Roger Duveau
1907 - 1985
Né le 5 août 1907 à Hortes (Haute-Marne)
Décédé le 19 janvier 1985 à Soulac-sur-Mer (Gironde)
Député de Madagascar de 1946 à 1958
Secrétaire d'Etat à la France d'outremer du 19 juin 1954 au 23 février 1955
Sous-Secrétaire d'Etat à la marine marchande du 1er février 1956 au 13 juin 1957
Issu d'une famille bourguignonne et alsacienne, Roger Duveau achève ses études à l'Ecole de commerce de Dijon de 1920 à 1923. Il débute comme employé au Linge des Vosges à Gérardmer en tant que sténo-dactylographe puis correspondancier. En juillet 1925, tenté par l'aventure, il part seul pour Madagascar à moins de 18 ans. Il travaille dans une plantation de café au sud de Manandjary, devient employé de commerce à Tianarantsou puis à Tananarive où il est trois ans secrétaire de direction de la Compagnie lyonnaise de Madagascar. Cela ne l'empêche pas de reprendre ses études seul, d'obtenir le baccalauréat de philosophie en 1929 et d'entrer ainsi dans l'administration. Il étudie alors le droit et subit avec succès, comme candidat libre, les examens de licence à la faculté de Paris (1932-1933). Roger Duveau démissionne alors de l'administration et s'établit comme avocat stagiaire à Majunga. Il passe ensuite à la Cour de Tananarive dont il est le bâtonnier de 1945 à 1947. A ce moment, il entame une carrière politique et s'inscrit au barreau de Paris à partir de 1947.
Pour les législatives de 1946, il est l'un des cinq candidats qui briguent les suffrages du collège des citoyens de statut français dans la deuxième circonscription de la Grande Ile. Il bat nettement le candidat sortant, Pierre Rossignol, avec 1 717 voix contre 880 à ce dernier sur 3 686 suffrages exprimés. Roger Duveau s'inscrit logiquement à la Commission des territoires d'outremer (1946-1951) mais appartient aussi, plus brièvement, à la Commission de la justice, à celle de la marine marchande et des pêches, à la Commission de la famille, à partir de 1950, et à celle du suffrage universel en fin de législature. La Commission des territoires d'outremer le désigne au conseil de surveillance de la Caisse centrale de la France d'outremer et au comité directeur du F.I.D.E.S. (Fonds d'investissement pour le développement économique et social des territoires d'outremer). Enfin, il est élu juge titulaire à la Haute Cour de justice. Les propositions de loi qu'il dépose ont toutes trait à la situation malgache, notamment l'indemnisation des victimes de l'insurrection de 1947 ou l'aide à Madagascar à la suite du cyclone de 1951. Il rédige également plusieurs rapports sur un projet de loi concernant la Cochinchine. Ses nombreuses interventions en séance publique traitent de sujets similaires. L'une des plus importantes est celle du 8 mai 1947, lors de la discussion d'interpellations qui suit l'insurrection de Madagascar. Au terme d'un exposé nourri de faits et d'informations, Roger Duveau met en cause à la fois la maladresse des responsables administratifs successifs de l'île et la trahison des élus malgaches, animateurs de la révolte dirigée par le M.D.R.M. (Mouvement démocratique de rénovation malgache). Il appelle à l'aide pour relever l'île mais réclame aussi des réformes pour maintenir la présence française en s'appuyant à la fois sur les élites indigènes et sur les élites françaises. Le 10 février 1948 également, il fait un tableau très complet de la situation économique à Madagascar qui va, selon lui, encore être aggravée par la décision de dévaluer le franc C.F.A., mesure qu'il dénonce avec vigueur. Il revient sur ce thème le 21 juin 1949 : la politique économique menée outremer, notamment à Madagascar, aboutit à l'inflation, à la fuite des capitaux et au manque d'investissements. Le second sujet