Henri Emmanuelli

1945 - 2017

Informations générales
  • Né le 31 mai 1945 à Eaux-Bonnes (Basses-Pyrénées - France)
  • Décédé le 21 mars 2017 à Bayonne (Pyrénées-Atlantiques - France)

Mandats à l'Assemblée nationale ou à la Chambre des députés

Présidence(s)

Présidence de l'Assemblée nationale
du 22 janvier 1992 au 1er avril 1993

Mandat(s)

Régime politique
Cinquième République - Assemblée nationale
Législature
VIe législature
Mandat
Du 3 avril 1978 au 22 mai 1981
Département
Landes
Groupe
Socialiste
Régime politique
Cinquième République - Assemblée nationale
Législature
VIIe législature
Mandat
Du 2 juillet 1981 au 23 juillet 1981
Département
Landes
Groupe
Socialiste
Régime politique
Cinquième République - Assemblée nationale
Législature
VIIIe législature
Mandat
Du 2 avril 1986 au 14 mai 1988
Département
Landes
Groupe
Socialiste
Régime politique
Cinquième République - Assemblée nationale
Législature
IXe législature
Mandat
Du 6 juin 1988 au 1er avril 1993
Département
Landes
Groupe
Socialiste
Régime politique
Cinquième République - Assemblée nationale
Législature
Xe législature
Mandat
Du 2 avril 1993 au 8 juillet 1993
Département
Landes
Groupe
Socialiste
Régime politique
Cinquième République - Assemblée nationale
Législature
Xe législature
Mandat
Du 20 septembre 1993 au 21 avril 1997
Département
Landes
Groupe
Socialiste
Régime politique
Cinquième République - Assemblée nationale
Législature
XIe législature
Mandat
Du 1er juin 1997 au 17 décembre 1997
Département
Landes
Groupe
Socialiste
Régime politique
Cinquième République - Assemblée nationale
Législature
XIe législature
Mandat
Du 7 février 2000 au 18 juin 2002
Département
Landes
Groupe
Socialiste
Régime politique
Cinquième République - Assemblée nationale
Législature
XIIe législature
Mandat
Du 19 juin 2002 au 19 juin 2007
Département
Landes
Groupe
Socialiste
Régime politique
Cinquième République - Assemblée nationale
Législature
XIIIe législature
Mandat
Du 20 juin 2007 au 19 juin 2012
Département
Landes
Groupe
Socialiste, radical et citoyen et divers gauche
Régime politique
Cinquième République - Assemblée nationale
Législature
XIVe législature
Mandat
Du 20 juin 2012 au 21 mars 2017
Département
Landes
Groupe
Socialiste, républicain et citoyen

Fonds d'archives

La division des Archives de l’Assemblée nationale conserve de nombreux documents relatifs à la fonction de président de l’Assemblée nationale qu’Henri Emmanuelli a occupée de janvier 1992 à avril 1993, et plusieurs documents relatifs à ses mandats successifs de député des Landes :
- 2007-074/13 : employés : Denizet, Derozier, Des Gayets, Emmanuelli, Fabius, Geng, Gentile, Godfrain (s.d).
- 2007-095/5 : trombinoscope du cabinet des présidents, Emmanuelli, 1992.
- 2007-050/116 : notes et correspondance des cabinets Chaban-Delmas, Fabius et Emmanuelli (1950-2005).
- 2016-007/3 : archives électroniques des dossiers concernant la commission d’enquête sur les mécanismes de spéculation affectant le fonctionnement des économies (2010).
- 2007-095/18 : planches contact n°1772-1930 (1959-2006).

Les Archives nationales conservent de nombreux documents concernant ses activités ministérielles et parlementaires :

En qualité de secrétaire d’État chargé du Budget : notes, documents de travail, correspondance, circulaires, comptes rendus, projets de communication, télex.


- 19860302 (1981-1986).
- 19860540 (1981-1986).
- 19870028 (1981-1986).
- 19870030 : circulaire sur les indemnisations face aux risques naturels, lettre d’arbitrage (1981-1986).
- 19870032 (1984-1986).
- 19870449 (1984-1986).
- 19870767 (1981-1986).
- 19880002 (1981-1986).
- 19880026 (1978-1986).
- 19880351 (1981-1986).
- 19890036 (1978-1986).
- 19890037 (1979-1986).
- 19920382 (1974-1987).
- 20020380 (1965-1988).
- 20020435 (1970-1990).
- 20030277 (1961-1993).
- 20130712 (1971-2001).
- 20150188 (1981-1984).


En qualité de Secrétaire d’État chargé des Départements et Territoires d’outre-mer : dossiers préparatoires, bilans, déclarations officielles, visites officielles, circulaires, conférences de presse, correspondance, comptes rendus, interventions.


- 19860185 (1977-1984).
- 19860597 (1979-1983).
- 19870321 (1981-1984).
- 19870371 (1981-1984).
- 19870502 (1980-1986).
- 19940232 (1962-1990).
- 19980006 (1950-1996).


En qualité de président de l’Assemblée nationale : dossier sur les expérimentations effectuées sur des animaux dans les laboratoires de recherche médicale.

- 19990378 (1988-1993).

En qualité de député des Landes : correspondance, demande de modifications de mesures quant aux renchérissements du coût des aménagements et de l’allongement des délais de réalisation des opérations de fouilles archéologiques, dossiers d’intervention, notes, proposition de loi sur le financement public des organisations syndicales, comptes rendus de réunion, dossier de recherche sur l’évolution et les perspectives de la maladie de Friedreich.


- 19970279 (1995-1997).
- 20020406 (1997-2002).
- 20050129 (2000-2002).
- 20120074 (2002-2010).
- 20130099 (2002-2004).
- 19990378 (1988-1993).


LesArchives départementales des Landes conservent, sous la cote 1059 W 174, un fonds relatif aux élections des commissions régionales et départementales (région Aquitaine et département des Landes) entre 1979 et 1981.

