Charles, Thomas Floquet
1828 - 1896
Représentant en 1871, député de 1876 à 1889 et ministre, né à Saint-Jean-Pied-de-Port (Basses-Pyrénées) le 2 octobre 1828.
Il terminait au collège Saint-Louis, à Paris, de bonnes études classiques, quand éclata la révolution du 24 février 1848 ; il prit part en habit de collégien à la guerre des rues, puis il entra à l'Ecole d'administration, fondée par Hippolyte Carnot, en sortit diplômé, et suivit les cours de la faculté de droit. Il se mêla encore, le 2 décembre 1851, aux tentatives de résistance contre le coup d'Etat, et, inscrit la même année au barreau de Paris, docteur en droit, et président de la conférence Molé, il ne tarda pas à se faire, dans le monde libéral et démocratique, une certaine réputation d'orateur. Recherchant surtout les causes politiques, il figura parmi les défenseurs dans le procès du complot de l'Opéra-Comique, puis dans le procès Tibaldi. En même temps, il s'essayait au journalisme : il fut un des premiers collaborateurs du Temps, fonda avec Clément Duvernois, alors républicain, le Courrier de Paris, feuille d'avant-garde, qui « avait, dit un biographe, trop d'esprit pour vivre longtemps. Aussitôt née, aussitôt poursuivie, et presque aussitôt tuée. Une cotisation combinée de l'équipe et des rédacteurs pourvut aux dépenses du numéro testamentaire ». Plus tard, il entra au Siècle dont il fut, jusqu'en 1870, un des collaborateurs les plus actifs.
Le 1er juin 1863, il se présenta comme candidat d'opposition au Corps législatif dans la 2e circonscription de l'Hérault, et y obtint, sans être élu, 5 861 voix contre 23 009 à l'élu, candidat officiel, M. Roulleaux-Dugage et 1 684 à M. de Margon. « Contre cette candidature éhontée, le préfet à poigne ordonna la grève des colleurs d'affiches. Floquet toutefois finit par en trouver un assez courageux. Il lui assigne rendez-vous sur la place publique, et, le lendemain matin en présence des autorités par lui prévenues, il colle lui-même sa première affiche, remet au colleur le pinceau, et l'accompagne, lui désignant les endroits propices, à travers toute la ville, suivi par un tas de badauds qui osent l'applaudir, sinon l'élire. » (Mario Proth, Célébrités contemporaines.)
M. Charles Floquet fut compromis et condamné à l'amende avec plusieurs de ses amis dans le procès des Treize.
En 1867, il attira sur lui l'attention par une manifestation qui est restée célèbre, et que ses adversaires lui ont longtemps reprochée. Comme le czar Alexandre Il, venu pour visiter Paris et l'Exposition universelle, montait les marches du Palais de Justice, un jeune avocat en robe s'approcha de lui et, le saluant de la toque, lui dit en manière de bienvenue: « Vive la Pologne, Monsieur ! » Alexandre, surpris, rebroussa chemin et gagna rapidement sa voiture. Le soir, aux Tuileries, il répétait, paraît-il : « Que me voulait donc ce prêtre ? » Cependant le conseil de l'ordre s'assembla et décida que Me Floquet avait usé de son droit.
Le 24 mai 1869, M. Floquet fut de nouveau le candidat de la démocratie radicale dans la 2e circonscription de l'Hérault, où il échoua avec 8 854 voix contre 16 309 au député sortant et 1 215 à M. Thourel. En 1870, lors du procès du prince Pierre Bonaparte, il plaida à Tours pour le père de Victor Noir, qui s'était porté partie civile. Il plaida également pour Cournet dans l'affaire du complot contre la vie de l'empereur, devant la Haute Cour de Blois.
