Edgar Faure

1908 - 1988

Informations générales
  • Né le 18 août 1908 à Béziers (Hérault - France)
  • Décédé le 30 mars 1988 à Paris (Paris - France)

Mandats à l'Assemblée nationale ou à la Chambre des députés

Présidence(s)

Présidence de l'Assemblée nationale
du 2 avril 1973 au 2 avril 1978

Mandat(s)

Régime politique
Quatrième République - Assemblée nationale
Législature
Ire législature
Mandat
Du 10 novembre 1946 au 4 juillet 1951
Département
Jura
Groupe
Républicain radical et radical-socialiste
Régime politique
Quatrième République - Assemblée nationale
Législature
IIe législature
Mandat
Du 17 juin 1951 au 1er décembre 1955
Département
Jura
Groupe
Républicain radical et radical-socialiste
Régime politique
Quatrième République - Assemblée nationale
Législature
IIIe législature
Mandat
Du 2 janvier 1956 au 8 décembre 1958
Département
Jura
Groupe
Rassemblement des gauches républicaines et du centre républicain
Régime politique
Cinquième République - Assemblée nationale
Législature
IIIe législature
Mandat
Du 5 mars 1967 au 7 mai 1967
Département
Doubs
Groupe
Union démocratique pour la V° République
Régime politique
Cinquième République - Assemblée nationale
Législature
IVe législature
Mandat
Du 23 juin 1968 au 12 août 1968
Département
Doubs
Groupe
Union des démocrates pour la République
Régime politique
Cinquième République - Assemblée nationale
Législature
Ve législature
Mandat
Du 4 mars 1973 au 2 avril 1978
Département
Doubs
Groupe
Union des démocrates pour la République
Régime politique
Cinquième République - Assemblée nationale
Législature
VIe législature
Mandat
Du 3 avril 1978 au 28 septembre 1980
Département
Doubs
Groupe
Rassemblement pour la République

Mandats au Sénat ou à la Chambre des pairs

Sénateur
du 28 avril 1959 au 1er octobre 1965
Sénateur
du 2 octobre 1965 au 8 février 1966
Sénateur
du 2 octobre 1980 au 30 mars 1988

Gouvernement

Chef du Gouvernement
du 20 janvier 1952 au 29 février 1952
Chef du Gouvernement
du 23 février 1955 au 24 janvier 1956

Fonds d'archives

Un fonds d’archives Edgar Faure est conservé aux Archives nationales sous la cote 505AP 1-345. Il a été donné par Edgar Faure, Sylvie Faure et Georgette Elgey entre 1978 et 1997. Décrit dans un état sommaire, il est librement communicable et représente 70 mètres linéaires. On y trouve des papiers personnels, des dossiers relatifs à son activité de professeur à la faculté de droit de Dijon et à son activité d’avocat. Le fonds se compose également de dossiers concernant ses mandats politiques, comme secrétaire général adjoint du gouvernement provisoire, président du Conseil, ministre et président de l’Assemblée nationale mais aussi concernant son engagement politique en Franche-Comté, dans le Jura, puis dans le Doubs. D’autres dossiers concernent ses mandats de président du Comité d’expansion économique de Franche-Comté et du territoire de Belfort, puis de la commission de développement économique régionale de Franche-Comté, et de président de la commission Unesco sur l’éducation. Enfin, le fonds se compose d’ouvrages, discours, conférences, articles, interviews, documentation, publications, coupures de presse, enregistrement audiovisuels et photographies.

Par ailleurs, les Archives nationales conservent l'enregistrement de l'entretien radiodiffusé d'Edgar Faure avec un journaliste (Radio Monte-Carlo) sur sa vie, sous la cote 5 AV 55.

De plus amples informations sont disponibles sur le site Inetrnet des Archives nationales.

Biographies


Né le 18 août 1908 à Béziers (Hérault)

Décédé le 30 mars 1988 à Paris

Député du Jura de 1946 à 1958

Secrétaire d'Etat aux Finances du 13 février 1949 au 2 juillet 1950

Ministre du Budget du 2 juillet 1950 au 11 août 1951

Garde des Sceaux, ministre de la justice du 11 août 1951 au 20 janvier 1952

Président du Conseil, ministre des finances du 20 janvier au 8 mars 1952

Ministre des Finances et des Affaires économiques du 28 juin 1953 au 20 janvier 1955

Ministre des Affaires étrangères du 20 janvier au 23 février 1955

Président du Conseil du 23 février 1955 au 1er février 1956

Ministre des Finances, des Affaires économiques et du Plan du 14 mai 1958 au 1 er juin 1958

Edgar Faure est de ces présidents du Conseil qui font dire que les hommes politiques de la Quatrième République furent supérieurs aux institutions. Doté d'une intelligence souple et étendue, maniant le paradoxe dans une dialectique subtile, Edgar Faure attacha son nom aux grandes questions du moment : assainissement de l'économie, Europe, décolonisation.

Edgar Faure est né le 18 août 1908 à Béziers. Il parcourt la France au gré des affectations de son père, médecin-militaire. Elève précoce, il obtient le grade de bachelier à quinze ans ; curieux de tout et de toutes choses, il apprend le russe à l'Ecole des langues orientales tout en suivant des études de lettres et de droit. Passionné depuis son plus jeune âge par la politique, il fait une incursion à l'Action française, le temps de se rendre compte de son erreur. Licencié en droit à dix neuf ans, il s'inscrit au barreau de Paris. Il est alors le plus jeune avocat de France. Un an plus tard, ses pairs rendent hommage à son talent d'éloquence et le classent deuxième de la Conférence du stage des avocats après avoir entendu un discours sur Blaise Pascal et le procès des Provinciales. Avocat d'affaires, il devait soutenir une thèse sur « le pétrole dans la paix et dans la guerre ». Décidément, talentueux polymorphe, Edgar Faure écrit plusieurs romans policiers dont trois publiés sous le pseudonyme d'Edgar Sanday (Edgar sans d).

En 1931, Edgar Faure épouse Lucie Meyer dont la mère, Madeleine Cain, est la sœur de Julien Cain, ancien directeur du cabinet de Fernand Bouisson, président de la Chambre des députés de 1927 à 1936. Jusqu'à son décès, Lucie Faure joua auprès de son mari un rôle considérable tant par ses conseils sur la conduite de sa carrière que par la mise au service de son mari de ses relations politico-militaires. N'avait-elle pas fondé à Alger avec Robert Aron la revue La Nef ?