Biographies

Biographie de la Ve République

EMMANUELLI (Henri)
Né le 31 mai 1945 à Eaux-Bonnes (Basses-Pyrénées)
Décédé le 21 mars 2017 à Bayonne (Pyrénées-Atlantiques)

Député des Landes de 1978 à 1981, de 1986 à 1997 et de 2000 à 2017
Secrétaire d’Etat chargé des Départements et territoires d’outre-mer du 22 mai 1981 au 22 mars 1983
Secrétaire d’Etat chargé du Budget du 25 mars 1983 au 7 décembre 1984
Secrétaire d’Etat chargé du Budget et de la consommation du 8 décembre 1984 au 20 mars 1986
Président de l’Assemblée nationale du 22 janvier 1992 au 1er avril 1993

Né le 31 mai 1945 à Eaux-Bonnes, petite ville thermale située à 1 400 mètres d’altitude dans la vallée d’Ossau entre le Béarn et l’Espagne, Henri Emmanuelli pouvait dire qu’il est « le fils de l’ours, du tonnerre et de la glace ». L’enfant est issu d’une famille modeste. Sa mère, Julie Chourré, fille de bergers béarnais pauvres, est sans profession. Son père, Henri-Joseph Emmanuelli, un communiste corse anticlérical et antimilitariste, a travaillé comme ouvrier électricien pendant 18 ans avant de perdre son emploi à la suite de son engagement à la CGT et de s’établir comme artisan électricien. « Les souris allaient manger chez le voisin » en plaisantera l’élu plus tard. Une grave malformation cardiaque l’empêche de profiter pleinement de son enfance, jusqu’à l’opération miracle à l’âge de dix ans. En 1958, la mort de son père, électrocuté alors qu’il répare, en sous-traitant d’EDF, un transformateur adossé à une église, le traumatise durablement. Sa mère, démunie financièrement, doit faire des ménages. Brillant élève au lycée Louis Barthou de Pau, où il collectionne les prix d’excellence, Henri Emmanuelli fréquente un temps les Jeunesses communistes locales mais se voit exclu de l’organisation pour avoir refusé d’admettre que la peinture abstraite était « antisocialiste ». Aidé dans sa scolarité par un inspecteur des impôts qui l’a pris sous sa houlette, le lycéen boursier réussit en 1963 le concours de l’Institut d’études politiques de Paris. A la sortie de la rue Saint-Guillaume en 1965, il part pour le service militaire mais en est réformé au bout de trois mois. Il doit en effet revenir au pays, trois années durant, veiller sa mère devenue hémiplégique à cause d’une tumeur au cerveau. Il se fait loueur de skis pour subvenir aux besoins de la famille.
Réinstallé à Paris après la mort de sa mère en 1969, Henri Emmanuelli s’oriente vers une carrière dans le secteur bancaire. Il entre à la banque de l’Union parisienne en 1969 (« parce qu’elle offrait dix-huit mois de stage ») et en gravit les échelons : attaché de direction en 1971, et directeur d’agence en 1972. Dès 1974, il est fondé de pouvoir à la Compagnie financière de banque. Repéré par Edmond de Rothschild, il devient l’année suivante sous-directeur, puis directeur adjoint de la banque en 1976. Il occupe en 1978 les fonctions de directeur adjoint commercial de la Banque Rothschild. En 1967, il épouse Antonia Gonzales, professeure d’éducation physique à Mugron dans les Landes et fille d’un ancien pilote républicain espagnol. Ils auront deux enfants (nés en 1974 et 1978).
Tout en évoluant dans le monde de la finance, Henri Emmanuelli s’engage très tôt en politique dans les rangs socialistes. Celui qui a fréquenté, à la fin des années 1960, le club mitterrandien de la Convention des institutions républicaines (CIR), rejoint le Parti socialiste (PS) dès 1971. Il obtient l’investiture socialiste aux élections législatives du 4 mars 1973 dans la deuxième circonscription du Lot-et-Garonne, mais se retire, après le premier tour, où n’ayant recueilli que 13,9 % des voix. Face au communiste Hubert Ruffe, il double néanmoins les voix du PS localement et lègue une fédération aux mitterrandiens (« chaque soir, je créais une section »). Après ce baptême du feu électoral, il intègre la fédération socialiste des Landes en 1974 au moment de la campagne présidentielle. Il s’y impose vite grâce à ses capacités, et s’efforce de consolider le socialisme dans ce fief radical. S’il travaille à la banque en semaine, il laboure politiquement cette terre tous les week-ends pendant trois ans. Il commence à fréquenter François Mitterrand qui se rend régulièrement dans le département, dans sa « bergerie de Latche » achetée en 1965. Henri Emmanuelli intègre le sérail mitterrandien, aux côtés de Louis Mermaz, Edith Cresson, Jack Lang et Pierre Joxe. Il est également proche de Gaston Defferre.
Ayant obtenu l’investiture du PS pour les législatives de mars 1978 dans la troisième circonscription du département, celle de Saint-Sever, Henri Emmanuelli s’engage dans une campagne de terrain avec l’aide de son suppléant Robert Cabé, conseiller en gestion agricole à la caisse régionale du Crédit agricole. Il est élu au second tour, en s’imposant de justesse avec 25 211 voix et 50,4 % des suffrages exprimés, face à l’avocat centriste et maire de Saint-Sever Jean-Marie Commenay, qui en avait obtenu 46,2 % au premier tour, contre 24,1 % au candidat socialiste. A trente-deux ans, Henri Emmanuelli doit quitter un monde bancaire dans lequel il avait réussi (il ne recroise Edmond de Rothschild que bien des années plus tard, lorsque, devenu président de l’Assemblée nationale, il inaugure la maison d’Israël). Le nouveau député rejoint le groupe socialiste de l’Assemblée nationale et la commission de la production et des échanges. Il en est le rapporteur pour avis sur les entreprises nationales, pour le projet de loi de finances pour 1979.
Il rejoint en 1979 la commission des finances, de l’économie générale et du Plan. Il est rapporteur spécial d’abord sur le budget de la Légion d’honneur, et l’Ordre de la Libération, pour le projet de loi de finances pour 1980, puis sur le budget de l’agriculture, l’année suivante.
Au sein du groupe socialiste, Henri Emmanuelli, pugnace, bon orateur et spécialiste des questions financières, sort rapidement du rang. Avec Laurent Fabius, il est souvent porte-parole des députés socialistes lors des débats budgétaires importants. Il est ainsi choisi pour ferrailler contre Raymond Barre ou Maurice Papon. La vivacité de ses réparties et son ironie cinglante ont le don d’agacer le Premier ministre. Ses interventions sont nombreuses. Aux côtés de Jean Glavany (assistant parlementaire au groupe socialiste) et Michel Charasse (secrétaire général du groupe), il forme ce que certains appellent déjà « la bande à Tonton » : « On présentait des amendements tordus. On s’amusait ». Henri Emmanuelli vote notamment contre le projet de loi dit Peyrefitte renforçant la sécurité et protégeant la liberté des personnes.