Au 4 septembre, avec son confrère M. Lenoël, il força la ligne de sergents de ville qui barrait le pont de la Concorde, s'introduisit au Palais-Bourbon, et, de là, se rendit à l'Hôtel-de-Ville avec le gouvernement de la Défense nationale. Nommé adjoint au maire de Paris, il s'empressa, de concert avec son ami et collègue M. Henri Brisson, de faire substituer l'écharpe tricolore à l'écharpe rouge arborée spontanément à la première heure par le maire Etienne Arago, et, le soir même de son installation, se rendit au Sénat pour le disperser ; mais l'Assemblée du Luxembourg avait pris les devants, et s'était exécutée d'elle-même : il ne restait plus au Sénat que le général de Montfort, gouverneur, et M. Ferdinand Barrot. M. Ch. Floquet mit les scellés sur la salle des séances. Il contribua aux premiers actes de la mairie de Paris, et, du 4 septembre au 31 octobre, eut sa part d'initiative dans plusieurs mesures importantes ; il s'attribua surtout les rapports de la mairie avec la garde nationale. Au 31 octobre, devant le refus du gouvernement de procéder immédiatement aux élections municipales, selon l'engagement contracté par la mairie centrale, il donna sa démission d'adjoint. Mais il prit soin de déclarer qu'il restait le partisan du gouvernement de la Défense, et vota oui au plébiscite de novembre ; il s'engagea alors dans le bataillon d'artilleurs commandé par M. Schœlcher, et continua de prendre part, sous la présidence de M. Henri Rochefort, son ancien camarade de collège, aux séances de la commission des barricades, dont il était membre. Dans la nuit du 1er au 2 décembre 1870, il eut en cette qualité à réunir, avec MM. Dréo et Albert, une équipe de 2 à 300 travailleurs pour les mener sur le champ de bataille de Champigny, où le général Ducrot les avait fait demander. Mais quand ils y arrivèrent, le général n'y était plus. Ils élevèrent les barricades qui permirent au 35e de ligne de repousser, vers cinq heures du matin, le mouvement offensif des Prussiens.
Aux élections du 8 février 1871, M. Charles Floquet fut élu représentant à l'Assemblée nationale, par le département de la Seine, le 29e sur 43, avec 93 579 voix (328 970 votants, 547 858 inscrits). Il échoua, le même jour, dans le département de l'Hérault, avec 43 410 voix sur 88 483 votants.
Il se rendit à Bordeaux, vota contre la paix, contre le transfert de l'Assemblée à Versailles, et, entre la courte session de Bordeaux et la première session de Versailles, il alla dans la famille de Mme Floquet, en Alsace. Comme il regagnait Paris par le seul chemin alors praticable, la Suisse, il apprit la nouvelle de l'insurrection du 18 mars. M. Floquet fut mêlé, avec MM. Lockroy et Clemenceau, aux tentatives de conciliation qui échouèrent, se montra partisan des élections municipales, et, la lutte commencée, donna sa démission de représentant. A son appel se rendirent chez lui, rue de Seine, quelques personnages politiques, parmi lesquels MM. Allain-Targé, Schœlcher, André Lefèvre, Murat, Frédéric Morin, etc., qui fondèrent la Ligue d'Union républicaine des droits de Paris. M. Floquet en fut le premier président.
Membre actif de la franc-maçonnerie, il combattit, à la réunion tenue au Châtelet, la proposition de prendre les armes au cas où les bannières de l'ordre, plantées sur les remparts, seraient atteintes par les balles.
Deux fois arrêté par les fédérés, il le fut encore par les agents du gouvernement de Thiers tandis qu'il se rendait à Bordeaux, délégué par la Ligue au congrès des conseils municipaux de France. On le garda trente jours en prison à Pau. Le 19 mai, dans une lettre rectificative au Gaulois, il s'était défendu d'avoir entretenu aucune relation avec la Commune.
Porté candidat radical au conseil municipal de Paris, dans le 11e arrondissement, il fut élu, au scrutin partiel du 28 avril 1872, par 2 347 voix sur 3 383 votants. Vers la même époque, il collabora activement à la République Française, et plaida divers procès politiques et de presse, notamment pour l'Emancipation de Toulouse, dont il obtint l'acquittement. Il fut réélu conseiller municipal en 1874 et devint président du conseil municipal de Paris l'année suivante.
