Léon Feix
1908 - 1974
FEIX (Léon)
Né le 10 janvier 1908 à Forgès (Corrèze)
Décédé le 28 avril 1974 à Fort-de-France (Martinique)
Conseiller de l'Union française de 1950 à 1958
Député de Seine-et-Oise de 1962 à 1967
Député du Val d'Oise de 1967 à 1974
Léon Feix est né le 10 janvier 1908 en Corrèze, et décédé le 28 avril 1974 à Fort-de-France alors qu’il effectue une tournée de soutien à la candidature commune à la gauche de François Mitterrand. Ironique destin pour ce fils de paysans corréziens, communiste pendant presque cinquante ans, député d’une grande circonscription réélu continûment au premier tour de 1962 à 1973, homme-clef de l’appareil et du Groupe parlementaire communistes.
Le père de Léon Feix était un modeste paysan de Corrèze, contraint de travailler l’hiver à Paris comme tailleur de pierre. La Fédération CGT du Bâtiment était, avant la guerre, porteuse d’une solide culture syndicaliste révolutionnaire. Léon Feix en est-il porteur ? Difficile à dire, dès lors que le jeune garçon est orphelin à l’âge de 11 ans. Son père est-il mort au combat en 1914-1918 ? Nous l’ignorons, mais selon le site internet de la DMPA, huit morts pour la France portent ce patronyme pour le département de la Corrèze.
L’enfance de Feix est donc dominée par le deuil et la guerre. Recueilli sans doute par son oncle, c’est ce dernier qui lui offre une carrière et une vocation : instituteur. Après avoir fréquenté les écoles primaires de Forgès et Saint-Sylvain, puis le cours complémentaire à Souilhac, Léon Feix entre à l’Ecole Normale de Tulle dont il sort, nanti désormais d’un métier, en 1928. A 17 ans, il entame une autre carrière, communiste celle-là, qui supplante bientôt les autres : il adhère en effet au Parti en 1925, en pleine période de « bolchevisation ». En 1932, il abandonne son poste d’instituteur pour prendre des responsabilités dans le Parti : nommé directeur de coopérative agricole, il devient dès 1936 secrétaire de la Fédération communiste du Lot – petite fédération, certes, qui compte 750 adhérents en 1939, mais qui lui permet de devenir un permanent, dépendant et dévoué à l’égard de son Parti.
De son activité de résistance pendant la guerre, comme d’ailleurs des étapes et des modalités de sa formation et de promotion des années 1940, on ne sait pas grand chose. Mobilisé en 1939 comme lieutenant de réserve, il est traduit en mai 1940 devant le tribunal militaire de Toulouse pour propagande communiste, et condamné à trois ans de prison. Evadé une première fois à la faveur de l’exode, il est arrêté à nouveau en octobre 1940 et interné dans le Tarn puis au camp du Bossuet, en Algérie, dont il s’évade à nouveau en novembre 1942. C’est là que ce communiste fidèle et convaincu s’engage dans la résistance dont il devient rapidement un homme-clef dans la colonie française.
C’est cette expérience de la guerre et de la Résistance qui lui offre sa place dans l’appareil de direction communiste. En tant que responsable de la section coloniale du PCF, il est nommé membre suppléant du Comité Central (CC) du Parti par le XIe Congrès en juin 1947, puis titulaire par le XIIe Congrès en avril 1950. En 1954, il devient même membre suppléant du Bureau Politique (BP) à l’issue du XIIIe Congrès d’Ivry, lorsque, selon ses biographes du Dictionnaire Maitron, il devient sans doute le successeur de Marcel Servin à la Commission des Cadres du Parti – poste stratégique dans l’appareil. Titularisé au BP en 1956, il y demeure jusqu’en 1961, lorsque Waldeck-Rochet devient secrétaire général adjoint au XVIe Congrès. Ce thorézien convaincu, qui préface en 1962 une anthologie des textes de Thorez sur l’Algérie, a-t-il souffert de l’ascension du futur secrétaire général ? Ce n’est pas impossible. Il reste néanmoins membre du CC jusqu’à sa mort en 1974.
Son expérience de résistance et ses responsabilités ont permis à Léon Feix d’être un rouage important de la politique algérienne et anti-coloniale du PCF. Administrateur du journal L’Algérien en France à la Libération, sa connaissance du terrain et sa combativité comme membre de l’Union Française, élu le 3 mars 1950, réélu le 12 juillet 1952 et ce jusqu’en 1958 lui ont valu d’occuper dans ce domaine de véritables responsabilités. En 1952, Feix est en effet l’objet d’une demande de poursuites de la part du gouvernement, mais l’Assemblée refuse la levée de son immunité. Auréolé d’un tel prestige, Léon Feix s’est fait le préfacier de sa propre histoire, lorsque les Editions sociales, parmi les actionnaires desquels Léon Feix figure, publient sous la signature d’André Moine un ouvrage partisan sur la déportation et la résistance en Afrique du Nord. Dans cette préface, Léon Feix, déporté par Vichy en Algérie, revendique le droit d’être considéré comme les déportés français des camps d’extermination nazis, et affirme, conformément à la ligne du parti, avoir résisté au « fascisme » dès 1939 ! Cette reconstruction abusive du passé ne facilite pas l’exploration de l’action de ce député communiste de guerre froide.
