Charles Dutreix

1848 - 1899

Informations générales
  • Né le 10 février 1848 à Bar-sur-aube (Aube - France)
  • Décédé le 28 novembre 1899 à Troyes (Aube - France)

Mandats à l'Assemblée nationale ou à la Chambre des députés

Régime politique
Troisième République - Chambre des députés
Législature
VIe législature
Mandat
Du 3 septembre 1893 au 31 mai 1898
Département
Aube
Groupe
Radical-socialiste
Régime politique
Troisième République - Chambre des députés
Législature
VIIe législature
Mandat
Du 8 mai 1898 au 28 novembre 1899
Département
Aube
Groupe
Radical-socialiste

Biographies

Biographie extraite du dictionnaire des parlementaires français de 1889 à 1940 (Jean Jolly)

Né le 10 février 1848 à Bar-sur-Aube (Aube), mort le 28 novembre 1899 à Troyes (Aube).

Député de l'Aube de 1893 à 1899.

Charles Dutreix était manufacturier à Troyes, où il avait fondé une très importante fabrique de bonneterie. Il n'avait pas limité son activité à cette seule branche industrielle car il présidait aussi aux destinées d'une Société coopérative d'alimentation, était directeur de la Caisse d'épargne de Troyes et, depuis 1887, présidait une Société de secours mutuels dont les affiliés étaient nombreux. Il siégea en outre au Conseil des prud'hommes. Cette activité multiple dépeint tout l'homme et l'orientation générale de ses convictions. Si Charles Dutreix participa activement depuis 1887 à toutes les luttes électorales locales, il ne posa sa candidature à la Chambre des Députés, qu'aux élections générales législatives des 20 août et 3 septembre 1893, dans la deuxième circonscription de Troyes. En tête au premier tour de scrutin, avec 5.366 voix sur 11.621 votants, contre 4.619 au député sortant Rambourgt, il fut élu au scrutin de ballottage avec 6.425 suffrages contre 5.954 à Rambourgt, sur 12.529 votants. Au renouvellement de 1898, il fut réélu dès le premier tour de scrutin, le 8 mai, avec 6.505 voix sur 11.985 votants, contre 3.889 à Jacquinot et 1.381 à Corgeron.

Candidat radical - socialiste, il s'était présenté avec un programme très étudié, préconisant la souveraineté du peuple, la dénonciation du concordat et la suppression du budget des cultes, la création de l'impôt sur le capital et sur le revenu, l'établissement de Caisses de retraites pour les ouvriers urbains et ruraux, l'assistance publique, la nationalisation des chemins de fer et des mines.

A la Chambre, où il siégea avec les radicaux-socialistes, il fit partie de diverses Commissions spéciales, mais principalement de celle du travail (1894, 1898), dont il fut le vice-président en 1898, et de celle des économies administratives (1899).

Très intéressé par les questions ouvrières, son action au Parlement sera presque exclusivement orientée vers celles-ci dans un sens très social pour l'époque. Lors de son premier mandat il fut l'auteur, en 1894, d'une proposition de loi tendant a nommer une Commission de vingt-deux membres pour préparer un projet de loi tendant à substituer aux fêtes légales, des fêtes républicaines choisies parmi les dates les plus mémorables de la Révolution (le rapporteur nommé conclut au rejet) et d'une proposition de résolution concernant la dénonciation du concordat et la suppression du budget des cultes. La même année, mais pendant son second mandat que la mort abrégea si rapidement, outre une mesure d'intérêt local, reprenant une idée d'Edouard Vaillant, il déposa une proposition de loi tendant à créer un sous-secrétariat d'Etat au Travail au Ministère du Commerce, proposition encore prématurée puisque le premier Ministère du Travail vit le jour avec l'arrivée au pouvoir de Clemenceau, en octobre 1906 ; il fut aussi l'auteur d'une proposition tendant à réformer les Conseils de prud'hommes : jointe à une autre proposition il en rédigea le rapport ; la mort l'empêcha d'assister à la discussion de ces textes, que le Sénat ne renvoya à la Chambre que durant la législature de 1902-1906 et qui, en définitive, ne virent jamais le jour. Il avait déjà été, en 1896, le rapporteur, en tant que secrétaire-rapporteur de la Commission du travail, d'un premier projet et de diverses propositions précédemment adoptés par le Sénat, relatifs au Conseil de prud'hommes, mais qui ne parvinrent pas à aboutir à la Chambre. Il avait, de même, rapporté, sans succès, en 1897 la proposition d'Edouard Vaillant tendant à créer un Ministère du Travail, de l'Hygiène et de l'Assistance publique, proposition qu'il avait lui-même reprise l'année suivante et qui eut le même sort.