Enfin, après avoir échoué le 30 janvier 1876 aux élections sénatoriales de la Seine, avec 75 voix sur 209 votants, il fut élu député, le 20 février 1876, par le 11e arrondissement de Paris, avec 21 559 voix (25 754 votants, 32 732 inscrits), contre 4 650 à M. Mazaroz. Il avait adopté, dans sa profession de foi, le programme Laurent Pichat, c'est-à-dire l'amnistie, la levée de l'état de siège, l'instruction gratuite, obligatoire et laïque, les libertés de réunion, d'association, de presse, le service obligatoire, la suppression du budget des cultes, le retour du parlement à Paris. Dès l'ouverture de la session, M. Floquet, inscrit à l'Union républicaine, déposa une proposition tendant à la levée de l'état de siège, qui pesait encore sur 42 départements et qui fut supprimé quelques jours après. Il appuya aussi la proposition d'amnistie plénière qui fut repoussée par la majorité. En dehors de la Chambre, il dirigea pendant quinze mois le journal le Peuple, feuille militante à 5 centimes.
Après l'acte du 16 mai 1877, il fut un des 363 députés des gauches réunies qui se prononcèrent contre le cabinet de Broglie-Fourtou, puis il fit partie du comité des Dix-Huit, chargé de diriger la résistance légale.
Réélu député du 11e arrondissement de Paris, le 14 octobre 1877, par 24 440 voix (27 073 votants, 33 644 inscrits), contre M. Touchard, 142 voix, et M. Daguin 114, il prononça, à l'adresse du ministère Rochebouët, un virulent discours, et fut membre de la commission d'enquête électorale, nommée pour examiner les actes de pression administrative imputés au gouvernement du 16 mai : il parcourut le Sud-Ouest avec une délégation de cette commission et contribua à plusieurs des invalidations que prononça la majorité de la Chambre ; ce fut lui notamment qui soutint, comme rapporteur, des conclusions conformes à l'annulation des élections de MM. Paul Granier de Cassagnac et de Fourtou. Le jury d'honneur, qui eut à statuer sur le cas de Bonnet-Duverdier, le choisit pour son président. A l'avènement du dernier ministère Dufaure, M. Floquet présida aussi le groupe de l'Union républicaine.
Après les élections sénatoriales de 1879, il prêta sa parole à l'interpellation du 20 janvier, qui précéda de peu la retraite du maréchal de Mac-Mahon, et combattit vivement, au nom de ses amis, le vote de confiance réclamé par le cabinet ; il conclut à la formation d'un ministère comprenant des membres des quatre principaux groupes de la majorité de gauche. Il se prononça aussi énergiquement, mais sans plus de succès, pour la mise en accusation des hommes du Seize-Mai. Un discours de lui enleva le vote sur la suspension de l'inamovibilité de la magistrature. Un autre fit tomber le ministère Waddington. M. Floquet fit aussi partie de plusieurs commissions du budget. Il vota pour l'invalidation de l'élection de Blanqui, pour l'article 7, et prit une part active aux débats soulevés par les lois nouvelles sur la presse, pour laquelle il demanda « le droit commun », et sur le droit de réunion. Il se fit remarquer encore par plusieurs discours extraparlementaires prononcés à Lyon, à Valence, à Beauvais, à Elbeuf, à Lille, etc., prêta son concours à l'œuvre du Sou des Ecoles laïques, et rendit compte à Paris (1879) de son mandat législatif, dans une grande réunion publique où il se déclara satisfait de la politique suivie alors par la Chambre et le gouvernement. Une conférence qu'il fit au théâtre de l'Ambigu eut un certain retentissement : il y avait opposé le Peuple de Michelet à celui de l'Assommoir, et avait caractérisé non sans éloquence, « la sensation de fatigue, de dégoût, d'écœurement », que devaient éprouver, d'après lui, les hommes de goût et les patriotes à la lecture de l'œuvre de M. Emile Zola.
En 1881, M. Charles Floquet devint vice-président de la Chambre.
