Albert Forcinal
1887 - 1976
* : Un décret de juillet 1939 a prorogé jusqu'au 31 mai 1942 le mandat des députés élus en mai 1936
Né le 11 mai 1887 à Gisors (Eure).
Député de l'Eure de 1928 à 1942.
Négociant et industriel en verrerie, Albert Forcinal, lieutenant, ancien E.O.R., est grièvement blessé le 5 septembre 1914 à la bataille de la Marne. Volontaire pour le front en 1916, défenseur du Mont Sans Nom (Champagne) le 15 juillet 1918 et fait officier de la Légion d'honneur sur le champ de bataille, il termina la guerre avec neuf citations.
Entré au Conseil général de l'Eure pour y représenter le canton de Gisors, en 1925, il y acquiert une position assez forte pour envisager une issue favorable à sa candidature à la Chambre des députés.
Il se présenta aux élections générales législatives des 22 et 29 avril 1928 dans la circonscription des Andelys et fut élu au scrutin de ballottage. Distancé au premier tour par Le Vavasseur qui totalisait 5.261 voix sur 12.961 votants contre 4.696 à lui-même, il l'emportait le 29 avril par 7.113 voix sur 12.858 votants contre 5.526 à son adversaire. Réélu au second tour, en 1932, il arrivait en tête le 1er mai avec 5.738 voix sur 13.216 votants, son principal adversaire, Josse, en recueillant 4.799 ; le 8 mai, au second tour, il était élu avec 6.716 voix contre 6.290 au même Josse, sur 13.224 votants. En 1936, mis de nouveau en ballottage le 26 avril avec 5.234 voix sur 13.093 votants contre 5.776 à Delarue, il conservait son siège le 3 mai en obtenant 6.763 voix sur 13.121 votants contre 6.175 au même Delarue.
Pacifiste convaincu, mettant sa foi en l'action de la Société des Nations, partisan de la laïcité et de la gratuité de l'enseignement, de la stabilité financière et de l'amodiation des monopoles, opposé à l'impôt sur le chiffre d'affaires, Albert Forcinal s'érige en défenseur du « régime républicain, perfectible sans doute, mais incontestablement meilleur que les régimes de dictature ».
Il s'affilia à la Chambre au groupe des républicains socialistes auquel appartenait Aristide Briand.
Dès son arrivée au Palais Bourbon, en 1928, il entra à la commission de l'armée et appartint en outre aux commissions de l'hygiène, des boissons, d'assurance et de prévoyance sociales, d'Alsace-Lorraine et d'enquête au sujet des événements du 6 février 1934.
En janvier 1936, ses collègues devaient l'élire secrétaire de la Chambre.
Suivant de près les questions militaires - il était vice-président de la commission de l'armée - il fit, en tant que rapporteur, voter la loi du 8 juillet 1934 sur l'insoumission et celle du 22 décembre 1937 relative à la limite d'âge de certains officiers, contribuant enfin par un rapport verbal à faire aboutir la loi du 19 juillet 1937 créant un cadre de spécialistes dans l'armée de terre.
Ce même souci l'amena à s'inquiéter de la lutte contre les dangers aérochimiques et à donner tous ses soins aux débats touchant la défense nationale. L'intérêt des problèmes du chômage et du logement (H.B.M.) ne lui échappa pas non plus.
Président du groupe d'amitié franco-espagnol, et animé par le souci de la sécurité militaire de la France, il tenta d'empêcher, en février 1931, la reconnaissance du gouvernement du général Franco qui siégeait encore à Burgos ; mais Daladier, alors président du Conseil, ayant posé la question de confiance à propos de cette demande d'interpellation, la Chambre se refusa à prendre la responsabilité d'une crise ministérielle.
Lors du congrès de Vichy, le 10 juillet 1940, il ne prit pas part au vote accordant les pouvoirs constitutionnels au maréchal Pétain.
Il était commandeur de la Légion d'honneur depuis 1936.