Sur le plan militant, le soutien mitterrandien lui permet d’intégrer en avril 1979 le comité directeur du PS, où il reste jusqu’en octobre 1981. Il sera par la suite simple membre suppléant de la même instance avant de retrouver son poste de membre à part entière du comité directeur en octobre 1983). Bien que fidèle soutien de François Mitterrand lors de la campagne présidentielle du printemps 1981, le député des Landes ne croit pas dans les chances du chef de la rue de Solférino. Au point, la veille du scrutin, de partir en mission parlementaire au Japon… François Mitterrand ayant finalement été élu, Henri Emmanuelli se voit appelé au gouvernement, le vendredi 22 mai 1981, comme secrétaire d’Etat auprès du ministre d’Etat chargé de l’Intérieur et de la Décentralisation, Gaston Defferre. Le député des Landes est chargé des départements et territoires d’outre-mer jusqu’en 1983 au sein des deux premiers gouvernements dirigés par Pierre Mauroy. Le week-end suivant sa nomination, le nouveau promu reste toutefois chez lui en famille dans les Landes jusqu’à ce que, le dimanche soir, au téléphone, Gaston Defferre s’inquiète de voir le ministère des Dom-Tom toujours vide... Le grand public découvre bientôt cet homme, grand, maigre, au teint mat, aux sourcils broussailleux, et à la voix rauque d’amateur de cigarettes. Réélu député le 14 juin 1981, dès le premier tour, dans la même circonscription des Landes avec 25 492 voix et près de 53 % des suffrages exprimés, battant à nouveau Jean-Marie Commenay, il renonce à son mandat parlementaire pour exercer ses fonctions ministérielles et laisse donc son siège à son suppléant, Robert Cabé. Fonceur, goûtant la polémique au point parfois de prendre des risques, le nouveau secrétaire d’Etat aux Dom-Tom commet quelques impairs sur le terrain sensible de la Nouvelle-Calédonie. De retour d’un séjour à Nouméa, il provoque ainsi la colère des Caldoches et de l’opposition réunie du Rassemblement pour la République (RPR) et de l’Union pour la démocratie française (UDF) en déclarant : « J’ai vu là-bas des choses inacceptables, une situation qui s’apparente à un colonialisme développé ».
Déjà député et conseiller régional (il est rapporteur du budget de la région Aquitaine de 1979 à 1981), Henri Emmanuelli renforce son ancrage politique local en se faisant élire conseiller général socialiste du canton de Tartas-Ouest, en mars 1982, puis en prenant la présidence du conseil général des Landes, en octobre de la même année, succédant à Henri Sconamiglio, décédé en août 1982 (il est réélu à ce poste en mars 1985, puis en mars 1992 et en avril 1994). Il fera de l’assemblée départementale le bastion de son influence politique régionale.
Le remaniement ministériel de mars 1983 (troisième gouvernement Mauroy) le voit prendre le poste de secrétaire d’Etat auprès de Jacques Delors, ministre de l’Economie, des finances et du budget. Henri Emmanuelli est chargé du Budget. C’est à ce poste qu’il vient au secours de Jean-Baptiste Doumeng en entérinant un dégrèvement fiscal de 16 millions de francs au bénéfice du « milliardaire rouge » à la colère de l’opposition de droite. En juillet 1984, le député landais, protégé par le chef de l’Etat, ne souffre pas du départ de Matignon de Pierre Mauroy, affaibli par son échec devant la crise économique et sociale persistante et la mobilisation réussie de la droite face au projet de loi Savary sur l’enseignement. Dans le nouveau gouvernement dirigé par Laurent Fabius, il conserve son poste de secrétaire d’Etat auprès du nouveau ministre de l’Economie, des finances et du budget, Pierre Bérégovoy, et reste chargé du Budget. A partir de décembre 1984, il se voit également confier la Consommation. Cet homme de gauche, très attaché aux réformes socio-économiques de 1981, doit assumer le virage de la rigueur incarné par Pierre Mauroy, puis la modernité fabiusienne. Confronté au duel entre Lionel Jospin (premier secrétaire du PS) et Laurent Fabius (Premier ministre) qui se disputent la conduite des prochaines législatives, Henri Emmanuelli « prend parti pour le parti ». Il se rapproche de Lionel Jospin. Si la volonté de Laurent Fabius de contrôler politiquement le parti pour en faire le relais de sa politique de « modernisation et de rassemblement » a irrité l’élu des Landes, le profil d’héritier grand bourgeois du Premier ministre a joué aussi. La formule qu’il utilise à l’occasion, « on n’hérite pas du PS comme d’une Aston Martin » ne sera pas oubliée des Fabiusiens...
Lors des législatives de mars 1986, qui ont lieu au scrutin de liste départemental proportionnel à un tour, la liste PS conduite par Henri Emmanuelli, dans les Landes, recueille 42,9 % des suffrages exprimés. Celui-ci est réélu député tout en se voyant reconduit dans la foulée au conseil régional d’Aquitaine. Membre du groupe socialiste, il rejoint la commission des finances, de l’économie générale et du Plan. Il la quitte en janvier 1988 pour la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Il vote en 1986 contre le projet de loi relatif aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France. Après le congrès PS de Lille en avril 1987, Henri Emmanuelli, qui appartient au courant A, est reconduit au comité directeur du parti et intègre le bureau exécutif. Il est nommé secrétaire national du PS à la communication et se voit déjà présenté dans les médias comme le n° 2 derrière Lionel Jospin, avec lequel les liens se renforcent encore. Dès le mois de septembre 1987, tous les mercredis, il retrouve dans le plus grand secret le publiciste Jacques Séguéla et le politique André Laignel chez Jacques Pilhan. Le petit groupe a été mis dans la confidence : François Mitterrand, qui laisse publiquement planer le doute sur sa candidature à l’Elysée en 1988, a en réalité déjà fait son choix et demande à ses proches de préparer sa campagne.
Après la victoire mitterrandienne à la présidentielle d’avril-mai 1988, Henri Emmanuelli refuse la proposition qui lui est faite d’entrer au gouvernement, au prétexte qu’il a « passé l’âge des caramels mous ». Il est facilement réélu député des Landes dans la nouvelle 3e circonscription, en s’imposant dès le premier tour, le 5 juin, avec 33 132 voix et 56,5 % des suffrages exprimés. Il démissionne de son mandat de conseiller régional conformément à la loi sur le cumul des mandats. Membre du groupe socialiste, il en prend la vice-présidence, le 23 juin 1988. Henri Emmanuelli rejoint la commission des finances, de l’économie générale et du Plan. Il la quitte en octobre 1988 pour la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, dans laquelle il siège jusqu’en avril 1989 avant d’opter pour la commission de la défense nationale et des forces armées où il reste jusqu’en septembre 1989. Il retrouve alors la commission des finances, de l’économie générale et du Plan et la préside de mai 1991 à avril 1992. En mai 1992, il choisit la commission des affaires étrangères où il siège jusqu’à la fin de la législature. Même s’il soutient en 1988 le projet de loi relatif au revenu minimum d’insertion, Henri Emmanuelli se fait le censeur acerbe de la politique de Michel Rocard, lui reprochant notamment sa ligne d’ouverture de 1988 à 1991. Les rocardiens lui vouent en retour une haine tenace, à l’image de Jean-Paul Huchon qui l’appelle « le garçon de bar »… Henri Emmanuelli refuse d’entrer dans le gouvernement Cresson comme secrétaire d’Etat sous la tutelle de Pierre Bérégovoy alors que le chef de l’Etat lui en avait la proposition. Lorsqu’en 1992, François Mitterrand fera de Bernard Tapie un ministre de la Ville, Henri Emmanuelli condamnera le recours à « un placebo médiatique ».