de ses préoccupations est l'incohérence administrative des territoires : les réformes judiciaires se sont traduites à Madagascar (séance du 31 mars 1949) par un effectif insuffisant des magistrats, un niveau des traitements inférieur au coût de la vie locale et une réglementation absurde des congés pour certaines catégories de fonctionnaires. C'est pourquoi, le 21 février 1950, Roger Duveau approuve le projet de réforme du statut des fonctionnaires d'outremer qui doit remédier aux inégalités choquantes existant selon le statut ou l'origine des fonctionnaires considérés. Il est plus réservé en revanche sur certaines dispositions du projet de code du travail de la France d'outremer car il lui semble impossible de légiférer de manière uniforme pour des pays aussi différents. Il déplore l'absentéisme de ses collègues qui risquent ensuite de ne pas donner les moyens budgétaires allant avec la réforme qu'ils auront adoptée par procuration. Toujours partisan du réalisme et des réformes modérées, Roger Duveau soutient la politique indochinoise du Gouvernement et dénonce une modification prématurée du système électoral en Afrique qui aboutirait à la domination du collège unique par une minorité autochtone ou à une caricature inapplicable du suffrage universel, étant données les conditions locales (séance du 24 avril 1951). Sa dernière intervention de la législature s'élève contre le projet de réduction des crédits d'investissement outremer qui constituent, selon lui, un minimum vital à la différence des investissements en métropole (5 mai 1951).
Aux élections du 17 juin 1951, la situation du collège des citoyens français est encore simplifiée puisque Roger Duveau n'affronte qu'un seul concurrent, Henri Girard, agent du Crédit foncier. Se présentant comme non-inscrit, Roger Duveau défend le bilan de son action dans sa profession de foi et affirme qu'il croit en l'avenir de l'Union française et des réformes engagées pour le développement économique de l'île. Néanmoins, le député sortant l'emporte de peu avec 3 002 voix contre 2 985 à son concurrent sur 5 987 suffrages exprimés. Au cours d'un débat, le 22 novembre suivant, il fournit lui-même une explication à ce résultat décevant, ce qui donne lieu à un incident assez vif qui l'oppose aux députés du R.P.F. : il met en cause les manœuvres électorales de certains chefs militaires, comme l'amiral Auboyneau, fervent gaulliste, qui avait pour but, selon Roger Duveau, d'empêcher sa réélection. Pendant la législature, le député de Madagascar appartient à la Commission des territoires d'outremer, dont il est élu vice-président (19 juillet 1951). Il siège également à la Commission de la justice et de la législation et est membre suppléant puis titulaire de la Commission des immunités parlementaires (1952-1953). En fin de période, il est membre suppléant de la Commission des finances (1954) et, à ce titre, désigné par l'Assemblée nationale pour faire partie de la sous-commission chargée d'apprécier la gestion des entreprises nationalisées ; il appartient enfin à la Commission d'instruction de la Haute-Cour de Justice (1951) et fait également partie de la commission d'enquête sur le trafic des piastres.
Toutes ces charges expliquent que Roger Duveau soit un parlementaire aussi actif dans ses initiatives écrites que dans ses interventions à la tribune. Il rédige dix-neuf rapports, tant sur l'outremer que sur les problèmes d'amnistie de faits de collaboration, et neuf propositions de loi, ainsi que quelques propositions de résolution. Ces derniers textes concernent soit l'outremer (fixation de la parité du franc C.F.A.), soit l'organisation administrative (recrutement et soldes des fonctionnaires civils et militaires d'outremer).
