 1882, ayant été rayé, par suite de cette loi, des contrôles sur lesquels il figurait encore, introduisit devant le Conseil d'Etat un recours pour excès de pouvoirs, et écrivit au président de la République, Jules Grévy, une lettre qui se terminait ainsi :
« Quant à moi, doyen de l'état-major général, ayant rempli, en paix comme en guerre, les plus hautes fonctions qu'un soldat puisse exercer, il m'appartient de vous rappeler que les grades militaires sont au-dessus de votre atteinte, et je reste
le général HENRI D'ORLÉANS
duc D'AUMALE. »
Un décret rendu en conseil des ministres expulsa le duc d'Aumale qui se retira à Bruxelles.
A la fin de septembre 1886, le duc d'Aumale fit donation à l'Institut, sous la seule réserve d'usufruit, du domaine et du château de Chantilly avec les précieuses collections qu'il y a réunies. La presse, en général, se montra à ce moment favorable au rappel du prince, mais le décret d'expulsion ne fut rapporté que le 8 mars 1889, sur l'avis unanime du ministère Tirard-Constans ; la protestation émanée de l'extrême gauche et développée, le lendemain, à la tribune de la Chambre, n'aboutit pas ; l'ordre du jour accepté par le ministère fut voté par 316 voix contre 147.
Le duc d'Aumale rentra le 12 mars au château de Chantilly ; il a été élu membre de l'Académie des sciences morales et politiques, le 30 mars 1889, par 32 voix sur 34 votants.
Né à Paris le 16 janvier 1822, mort à Zucco (Sicile) le 7 mai 1897.
Pair de France et Député à l'Assemblée Nationale de 1871 à 1876. (Voir 1re partie de la biographie dans ROBERT et COUGNY, Dictionnaire des Parlementaires, t. 1, p. 120.)
En rapportant le 8 mars 1889 le décret d'expulsion le concernant, aucune condition ne lui fut posée. On préféra faire confiance en sa loyauté. Il n'y eut pas à la regretter, car il donna en toutes circonstances l'exemple du ralliement à la République.
Ayant repris sa résidence au Château de Chantilly dont il s'était réservé l'usufruit et la jouissance, il en fit restaurer certaines parties, agrandit et enrichit le musée de nouvelles pièces, embellit le parc de nouvelles statues et acheta dans de grandes ventes de nouveaux ouvrages pour compléter heureusement la bibliothèque.
Membre de l'Institut à un triple titre (Académie française, Académie des sciences morales et politiques, Académie des beaux-arts) il était très assidu aux réunions académiques où l'on faisait cercle autour de lui. Ernest Renan ne cachait pas l'admiration qu'il avait pour ce causeur intelligent et clair. Il sut avoir des gestes généreux et touchants, notamment en demandant la libération de la famille des Mokrani descendants du chef arabe qui fut le chevaleresque rebelle de 1871, et en faisant demander à l'Impératrice Eugénie la permission de lui présenter ses hommages dans sa résidence d'hiver, en Italie, ce qui lui fut accordé. Elle lui rendit d'ailleurs sa visite dans sa propriété de Zucco en 1896. En 1893 il fut nommé président de la société de secours aux blessés, en remplacement du Maréchal de Mac-Mahon. Il donna à cette société une impulsion nouvelle en réorganisant les infirmeries de gare et les hôpitaux auxiliaires de campagne. Il conserva cette présidence jusqu'à sa mort. A la fin de l'année 1896 il fut atteint d'une violente crise cardiaque dans son pied-à-terre de la rue de Montalivet à Paris. Son état parut si grave que les derniers sacrements lui furent administrés. Mais il surmonta cette défaillance et partit en Sicile pour parachever son rétablissement. Hélas dans la nuit du 6 au 7 mai 1897 une rupture d'anévrisme l'emporta malgré les soins qui lui furent prodigués par son médecin appelé en toute hâte.
Une chapelle ardente fut dressée. Son corps y fut exposé enveloppé dans un drapeau tricolore, entouré des portraits de sa femme (décédée en 1869) et de ses deux fils, le prince de Condé (mort en 1866) et le duc de Guise (mort en 1872). Son cercueil fut scellé en présence du duc de Chartres et le duc d'Orléans lui fit escorte jusqu'à la frontière française. Le Président du Conseil de l'époque, M. Méline, accepta, sur la demande de la famille, que les honneurs militaires lui fussent rendus, tels qu'on les doit à un Grand-Croix de la Légion d'Honneur. Il lui fut même accordé par le Gouverneur de Paris d'être considéré comme étant mort en possession de son grade. L'Armée, l'Institut en corps constitué et toute l'élite française lui rendirent les derniers honneurs. Le corps fut transporté à Dreux pour y être inhumé. Outre son Histoire des Princes de Condé (1869-1896) qui est son œuvre maîtresse, le duc d'Aumale publia de nombreuses études politiques s et militaires qu'il serait trop long d'énumérer mais dont on trouvera la liste au catalogue de la Bibliothèque Nationale.