La décennie 1950 marque pour Feix l’entrée dans le cercle des candidats communistes aux échéances électorales nationales. Elu Conseiller de l’Union Française de 1950 à 1958, il s’est essayé à la députation en décembre 1952 lors d’une élection partielle dans le 1er secteur à Paris, en rive gauche. Il rassemble alors sous son nom environ 13% des 490 848 voix lors des deux tours de scrutin, ce qui est insuffisant pour le porter à l’Assemblée nationale.
La Ve République lui est un régime plus favorable. C’est lui qui, en 1962, reconquiert le siège perdu en 1958 dans la 1ère circonscription de Seine-et-Oise par Mathilde Péri, la veuve du fusillé du Mont-Valérien Gabriel Péri, belle-sœur d’André Marty. Les élections de 1958 ont été particulièrement défavorables au PCF : il ne lui reste alors que 10 députés, contre les 150 du scrutin de 1956 ; Jacques Duclos est privé de son siège tandis que Maurice Thorez ne le conserve que de justesse. Le Parti a perdu, dans la crise de 1958, plus d’1,5 million de voix par rapport aux dernières élections de la IVe République. C’est donc Léon Feix qui redresse la situation politique communiste dans cette circonscription en novembre 1962.
Il est alors affronté au candidat UNR vainqueur de 1958, Claude Labbé. La victoire de ce dernier en 1958 au second tour n’est pas un raz-de-marée. Contre Mathilde Péri, qui cumule 46% des exprimés, il remporte le siège avec 48,6% des exprimés (52 080 électeurs) au second tour. La reconquête n’est donc pas impossible à brève échéance, mais le succès de Léon Feix dépasse néanmoins les espérances : entre 1962 et 1973, il est continûment élu au premier tour de scrutin, malgré la modification de la carte électorale opérée en 1967.
En novembre 1962, son adversaire Claude Labbé, dont Léon Feix a très vigoureusement dénoncé la gestion dans sa profession de foi, est sèchement battu par 14 907 voix (29,9% des 49 751 votants) contre 26 844 à son adversaire communiste (53,9%). La présence du candidat PSU René Poupardin, qui ne remporte que 2 662 voix, ne peut gêner l’hégémonie communiste sur cette circonscription de la Seine-et-Oise. La défaite de 1958 n’y est que conjoncturelle. Le scrutin de mars 1967 le confirme : Léon Feix est élu au premier tour dans la 3e circonscription du Val-d’Oise, avec 56,3% des votants contre Jean Defresne, qui sous l’étiquette du « Regroupement démocratique d’Argenteuil-Bezons », ne parvient à cumuler que 29,4% des voix : il est affaibli par les 5 720 suffrages (12,1%) ravis par le candidat de la Convention des Institutions Républicaines (CIR) Gilles Dautun. Un an plus tard, le changement de candidat du Regroupement démocratique, désormais ouvertement soutenu par l’UDR et Centre Démocrate, ne parvient pas non plus à inquiéter Feix : Jean Chauvin, qui progresse certes légèrement, est battu avec 33,2% des 45 619 votants. Les candidats socialistes divisés entre FGDS et PSU ne sont pas parvenus à cumuler ensemble plus de 5 000 suffrages ; le communiste l’emporte avec 23 313 voix, (51,1% des votants).
Le candidat communiste subit donc une légère érosion de ses scores électoraux à la fin des années 1960, mais cette tendance est enrayée en mars 1973 : Léon Feix remporte l’élection au premier tour avec 51,7% des voix devant une opposition qui, à force d’être défaite, s’est éparpillée. Le candidat d’opposition le plus fort, sous l’étiquette de l’Union des Démocrates pour la Ve République, n’obtient plus que 7 814 voix (15,7% des votants).
Fort de ce succès continu, Léon Feix est un député communiste influent à la Chambre. A la fin de sa longue carrière, il est vice-président du groupe communiste au Parlement (avril 1972-mars 1973) et vice-président de l’Assemblée nationale en avril 1973, remplacé à sa mort un an plus tard par la députée communiste de la Haute-Vienne Hélène Constans.