Né le 11 mai 1887 à Gisors (Eure)
Décédé le 1er novembre 1976 à Gisors
Député de l'Eure de 1928 à 1942
Délégué à l'Assemblée consultative provisoire
Membre de la première et de la seconde Assemblée nationale constituante (Eure)
Député de l'Eure de 1946 à 1955
Secrétaire d'Etat aux Anciens combattants et victimes de guerre du 31 octobre au 24 novembre 1947
(voir première partie de la biographie dans le dictionnaire des parlementaires français 1889-1940, tome V, p. 1710, 1711)
« Ancien Combattant », tels sont les deux mots qui résument le mieux la vie et l'action d'Albert Forcinal. Il fut continûment Ancien Combattant, comme d'autres sont monarchiste, marxiste ou bien encore Persan. Il s'identifia à cette composante de la société française au point de transposer dans l'Assemblée nationale de la IVe République une culture politique façonnée et modelée par l'expérience de la première guerre mondiale.
Bien qu'il ait placé quelques espoirs dans les mérites de la sécurité collective, Albert Forcinal fut d'emblée opposé aux folles ambitions de l'Allemagne nazie. Par patriotisme, mais aussi par considération de la supériorité de la République sur les régimes totalitaires, il ne prend pas part au vote qui accorde les pleins pouvoirs au Maréchal Pétain le 10 juillet 1940. Bien qu'ancien combattant de Verdun, il ne suit pas son ancien chef dans la voie de la capitulation. Sa participation à l'action du réseau de Résistance « Cahors-Asturies » lui vaut d'être arrêté par la Gestapo le 13 mai 1943, emprisonné à Fresnes, puis déporté à Buchenwald, d'où il sera libéré en 1945.
Les anciens parlementaires résistants ne sont pas si nombreux qu'on ne songe à nommer Albert Forcinal membre de l'Assemblée consultative provisoire. Il retrouve l'un après l'autre ses mandats : maire et conseiller général de Gisors (il le reste jusqu'en 1976) ainsi que représentant du département de l'Eure. Le 21 octobre 1945, aux élections à la première Assemblée nationale constituante, la liste républicaine indépendante qu'il conduit arrive en tête avec 29 837 voix sur 143 785 suffrages exprimés. Apparenté au groupe radical, il est nommé membre de la Commission de la défense nationale et juré à la Haute cour de justice. Le 22 mars 1946, Albert Forcinal dépose une proposition de résolution tendant à inviter le gouvernement à préparer une exposition internationale à Paris, en 1948, à l'occasion du centième anniversaire de la révolution de 1848 et de la IIe République. Le 19 avril 1946, par attachement à la IIIe République, il vote contre le projet de Constitution.
A la suite de son rejet par le référendum du 5 mai 1946, une seconde Assemblée constituante doit être formée. Albert Forcinal se retrouve en deuxième position derrière Pierre Mendès France sur la liste Rassemblement des gauches républicaines qui vient de se constituer pour lutter contre le tripartisme. Avec 58 610 voix sur 150 553 suffrages exprimés, il sont tous les deux élus, Mendès France au quotient et Forcinal à la plus forte moyenne. Ce succès est dû pour l'essentiel à la fusion de la liste radicale avec celle qu'Albert Forcinal avait conduite en 1945. Dans la seconde Assemblée nationale constituante, il s'inscrit au groupe de l'UDSR qui lui semble mieux tenir compte des acquis de la Résistance, être un prolongement du groupe des Républicains socialistes auquel il appartenait avant la guerre et aussi le plus à même de lui offrir l'opportunité de devenir ministre. Toujours juré à la Haute cour de justice, il est nommé membre de la Commission des pensions civiles et militaires et des victimes de la guerre et de la répression ainsi que de celle de la défense nationale. A l'unisson de son groupe et de celui des radicaux, Albert Forcinal vote contre le nouveau projet de Constitution (28 septembre 1946) mais celui-ci est adopté par les Français. Le 10 novembre, il est à nouveau le deuxième élu de la liste RGR qui rassemble cette fois-ci 52 864 voix sur 144 172 suffrages exprimés.