En 1942, craignant que la politique d'exclusion de Vichy ne menace la sécurité de sa famille, Edgar Faure quitte la métropole pour la Tunisie, puis Alger. Il y retrouve Louis Joxe et Pierre Mendès France. Ceux-ci lui font obtenir la direction des services législatifs de la présidence du Comité français de libération nationale, puis le secrétariat général adjoint du Gouvernement provisoire. A la Libération, de retour à Paris, Pierre Mendès France, ministre de l'Economie, prend Edgar Faure dans son cabinet et l'associe à l'élaboration du plan finalement rejeté par le Conseil des ministres au bénéfice de celui de René Pleven. Libre de son temps après la démission de son ami, Edgar Faure accepte de remplacer auprès de François de Menthon, Paul Coste-Floret comme délégué adjoint du ministère public au Tribunal international de Nuremberg réuni pour juger les principaux responsables nazis.

Avant son départ, Edgar Faure avait songé à entrer dans le forum, et avait hésité entre le MRP et le Parti radical. Il opte finalement pour ce dernier, traditionnellement enclin à accueillir de jeunes hommes brillants et qui correspondait mieux à sa sensibilité laïque. Pour devenir député, Edgar Faure devra s'y reprendre à trois fois. Le 21 octobre 1945, aux élections à la première Assemblée nationale constituante, Edgar Faure se présente dans la deuxième circonscription de la Seine sur une liste d'Union des républicains et de la résistance conduite par son ami le docteur Bernard Lafay. Avec 18 294 voix sur 443 058 suffrages exprimés, elle arrive loin derrière les listes communiste, MRP et SFIO. Edgar Faure comprenant qu'il n'y a rien à faire dans la région parisienne se déplace dans le Jura pour les élections du 2 juin 1946 à la seconde Assemblée nationale constituante. C'est à nouveau un échec. La liste RGR qu'il conduit rassemble 19 841 suffrages sur 110 493 exprimés et se place en quatrième position juste derrière la liste socialiste. Il s'en est fallu de 745 voix. Le 10 novembre 1946, aux élections à la première Assemblée de la IVe République, Edgar Faure devance le candidat socialiste et est élu député du Jura avec 20 488 suffrages sur 105 039 suffrages exprimés. Il devient l'élu de « la pipe et du gruyère » consolidant son implantation locale par les mandats de maire de Port-Lesney (1947), de conseiller général de Villers-Faylay (1949) et de président du Conseil général ( 1949).

Les compétences juridiques et économiques d'Edgar Faure le désignent tout naturellement pour siéger à la Commission de la justice et de législation, ainsi qu'à la commission des finances. Le 11 février 1947, il est nommé membre de la Commission chargée d'enquêter sur les événements survenus en France de 1933 à 1945. Le 4 mai 1948, il est élu vice-président de la Haute cour de justice. Il s'affirme très vite comme l'un des éléments les plus actifs de l'Assemblée. Ses nombreuses propositions de résolution ou de loi et ses interventions relèvent de centres d'intérêt durables : agriculture, affaires économiques et sociales (il rapporte le projet de loi sur la liberté du travail en 1947), sans oublier pour autant la défense des intérêts de ses mandants : ainsi le 28 février 1947, demande t-il le rétablissement du tribunal de Saint-Claude. Le 27 novembre 1947, il dépose une proposition de résolution invitant le gouvernement à proposer l'institution, dans le cadre de l'ONU, d'une juridiction internationale des Droits de l'Homme ; le 15 janvier 1948 une proposition de résolution tendant à inviter le gouvernement à prévoir la possibilité d'octroi par la Banque de France d'avances sur délégation des titres de l'emprunt ; le 20 avril 1948, une proposition de loi visant à commémorer le 8 mai 1945.

La qualité de son travail parlementaire, la sollicitude des caciques du Parti radical pour mener une politique de jouvence, font rapidement entrer Edgar Faure dans le club des ministrables. Le 13 février 1949, Henri Queuille le fait nommer secrétaire d'Etat aux Finances pour seconder Maurice Petsche. Il est maintenu à ce poste dans le cabinet Bidault (28 octobre 1949-29 juin 1950) et promu ministre du Budget dans les deux gouvernements Queuille et le gouvernement Pleven (juin 1950, juillet 1951). La maladie de Maurice Petsche conduit Edgar Faure à défendre le budget de 1950 devant l'Assemblée. Son intervention produit un gros effet. Adossé au plan Mayer, il participe à l'œuvre d'assainissement des finances publiques.

En 1951, Edgar Faure confie à Pierre Jeambrun le soin de préparer les élections législatives. Le 17 juin, il est réélu à la tête d'une liste RGR-Indépendants avec 26 109 suffrages sur 102 634 suffrages exprimés. Au cours de la campagne, il avait défendu son action en faveur de l'ouverture du Jura et du développement de ses activités ainsi que son action nationale au Budget.