Réélu, le 21 août de la même année, dans le 11e arrondissement (1re circonscription), avec 11 779 voix (15 003 votants, 19 803 inscrits), contre 1 914 voix à M. J. Labusquière, collectiviste, et 598 à M. A. Rogeard, républicain intransigeant, il prit avec M. Allain-Targé la direction du journal l'Union républicaine, dont la carrière fut courte. Puis un décret du 5 janvier 1882 le nomma préfet de la Seine en remplacement de M. Hérold, récemment décédé.
Il donna sa démission de député, pour se consacrer entièrement à son administration, qui ne dura d'ailleurs que quelques mois. Il fut alors remplacé à la Chambre par M. Cadet. M. Ch. Floquet, qui s'était déclaré partisan de la mairie centrale de Paris, quitta la préfecture une première fois en juillet 1882, à la suite de l'annulation d'un ordre du jour du conseil municipal de Paris tendant à l'institution de cette mairie centrale, et y rentra quelques jours après, à la suite d'un autre ordre du jour du même conseil l'invitant à conserver son poste. Mais lorsqu'une politique nouvelle, succédant à celle du ministère Freycinet, vint emporter les espérances des « autonomistes », M. Ch. Floquet résolut de quitter définitivement la préfecture.
M. Escarguel, député des Pyrénées-Orientales, ayant été nommé sénateur, il en profita pour poser sa candidature dans ce département, et fut réélu député, le 22 octobre 1882, par 5 301 voix (9 611 votants, 17 328 inscrits), contre 4 278 voix à M. Valentin Magnan, radical-socialiste. Il alla siéger à la gauche radicale et vota avec ce groupe politique. En janvier 1883, il déposa une proposition tendant à l'expulsion des membres des familles ayant régné sur la France. Il demanda également l'ouverture d'un crédit destiné à permettre aux ouvriers de prendre part aux adjudications pour les travaux publics. Il combattit, dans la dernière partie de la législature, la politique coloniale de M. Jules Ferry, et intervint plusieurs fois dans les débats soulevés par la question du Tonkin. Il fut l'un des vice-présidents de la Chambre, et il en fut élu président, le 8 avril 1885, lorsque M. Henri Brisson prit la présidence du cabinet.
Candidat aux élections législatives du 4 octobre 1885 dans les départements de la Seine et des Pyrénées-Orientales, M. Ch. Floquet fut élu, au 1er tour de scrutin, député de la Seine, le 2e sur 38, par 263 762 voix (434 011 votants, 564 338 inscrits), et, au scrutin de ballottage, député des Pyrénées-Orientales, par 26 410 voix (39 931 votants, 56 604 inscrits). Il avait été porté par les radicaux et par une fraction du parti opportuniste. Ayant opté pour les Pyrénées-Orientales, il fut porté de nouveau au fauteuil présidentiel de la nouvelle Chambre, pour la session de 1886, et les divers partis parlementaires se plurent à reconnaître l'habileté dont il fit preuve dans ces fonctions. A maintes reprises, durant la législature, il fut question de la formation d'un ministère radical présidé par M. Floquet, mais aucune offre formelle ne fut faite au président de la Chambre tant que M. Grévy occupa le pouvoir.
Lors du scrutin préliminaire ouvert à la veille du Congrès, au Palais-Bourbon, par les radicaux, pour la nomination d'un nouveau président de la République, M. Floquet obtint 101 voix ; mais sa candidature ne fut pas maintenue. Il resta donc président de la Chambre jusqu'au jour (3 avril 1888) où, ayant accepté de M. Carnot la mission de constituer un cabinet, il devint chef du nouveau ministère, avec le portefeuille de l'Intérieur.