Au cours de la première législature de la IVe République, Albert Forcinal retrouve la Commission de la défense nationale ainsi que celle des pensions qu'il préside de 1947 à 1950. A ce titre, il multiplie propositions de loi, de résolution et rapports faisant de lui l'un des plus fermes défenseurs des intérêts des victimes de la seconde guerre mondiale toutes catégories confondues. Ainsi le 28 janvier 1949, propose-t-il d'attribuer la carte d'ancien combattant à tous ceux qui ont acquis des titres de guerre entre 1939 et 1945, ou bien encore le 3 novembre 1950 rédige-t-il une proposition de loi établissant le statut du « travailleur déporté ». Albert Forcinal est un parlementaire fort actif. Ses interventions sont nombreuses, l'essentiel porte sur les anciens combattants et les résistants (il préside le groupe parlementaire de l'Union démocratique et socialiste de la Résistance), la défense de l'Union française au nom de la fraternité des armes, sans s'interdire pour autant des incursions dans les débats de politique générale. Ainsi, le 17 décembre 1946, apporte-t-il au nom du groupe UDSR son soutien au gouvernement Léon Blum. Il soutient les cabinets de Troisième force. Au cours de la législature, il approuve la nationalisation des écoles des Houillères (1948), la ratification du Pacte atlantique (1949). Le 23 mai 1947, en qualité de rapporteur, il fait part de l'adoption à l'unanimité par la commission des pensions d'un projet de loi attribuant au ministère des anciens combattants un contingent exceptionnel de décorations dans l'Ordre de la Légion d'honneur destiné aux anciens combattants d'Afrique du Nord, projet de loi de nature à manifester la sympathie et l'admiration de l'Assemblée aux populations nord-africaines. Le 21 juillet 1947, Albert Forcinal soutient la requête de Hamani Diori visant à établir une égalité de pensions entre les anciens combattants métropolitains et ceux d'Afrique noire. A nouveau, et à plusieurs reprises en 1948 (le 6 juin, le 16 juillet, le 29 juillet etc.) il se bat pour obtenir la revalorisation des pensions et défend la cause des anciens combattants d'Afrique noire qui perdent du pouvoir d'achat car leurs pensions sont payées en francs CFA.
Le 22 octobre 1947, le Président Paul Ramadier sentant son cabinet menacé de l'intérieur par la décomposition de sa majorité, et de l'extérieur par la double opposition gaulliste et communiste, remanie son cabinet et resserre son dispositif en passant de vingt trois portefeuilles à onze. François Mitterrand jusqu'alors ministre des Anciens Combattants respecte la décision de son parti de ne plus participer au gouvernement. Ramadier renoue alors avec l'idée qui avait été la sienne en janvier de nommer aux anciens combattants son ami en Franc-maçonnerie (in E. Duhamel, L'UDSR d'une Résistance à l'autre, 1945-1965, thèse d'histoire, 1993). Le replâtrage du Gouvernement ne sert à rien. Le 19 novembre 1947, Ramadier remet sa démission au Président de la République.
Le 16 juillet 1948, en qualité de rapporteur du budget des dépenses militaires affectées à l'outre-mer, Albert Forcinal après avoir exprimé sa « reconnaissance admirative » aux soldats qui combattent outre-mer, demande de nouveaux crédits afin de doter les unités d'un matériel modernisé et de réduire la durée du service outre-mer. Le 30 juillet 1948, au cours d'une très longue intervention, il rassemble en faisceau ses arguments pour exiger l'égalité de traitement entre les Français et les ressortissants de l'Afrique noire. Utilisant une rhétorique « ancien combattante », il fait vibrer l'Assemblée en déclarant : « Nous demandons que nos camarades anciens combattants des T.O.M. aient les mêmes droits à la reconnaissance du pays que leurs frères d'armes de la métropole. Pour nous, il n'y a pas deux catégories de combattants : ceux de la métropole et ceux des T.O.M. qui sont venus s'intégrer dans nos armées. Nous ne connaissons que des frères d'armes qui, sans distinction de couleur ou de religion, ont les mêmes droits, comme ils ont eu les mêmes devoirs, parfois volontairement. » Le 12 mars 1949, Albert Forcinal approuve le projet de loi portant inhumation du général Giraud aux Invalides. Les 12 avril, 19 mai et 8 décembre 1949, il revient à nouveau à la charge et exige une majoration des pensions.
A la suite de la formation du premier cabinet René Pleven (UDSR), Albert Forcinal dépité de ne pas avoir été pressenti pour être ministre quitte le groupe UDSR pour s'apparenter au groupe radical. Aussi, ne participe-t-il pas au vote de confiance qui suit la composition du gouvernement quand bien même il avait approuvé l'investiture de René Pleven. Dès le 21 juillet, il n'hésite pas à critiquer durement le nouveau gouvernement sur l'insuffisance du projet de budget des anciens combattants et en demande le renvoi ; le Gouvernement s'y oppose et n'obtient satisfaction qu'à une voix de majorité. Le 3 août lors d'un débat important sur une proposition de loi relative aux travailleurs du STO, est posée la question de savoir si le terme de « déporté » peut leur être appliqué comme il était d'usage jusque-là. Albert Forcinal dans un souci d'unité et d'apaisement propose d'appliquer le qualificatif de « prisonnier » à tous les hommes emmenés en Allemagne. De même, il intervient lors du débat de la proposition de loi relative au statut des réfractaires le 3 août et lors du débat portant l'amnistie des faits de collaboration le 9 novembre.
