Omar Farah Iltireh
1933 - 2008
FARAH ILTIREH (Omar)
Né le 1er janvier 1933 à Ali Sabieh (Côte française des Somalis)
Décédé le 6 mai 2008 à Paris
Député du Territoire français des Afars et des Issas de 1973 à 1978
Omar Farah Iltireh naît en 1933 dans la Côte française des Somalis, ce territoire colonial situé dans la corne de l’Afrique, autour du golfe de Tadjourah, à l’embouchure de la Mer rouge et du Golfe d’Aden. La France avait pris possession du « territoire d’Obock » en 1862, en signant un traité avec le sultan de Tadjourah mais s’était vraiment installée sur place à partir de 1884. Rapidement, le gouvernement s’était rendu compte de l’intérêt stratégique de cette escale, qui contrôlait d’un côté l’accès à la Mer Rouge et par là-même au canal de Suez, et ouvrait de l’autre sur l’Océan indien, c’est-à-dire sur les comptoirs français des Indes, Madagascar et surtout l’Indochine. Les Anglais, installés à Aden, avaient accepté la présence des Français qui, en 1888, avaient consolidé leurs positions en construisant le port de Djibouti. Ce territoire, peuplé de Somalis subdivisés en plusieurs clans, dont les Afars au nord et les Issas au sud, connaît un certain dynamisme économique à partir de la construction en 1897 du chemin de fer reliant Addis-Abeba, capitale de l’Ethiopie indépendante, et Djibouti qui devient le débouché portuaire de toute l’Abyssinie. La Côte française des Somalis, espace désertique bordé au nord par l’Erythrée italienne et au sud par la Somalie britannique, vit essentiellement de son port, du chemin de fer, et des salines, tout en abritant une importante garnison. Après la Seconde Guerre mondiale, le territoire connaît une croissance démographique spectaculaire, doublant sa population pour atteindre plus de 40 000 habitants au début des années 1960. Mais les tensions sont vives entre Afars et Issas pour le contrôle de la principale source de revenus : les emplois du port. Par ailleurs, l’accès à l’indépendance en 1960 de la Somalie, incite certains habitants à rejeter la tutelle coloniale française.
Les violences s’intensifient en août 1966 à l’occasion d’une escale à Djibouti du général de Gaulle qui se rend en Asie du Sud-Est. Choqué par des manifestations en faveur de l’indépendance, le chef de l’Etat refuse de recevoir des délégations d’opposants (du Parti du mouvement populaire et de l’Union démocratique Afar) et exige que l’on fasse dégager la place où il doit tenir un discours. L’intervention très brutale des forces de l’ordre avive les tensions. C’est dans ce contexte troublé qu’Omar Farah Iltireh, un instituteur issa, se lance activement dans la vie politique locale. Il avait participé, en 1957, aux côtés de Mahmoud Harbi, à la création d’un parti, l’Union démocratique issa (UDI) qui, fin 1958, avait appelé les Djiboutiens à voter en faveur de la souveraineté française dans le cadre de la Communauté. Après la disparition dans un accident d’avion en Italie de Mahmoud Harbi, Omar Farah Iltireh était devenu une des figures de l’UDI qui, dans la première moitié des années 1960, regroupait les Issas adversaires du Parti du mouvement populaire (PMP), de plus en plus acquis à l’indépendance.
Lors de la campagne référendaire de mars 1967 sur l’indépendance du territoire ou son maintien dans le giron français, Omar Farah Iltireh s’engage en faveur de la souveraineté française. Le « oui » à la France l’emporte largement avec 60,6 % des suffrages mais dans des conditions jugées très suspectes par les opposants qui évoquent irrégularités, fraudes et pressions de l’administration. A la suite de ce scrutin émaillé de violences, la Côte française des Somalis devient le Territoire français des Afars et des Issas (TFAI). Si l’on note quelques changements politico-administratifs, le territoire reste sous la tutelle française. Il est dirigé par Ali Aref Bourhan, un membre des réseaux gaullistes nommé vice-président du conseil du gouvernement en avril 1967. En novembre 1968, il remporte les élections territoriales et c’est sur sa liste que figure Omar Farah Iltireh qui intègre l’assemblée locale. Dans la foulée, ce dernier est nommé ministre de la Fonction publique dans le gouvernement du territoire.
Lors des législatives de mars 1973, Omar Farah Iltireh est candidat dans l’unique circonscription du territoire. Avec le soutien de l’administration, il écrase son adversaire, Ibrahim Harbi Farah, le frère du militant nationaliste Mahmoud Harbi, en rassemblant 74 % des suffrages exprimés. Au Palais-Bourbon, il rejoint le groupe gaulliste de l’Union des démocrates pour la République (UDR) et la commission de la Défense nationale et des forces armées. Il interroge le gouvernement à deux reprises, en juin 1974, sur la participation des jeunes ressortissants des Afars et des Issas aux concours métropolitains de recrutement dans l'administration générale et la police et, en novembre 1974, sur la situation des militaires du territoire des Afars et des Issas et plus précisément sur les conditions d’attribution de la prime spéciale dite prime d'éloignement. Il profite de l’examen des projets de loi de finances pour évoquer la situation de son territoire mentionnant, en novembre 1974, les besoins des populations locales, le groupement nomade autonome et l’équipement du port de Djibouti, soulignant en novembre 1976 les problèmes des jeunes recrues de Djibouti dans l’armée française. Il approuve le projet de loi dit Royer d’orientation du commerce et de l’artisanat (loi du 27 décembre 1973). Il soutient le projet de loi Simone Veil relative à l’interruption volontaire de grossesse (loi du 17 janvier 1975). Il vote en faveur du projet de loi portant réforme du divorce (loi du 11 juillet 1975).
En novembre 1973, le parti d’Ali Aref Bourhan, Union dans l’ensemble français, remporte les élections territoriales où il gagne la totalité des sièges. Omar Farah Iltireh soutient toujours le chef du gouvernement local. Celui-ci, qui a imprudemment appuyé la candidature de Jacques Chaban-Delmas lors de la présidentielle de 1974, perd l’appui de l’Elysée après l’arrivée au pouvoir de Valéry Giscard d’Estaing. Il s’efface de la vie politique locale en juillet 1976, cédant la présidence du gouvernement à Abdallah Mohamed Kamil. A partir de 1975, se repose la question de l’indépendance du TFAI, dernier territoire africain encore colonisé après l’accession à l’indépendance des possessions portugaises sur le continent. En tant que député de TFAI, Omar Farah Iltireh participe aux négociations de Paris de février 1977 sur la future indépendance du territoire. En novembre 1976, il était intervenu à l’Assemblée nationale pour rappeler la nécessité de favoriser le dialogue entre les différents partis politiques du territoire dans l’optique de la future indépendance.
En mai 1977, un référendum voit 98,8 % du corps électoral local se prononcer en faveur de l’indépendance et, le 27 juin, le Territoire français des Afars et Issas devient la République de Djibouti avec Hassan Gouled Aptidon comme premier président. Omar Farah Iltireh, qui reste en titre député français jusqu’au terme de la législature en avril 1978, occupe après l’indépendance les fonctions de chargé d’affaires de l’ambassade de Djibouti à Addis-Abeba. Il sera aussi consul général de Djibouti dans la ville éthiopienne de Dire-Dawa. Son fils, Ahmed Omar Farah, épouse en 1975 Warmog Ahmed Abar, première femme du second président djiboutien, Ismaïl Omar Guelleh, et sera ambassadeur de Djibouti en France en 1989.
Omar Farah Iltireh décède le 6 mai 2008 à 75 ans.