Le même jour, il donnait lecture aux deux Chambres d'une déclaration qui contenait ce passage « Ce n'est pas dans l'immobilité, encore moins dans un retour en arrière que le pays veut et que nous comprenons la conciliation des républicains ; c'est dans la marche en avant, dans le développement régulier de nos institutions que des agitations passagères et superficielles ne sauraient entraver. » Et plus loin : « La question de la révision de la Constitution qui vient de se poser devant la Chambre, est une de celles qui commandent le plus de calme et de réflexion. Le gouvernement vous demandera de s'en rapporter à lui du soin d'indiquer le moment favorable et préparer l'entente nécessaire entre les deux Assemblées. »
La déclaration ne fut applaudie à la Chambre que par l'extrême gauche et la gauche radicale, et rencontra au Sénat un accueil encore beaucoup plus froid. Aussitôt de nombreuses interpellations furent adressées au président du Conseil par la droite et par le centre gauche de la Chambre et du Sénat : à propos de la création d'un ministre civil de la guerre (c'était. M. de Freycinet), puis à propos du programme politique du cabinet et notamment de la révision. En réponse à MM. Trarieux et Léon Renault, M. Floquet dit au Sénat : « On nous a demandé de préciser ce que nous entendions par le mot de révision. Le jour où nous proposerons la révision, nous aurons à demander au Sénat et à la Chambre de se mettre d'accord sur les points de la Constitution de 1875 qui nous paraîtront devoir être révisés. Vous nous dites que nous ne caractérisons la révision par aucune épithète. Je n'ai pas besoin de dire que nous ne voulons ni de la révision monarchique, ni des énigmes plébiscitaires que depuis quelque temps on se plaît à agiter devant nous. La révision que nous voulons est une révision démocratique... » L'ordre du jour pur et simple fut voté par le Sénat.
Vers la même époque, la Chambre procéda à l'élection de la commission chargée d'examiner les propositions de révision dont elle avait déclaré l'urgence le 30 mars. Le 19 avril, le président du Conseil, de sa propre initiative, était monté à la tribune pour dire qu'il tenait à savoir « s'il y avait une majorité pour appuyer une politique résolument décidée aux réformes, un gouvernement qui marche vers la gauche, qui ne croit pas que le péril soit à gauche », et il avait obtenu, outre le vote d'un ordre du jour de confiance, l'affichage de son discours.
Cependant les opportunistes ne désarmaient pas encore, et M. Floquet fut, battu au Sénat, à propos de la loi militaire (amendement Campenon).
Pour atténuer l'opposition des modérés, il ne fallut rien moins que les appréhensions suscitées par le mouvement boulangiste : le général Boulanger étant venu, le 4 juin, à la Chambre, pour la première fois depuis son élection, afin d'y lire un manifeste, M. Floquet lui répondit par un discours qui eut encore les honneurs de l’affichage : « A votre âge, monsieur, lui dit-il, Bonaparte était mort ! » Au cours d'un nouveau débat entre le général et M. Floquet, des paroles très vives ayant été prononcées par le premier à l'adresse du chef du cabinet, M. Floquet envoya ses témoins ; un duel eut lieu à Neuilly, le 12 juillet 1888, et le général Boulanger fut blessé.
M. Floquet se heurta encore dans le parlement à plus d'une difficulté. Mais l'attitude qu'il fit prendre à la police dans la journée du 7 août, lors de l'enterrement d'Eudes, ancien membre de la Commune, et les mesures de rigueur qu'il déploya, eurent l'approbation des « modérés ». A la vérité, cette approbation ne lui fut pas longtemps acquise.
Dans les derniers jours de septembre 1888, M. Floquet fit savoir qu'il saisirait la Chambre, dès sa rentrée, d'un projet tendant à la révision des lois constitutionnelles, et, le 15 octobre, il donna effectivement lecture de ce projet qui indiquait, au nombre des réformes les plus urgentes : le Sénat élu au suffrage universel à deux degrés ; les deux Chambres renouvelées par tiers et simultanément tous les deux ans ; un Conseil d'Etat préparant les lois, les soutenant devant les Chambres, et dont les membres seraient élus par le parlement ; le contrôle législatif et financier du Sénat sensiblement réduit ; le droit de dissolution supprimé ; les ministres enfin ne devenant obligés de se démettre qu’après un vote formel de la Chambre constatant qu'ils ont cessé de mériter la confiance de la nation.