Consécration de sa carrière parlementaire, le député des Landes est élu le 22 janvier 1992 président de l’Assemblée nationale au deuxième tour de scrutin, en obtenant 289 voix contre 225 à Jacques Chaban-Delmas et 32 à Huguette Bouchardeau (apparentée PS). Il demeure au « perchoir » jusqu’au terme de la IXe législature en mars 1993. La facile élection à ce poste (qui suppose une certaine souplesse) d’un homme réputé pourtant parfois rigide, révèle la désunion de l’opposition entre droite et centre (il a manqué une trentaine de voix au maire de Bordeaux). Traumatisés par l’accumulation des affaires concernant leur parti et la perspective d’une défaite sévère lors des prochaines législatives, les députés socialistes ont fait front alors que leurs collègues de l’opposition, alléchés par la perspective d’un retour au pouvoir, ont fait éclater les faux-semblants de l’union. Dans son premier discours de président de l’Assemblée nationale, Henri Emmanuelli fait de la lutte contre le chômage l’objectif essentiel de cette fin de législature et souligne la nécessité d’écarter les citoyens les plus démunis de la tentation d’un vote démagogique d’exclusion. Début août 1992, en pleine campagne pour le traité de Maastricht, le président de l’Assemblée nationale, qui en tant que président du Congrès n’a pu participer à Versailles au vote du 23 juin 1992 du projet de loi constitutionnelle ajoutant à la Constitution un titre « De l’Union européenne », publie chez Flammarion un essai, Plaidoyer pour l’Europe, dans lequel il appelle à soutenir la bataille du chef de l’Etat en faveur du « oui ». L’ouvrage se veut une réponse à la fameuse intervention de Philippe Séguin à l’Assemblée nationale, dans la nuit du 5 au 6 mai 1992. Evoquant la charge du député gaulliste vosgien, Henri Emmanuelli la compare à un chromo d’antan : « C’est confondre une photo jaunie et un film en cinémascope, la réaction et le mouvement ». Pour le président de l’Assemblée nationale, la Constitution française « n’étant ni la tapisserie de Bayeux ni le plafond de la chapelle Sixtine », on ne peut crier au viol dès lors qu’on la soumet à une révision. Au bloc constitutionnel républicain inaltérable et inaliénable brandi par Philippe Séguin, le député des Landes oppose les strates successives qui ont fait la loi fondamentale de la France. Rien n’interdit à la République française « d’adhérer à des ensembles qui la dépassent, elle évoluera par le haut ». Quant à l’union monétaire qui minerait pour les partisans du « non » l’un des piliers de la souveraineté nationale, l’ancien secrétaire d’Etat au budget la considère comme une voie salvatrice : « Qu’avons-nous à perdre ? Rien à quoi nous n’ayons déjà dû renoncer. Qu’avons-nous à y gagner ? Tout ce dont nous pouvons rêver ». Il prendra au moment du référendum sur la Constitution européenne des positions quelque peu différentes... Durant cette législature, Henri Emmanuelli fait partie de la délégation de l’Assemblée nationale pour les Communautés européennes.
Sur le plan militant, vers la fin des années 1980, Henri Emmanuelli continue de renforcer son influence dans les instances dirigeantes du PS, où il combat les partisans de Laurent Fabius, notamment en mai 1988. En juillet 1988, il est nommé secrétaire national à la coordination et à la trésorerie. C’est à partir de cette époque qu’il s’occupe des finances du PS, domaine sensible qui lui vaudra plus tard des ennuis avec la justice. En juin 1989, dans une interview au Monde, le trésorier du parti se prononce pour la mise en place d’une nouvelle législation sur le financement des partis politiques. Après avoir estimé le budget du PS à 90 millions de francs en fonctionnement, il indique que les ressources traditionnelles (subventions publiques et cotisations) ne sont pas suffisantes pour couvrir les dépenses de campagne, et notamment celle des européennes qui viennent alors d’avoir lieu. Le trésorier admet avoir dû « trouver les moyens nécessaires » et dénonce le fait que l’argent collecté au nom du parti n’aille « pas toujours » dans ses caisses. Il s’oppose de nouveau victorieusement à Laurent Fabius lors du difficile congrès de Rennes, en mars 1990, qui voit l’opposition entre Jospiniens et Fabiusiens. Henri Emmanuelli, qui soutient la motion Mauroy/Jospin, est élu secrétaire national au budget, à l’administration et à la trésorerie. Mais Laurent Fabius prend sa revanche en octobre 1990, en imposant à la tête du groupe socialiste de l’Assemblée nationale son candidat, rendu vacant par le départ pour le gouvernement de Louis Mermaz, Jean Auroux, contre Henri Emmanuelli. Rapidement toutefois, les relations se grippent avec Lionel Jospin, entré au gouvernement après 1988. Avec l’usure du pouvoir, les compromis et querelles d’ambition, la multiplication des affaires, la famille mitterrandiste se déchire. La rupture avec Lionel Jospin est bientôt consommée.
Lors des législatives de mars 1993, très difficiles pour un gouvernement de gauche fragilisé par la multiplication des affaires, la crise économique et son échec persistant face au chômage, Henri Emmanuelli parvient néanmoins à prendre la tête au premier tour : il obtient 40, 99 % des voix (en dépit d’une candidature communiste et de deux candidatures écologistes) contre 36,53 % des voix à l’UDF-PR Jacques de Guenin. Au second tour, le député sortant est réélu avec 54,34 % des voix, creusant l’écart avec son concurrent de droite (45,86 %). Il reste dans le groupe socialiste et choisit la commission de la défense nationale et des forces armées. Il la quitte en juin 1993 pour la commission des finances, de l’économie générale et du Plan, dans laquelle il reste jusqu’à sa démission, le 8 juillet 1993, à cause du scandale Urba. Durant cette législature, il est membre de la Délégation de l'Assemblée nationale pour les communautés européennes, d’avril à juillet 1993, puis vice-président de la commission d'enquête sur le Crédit lyonnais, de mai à juin 1994.