Aux élections du 17 juin 1951, Albert Forcinal occupe à nouveau la deuxième place sur la liste de Rassemblement des gauches républicaines et du Parti radical. Pour cause d'apparentement avec les listes socialistes, républicaine populaire et indépendante, la liste conduite par Pierre Mendès France, avec 37 271 voix sur 142 696 suffrages exprimés, a trois élus. Les listes communiste et gaulliste qui arrivent en deuxième et troisième position, aucun.
Albert Forcinal s'apparente au groupe radical. Il est nommé membre des Commissions des pensions et des territoires d'outre-mer. Au cours de cette législature, moins soutenu par le Parti radical qu'il ne l'avait été par l'UDSR - les questions touchant aux séquelles de la guerre étant éclipsées par d'autres dossiers - Albert Forcinal est moins actif sur ce point que lors de la première législature. En revanche, il intervient plus volontiers sur d'autres sujets. Il dépose, le 21 mai 1953, une proposition de résolution tendant à inviter le gouvernement à reconnaître la Chine et le 5 juillet 1955 une proposition de loi tendant à créer de nouveaux moyens pour lutter contre la crise du logement, le logement qui avait été un de ses thèmes favoris sous la IIIe République. Au cours de la législature, il ne prend pas part au vote des lois Marie et Barangé, favorables à l'enseignement privé (21 septembre 1951). Réservé à l'égard de la construction européenne qu'il regrette de voir privée de la participation du Royaume-Uni, il ne participe pas au scrutin sur le pacte charbon-acier. Le député de l'Eure soutient les gouvernements de centre-droit à l'exception de celui de René Mayer.
Le 6 janvier 1953, lors du débat d'investiture du Président désigné, il interroge René Mayer sur les mesures qu'il entend prendre pour remédier à l'inflation et au déficit budgétaire qui « n'a pas été traité avec toute l'ampleur souhaitable » par les cabinets précédents. A l'issue de cette intervention qui a été l'une des plus importantes du débat, il s'abstient volontairement. Déjà le 20 octobre 1949, il n'avait pas soutenu René Mayer lorsque celui-ci effectuait « un tour de piste ». Les 25 et 26 janvier, Albert Forcinal prononce une importante intervention lors du grand débat sur les dépenses de fonctionnement et d'équipement des services militaires, avec en toile de fond l'hypothèque de la Communauté européenne de défense. Albert Forcinal annonce son intention de s'abstenir car « qui trop embrasse, mal étreint ». Selon lui, les armées ne peuvent pas tout faire d'autant que les cadres sont trop peu nombreux. Rappelant sans cesse son expérience de combattant de la Grande Guerre, il demande la modernisation des armées, s'oppose à l'incorporation anticipée de 39 000 hommes en 1953, s'étonne des dispenses accordées aux ouvriers mineurs au nom de l'égalité de tous devant l'impôt du sang. Profondément laïc, il s'inquiète de l'inégalité de traitement des religions dans les armées. S'il y a 110 ou 120 aumôniers catholiques, 20 à 25 aumôniers protestants, il déplore le trop grand nombre d'aumôniers israélites (12 à 15) par rapport au nombre de soldats juifs, et surtout l'absence de représentants de la religion musulmane. Il ne manque pas de rappeler à nouveau l'attitude « magnifique » des troupes d'Afrique qui combattent en Indochine. Mais, le moral est vacillant. Il précise que le moral est (avec la discipline) la première force des armées. Les héros de Verdun avaient le « feu sacré » rappelle-t-il. Or, il se fait l'écho du défaitisme qui s'institue dans la population française. Plus généralement, le député de l'Eure conclut pour « une Europe de la paix et de la sécurité », ce qui lui vaut d'être applaudi sur de nombreux bancs.