Dans le gouvernement Pleven, premier gouvernement de la deuxième législature, Edgar Faure est Garde des sceaux, ministre de la justice, ce qui lui vaut de côtoyer fréquemment le président de la République, Vincent Auriol. Celui-ci le désigne comme président du Conseil après les refus de Christian Pineau, Jacques Soustelle, Paul Reynaud et Georges Bidault. Le 17 janvier 1952, Edgar Faure est investi par 401 voix contre 101. Les communistes s'y sont opposés, les gaullistes se sont abstenus. A quarante trois ans, le député du Jura est le plus jeune président du Conseil depuis Armand Fallières. Il forme un gouvernement comprenant vingt six ministres et quatorze secrétaires d'Etat, ce qui permet aux humoristes de parler « d'Ali-Baba et de ses quarante voleurs ». Les sujets d'inquiétude ne manquent pas : lutte contre l'inflation, réforme des entreprises nationalisées, situation préoccupante en Tunisie. Sur ce dernier point, Edgar Faure envoie des renforts pour contrôler la situation et fait une ouverture en parlant d'« autonomie interne ». Il confie à François Mitterrand, ministre d'Etat, la mission de proposer un plan de réformes qui mécontentera fort les représentants des colons. Son gouvernement est aussi marqué par l'important débat qui s'ouvre le 11 février 1952 à l'Assemblée sur la Communauté européenne de défense (CED) avant la réunion du Conseil Atlantique à Lis-bonne. Sur cette question qui divisait durablement et fortement l'Assemblée, l'habileté du président lui permit de ne pas être renversé sans pour autant faire avancer le débat sur le fond. Malgré tout, l'ordre du jour voté par 50 voix de majorité demandait au gouvernement d'obtenir un certain nombre de garanties des alliés et d'appeler la Grande-Bretagne à se joindre à la Communauté. Pour clore le débat, une question de confiance est posée et le gouvernement sauvé par 40 voix. Le 28 février l'Assemblée vote l'échelle mobile des salaires. Mais, c'est surtout l'état des finances de la France qui est le plus préoccupant. Certes, le plan Mayer avait porté ses fruits en 1949 et 1950 mais ensuite la situation internationale, la guerre de Corée, les libéralités aventureuses des gouvernements précédents, la course prix-salaires avaient considérablement dégradé le crédit de la monnaie. L'Etat doit demander à la Banque de France une avance de 25 milliards pour faire face à ses dépenses immédiates et au remboursement de la dette. Pour couvrir les dépenses, Edgar Faure propose un plan d'économies, une réforme fiscale et l'augmentation des impôts de 15%. Il pose vingt fois la question de confiance. En vain. Le 29 février, l'augmentation des impôts est refusée, Edgar Faure démissionne. « Mon gouvernement dura quarante jours, compta quarante ministres et me fit perdre quatre kilos » devait dire en guise d'épitaphe le député du Jura.

Redevenu simple député, pour distraire son ennui - il s'ennuie quand il n'est pas ministre Edgar Faure accepte la présidence de la Commission des affaires étrangères le 22 janvier 1953. Pour peu de temps, car Joseph Laniel lui confie le portefeuille des Finances et des affaires économiques dans le gouvernement qu'il forme le 28 juin. Rue de Rivoli, Edgar Faure est confronté à la vague de grèves qui paralysent les services publics. Le 4 février 1954, un plan d'expansion de 18 mois est présenté au Conseil des ministres. Edgar Faure parle alors d « expansion dans la stabilité » avant de passer à la « relance de la relance ». Le gouvernement Laniel couvre la déposition du sultan du Maroc en dépit des réserves d'Edgar Faure et de la démission de François Mitterrand. Il est renversé à la suite du désastre de Diên-Biên-Phû le 12 juin 1954.

Il y aurait lieu de s'étonner du maintien à la tête du ministère des Finances d'Edgar Faure dans le gouvernement Mendès France si on ne se souvenait des liens d'amitié qui unissent depuis longtemps les deux hommes. Du reste, le chef du gouvernement laisse une large latitude d'action à son grand argentier pour appliquer son plan de 18 mois aussi longtemps qu'il règle les dossiers de l'Indochine et de la CED conformément à sa méthode de gouvernement qui consiste à traiter un dossier à la fois. Puis ces affaires étant réglées, il décide de s'attaquer au dossier économique, et partant, d'abandonner le 20 janvier 1955 le ministère des Affaires étrangères à un Edgar Faure qui s'y résigne. Malgré tout, la conduite de l'économie lui revient assez vite dans la mesure où, à la suite de la chute du cabinet le 4 février 1955, le président de la République lui demande après l'échec de Christian Pineau, de former le gouvernement.

Investi président du Conseil le 23 février 1955 par 369 voix contre 210, Edgar Faure, présenté par quelques mendésistes intégristes comme l'usurpateur, mène une politique qui n'est pas outrageusement éloignée de celle de son prédécesseur. Mais pouvait-on faire du mendèsisme sans Mendès France ? Instruit par l'expérience, le député du Jura nomme un gouvernement de dix huit ministres et huit secrétaires d'Etat, MRP, Indépendants, Républicains sociaux ou Radicaux. Jacques Duhamel, son collaborateur depuis 1949, est directeur de son cabinet, il a pour adjoint un jeune inspecteur des finances : Valéry Giscard d'Estaing.

En mars, le gouvernement obtient les pouvoirs spéciaux en matière économique, le 29 mai 1955 les conventions franco-tunisiennes accordent l'autonomie à la Tunisie. Au Maroc, à l'issue de la conférence d'Aix-les-Bains et de négociations menées par Antoine Pinay, la France sort de l'impasse en formant un Conseil du Trône qui confie le pouvoir à Mohammed V de retour d'exil. Ces décisions sont autant d'étapes vers l'indépendance des deux protectorats même si la réalité est amendée par la formule « d'indépendance dans l'interdépendance ». Edgar Faure doit faire face à l'opposition des colons, à la réserve des fidèles de Pierre Mendès France qui expliquent que la politique du président dans les protectorats n'est pas vraiment dans la ligne des ouvertures mendésistes, sans parler de l'agitation sociale des poujadistes qui ont le sentiment cruel que la modernisation de la France est incompatible avec leurs intérêts. Enfin, c'est sous le gouvernement Edgar Faure que la guerre d'Algérie arrive à un point de non-retour. Les massacres du Constantinois du 21 août 1955 creusent un fossé entre les deux communautés. La marge de manœuvre du président est étroite, rares sont ceux qui parlent alors d'indépendance, les plus audacieux parlent de fédération voire de confédération. Edgar Faure envoie des renforts, déclare l'état d'urgence ce qui revient à suspendre les libertés publiques. La politique étrangère lui accorde plus de satisfaction. A la conférence de Messine, la construction européenne est relancée, après l'échec de la C.E.D., sur la base d'un projet de communauté atomique et d'une communauté économique européenne. Le russophone Edgar Faure, convaincu depuis ses études qu'il faut jeter un pont entre l'URSS et les démocraties pluralistes, réunit à Genève une conférence des quatre puissances alliées de la Seconde guerre mondiale le 18 juillet 1955. Aucune décision concrète n'est prise mais cette rencontre est le symbole de la coexistence pacifique au lendemain de la guerre froide et des incertitudes de la politique soviétique au sujet de la réunification allemande qui avait si lourdement pesé sur le sort de la CED.

Mais, à la fin de la législature, les succès de politique étrangère sont de peu d'aide face à la montée des oppositions. Edgar Faure propose d'avancer la date des élections pour sortir au plus vite d'une période peu propice à la prise des décisions nécessaires, et aussi dans le but non avoué d'empêcher la formation à gauche d'une coalition rassemblée autour de Pierre Mendès France. L'opposition pose pour préalable une réforme de la loi électorale. Usant de la question de confiance, le gouvernement est renversé dans les formes constitutionnelles le 29 novembre. Edgar Faure décidé à brusquer les choses dissout l'Assemblée nationale, transgressant par là même un tabou républicain qui avait interdit toute dissolution depuis celle décidée par le Maréchal de Mac-Mahon le 16 mai 1877. Le décret de dissolution fut publié au journal officiel du 2 décembre, ce qui rappela aux hommes politiques de la Quatrième, nantis d'une solide culture historique, des précédents fâcheux pour tout esprit républicain.

Edgar Faure, en sa qualité de président du Conseil chargé des affaires courantes, prit la tête d'une coalition réunissant Indépendants, MRP et radicaux dissidents opposés au Front Républicain. Il se fit porter à la présidence du RGR ce qui lui valut d'être exclu du Parti radical, sans préjudice pour lui, puisque le 2 janvier 1956, il est réélu député à la tête d'une liste RGR-CNI qui arrive largement en tête avec 39 260 voix sur 111 459 suffrages exprimés.

Au Palais Bourbon, il est nommé membre des Commissions de la justice, de l'intérieur et des pensions. Il dépose le 23 octobre 1956 une proposition de résolution tendant à réviser différents articles de la Constitution et, le 25 mars, 1958 une proposition de loi relative à la protection du « gruyère de Comté » ou « Comté ». Le 20 décembre 1956, l'ancien ministre des Affaires étrangères condamne les erreurs faites dans la préparation et la conduite de l'opération de Suez. Il intervient à plusieurs reprises sur la situation économique. Il prend part à l'important débat de février 1958 sur la révision constitutionnelle. Lors de la formation du gouvernement Pflimlin le 13 mai 1958, il accepte la charge de ministre des Finances, des affaires économiques et du Plan.

Peu après, Edgar Faure se prononce pour le retour au pouvoir du Général de Gaulle dont il vote l'investiture (1er juin 1958). Il accorde les pleins pouvoirs au gouvernement et approuve la réforme de l'article 90 de la Constitution relatif à la révision constitutionnelle (2 juin 1958) au motif que la délégation du pouvoir constituant confiée au gouvernement et non à un homme, interdisait ainsi la comparaison avec le précédent du 10 juillet 1940, et ne pouvait être invoquée pour repousser le projet.

Elu sénateur du Jura en avril 1959, Edgar Faure devient député de la 3e circonscription du Doubs (Pontarlier) lors des élections de mars 1967, mandat qu'il conserve lors des renouvellements de 1968, 1973 et 1978 puis retrouve le Sénat en septembre 1980. Ministre du général de Gaulle et de Georges Pompidou, Edgar Faure préside l'Assemblée nationale de 1973 à 1978.



FAURE (Edgar)
Né le 18 août 1908 à Béziers (Hérault)
Décédé le 30 mars 1988 à Paris

Député du Doubs en 1967, en 1968, puis de 1969 à 1972 et de 1973 à 1978
Sénateur du Jura de 1959 à 1966 et du Doubs de 1980 à 1988
Président de l’Assemblée nationale de 1973 à 1978

Ministre de l’Agriculture du 8 janvier 1966 au 1er avril 1967 et du 7 avril 1967 au 31 mai 1968
Ministre de l’Education nationale du 12 juillet 1968 au 20 juin 1969
Ministre d’Etat et des Affaires sociales du 6 juillet 1972 au 28 mars 1973

(suite de la biographie de la IVe République)

Edgar Faure est l’un des rares hommes d’Etat issu du « régime des partis » à retrouver une influence et un rôle non négligeables sous la Ve République. Son talent, reconnu de tous, ses idées innovantes mais, au-dessus de tout, son adhésion au gaullisme, bien que tardive, lui valent cette pérennité.

Selon Edgar Faure, le problème algérien ne peut trouver de solution que dans le retour au pouvoir du général de Gaulle. C’est pourquoi il vote sans hésiter l’investiture du gouvernement de Gaulle, le 1er juin 1958. Mais, d’une hostilité tenace à la pratique référendaire, il appelle à voter pour un « oui nuancé » le 28 septembre 1958, et demeure dans l’opposition jusqu’en 1965. Député du Jura (Saint-Claude) depuis novembre 1946, par ailleurs maire de Port-Lesney depuis mars 1947 et président du conseil général depuis 1949, il se prépare aux élections législatives des 23 et 30 novembre 1958 sans le soutien du Parti radical, moule de sa carrière politique, dont il a été exclu le 1er décembre 1955, et du Rassemblement des gauches républicaines (RGR), formation de conciliation issue du Parti radical, qu’il préside jusqu’au moment de sa dissolution en septembre 1958. Au premier tour, le Président Faure est mis en ballottage difficile. Il devance d’une centaine de voix seulement le candidat MRP Louis Jaillon, maire de Saint-Claude depuis 1953, qui prône le renouvellement contre le « politicien professionnel » et bénéficie au second tour du report des voix de Jean-Maurice Demarquet, ancien poujadiste, investi par l’Union pour la nouvelle République (UNR) et le Centre national des indépendants et paysans (CNIP), et arrivé quatrième derrière le candidat communiste. Comme Edgar Faure n’est d’aucun des partis clairement ralliés à de Gaulle, ses adversaires le voient contraint d’appeler à lui, pour gagner, les voix des communistes, ces « liquidateurs du patrimoine national » selon les mots de Louis Jaillon. Pris au piège, il est battu de près de 5 000 voix au second tour. Toutefois, comme beaucoup de grandes figures d’opposition, telles Jacques Duclos, François Mitterrand et Gaston Defferre, il rebondit en se faisant élire sénateur du Jura le 26 avril 1959, et en s’inscrivant au groupe Gauche démocratique où il demeure jusqu’au 8 janvier 1966 (réélu le 26 septembre 1965), date de son entrée dans le nouveau gouvernement Pompidou.

Il reste profondément ancré dans le territoire, en Franche-Comté, dont il est président de la commission de développement économique de décembre 1964 à novembre 1973, puis membre du conseil de la forêt et des produits forestiers en 1970, enfin président du conseil régional de 1973 à 1981 et de 1982 à sa mort en 1988, Edgar Faure passe ensuite du Jura au Doubs dont il est conseiller général pour le canton de Pontarlier du 24 septembre 1967 au 18 mars 1979. Il est maire de Pontarlier depuis 1971 et réélu conseiller municipal d’opposition en 1977. Sénateur du Doubs du 28 septembre 1980 à sa mort, le 30 mars 1988, il s’inscrit derechef dans le groupe « Gauche démocratique » en avril 1982. Il reprend la mairie du Port-Leney de 1983 à 1987.

Cette période de 30 ans est l’occasion pour Edgar Faure d’une intense activité, notamment universitaire et intellectuelle, en parallèle à sa carrière politique. Avocat de profession, il soutient avec succès en 1961 une thèse d’Etat (Etude de la capitation de Dioclétien d’après le Panégyrique VIII) avant d’être reçu l’année suivante au concours d’agrégation de droit romain et d’histoire du droit, puis d’être nommé professeur à la faculté de droit de Dijon. Il devient à la rentrée universitaire de 1971 directeur de recherche à la faculté de Besançon mais décline, le 19 mai 1979, son élection comme doyen de la faculté de Nanterre. Son érudition, loin de l’enfermer dans les cercles universitaires, est aussi tournée vers le grand public : La Disgrâce de Turgot, qu’il publie en 1961, reste encore aujourd’hui un ouvrage de référence. Homme éclectique et esprit universel, Edgard Faure perçoit très tôt les impasses d’un communisme « à la chinoise » dont certains pourraient croire qu’il offre une solution de rechange au soviétisme, mais il sait aussi combien la Chine a d’atouts pour devenir sous peu une nation d’un grand poids. C’est pourquoi il préconise d’entamer des relations diplomatiques avec la République populaire de Chine. Son livre, Le Serpent et la tortue ou les problèmes de la Chine populaire publié en 1957, connaît un large succès si bien que le général de Gaulle, alors revenu au pouvoir, l’empresse d’entreprendre un nouveau voyage, officiel celui-ci, auprès de Mao Zedong, fin octobre et début novembre 1963, pour s’assurer de ses dispositions d’esprit en vue d’une « reconnaissance » par la France de la RPC. Ses thèses de politique étrangère s’approchent au plus près de celles du général de Gaulle : rompre la rigidité des blocs, surmonter l’éristique stérile entre capitalisme et communisme et faire voie aux convergences. Lors d’un colloque franco-soviétique tenu les 10 et 11 avril 1975, Edgar Faure presse à la reconnaissance d’un « droit de l’homme au désarmement ». En 1976, il succède à René Cassin à la tête de l’Institut libre d’étude des relations internationales, qu’il réorganise sur le modèle de l’université en créant un diplôme d’études supérieures.

Le rayonnement d’Edgar Faure est donc, dans une certaine mesure d’ordre international, et depuis le sommet de Genève du 18 juillet 1955, auquel il a participé comme président du Conseil, des organisations internationales font appel à lui comme « sage ». Il préside ainsi de 1961 à 1962 un groupe d’experts de l’OTAN ayant pour double tâche d’examiner la situation économique de deux de ses membres dits « sous-développés » que sont la Grèce et la Turquie, et de suggérer les moyens à mettre en œuvre en vue d’améliorer leur situation. Puis, en février 1971, l’UNESCO le nomme à la tête de la Commission internationale sur le développement et l’éducation. Les conclusions du rapport qu’elle rend sont toutes contenues dans l’ouvrage Apprendre à être qu’Edgar Faure publie en 1972. Les conséquences des progrès techniques posent d’une autre manière la dialectique de l’expansion économique et des inégalités sociales dans le monde. Le rapport de la Commission reprend bien les idées d’Edgar Faure. Bien qu’il ne limite pas l’éducation à la scolarité, le rapport est favorable à un enseignement plus pratique, davantage tourné vers les techniques et leur maîtrise. L’« économie technologique » exige également une « démocratie de participation » afin que « l’humanité scientifique » assure sa propre maîtrise des choses et la dirige à des fins humanistes.

Edgar Faure a eu le temps de nourrir ses idées sociales, notamment quand il crée en 1965 le Comité d’études pour un nouveau contrat social prônant des conceptions sociales renouvelées, dans lesquelles libéralisme et socialisme ne sont plus contradictoires. Le 14 novembre 1971, il devient président d’honneur, à sa création, d’un mouvement dont l’intitulé résume le mieux sa tendance idéologique : le Mouvement pour le socialisme par la participation (MSP), fondé par le gaulliste de gauche, Pierre Billotte. La participation est pour lui, comme pour le général de Gaulle, la voie médiane par excellence, celle du « nouveau contrat social » qui, loin du postulat matérialiste inspirant aussi bien le capitalisme que le socialisme, place au sommet la dignité de la personne humaine, libre et responsable. L’« homme moderne » n’est pas un simple agent d’exécution ou un « sujet ». Le progrès exige qu’il « participe » aux orientations de l’entreprise dont il est employé et qu’il en reçoive des parts. Edgar Faure pense en outre, comme le général de Gaulle, que la participation ne pourra jamais être mieux assurée que dans le cadre d’une gestion régionale, desserrant l’étau bureaucratique de la centralisation et permettant à chacun de suivre les réalisations concernant sa vie quotidienne. C’est à la faculté de Dijon, dans les années soixante, que l’ancien Président du Conseil prend le temps de remettre sur le métier sa théorie qu’il résume d’une autre manière en parlant d’un « socialisme réduit aux acquêts ». Présidant le groupe d’étude pour un nouveau contrat social, Edgar Faure organise par ailleurs un colloque à Beaune, en novembre 1972, au cours duquel il lance l’expression restée célèbre de « majorité d’idées » pour aller au-delà du bipartisme et « débloquer » la société. Ses théories sur la participation sont toutes ramassées dans L’Education nationale et la Participation, écrit en 1968, et Pour un nouveau contrat social, publié en 1973.

Mais, précisément, ce désir de synthèse, ou de conciliation des extrêmes, comme sa volonté d’aller par-delà la rivalité partisane qu’induit selon lui le fonctionnement institutionnel de la Ve République, rendent son cheminement original aux yeux de tous. Bien que réintégré au Parti radical par Maurice Faure le 6 octobre 1961, auquel il donne des gages supplémentaires en doutant de la constitutionalité du référendum du 28 octobre 1962, il en est à nouveau exclu le 8 décembre 1965 par René Billères, au lendemain du premier tour de l’élection présidentielle, quand il rallie la candidature du général de Gaulle contre la coalition de la Gauche républicaine. Non seulement Edgar Faure entre au gouvernement le 8 janvier 1966, mais encore, le 11 mai 1966, il devient membre du Comité d’action pour la Ve République devant préparer les élections législatives de 1’année suivante et auxquelles il se présente sous l’étiquette gaulliste. Il est vrai que le MSP est proche de l’Union des démocrates pour la République (UDR). Toutefois, le Mouvement décide le 10 mai 1973, sans l’accord explicite d’Edgar Faure, de ne plus autoriser la double appartenance. L’adhésion d’Edgar Faure à l’UDR, dont il est membre du bureau exécutif de décembre 1973 à décembre 1974, puis au Rassemblement pour la République (RPR) où il siège au conseil politique à partir de janvier 1977 jusqu’à sa rupture du 29 septembre 1979, ne l’empêche guère de présider la fédération du Parti radical-socialiste du Doubs à partir du 24 avril 1977, et d’entrer au bureau national de ce même parti, après avoir échoué à en prendre la tête contre Jean-Jacques Servan-Schreiber. Une nouvelle rupture s’annonce quand les radicaux refusent qu’un des leurs se présente aux élections législatives de 1978 sous une deuxième étiquette RPR. A nouveau, Edgar Faure passe outre, mais l’ « appel de Cochin » de Jacques Chirac du 6 décembre 1978 le détourne définitivement du RPR pour le rapprocher une nouvelle fois de Maurice Faure avec qui il forme l’ambition, en novembre 1983, de reconstituer une « école de pensée radicale », ou encore une « méthodologie médiatrice du radicalisme » pour les élections européennes de 1984, auxquelles tous deux prévoient de se présenter sur une liste de centre-gauche. Ultime rebondissement dans sa carrière, le 5 mars 1987, Edgar Faure crée et prend la présidence en Franche-Comté du comité de soutien à Jacques Chirac en vue de l’élection présidentielle de 1988. Quelques semaines auparavant, il avait été nommé par le Premier ministre Chirac, président de la mission de commémoration du bicentenaire de la Révolution française et de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, en remplacement de Michel Baroin, mort subitement.

Ces allers-retours tant reprochés, et même, parfois, moqués, ne doivent cependant pas masquer des préoccupations constantes chez Edgar Faure, celle de la participation en premier lieu qui le situe parmi les gaullistes de gauche au sein du MSP, mais aussi l’Europe, cadre et condition nécessaire selon lui de l’expansion de la France dans le contexte de la mondialisation dont il souligne les enjeux dès 1966 dans Prévoir le présent. Aux élections européennes du 10 juin 1979, il se présente en troisième position, après Jean Lecanuet, sur la liste « Union pour la France en Europe » de Simone Veil, en rivalité avec la liste de coalition réunissant socialistes et radicaux sous la houlette de François Mitterrand. Elu à l’Assemblée des Communautés européennes, il adhère au groupe libéral. Le 15 juin 1985, à Louvain-la-Neuve, Edgar Faure donne l’impulsion décisive à la création du Conseil des régions d’Europe, composé exclusivement d’élus régionaux et dont il devient président. Lors de sa seconde session générale de novembre 1987 à Bruxelles, le Conseil devient l’Assemblée des régions d’Europe. Sa tâche est notamment de réfléchir à l’aménagement du territoire européen. Pour Edgar Faure, la France ne peut donc trouver de dimension moderne que par ses régions et dans l’Europe. Il semble donc évident à ses yeux que les régions deviennent les instances de planification et de coopération européenne. Comme président de région, il voit les aspects positifs des lois Defferre de 1982, en utilisant tous les ressorts contenus en elle. Ses initiatives, comme l’effort déployé pour la construction et la rénovation des lycées, placent la région parmi les plus inventives.

Sous la Ve République, Edgar Faure retrouve le Palais-Bourbon, d’abord du point de vue du gouvernement, comme ministre de l’Agriculture dans les troisième et quatrième gouvernements Pompidou du 8 janvier 1966 au 1er avril 1967. Il est ensuite élu député sous l’étiquette UDR, dès le premier tour, avec 66 % des suffrages exprimés, dans la troisième circonscription du Doubs, le 5 mars 1967. Reconduit ministre de l’Agriculture, il laisse son siège de député à son suppléant Louis Maillot, conseiller général du Doubs. A nombre de questions écrites ou orales, Edgar Faure répond immanquablement en promouvant sa théorie du nouveau contrat social. Souhaitant préparer la France agricole et rurale aux défis de la mondialisation et de l’industrialisation, il préconise et encourage, entre autres, les regroupements de producteurs et la modernisation de la stabulation. Pour lui, enfin, l’agriculture française n’a d’avenir que dans le cadre européen. Il estime que le Marché commun offre suffisamment d’avantages pour que s’opère de la manière la plus performante possible la mutation agricole. Afin que la France soit plus compétitive dans le commerce international, le ministre se dit favorable à un règlement sanitaire commun. Il parle à ce sujet de l’« Europe des vétérinaires ». En outre, il fait reconnaître à toutes les régions de montagne le caractère de zone de rénovation rurale et bénéficier les agriculteurs de plus de 60 ans d’une indemnité viagère de départ. Il exerce également la présidence du Conseil des ministres européens de l’agriculture qui équilibre prix et quotas des produits laitiers et de viande bovine. Le 25 mai 1967, il fait voter un projet de loi relatif à l’extension aux départements d’outre-mer des assurances maladies, d’invalidité et de maternité des exploitants agricoles et des membres non-salariés de leur famille.

Dans sa profession de foi en vue des élections législatives du 23 juin 1968, Edgar Faure soutient en bloc le général de Gaulle et l’œuvre conciliatrice du Premier ministre Georges Pompidou en saluant les accords de Grenelle et mettant en garde ses électeurs contre les « agitateurs professionnels ». Toutefois, il partage plus volontiers les conclusions de de Gaulle sur Mai 68 que les vues de Pompidou à ce sujet. Le discours du 24 mai 1968 du président de la République l’enthousiasme, bien que ce dernier ait dû faire marche arrière : la solution est assurément pour lui, comme pour le général de Gaulle, la voie de la participation, la seule qui permette à l’ « homme moderne de consentir librement au type de la société dans laquelle il se trouve intégré ». C’est une duperie selon Edgar Faure de proposer à la jeunesse « des mots d’ordre, des doctrines qui datent de plus de cent ans ». Il est réélu député dès le premier tour dans la 3e circonscription du Doubs (Pontarlier) avec près de 75 % des suffrages exprimés devant le candidat socialiste de la Fédération de la gauche, Robert Schwint (8 135 voix), et le candidat communiste André Charles (3 236 voix). Edgar Faure est reconduit au gouvernement et cède donc son siège à Christian Génevard, conseiller général et maire de Morteau.

L’élu du Doubs passe en effet de l’Agriculture à l’Education nationale dans le gouvernement Couve de Murville le 13 juillet 1968, au moment où l’impasse semble totale : les facultés sont hors d’état de fonctionner, les examens reportés et la majorité dite « conservatrice », issue des élections de la « peur », apparemment inflexible. La réalité est que l’Université étouffe dans ses structures datant de la fin du XIXe siècle. De plus, l’afflux d’étudiants issus du baby-boom a été mal anticipé. Le statut de l’étudiant a certes évolué, notamment l’accès aux soins et au logement, mais rien dans le fond n’a changé ni dans la gestion des effectifs, ni dans la pédagogie. La loi Fouchet de 1963 répondait en partie à la massification des effectifs en créant notamment de nouveaux diplômes, des écoles d’ingénieur, des filières courtes comme l’IUT ou le BTS, plus adaptés aux évolutions de la société civile, dans une perspective utilitaire. La loi entendait surtout assurer une sélection à l’entrée à l’Université selon les résultats au baccalauréat. Les milieux universitaires furent globalement hostiles à cette dernière mesure au nom de principes universitaires et républicains : une sélection ne doit se faire qu’au mérite à l’intérieur de l’Université, a posteriori, au vu des résultats aux examens, et de non de manière autoritaire, a priori.

Le choix du général de Gaulle de confier la réforme de l’Université à Edgar Faure est payant. Prenant pour principe de « ne pas heurter le mouvement mais de se couler dedans pour en détourner la violence tout en profitant de son élan », selon ses propres termes, le nouveau ministre consulte élus, universitaires, syndicats d’étudiants avec deux de ses conseillers, Michel Alliot, son directeur de cabinet, et le professeur des universités, Gérald Antoine, son chargé de mission, pour aboutir à la loi d’orientation de l’enseignement supérieur du 12 novembre 1968, comportant 46 articles, votée à l’unanimité moins l’abstention de 46 députés, pour la plupart communistes. La loi vient modifier les structures de l’Université avec la création d'un nouveau statut d'établissement public « à caractère scientifique et culturel » (EPCSC), ainsi que celle des unités d’enseignement et de recherche. La loi met en exergue quatre principes fondamentaux. Le premier d’entre eux est l’autonomie, en matière statutaire, financière et pédagogique (possibilité de créer des diplômes universitaires) ; puis, le deuxième principe est la participation dans les Unités d’enseignement et de recherche (UER) et les universités, avec un conseil d'université composé de délégués désignés par les conseils d'UER et un président élu pour cinq ans par le conseil d'université (au lieu d'un recteur nommé par l'Académie), dont le mandat est non renouvelable, que le Conseil des ministres ne peut révoquer et dont les fonctions sont incompatibles avec celles de directeur d'UER. Ces fonctions de direction consistent dans la préparation du budget, la gestion du patrimoine et la sécurité. Le troisième principe est la pluridisciplinarité prévoyant la suppression des facultés, la création d’UER homogènes, ainsi que l’introduction des unités de valeur. Les chaires sont abolies et le nombre des professeurs augmenté pour rattraper partiellement le déséquilibre hiérarchique. Enfin, et c’est le quatrième principe, la loi souligne l’objectivité du savoir que seule peut assurer la tolérance des opinions. C’est là une manière de « dépolitiser » l’Université. Par ailleurs, pour ce qui touche à l'accès aux universités, Edgar Faure se montre, dans la loi, hostile à la thèse des planificateurs, comme son prédécesseur Christian Fouchet, pour qui il faut adapter le nombre des étudiants formés aux besoins de l'appareil économique et aux flux en découlant. Il n’est pas davantage favorable à la thèse laissant la responsabilité de la sélection à chaque université. En réalité, le ministre est partisan de l’ouverture de l'Université aux non-bacheliers. Quant à la mise en œuvre de la loi, elle est bien plus difficile que son vote. Les UER qui se forment avant de se regrouper en universités, s'organisent sur des bases corporatistes ou politiques. Le président est le plus souvent l'émanation des personnels et non l'arbitre décisionnel. Les décrets d'application restreignent en fait la portée novatrice de la loi. Pour autant, cette loi a l’indiscutable mérite d’apaiser l’Université au lendemain de la tempête de Mai 68. Encore une fois, le choix du général de Gaulle n’était pas anodin. Ouvert mais réaliste, Edgar Faure n’a pas sacrifié, dans la loi qui porte son nom, ses idéaux de participation et, en quelque sorte, de décentralisation qui le font si proche du président de la République. Le ministre mène aussi des réformes touchant l’enseignement primaire et secondaire comme la création du tiers-temps pédagogique, celle du délégué de classe et la suppression de l’enseignement du latin en classe de sixième.

Edgar Faure n’est pas reconduit ministre dans le gouvernement Chaban-Delmas en juin 1969. Il est réélu député de la 3e circonscription du Doubs le 15 octobre 1969, à l’occasion d’une élection partielle, dès le premier tour, avec 72,71 % des suffrages exprimés. Christian Genevard est son suppléant. Il retrouve donc son banc de député, en octobre 1969, au sein du groupe UDR. En tant que député, il prend part à la discussion du projet aménageant certaines dispositions de la loi du 12 novembre 1968, le 21 juin 1971. A cette occasion, il confie : « Jamais tant de réformes n'avaient assuré tant d'immobilité ». Il participe également à la discussion du projet de loi portant statut de la radiodiffusion-télévision française en qualité de rapporteur de la commission mixte paritaire, le 15 juin 1972. Il se dit favorable à la création d’une haute instance de l’audiovisuel d’autant plus que la télévision ne se confond plus avec un usage particulier dans la vie quotidienne du temps de loisir, mais « elle fait partie de nous-mêmes ». C’est pourquoi, à ses yeux, une instance autonome doit veiller à ce que les divertissements non seulement ne soient pas mis sur un pied d’égalité avec les informations mais encore qu’ils ne se laissent pas happer par la publicité et la logique mercantile.