A l’Assemblée, Léon Feix est un parlementaire présent et actif, dont les thèmes d’intervention reflètent son rôle dans le Parti, mais aussi ses préoccupations d’élu. Léon Feix a siégé à la Commission des Affaires Etrangères sans interruption de 1962 à 1974. C’est lui qui, au cours de ces années de guerre froide, fait entendre la voix du Parti communiste, qui est aussi celle de Moscou, dans l’enceinte du Parlement français. Lors de la discussion de la loi de finances pour 1963, le 23 janvier 1963, il évoque la crise de Cuba et le statut de Berlin-Ouest. Le 19 octobre 1965, la discussion de la loi de finances pour 1966 lui permet à nouveau d’évoquer la situation politique et militaire au Vietnam, de réclamer la reconnaissance de la RDA, de s’inquiéter du réarmement de la RFA dont, dans sa profession de foi de 1962 il avait dénoncé les « généraux nazis », et de critiquer la politique étrangère gaulliste d’indépendance stratégique. Le 7 novembre 1968, à l’occasion à nouveau de la discussion de la loi de finances pour 1969, il affirme le soutien de son parti au Vietnam du Nord, justifie son approbation de l’intervention soviétique à Prague quelques mois plus tôt, dénonce le réarmement allemand et la prolifération nucléaire française. Le 28 avril 1970, il commente les événements du Cambodge et dénonce la vente de matériel militaire à Israël et à la Libye. Lors de la discussion de la loi de finances pour 1972, l’occasion lui est encore offerte d’évoquer la question de l’admission de la RDA et de la RFA à l’ONU, obtenue finalement le 18 septembre 1973.
La critique parfois violente de la politique coloniale française est un thème privilégié des interventions de Léon Feix. Le statut de Djibouti, dont la fixation par référendum a recueilli l’accord du PCF le 6 avril 1966, est par la suite dénoncé le 13 juin 1967. A plusieurs reprises, le 4 novembre 1969, le 28 avril 1970, Feix attaque la politique « néo-coloniale » française au Tchad. Lors de la discussion, le 13 novembre 1972, de la loi de finances pour 1973, il réclame l’autodétermination pour les peuples d’Outre-Mer, conformément à la lettre du Programme commun de la gauche.
La politique algérienne de la France n’est pas, cependant, une cible privilégiée des interventions parlementaires du député communiste. Lorsqu’elles ont lieu, celles-ci sont, à l’image de l’attitude communiste, relativement prudentes. Le 6 mai 1966, il pose au gouvernement une question orale sur les conditions de l’enlèvement de Ben Barka et demande la formation d’une Commission d’enquête sur le comportement de la police lors de celui-ci : le « fascisme » gaulliste est dénoncé plutôt que l’indépendance algérienne soutenue. Non que par sa voix, le PCF n’ait dédaigné d’intervenir sur la politique africaine du gaullisme : le Sénégal et le Mali (discussion de la loi de finances de 1968, 25 octobre 1967), le Tchad et Djibouti semblent plus souvent évoqués que la politique algérienne de la France. La politique française de la coopération fait également l’objet d’une grande sollicitude : le 7 et le 8 juin 1972, il dépose huit amendements au projet de loi sur la situation du personnel civil de coopération culturelle auprès d’Etats étrangers : les préoccupations corporatives se mêlent aux impératifs de politique étrangère.
Il en est de même pour la question algérienne : c’est la situation des rapatriés puis des immigrés algériens en France qui attirent l’attention du Parti communiste. Ainsi, lors de la discussion de la loi de finances de 1967, le 24 octobre 1966, Léon Feix a posé les conditions des communistes au bon déroulement du rapatriement des Français d’Algérie : conditions d’indemnisation et de logement, pensions et retraites des rapatriés sont évoquées. Mais c’est surtout la main d’œuvre étrangère qui suscite un grand nombre d’interventions et de propositions de loi. Le 6 décembre 1972, puis le 25 avril 1973, Léon Feix a déposé des projets de loi en faveur de l’interdiction des expulsions arbitraires de travailleurs immigrés et de facilitation des conditions de renouvellement des cartes de séjour en France. Le 24 mai 1973, c’est même un projet de loi complet sur le statut des immigrés qui est déposé par Feix. Le 9 mai 1973, il était déjà intervenu sur les conditions de logement des immigrés lors de la discussion du projet de loi sur l’hébergement collectif. Le 15 octobre 1971, la question orale posée par Feix au gouvernement résume l’esprit de cette politique communiste à l’égard de l’immigration : il dénonce les conditions de logement et de travail des travailleurs immigrés en France, les conséquences de la destruction des bidonvilles de la Région parisienne, et la nécessité d’un statut de ces travailleurs pour fixer leurs libertés syndicales et leurs droits à l’instruction (il avait déposé un projet de loi en ce sens le 10 juin 1970) mais il souligne en même temps le « seuil critique atteint par la proportion d’immigrés dans certaines villes de la banlieue parisienne ». Certains historiens ont montré, en effet, que la modification de la structure démographique des villes de la « ceinture rouge » a poussé le Parti communiste à mettre en place un « plan de travail pour diminuer le pourcentage de travailleurs immigrés » dans certaines communes comme Gennevilliers du fait de l’effritement progressif de la cohésion sociale de la présence communiste dans ces cités industrielles et populaires.