Toujours trésorier du parti après le congrès de Rennes de mars 1990, Henri Emmanuelli a dû mettre en place les structures de financement prévues par la loi du 15 janvier 1990. Le 11 juillet 1992, au moment de l’ouverture du congrès du PS à Bordeaux, Le Monde annonce que l’ancien trésorier national du PS va être mis en examen dans l’affaire Urba. Très liée au PS, Urba est une PME qui vend son influence aux chefs d’entreprise désireux d’obtenir des marchés publics auprès des mairies socialistes. La Police judiciaire saisit en avril 1989 des documents comptables de l’entreprise révélant des dessous-de-table perçus par Urba et permettant le financement indirect du PS. Or, la loi de janvier 1990, qui amnistie les financements politiques illicites, n’a pas inclus les faits de corruption, d’ingérence ou de trafic d’influence. Henri Emmanuelli, trésorier du PS, se retrouve donc mis en cause pour des faits de trafic d’influence non couverts par la nouvelle loi. A partir de procès-verbaux de déclarations de l’ancien secrétaire fédéral de la Sarthe, le juge Thierry Jean-Pierre ouvre, début 1991, une information judiciaire pour extorsion de fonds qui met progressivement en lumière le financement illégal du PS. Le juge ayant été dessaisi du dossier, celui-ci est confié au juge Renaud Van Ruymbeke, conseiller à la chambre d’accusation de Rennes. C’est lui qui inculpe Henri Emmanuelli, en juillet 1992, de complicité et recel de trafic d’influence « pour avoir à la fois aidé et assisté les sociétés Urba et Gracco et bénéficié pour le compte du parti des fonds collectés ». Un an plus tard, le député est renvoyé devant le tribunal correctionnel de Saint-Brieuc. Pour la chambre d’accusation, « le trésorier national du parti exerçait une véritable tutelle sur les dirigeants d’Urba-Gracco (…) Il était parfaitement informé du caractère fictif de son activité en tant que bureau d’études et de sa seule destination, à savoir le financement du PS à hauteur de 60 % ».
Dénonçant « l’acharnement » dont auraient fait preuve les magistrats, Henri Emmanuelli démissionne de l’Assemblée nationale et en appelle à ses électeurs contre les juges. Il est réélu dès le premier tour (dépassant de justesse les 50 % des voix), lors de l’élection législative partielle organisée en septembre 1993. Son principal adversaire de droite, Jacques de Guenin n’a pu faire mieux, 36,87 % des suffrages, que son score de mars 1993. Henri Emmanuelli a pu compter sur Michel Rocard, venu le soutenir sur place lors d’un meeting le 10 septembre. Il retrouve le groupe socialiste et choisit la commission des finances, de l’économie générale et du Plan. Il la quitte en octobre 1994 pour la commission des affaires culturelles, familiales et sociales avant de retrouver, en octobre 1996, la commission des finances, de l’économie générale et du Plan. Le courage dont il a fait preuve durant l’affaire Urba lui vaut l’estime de beaucoup de militants socialistes. Henri Emmanuelli, qui a appuyé la désignation de Michel Rocard en avril 1993 à la tête du PS, refait alliance avec Laurent Fabius début juin 1994 après le revers socialiste aux élections européennes pour prendre la succession d’un Michel Rocard fragilisé. Il est élu premier secrétaire du Parti socialiste à titre provisoire, le 19 juin 1994, lors du conseil national de la Villette, après avoir battu son seul concurrent, le « jospinien » Dominique Strauss-Kahn (140 voix contre 64), avec l'appui des « fabiusiens » dont il se rapproche alors. Il est réélu à ce poste lors du congrès de Liévin, le 20 novembre 1994, avec 92,15 % des voix des militants et le soutien de Laurent Fabius, Lionel Jospin, Michel Rocard, Pierre Mauroy et Jean Poperen. Fidèle à ses convictions, il profite du congrès pour « donner un coup de barre à gauche ».
Mais le retour en puissance de Lionel Jospin casse cette dynamique. Les deux hommes, qui se sont éloignés au fur et à mesure que se déchirait la famille mitterrandiste, s’affrontent en février 1995 face aux militants pour la désignation du candidat socialiste à l’élection présidentielle qui a lieu au printemps. Après avoir proposé à Jacques Delors de représenter le parti lors de ce scrutin, Henri Emmanuelli se lance personnellement dans l’aventure. Il obtient le soutien de plusieurs éléments de poids au sein du parti comme Raymond Forni et Julien Dray. Il peut également bénéficier de l’appui des fabiusiens et même des radicaux emmenés par Jean-François Hory et Bernard Tapie, avec lequel il se réconcilie de manière stratégique. Henri Emmanuelli, soutenu puis abandonné au dernier moment par Laurent Fabius, est battu à la primaire où il n’obtient que 34,15 % des voix. Lionel Jospin, fort de son score de 47,3 % au second tour de la présidentielle, devient le leader incontesté du PS. Le député des Landes s’efface, cède en octobre sa place de premier secrétaire du parti mais continue à faire entendre sa voix au sein des débats du parti. Il souhaite sortir de « la pensée dominante » et renouer avec l’électorat populaire, la jeunesse, le monde associatif et syndical, avec les autres composantes de la gauche. Mais Henri Emmanuelli incarne alors, avec d’autres, ces années Mitterrand que le PS, désormais sous la férule de Lionel Jospin, veut oublier au plus vite.
Henri Emmanuelli est par ailleurs mis en cause par la justice. En mai 1995, il peine à convaincre le tribunal que le vrai responsable de l’affaire est le PDG d’Urba, Gérard Monate. L’ancien trésorier du PS est condamné à un an de prison avec sursis et 30 000 F d’amende pour recel de trafic d’influence. « M. Emmanuelli n’a pas matériellement détenu les fonds collectés illicitement dans la Sarthe par les sociétés du groupe Urba » note le tribunal, « en revanche le dossier contient la preuve que M. Emmanuelli a personnellement et en connaissance de cause participé (…) aux opérations de transmission des fonds collectifs au moyen de trafic d’influence », avant d’ajouter que les prévenus ont manifesté « un total mépris de la morale civique ». Six mois plus tard, devant la cour d’appel de Rennes, Henri Emmanuelli affirme à nouveau qu’il ignorait le détail des activités d’Urba. Dans l’arrêt rendu le 13 mars 1996, les magistrats insistent pourtant sur les relations suivies avec Gérard Monate et alourdissent la peine de l’ancien trésorier. Celui-ci se voit désormais infliger 18 mois de prison avec sursis, 30 000 F d’amende et deux ans de privation de droits civiques.