Ce projet n'obtint dès le premier jour qu'un succès médiocre. D'un autre côté, le triomphe électoral du général Boulanger à Paris, le 27 janvier 1889, acheva d'ébranler le ministère. Il entama résolument la lutte, en proposant de rétablir, en vue des élections législatives prochaines, le scrutin d'arrondissement, qui fut voté, le 11 février 1889, par 268 voix contre 222, et en insistant pour le vote d'un projet de révision de la Constitution, qui fut indéfiniment ajourné, le 14 février, par 307 voix contre 228.
Cet échec amena la démission du cabinet Floquet, qui fut remplacé par un ministère Tirard.
Après sa chute, M. Floquet vota encore pour les poursuites contre trois députés membre de la Ligue des patriotes, pour les poursuites contre le général Boulanger, et s'abstint sur le projet de loi Lisbonne restrictif de la liberté de la presse.
M. Floquet, à qui l'on a reconnu, dans les délicates fonctions de président de la Chambre, de réelles qualités de tact et d'impartialité, s'est montré à toute autre place un orateur nerveux et agressif, supportant mal la contradiction, et manquant peut-être du sang-froid qui s'impose au véritable homme d'Etat.
Né le 2 octobre 1828 à Saint-Jean-Pied-de-Port (Basses-Pyrénées),
mort le 18 janvier 1896 à Paris.
Député de la Seine de 1876 à 1882.
Député des Pyrénées-Orientales de 1882 à 1889.
Député de la Seine de 1889 à 1893.
Sénateur de la Seine de 1894 à 1896.
Président du Conseil et Ministre de l'Intérieur du 3 avril 1888 au 22 février 1889.
Président de la Chambre du 8 avril 1885 au 3 avril 1888 et du 16 novembre 1889 au 10 janvier 1893
(Voir première partie de la biographie dans ROBERT ET COUGNY, Dictionnaire des Parlementaires, t. III, p. 13.)
Président du Conseil, Charles Floquet avait fait voter le 11 février 1889 le rétablissement du scrutin uninominal, scrutin qui, paradoxalement, lui permit une réélection moins brillante que celle qu'il avait connue précédemment.
Au renouvellement législatif des 22 septembre et 6 octobre 1889, il fut candidat dans la 1re circonscription du XIe arrondissement de Paris ; en tête avec 4 350 voix sur 9 336 votants, contre 2 956 au boulangiste Nicot et 1 139 au socialiste Allemane le 22 septembre, il enlevait le siège au scrutin de ballottage par 5 284 voix sur 8 669 votants contre 3 208 à Lucien Nicot.
Pendant cette dernière législature, il retrouva, dès le 16 novembre 1889, son fauteuil de président de la Chambre qu'il conserva jusqu'au 10 janvier 1893, date à laquelle il déclina la candidature à la présidence de la Chambre.
Aux élections générales des 20 août et 3 septembre 1893, il fut battu par le chapelier Faberot, candidat ouvrier ; au premier tour il obtenait 2 913 voix sur 8 220 votants, contre 2 078 à son adversaire ouvrier et 1 550 au radical-socialiste Lagasse ; au scrutin de ballottage, Faberot l'emportait nettement sur lui avec 4.380 voix contre 3 231 sur 7 825 votants.
Mais il ne devait pas rester longtemps à l'écart du Parlement : René Goblet ayant été élu député de la Seine, démissionna de son mandat de sénateur et Charles Floquet brigua son siège. Il fut élu sénateur de la Seine le 7 janvier 1894, lors d'une élection partielle dont la date coïncide avec celle du renouvellement triennal de la série A, par 372 voix contre 176 à Muzet, sur 697 votants, dès le premier tour de scrutin.
Durant les deux dernières années de sa vie, il intervient encore fréquemment dans les débats principalement à propos des menées anarchistes et des accidents du travail.
Il meurt au début de l'année 1896, âgé de 68 ans.
Albert Faivre a publié en 1885 un recueil des Discours et opinions de M. Charles Floquet en deux volumes.