En matière budgétaire, ses interventions furent très nombreuses pour chaque exercice et toujours marquées par un esprit nettement axé vers la gauche. Il déposa souvent de nombreux amendements qui connurent des fortunes diverses. Il intervint régulièrement dans la discussion des budgets des exercices 1895 à 1899 à de nombreux titres : Affaires étrangères, Guerre, Marine, Commerce et Industrie, Intérieur, Colonies, Agriculture, Finances, demandant ici ou là une augmentation ou une diminution de crédit correspondant à l'orientation générale de son action vers l'équité et en faveur des faibles. Il prit la parole en 1893 à propos d'un projet de modification de la loi du 29 juillet 1881, dite loi Lisbonne, en 1894, sur le projet de loi, adopté par le Sénat, sur les Sociétés coopératives de production, crédit et consommation et les contrats de participation aux bénéfices, sur la proposition de loi de Marcel Sembat tendant à modifier la loi du 21 mars 1884 concernant la création des syndicats professionnels, et enfin à propos du projet de loi ouvrant un crédit de 65 millions de francs pour mener à bien l'expédition de Madagascar ; cette dernière intervention fut assez orageuse : il s'y montrait « adversaire résolu de toute expédition coloniale nouvelle, mais partisan d'une organisation rationnelle dans les colonies que nous possédons » ; il y demandait avec insistance que l'on « colonise » pour le plus grand bien de l'extension du commerce extérieur français ; cette opinion fut fraîchement accueillie. L'année suivante, en 1895, il prit la parole à propos de la réforme de l'impôt des. boissons et de la modification de la loi du 15 juillet 1889 sur le recrutement de l'armée ; en 1896 il se fit entendre sur la proposition de loi Audiffred sur les Sociétés de secours mutuel, ainsi qu'en 1897, lors de la reprise de la discussion. Il intervint aussi vigoureusement dans le débat instauré sur la durée du travail des femmes, filles mineures et enfants, bataillant ardemment pour que cette durée fût ramenée à dix heures par jour.

Toutefois en 1896, il s'intéressa aux crédits en vue de l'exposition universelle de Bruxelles, l'année suivante à la prorogation du privilège de la Banque de France et en 1898 à la réforme des patentes. Lors de son second mandat, la mort ne lui permit de monter à la tribune que deux fois, en 1898, à propos de la réforme du règlement de la Chambre et de la suppression des taxes d'octroi sur les boissons hygiéniques.

Entre temps, il s'était fait élire conseiller général de l'Aube pour le canton d'Estissac.

Encore présent à la Chambre le 16 novembre 1899, il demandait le 20 un congé et décédait prématurément à Troyes, le 28 novembre, à l'âge de 51 ans.

A la séance du jour même, Paul Deschanel, président de la Chambre, prononça avec éloquence son éloge funèbre, résumant admirablement son œuvre de parlementaire. « Il avait, dit-il, apporté ici les habitudes de travail, de précision et d'ordre contractées dans sa profession de manufacturier... Le nombre et l'importance des questions qu'il a abordées témoignent de son activité actuelle. Sociétés coopératives de production et sociétés de secours mutuels, travail des femmes dans les manufactures, syndicats professionnels, assistance des vieillards et institutions charitables, enseignement industriel et commercial, Conseils de prud'hommes, réformes fiscales et administratives, son esprit sans cesse en éveil s'attaquait aux problèmes les plus divers, et toujours pour mettre plus d'équité et d'humanité dans nos lois, pour alléger le poids de la vie si lourd aux faibles, pour rapprocher la République de l'idéal que son cœur avait conçu.

« On sentait dans son visage amaigri et déjà touché par le mal, dans ses yeux où luisait une sombre flamme, l'ardeur de convictions sincères, la passion de la justice, l'impatience des résultats. »

Charles Dutreix était un personnage à Troyes ; le maire de la ville, lui-même, procéda à la déclaration de son décès. Une rue et une école communale y portent son nom.