Après avoir longuement hésité, le député, facilement réélu au second tour des législatives anticipées de mai 1997, en obtenant 60,93 % des voix face à l’UDF Pierre Dufourcq (39 %), forme un pourvoi en cassation, son avocat Alain Monod estimant dans son mémoire que l’arrêt de la cour d’appel de Rennes est insuffisamment motivé lorsqu’il aborde notamment le chapitre de la responsabilité personnelle de l’ancien trésorier. Mais la Cour de cassation rejette ce pourvoi en décembre 1997 alors même que le Parquet général avait réclamé une annulation de la décision de la Cour d’appel de Rennes, estimant également que la condamnation de l’ancien trésorier du PS était insuffisamment motivée. La décision de la Cour de cassation entraîne la déchéance des mandats électoraux d’Henri Emmanuelli.
Membre du groupe socialiste et président de la commission des finances, membre de la délégation de l'Assemblée nationale pour la planification et président de l’Office parlementaire d'évaluation des politiques publiques, Henri Emmanuelli démissionne de son mandat le 17 décembre 1997. Le socialiste Augustin Bonrepaux, député de l’Ariège, le remplace à la présidence de la commission des finances. Henri Emmanuelli démissionne également, le 22 décembre, de son mandat de conseiller général des Landes et, par là même, de ses fonctions de président de l’assemblée départementale. L’intéressé vit très mal cette condamnation, estimant qu’il paie pour le parti, tandis que les manifestations de solidarité émanant de la rue de Solférino se font rares.
En novembre 1998, Henri Emmanuelli lance Le Quotidien de la République, qui se veut le « Figaro de la gauche » mais le nouveau journal cesse de paraître après onze numéros. Le 17 décembre 1999, il retrouve ses droits civiques. Dès la Fête de la rose, en septembre 1999, l’ancien député avait annoncé son intention de récupérer les mandats électoraux dont il avait dû se démettre. « Je retournerai au début de l’année prochaine devant le suffrage universel, le seul souverain à qui je reconnaisse le droit de siffler ou de ne pas siffler la fin de la partie ». Le souhait d’Henri Emmanuelli de retrouver son siège au Palais-Bourbon entraîne une élection législative partielle. Joël Goyheneix, élu député de la circonscription en janvier 1998 (avec 53,77 % des suffrages au premier tour) après la démission d’Henri Emmanuelli, démissionne de l’Assemblée nationale pour permettre à son ami de se présenter. Le 6 février 2000, le candidat PS est facilement réélu député de la troisième circonscription des Landes au second tour face à son rival de droite, le candidat Démocratie libérale (DL) Robert Lucas, avec 65,28 % des voix (Robert Lucas dépose un recours en annulation qui n’aboutira pas). Christian Pontarrasse, maire PS de Mugron et conseiller général du canton de Mugron depuis mars 1998, annonce également qu’il abandonne ce dernier mandat pour permettre à Henri Emmanuelli d’être de nouveau candidat dans ce canton à la faveur d’une cantonale partielle. Robert Cabé, président PS du conseil général des Landes depuis mars 1998 (suppléant de Joël Goyheneix depuis janvier 1998 après avoir été le suppléant d’Henri Emmanuelli au Palais-Bourbon), annonce dès septembre 1999, qu’il quittera pour sa part la présidence de l’assemblée départementale pour permettre à Henri Emmanuelli de retrouver la présidence du conseil général. C’est chose faite le 8 février. L’ancien député remet ainsi en place très vite toutes les pièces de son réseau d’influence national et local.
Dans la foulée, le député publie chez Ramsay un roman intitulé Citadelles interdites. Ce premier roman, écrit à 54 ans, transpose dans la fiction, de manière assez transparente, les déboires encore récents de l’ancien trésorier du PS. Difficile en effet de ne pas reconnaître Henri Emmanuelli dans ce banquier né en Aquitaine qui, après avoir eu le malheur de croiser des terroristes basques sur son chemin, voit la machine judiciaire le broyer : emprisonnement, acharnement des juges et solitude extrême. Ce livre est l’occasion pour l’élu socialiste de régler ses comptes avec un système inquisitorial à ses yeux, ces juges, policiers, avocats, journalistes, politiques qui affirment défendre la justice, la morale et la vérité qui constituent autant de « citadelles interdites ». Si cette œuvre de fiction permet à son auteur de « s’exprimer d’une façon inconnue en politique » (« la littérature c’est la liberté absolue, la politique c’est la somme de toutes les contraintes »), elle joue aussi le rôle d’exutoire et de réhabilitation pour un parlementaire qui, bien que n’ayant pas passé un jour derrière les barreaux, a vécu sa condamnation comme une mise à l’index infamante.
De retour à l’Assemblée nationale, Henri Emmanuelli reste fidèle au groupe socialiste et à la commission des finances, de l’économie générale et du Plan. Il siège aussi à la commission spéciale chargée d'examiner la proposition de loi organique relative aux lois de finances, d’octobre 2000 à juin 2002 et à l’Office parlementaire d'évaluation des politiques publiques, de février 2000 à janvier 2001. Henri Emmanuelli fait vite entendre sa différence au sein du groupe. En rupture avec la tonalité jospiniste ambiante, il se démarque sur différents sujets : application de la parité, indépendance de la justice, cumul des mandats, régulation économique et épargne salariale. Si officiellement la direction socialiste se réjouit de la réintégration du député des Landes, en réalité son retour inquiète ceux qui voient d’un mauvais œil une possible alliance entre l’ancien président de l’Assemblée nationale et la « gauche socialiste » dans la perspective du congrès de Grenoble en novembre 2000. De fait, Henri Emmanuelli ne cache plus son hostilité aux tendances sociales-libérales dont l'influence grandit alors chez les socialistes européens (Tony Blair au Royaume-Uni et Gerhard Schröder en Allemagne) et français (Lionel Jospin). Pourtant, au congrès de Grenoble, les deux courants de gauche ne s’unissent pas face à la motion majoritaire portée par François Hollande et qui, soutenue par Pierre Mauroy, Laurent Fabius, Michel Rocard et Lionel Jospin, obtient 73,2 % des voix. La liste « Démocratie et égalité » d’Henri Emmanuelli et de ses amis Alain Vidalies et Christian Bataille obtient 13,78 % des voix (seuls neuf parlementaires signent la motion dont quatre issus des Landes…), tandis que la « Gauche socialiste » ne dépasse pas les 13,28 %. Le député se situe résolument dans une opposition interne et plaide pour un PS davantage ancré à gauche. Mais Henri Emmanuelli est de plus en plus isolé. Au sein du groupe PS à l’Assemblée nationale, seuls cinq députés votent avec lui contre le compromis élaboré sous l’égide de Matignon à propos de la fiscalité des stock-options. Celui qui a présidé aux destinées du PS de juin 1994 à octobre 1995 peut mesurer l’étendue de sa solitude politique. Alors qu’il avait rêvé à l’été 2000 de fédérer tous les courants de la gauche du PS (la Gauche socialiste et les anciens poperénistes), il ne peut plus compter sur des appuis solides. Juste avant son retour à l’Assemblée nationale, ses derniers amis, présents dans les instances dirigeantes du parti, ont rejoint le club de réflexion créé par le ministre de l’Agriculture, Jean Glavany. Marginalisé, Henri Emmanuelli radicalise alors ses engagements.