Le 19 mai 1953, Albert Forcinal prend part à la discussion du projet de loi relatif au redressement financier pour critiquer le budget présenté par René Mayer et son emprunt de 50 milliards à la Banque de France. Il déplore que le Gouvernement n'ait obtenu ni la stabilité des prix, ni la paix sociale. Il demande la réduction des dépenses. Il fustige le choix de procéder à un débat juste avant le départ du Président du Conseil aux Etats-Unis, car c'est, pour lui, une forme de chantage exercée sur la représentation nationale. « Vous à Washington, lance-t-il au Président, vous avez porté atteinte au prestige gagné à Verdun, en allant comme des mendiants, solliciter je ne sais quoi en échange du sang français qui coule en Indochine ». Bourgès-Maunoury lui demande de se contenir ; en vain. Albert Forcinal insiste et répète « vous êtes allés en Amérique comme des mendiants », suscitant des mouvements divers sur les bancs de l'Assemblée, puis des applaudissements à gauche et à l'extrême droite. Interrompu à plusieurs reprises, il fait état de sa Légion d'honneur gagnée à Verdun et de sa communauté d'esprit avec le corps expéditionnaire. Il expose son désaccord profond et ancien avec René Mayer, sans doute jugé trop européen. Plein du souvenir des années anciennes, il rappelle à René Mayer qu'il a bien connu Raymond Poincaré et sa politique d'assainissement financier. Il dénonce l'asservissement de la politique française à la politique américaine ; « Je fais en somme de la politique comme j'ai fait la guerre : au risque de recevoir des coups ». N'ayant pas obtenu les pouvoirs spéciaux, le Gouvernement Mayer démissionne. Le 16 juin 1953, dans une intervention où les références historiques - de Pyrrhus à Calonne en passant par Colbert- l'emportent sur les considérations techniques, le député de l'Eure s'oppose à la politique d'augmentation des tarifs SNCF. Le 8 octobre 1953, revenant sur les grandes grèves de l'été, il souligne ce qu'elles doivent à la faiblesse des salaires, à la misère de bon nombre de Français sans logement vivant dans un état précaire. Et tout ceci, dans un climat d'inquiétude, de lassitude et de désespoir d'une « France pacifiste (...) obligée de rester en guerre depuis 14 ans. » Combattant la politique indochinoise du cabinet Laniel, il approuve naturellement la formation du gouvernement Mendès France et les Accords de Genève qui mettent fin aux hostilités en Indochine. Opposé à la Communauté européenne de défense il vote la question préalable dont l'adoption vaut rejet du traité (30 août 1954). Il se prononce ensuite pour les Accord de Londres relatifs à la fin de l'occupation de l'Allemagne (12 octobre).
Il est caractéristique de la carrière parlementaire d'Albert Forcinal que sa dernière intervention à la tribune porte à la fois sur la défense des anciens combattants et des victimes de guerre, lui qui a été leur plus fidèle porte-parole, et plus largement sur les rapports entre la France et l'Allemagne. Le 21 décembre 1954, en qualité de rapporteur de la Commission des anciens combattants du projet de loi portant ratification des accords de Paris autorisant le réarmement de la RFA et son entrée dans l'OTAN, il donne un avis favorable à la convention relative aux sépultures militaires, un avis défavorable en ce qui concerne la prise en compte des intérêts des déportés. Il réclame que les archives soient remises aux alliés pour éviter leur destruction, que les lieux de déportation soient entretenus par les Allemands pour les conserver comme lieux de pèlerinage, nous dirions aujourd'hui lieux de mémoire. Plus pessimiste qu'il ne l'était lorsqu'il faisait l'éloge de la SDN, Albert Forcinal s'inquiète de la validité des traités de paix. « N'oublions point les victimes d'hier, de façon à mieux agir pour éviter de nouvelles victimes dans un proche avenir » conclut-il se faisant ainsi applaudir par toute l'Assemblée. Le 29 décembre, il repousse la ratification des Accords de Paris. Le député de l'Eure soutient néanmoins Pierre Mendès France, y compris le 4 février 1955 (chute du cabinet), puis apporte son concours à Edgar Faure mais il participe à la chute du gouvernement sur le mode de scrutin et la date des élections législatives (29 novembre 1955).
A la suite de ce vote, l'Assemblée nationale est dissoute. Ses prises de position au cours de la deuxième législature l'avait placé en porte-à-faux vis-à-vis du groupe radical. Aussi conduit-il une liste « Forcinal républicaine et socialiste » qui ne recueille que 5,4 % des suffrages exprimés le 2 janvier 1956.