Roger Duveau, en dehors des nombreux rapports qu'il expose en séance, participe à deux grands débats politiques de la législature. Le premier concerne la loi d'amnistie des faits de collaboration dont il est rapporteur et dont la discussion occupe une partie des séances de l'Assemblée nationale, en première comme en seconde lecture, de novembre 1952 à juillet 1953. Le second, dont il est également rapporteur au nom de la commission des immunités parlementaires, a trait à la demande d'autorisation de poursuites contre les députés communistes Jacques Duclos, Etienne Fajon, François Billoux, Raymond Guyot et André Marty. Le Gouvernement estime que l'action de ces derniers contre la guerre d'Indochine relève d'une entreprise de démoralisation de l'armée et de sabotage de la défense nationale. Roger Duveau, au contraire, conclut par la négative, les faits incriminés relevant de la liberté d'opinion et de l'action politique (séance du 6 novembre 1953). Les députés les plus conservateurs comme certains membres du Gouvernement n'apprécient guère ce respect scrupuleux des règles de l'Etat de droit, à ce moment particulièrement difficile pour la France.
Cette intense activité lui vaut d'être choisi par Pierre Mendès-France pour occuper les fonctions de secrétaire d'Etat à la France d'outremer pendant la période où celui-ci est président du conseil. Cette fonction ne lui donne l'occasion d'intervenir qu'une seule fois dans les débats, à propos de la discussion d'une proposition de loi relative à l'organisation municipale dans les territoires d'outremer. Après son retour sur les bancs de l'Assemblée nationale, Roger Duveau est le rapporteur spécial du budget du service des poudres et essences.
Lors des élections du 2 janvier 1956, à la différence des scrutins précédents, Roger Duveau défend les couleurs d'un parti, l'U.D.S.R., en position charnière dans la majorité de centre gauche qui l'emporte alors. Face aux problèmes qui agitent l'Union française à cette date, Roger Duveau adopte, dans sa profession de foi, des prises de position résolument réformatrices et fait une critique en règle de la politique d'outremer de la IVe République et des contradictions contenues à cet égard dans la Constitution de 1946. Il est vrai qu'il se présente cette fois dans le collège des citoyens de statut personnel qui compte 309 540 inscrits et est le seul Français d'origine en lice. Cette double originalité ne l'empêche pas de rallier une très large majorité qui plébiscite l'ancien secrétaire d'Etat du gouvernement Mendès-France : il obtient 238 474 suffrages contre 71 au député sortant, Pascal Velonjara, dont les électeurs ont presque tous fait défection, le second, le professeur Ralijaona Laingo étant loin derrière avec seulement 18 745 voix.
Pendant la dernière législature du régime, Roger Duveau retrouve ses sièges dans les mêmes commissions que précédemment : territoires d'outremer, justice, finances. Il dépose deux propositions de loi, l'une modifiant la loi relative à l'élection des députés des territoires d'outremer à l'Assemblée nationale, l'autre tendant à restituer à la pratique médicale des vaccinations un caractère facultatif.
Nommé sous-secrétaire d'Etat à la marine marchande dans le cabinet Guy Mollet le 1er février 1956, Roger Duveau siège pendant la moitié de la législature (jusqu'au 13 juin 1957) sur le banc des ministres. A ce titre, il intervient pour défendre les budgets de son administration ou répondre aux questions orales des députés. C'est notamment pendant cette période qu'est prise la décision de la mise en chantier du paquebot de l'Atlantique-Nord plus connu par la suite sous le nom de France. Redevenu député, Roger Duveau préside le groupe parlementaire de l'U.D.S.R. Le 11 mars 1958, il critique l'insuffisance de la loi sur l'amnistie dans certains territoires d'outremer et en particulier à Madagascar, le projet gouvernemental étant très en retrait par rapport aux promesses faites par les prédécesseurs de l'actuel ministre, Gérard Jacquet. Lors de la crise finale de la IVe République, Roger Duveau ne vote pas la confiance au général de Gaulle.
Parallèlement à ses fonctions parlementaires, Roger Duveau a été maire de Tessancourt (Seine-et-Oise) de 1953 à 1959 et conseiller général de Tamatave (Madagascar) de 1956 à 1959. Après cette date prend fin la carrière politique de Roger Duveau.