Cette ligne plus dure, qui s’exprime dans des articles parfois provocateurs, comme celui de Libération, le 27 mars 2001 : « La gauche, à quel prix le mètre carré ? »), Henri Emmanuelli tente de la structurer sur le plan militant créant, en mai 2001, un club Démocratie-Egalité, dont le secrétaire général est l’économiste Liem Hoang-Noc, initiateur de « l’appel des économistes pour sortir de la pensée unique ». Pour le président de la commission des finances, la gauche semble condamnée par le jeu de la mondialisation à ne plus proposer qu’un social-libéralisme d’inspiration anglo-saxonne qui met à mal la démocratie et creuse les inégalités. « Le politique renonçant peu à peu à réguler l’économie, le citoyen en vient à douter de l’utilité du bulletin de vote ». Dans ce contexte, le club Démocratie-Egalité appelle de ses vœux « la résurgence de la politique face à la marchandisation de la société » et se donne comme mission de « réhabiliter le dialogue entre la gauche intellectuelle, la gauche sociale et la gauche politique ».
Lors des législatives de juin 2002, Henri Emmanuelli est facilement réélu, au second tour, député socialiste de la 3e circonscription des Landes en battant largement, avec 60,47 % des voix exprimées le candidat de l’Union pour la majorité présidentielle (UMP) Robert Lucas (39,53 %). Il reste au groupe socialiste et à la commission des finances, de l’économie générale et du Plan. En 2002, après l’éclatement de la Gauche socialiste, il crée avec Jean-Luc Mélenchon le courant Nouveau Monde. On y trouve les éléments du club Démocratie-Egalité proches des ex-poperénistes et les adhérents de Forces militantes de Marc Dolez. Tous participent en 2004 à une université d’été près de Douai. Nouveau Monde dispose de relais auprès du Mouvement des jeunes socialistes (MJS) et de la tendance « Majorité nationale » de l’Union nationale des étudiants de France (UNEF). Début 2005, l’organisation, partisane du « non » à la Constitution européenne est mise en sommeil par Jean-Luc Mélenchon après la victoire du « oui » au référendum interne au PS. Au Palais-Bourbon, Henri Emmanuelli vote, en 2003, contre le projet de loi constitutionnelle relative à l’organisation décentralisée de la République. De la fin janvier 2003 à la fin mars 2005, il est rapporteur spécial au nom de la commission des finances sur le budget des affaires étrangères, de la coopération et de la francophonie (coopération et développement). Sur le plan judiciaire, mis en examen pour trafic d’influence dans le cadre de l’affaire Destrade, il bénéficie en août 2004 d’un non-lieu. Cette affaire avait éclaté début 1995 à la suite des déclarations de l’ancien député PS des Pyrénées-Atlantiques, Jean-Pierre Destrade, mis en examen pour escroqueries, recel d’abus de biens sociaux et faux en écritures privées et usage de faux. Celui-ci avait déclaré à la justice avoir développé au début des années 1990 un réseau de trafic d’influence « à la demande d’Henri Emmanuelli en tant que correspondant du PS pour l’implantation des grandes surfaces ». L’élu aurait fait entrer cinq millions d’euros dans les caisses du PS et du Mouvement des radicaux de gauche (MRG). Le PS avait toujours nié toute implication dans ces éventuels financements occultes, rejetant implicitement la responsabilité sur Jean-Pierre Destrade.
En 2005, lors de la campagne référendaire sur le traité établissant une Constitution européenne, Henri Emmanuelli fait campagne pour le « non » et s’oppose ouvertement à la position officielle de la direction socialiste, favorable au traité. Il fonde alors les « collectifs socialistes pour le non ». Le député estime que le projet empêchera l’Union européenne de se doter des outils nécessaires à la protection de l'industrie française et européenne menacée par les délocalisations, mais aussi organisera la concurrence entre les pays membres au lieu d'en faire une zone politique et économique intégrée et solidaire. Le 1er février 2005, il s’abstient, comme Claude Bartolone, Laurent Fabius, Arnaud Montebourg, Paul Quilès, Christiane Taubira et Manuel Valls, lors du vote du projet de loi constitutionnelle modifiant le titre XV de la Constitution. La campagne du « non » provoque la recomposition de l'aile gauche du PS. Alors que Jean-Luc Mélenchon se rapproche de Laurent Fabius en vue du congrès du Mans, Henri Emmanuelli crée un nouveau courant : Alternative socialiste. Il est rejoint par Marc Dolez (Forces militantes) et Gérard Filoche (Nouveau parti socialiste-NPS). Alternative socialiste fusionne avec le NPS à la mi-septembre 2005 pour déposer une motion commune lors du congrès du Mans. En novembre 2005, le congrès du PS reconduit François Hollande à la tête du parti ainsi que la majorité sortante (motion 1). Henri Emmanuelli, membre du bureau national du parti jusqu’en mars 200, se voit chargé d’organiser les Etats généraux du Projet (le programme du PS pour la présidentielle de 2007). Au sein du NPS, le député des Landes reste une figure de la gauche socialiste, aux côtés de Benoît Hamon.
Après la présidentielle de mai 2007 qui conduit Nicolas Sarkozy à l’Elysée, les législatives des 10 et 17 juin voient Henri Emmanuelli, en dépit d’un très grand nombre de candidatures au 1er tour, facilement reconduit dans son siège de député socialiste de la troisième circonscription des Landes. Il écrase au second tour, avec un score de 58, 79 % des voix, son nouveau rival l’UMP Arnaud Tauzin, qui ne rassemble que 41, 21% des suffrages exprimés. Si, à l’évidence, les Landes constituent un bastion pour le PS puisque les trois circonscriptions en jeu sont remportées par des socialistes, l’examen des reports de voix par rapport au premier tour révèle qu’une fois de plus, le candidat socialiste a mordu au-delà du seul électorat de gauche. A l’évidence, la forte personnalité du député sortant et son ancrage local ont joué autant que son étiquette militante. A l’Assemblée nationale, il reste fidèle au groupe socialiste et à la commission des finances, de l’économie générale et du Plan. De juillet à décembre 2010, l’ancien banquier est président de la commission d'enquête sur les mécanismes de spéculation affectant le fonctionnement des économies. D’octobre 2008 à juin 2012, il appartient au groupe de travail Assemblée nationale/Sénat sur la crise financière internationale (crise des subprimes). Il est également membre en juillet 2008 de la mission d’information sur la révision des lois bioéthiques. Lors du congrès PS de Reims en 2008, Henri Emmanuelli présente la contribution « Reconquêtes » et soutient ensuite, avec le reste de l’aile gauche du PS (Marie-Noëlle Lienemann, Paul Quilès, Gérard Filoche, Pierre Larrouturou, Jean-Luc Mélenchon et Marc Dolza), la motion « Un Monde d’Avance » menée par Benoit Hamon, qui se porte candidat au poste de Premier secrétaire.