Edgar Faure est rappelé au gouvernement comme ministre d’Etat chargé des Affaires sociales, le 6 juillet 1972, dans le gouvernement Messmer I. Il insiste, lors de la discussion autour du projet de loi de finances pour 1973, le 6 novembre 1972, sur une société qu’il veut « plus juste, plus responsable, plus humaine ». Le 21 novembre 1972, il soumet un premier projet de loi sur la création d’une prime de mobilité pour les jeunes à la recherche d’un emploi, puis un deuxième relatif à l’égalité de rémunération entre hommes et femmes. Dans la discussion, il souligne la « dimension européenne » du problème et de sa solution. Le 30 novembre 1972, il présente plusieurs projets de loi relatifs successivement aux pensions de réversion des veuves de tous les régimes, à la fixation de la retraite sur la base des dix meilleures années, à l’accroissement du minimum vieillisse, à l’augmentation ainsi qu’à la participation en entreprise, notamment au sujet du fonctionnement des comités d’entreprise. Le 14 décembre 1972, à un projet de loi visant à l’amélioration du régime de Sécurité sociale pour les artisans et les commerçants, il ajoute un amendement, adopté, sur l’assurance des prestations de base, comme le service d’ambulances, les soins optiques et dentaires.

Le 22 novembre 1972, il est opposé à Gaston Defferre, maire de Marseille, président du groupe socialiste à l’Assemblée nationale, dans l’un des grands débats télévisés, dans le cadre de l’émission « A armes égales » de la première chaîne de télévision, sur la politique sociale. Il aborde l’émission avec aisance, même s’il est surpris par la pugnacité de Gaston Defferre.

Edgar Faure est réélu député dans la 3e circonscription du Doubs, le 4 mars 1973, dès le premier tour, avec 57 % des voix (26 345), sous l’étiquette « Mouvement pour un nouveau contrat social » dans la coalition de la majorité présidentielle URP (Union des républicains du progrès). Il devance très largement ses principaux adversaires, le candidat de l’Union de la gauche socialiste et démocrate Jean-Marie Saillard (8 940 voix), le candidat Réformateur Charles Viatte (5 721 voix) et le communiste Gilbert Carrez (3 860 voix). Non reconduit dans le gouvernement Mesmer II, il est élu avec 274 voix président de l’Assemblée nationale, le 2 avril 1973, contre 180 voix pour Pierre Mauroy (PS). Dans son discours inaugural, il dit voir dans la mutation des sociétés l’excellente raison de la légitimité et de la pérennité du Parlement dans lequel la patience, pour l’élaboration des lois, arme la démocratie contre ses adversaires. Edgar Faure exerce une présidence de l’Assemblée soucieuse d’apaisement et n’hésite pas à intervenir parfois sur le fond et sur certains aspects politiques. Tel est par exemple le cas, en décembre 1973, lorsqu’il suggère au gouvernement de ne pas recourir à la procédure du vote bloqué, lors de l’examen du projet de loi d’orientation du commerce et de l’artisanat. Edgar Faure prononce deux éloges funèbres remarqués. Le premier concerne le président Pompidou dont il vante, le 4 avril 1974, la « philosophie politique à visage humain » : « Il est des heures où un homme incarne soudain l'histoire au sens le plus noble, c'est-à-dire la représentation qu'un peuple se donne de lui-même, de ses vertus, de sa dignité, de l'identité continuée de sa conscience ». Il rend également hommage, avec le Premier ministre Raymond Barre, à André Malraux le 24 novembre 1976. A l’occasion du projet de loi relatif à l’interruption volontaire de grossesse (IVG), porté par le ministre de la Santé Simone Veil, lors de la discussion générale du 28 novembre 1974, Edgar Faure s’oppose fermement à ce que le député Emmanuel Hamel (Républicain indépendant) fasse entendre à la tribune l’enregistrement du cœur d’un être conçu depuis 49 jours. Il est salué par l’ensemble du gouvernement et des députés des divers rangs pour sa gestion intelligente des débats autour du projet de loi.

Il siège également au Parlement européen, où il a été élu en 1979 sur la liste conduite par Simone Veil.

Le 12 mars 1978, Edgar Faure est réélu député dès le premier tour avec 62 % sous la même étiquette « Mouvement pour un nouveau contrat social », soutenu par toutes les formations de la majorité, contre les candidats du Programme commun. Dans sa profession de foi, il salue l’œuvre de Raymond Barre et ses objectifs d’action « pour la liberté et la justice » présentés à Blois, le 7 janvier 1978. Il tient à préciser aux électeurs ses réticences à l’égard du Programme commun de la gauche dont il prévoit le caractère ruineux pour la France s’il venait à être appliqué. A cette occasion, Edgar Faure montre à nouveau son aversion pour le socialisme de teinte collectiviste, « destructeur des libertés ». Il compare le rapprochement du Parti socialiste (PS) et du Parti communiste français (PCF) avec la situation politique au Chili. Il oppose enfin son idéal « gaulliste » de participation à l’idéologie de la lutte des classes, « la tradition et l’idéal de l’humanisme français » au matérialisme marxiste. Edgar Faure retire sa candidature à la présidence de l’Assemblée nationale au profit de Jacques Chaban-Delmas, élu le 3 avril 1978. Il retrouve donc les rangs des députés de la majorité. Il intervient notamment dans le projet de loi de finances pour 1980 à propos duquel il souhaite que l’on utilise le cadre de la région pour promouvoir la recherche. Son amendement sur l’élévation du plafond des ressources fiscales des régions est adopté. A son élection au Sénat le 2 octobre 1980, il cède son siège au Palais-Bourbon à Roland Vuillaume, conseiller municipal d’opposition à Pontarlier et conseiller général du Doubs.

Le 8 juin 1978, Edgar Faure est élu à l’Académie française au fauteuil d’André François-Poncet. En 1984, il publie en deux volumes chez Plon ses mémoires qui connaissent un grand succès. A sa mort, le 30 mars 1988, Jean Dutourd, gaulliste, rend un hommage funèbre à cet homme à la carrière exceptionnelle, le décrivant comme « le grand homme de toutes les Républiques » : « Il était un peu plus qu’un homme ; il était une institution […]. Il a tout eu, il a été tout ».