La politique sociale et syndicale est l’autre versant majeur des interventions parlementaires de Léon Feix. Ce dernier est à la fois porte-parole de sa circonscription centrée sur Argenteuil (son maire Victor Dupouy est son suppléant de 1962 à 1973), et représentant des maires et des députés communistes bien installés en banlieue parisienne en particulier.
En matière syndicale, Léon Feix a déposé trois fois un projet de loi sur l’exercice des libertés syndicales, entre mai 1963 et juillet 1968. Les événements de mai 1968 ont rendu plus urgente pour le gouvernement la nécessité d’élaborer un texte complet, à la conception duquel Léon Feix participe pleinement, par le dépôt de 9 amendements : ce projet est finalement adopté à l’unanimité le 4 décembre 1968. Ceci n’empêche nullement Feix de poser au gouvernement des questions orales destinées à appuyer les grèves du moment, comme le 18 octobre 1971 à propos des revendications des travailleurs du métro parisien ou le 28 novembre 1973 lors des grèves des cimenteries qui paralysent l’industrie du Bâtiment. Dans cette perspective, il participe, pour la refuser, à la discussion du projet de loi sur Convention internationale du Travail, concernant la politique de l’emploi adoptée par l’OIT le 9 juillet 1964.
Les préoccupations sociales et urbaines sont également au programme du député communiste. Lui-même est nommé membre d’une commission d’enquête sur le fonctionnement des sociétés civiles de placement immobilier et leurs rapports avec le pouvoir politique le 14 décembre 1971 ; c’est d’ailleurs pour lui l’occasion de tenter de mettre le gouvernement en difficulté par une question d’actualité sur ce sujet le 26 mai 1972. Les questions de logement font l’objet d’autres interventions de sa part : le 20 juin 1967, sur la loi d’orientation foncière et urbaine et sur les conditions d’expropriation en particulier, ou le 9 mai 1973, sur les conditions de salubrité et de conditions des logements lors de la discussion du projet de loi sur l’hébergement collectif. Les préoccupations d’aménagement du territoire et de la banlieue parisienne en particulier accaparent l’essentiel de son activité au Parlement : il réclame une augmentation des personnels enseignants en Seine-et-Oise le 6 novembre 1963 puis à nouveau le 19 octobre 1965, et participe plus largement à la question de la part de l’Education nationale dans la loi de finances pour 1967 (2 novembre 1966). Le 18 décembre 1970, il dépose une proposition de loi sur les transports en région parisienne, puis il réclame, lors de la discussion du projet de loi sur l’organisation de la justice dans la Région parisienne, la redéfinition de la juridiction et l’accroissement des moyens financiers et humains mis à disposition des tribunaux de Créteil, Nanterre et Bobigny, question toujours actuelle. L’élaboration de la loi du VIe plan, le 17 juin 1971, sollicite également son attention, puisqu’il engage la situation de la Région parisienne.
Les questions corporatives constituent le dernier volet de son activité parlementaire : l’avenir de l’industrie aéronautique française (7 novembre 1969) le préoccupe comme l’amélioration des retraites du régime général de la Sécurité sociale (1er décembre 1971), le pouvoir d’achat des fonctionnaires et la politique gouvernementale de la fonction publique lors de la discussion de la loi de finances pour 1973, la question de l’actionnariat des personnels des banques nationales et des entreprises nationales d’assurances, dans laquelle le Parti et Feix votent contre le 28 novembre 1972.
Léon Feix est un député communiste discipliné. Il s’est abstenu en décembre 1963 sur la modification de l’article 28 de la Constitution, à nouveau en mai 1965 sur la loi sur le Service national. Il fait de même devant la loi d’orientation de l’enseignement supérieur le 10 octobre 1968, mais ne prend part au vote de la loi sur le Service national du 10 juin 1970. Il vote également contre la loi de création et d’organisation des régions en avril 1972, et finalement contre la modification de la l’article 6 de la Constitution le 16 octobre 1973.
C’est sur ce vote négatif que se clôt la carrière parlementaire du député communiste Léon Feix. Lentement miné par la maladie, ce dernier participe néanmoins à la campagne présidentielle de 1974, en apportant son soutien à François Mitterrand, candidat de gauche unie sur la ligne du Programme commun. Son voyage en Martinique, pour y rassembler des voix en faveur du candidat socialiste, l’a sans doute épuisé : il s’éteint à Fort-de-France le 28 avril 1974.