Lors des législatives de juin 2012 qui suivent l’élection de François Hollande à la présidence de la République, les trois députés socialistes sortants dans les Landes sont réélus : Alain Vidalies, Jean-Pierre Dufau et Henri Emmanuelli. Ce dernier obtient, dès le premier tour, 56,07 % des suffrages exprimés. Il devance largement sa principale concurrente, Maria-Filoména Labaste, UMP, qui récolte 21,36 % des suffrages. Il reste dans le groupe socialiste et à la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Durant cette législature, il soutient la déclaration de politique générale du gouvernement de Jean-Marc Ayrault (3 juillet 2012) mais n’hésite pas à voter contre certaines mesures qu’il désapprouve. Il vote ainsi contre le projet de loi autorisant la ratification du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'Union économique et monétaire (9 octobre 2012) et s’abstient lors du vote des projets de loi relatifs à la sécurisation de l'emploi (9 avril 2013). Le 10 juillet 2012, Henri Emmanuelli est nommé membre de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations, commission dont il devient le président, le 17 juillet 2012. Le même jour, il cosigne l'appel à la légalisation du cannabis intitulé « Le laxisme, c'est de ne rien changer » – ouvert sur les questions de société, il avait déjà soutenu en 1999 la proposition de loi relative au pacte civil de solidarité et le projet de loi relative à l’égalité entre les femmes et les hommes.
Le député des Landes frappe les esprits en s’abstenant, avec 23 autres députés socialistes, lors du vote suivant la déclaration de politique générale du gouvernement de Manuel Valls, le 8 avril 2014. Sans verser dans une logique d’opposition, Henri Emmanuelli se montre de plus en plus critique au Palais-Bourbon. Il s’abstient, lors du vote suivant la déclaration du gouvernement, sur le projet de programme de stabilité pour 2014-2017 (29 avril 2014) et sur l'ensemble du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014 (8 juillet 2014). Il vote contre le projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral (23 juillet 2014). Il s’abstient de nouveau, lors du vote suivant la déclaration de politique générale du deuxième gouvernement de Manuel Valls (16 septembre 2014). Il s’abstient encore, avec d’autres membres de l’aile gauche du PS, lors de l’examen du projet de loi de programmation des finances publiques 2014-2019 (21 octobre 2014), puis sur l'ensemble du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 (28 octobre 2014). Il soutient en revanche la déclaration de politique générale du gouvernement de Bernard Cazeneuve (13 décembre 2016).
A partir du milieu des années 2010, Henri Emmanuelli, affaibli par une neuropathie dégénérative et quelque peu marginalisé au sein du paysage politique national, se concentre sur ses responsabilités locales. En mars 2015, il est élu conseiller territorial du canton de Coteau de Chalosse, en tandem avec Odile Lafitte. Le 2 avril suivant, il est reconduit à la présidence du conseil général des Landes. Alors qu'à l'été 2016, il souhaitait soutenir une nouvelle candidature de François Hollande, « la seule candidature légitime » selon lui, il apporte finalement en janvier 2017 son soutien pour la primaire citoyenne à Benoît Hamon. Henri Emmanuelli décède d’une bronchite dans sa 72e année, le 21 mars 2017, à l’hôpital de Bayonne où il avait été admis quelques jours plus tôt. Après une cérémonie d’obsèques à l’église de la Madeleine de Mont-de-Marsan, un hommage républicain lui est rendu le 25 mars 2017, en présence du Premier ministre Bernard Cazeneuve et du Président François Hollande qui usera de la formule suivante à propos du défunt : « Des certitudes en granit et une tendresse en argile ». Henri Emmanuelli est inhumé dans le cimetière de la commune de Laurède où il avait élu domicile en 1978.
A droite comme à gauche, ses adversaires lui ont souvent reproché son tempérament colérique et l’ont beaucoup critiqué pour ses formules à l’emporte-pièce (« Je préférerai toujours être une brute de gauche qui marche plutôt qu’un intellectuel parisien anesthésié » avait-il déclaré en septembre 1993). Mais ses amis et électeurs l’ont estimé pour la fougue et le talent avec lequel il était resté fidèle à ses convictions politiques de jeunesse (en matière notamment de justice sociale et de respect de la laïcité), à la fidélité aussi qu’il avait manifestée à l’égard de François Mitterrand, sans jamais tomber dans la courtisanerie. S’il le défendit lors de la polémique sur Vichy, il n’hésita pas à affronter le chef de l’Etat lorsque ce dernier entreprit, au début du second septennat, de placer Laurent Fabius à la tête du PS. Celui que les militants socialistes des Landes appelaient affectueusement « Ricou », présente un parcours modèle de socialiste engagé jusqu’au poste suprême de Premier secrétaire. Cet affectif bourru participa aux terribles luttes de courants internes du parti dans les années 1990, alternant au gré de la conjoncture politique les alliances avec les camps Jospin/Rocard/Fabius, avant d’incarner avec d’autres (Jean-Luc Mélenchon, Benoît Hamon, Arnaud Montebourg et Gérard Filoche) l’aile gauche de plus en plus contestataire du PS dans les années 2000. Il préféra à l’évidence la fonction tribunitienne à l’exercice du pouvoir. Si l’homme politique est encore associé dans la mémoire collective à l’affaire Urba, un scandale qui l’avait profondément ébranlé et dont il avait voulu laver l’affront devant le suffrage universel, Henri Emmanuelli reste d’abord un grand élu local (président du conseil général des Landes de 1982 à 1997 puis de 2000 à 2017) et un grand parlementaire. Député des Landes, constamment réélu de 1978 à 2017, président de la commission des finances en 1991-1992, en 1997 puis de 2000 à 2002, président de l’Assemblée nationale en 1992-1993, il a marqué le Palais-Bourbon pendant neuf législatures par sa forte personnalité, son éloquence enlevée et sa très grande maîtrise des dossiers économiques. Le 16 mai 2017, une plaque en son honneur est inaugurée dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale.