Pierre Forest
1899 - 1984
FOREST (Pierre, Valentin)
Né le 18 décembre 1899 à Vieux-Mesnil (Nord)
Décédé le 30 novembre 1984 à Maubeuge (Nord)
Député du Nord de 1958 à 1968
Pierre Forest est né en 1899 à Vieux-Mesnil dans le Nord. Après des études de médecine à la faculté de Paris où il obtient un doctorat, il s’installe à Maubeuge en 1927. Le jeune médecin s’oriente tôt vers la politique : dès 1925, il entre au conseil municipal de Vieux-Mesnil. En 1929, il est nommé premier adjoint au maire de Maubeuge, puis conseiller d’arrondissement en 1931 et enfin conseiller général du canton de Maubeuge-Nord, fonction qu’il conserve jusqu’en 1982. Pendant la guerre, Pierre Forest est fait prisonnier dans un camp de Rennes qu’il réussit à quitter pour rejoindre la Résistance. Membre du Comité de Libération, il en prend la présidence le 3 septembre 1944. Sa première élection en tant que maire de Maubeuge intervient au printemps 1945. Cependant, le docteur Forest préfère se récuser en raison du manque de médecins dans la région et se limiter aux fonctions de premier adjoint. De nouveau élu en octobre 1946, il reste maire de Maubeuge jusqu’à son décès. À partir de 1973, il est également élu conseiller régional du Nord-Pas-de-Calais.
En 1958, Pierre Forest est investi par la Section française de l’internationale socialiste (SFIO) pour la candidature au siège de député de la 22ème circonscription du Nord, région traditionnellement ancrée à gauche. Au premier tour, les électeurs du bassin de la Sambre le placent en tête (39,5% des suffrages) face au gaulliste Raymond Carret (31,9%) et au communiste Albert Maton, député sortant (28,6%). Si la ville de Hautmont a voté en majorité pour le candidat de l’Union pour la nouvelle République (UNR) qui a rallié 45% des suffrages exprimés, Pierre Forest a pu compter sur les voix des électeurs de Maubeuge-Nord (52%) dont il est le conseiller général. Le canton de Maubeuge-Sud est, de son côté, partagé entre les trois partis. Au deuxième tour, dans le cadre d’une triangulaire opposant les trois mêmes candidats, le médecin est élu avec 38,6% des suffrages contre 35,2% pour Raymond Carret et 26,2% pour Albert Maton.
À son arrivée au Palais-Bourbon, Pierre Forest est nommé membre de la Commission de la défense nationale et des forces armées. Il est également désigné juge et juré suppléant de la Haute Cour de Justice en 1959. En revanche, il ne rejoint pas le groupe socialiste. Au cours de la législature, le médecin intervient à trois reprises. Le 14 mai 1959, à l’occasion d’un projet de loi-programme relative à l’équipement sanitaire et social, il s’exprime en tant que médecin pour soulever le problème des hôpitaux de province. Au cours de l’examen du projet de loi de finances de 1962, Pierre Forest plaide pour une augmentation des salaires des fonctionnaires et dénonce les difficultés financières des collectivités locales pour la réalisation de leur équipement (25 octobre 1961).
À l’occasion des grands scrutins, le maire de Maubeuge s’oppose au programme du gouvernement Debré (16 janvier 1959), au nouveau règlement de l’Assemblée nationale restreignant les possibilités d’expression des parlementaires (3 juin 1959), à la loi Debré sur le financement de l’enseignement privé (23 décembre 1959). Il se prononce en faveur de la levée de l’immunité parlementaire de Georges Bidault le 5 juillet 1962. Pierre Forest soutient également la motion de censure présentée le 4 octobre 1962. En revanche, il se prononce en faveur de la déclaration de politique générale du Premier ministre le 15 octobre 1959, quelques semaines après l’évocation par de Gaulle de l’« autodétermination » de l’Algérie et en faveur des pouvoirs spéciaux au gouvernement pour ramener l’ordre en Algérie après la semaine des barricades (2 février 1960).
L’élection législative de 1962 se présente sous le même jour que la précédente. Elle oppose Pierre Forest toujours sous l’étiquette socialiste au communiste Albert Maton et à un nouveau candidat UNR, Jean Meunier. À l’issue du premier tour, le maire de Maubeuge devance le communiste et le gaulliste avec respectivement 36,7%, 33,9 et 29,4% des suffrages exprimés. À la différence de 1958, Albert Maton décide de se retirer en faveur du député sortant. Celui-ci remporte le deuxième tour de l’élection très largement puisqu’il recueille 61,4% des voix.
À son retour à l’Assemblée, Pierre Forest rejoint les bancs du groupe socialiste et ceux de la Commission de la défense nationale et des forces armées. En revanche, son activité parlementaire en séance publique se limite à deux prises de parole, l’une en octobre 1965, à l’occasion de l’examen du budget de 1966, pour soulever le problème de l’épargne privée (mais le ministre des postes et des télécommunications Jacques Marette qu’il interpelle lui demande de s’adresser au ministre des finances) ; l’autre le 9 novembre 1966 pour souligner les difficultés des locataires qui ne peuvent plus payer leur loyer, lors de la discussion sur le projet de loi de finances de 1967.
Lors des grands débats nationaux, Pierre Forest manifeste une constante hostilité aux propositions du gouvernement. Il s’oppose ainsi à la ratification du traité de l’Elysée (13 juin 1963), au projet de loi relatif à certaines modalités de grèves dans les services publics (26 juillet 1963), à la réforme du mode d’élection des conseillers municipaux (17 juin 1964) ainsi qu’à celle du service national (26 mai 1965).
En 1967, Pierre Forest sollicite une deuxième fois le renouvellement de son mandat. Dans la circulaire du comité électoral, le député sortant est présenté comme « le leader du bassin de la Sambre, l’homme de tous, à la disposition de tous à tout moment, sans distinction d’opinions politiques ou religieuses ». Dès le premier tour, les électeurs de la circonscription le placent en première position avec 37,4% des voix. L’ancien député communiste Albert Maton recueille 31,8% des suffrages, la gaulliste Blanche Lanthier-Dupeux 24,8 % et le candidat du Centre démocrate près de 6%. À nouveau, le communiste se désiste en faveur du député sortant et Pierre Forest est réélu très confortablement avec 68,6% des suffrages tandis que la gaulliste n’en recueille que 32,4%.
Le député du Nord s’inscrit au groupe de la Fédération de la gauche démocrate et socialiste (FGDS) et est nommé pour la troisième fois à la Commission de la défense nationale et des formes armées. La courte législature lui permet de prendre deux fois à la parole à la tribune. Le 19 octobre 1967, à l’occasion de la discussion sur le budget pour 1968, le maire de Maubeuge soulève le statut de réfractaire au service du travail obligatoire – statut défini en 1950 mais qu’il estime dénaturalisé par les décrets adoptés depuis. Il demande la « fin de la forclusion » pour « ceux qui vécurent en marge des lois de Vichy durant l’occupation et qui, pendant plusieurs années, quittant leur emploi, abandonnant leur famille, furent traqués, rayés des listes de ravitaillement et recherchés par les polices allemande et française ». Une semaine plus tard, toujours lors de l’examen du projet de loi de finances de 1968, le docteur Forest s’exprime pour défendre le système mutualiste menacé selon lui par le ticket modérateur à 6% et la fin du tiers-payant. Enfin, le maire du Maubeuge s’associe – en vain – aux deux motions de censure déposées en mai et juin 1967. Le 9 juin, malade, il a délégué son vote au député Chochoy.
En 1968, l’élection législative ne se présente pas sous un jour favorable pour Pierre Forest menacé par la vague gaulliste et la division de la gauche dans sa circonscription. En effet, celle-ci présente trois candidats : le député sortant qui recueille 28,5% des suffrages, le communiste Albert Maton (32,4%) et un candidat du Parti socialiste unifié (PSU) qui obtient 4,1%. Les suffrages attribués au candidat PSU empêchent le maire de Maubeuge de conserver son avance sur Albert Maton. De son côté, le candidat unique de la droite, Bernard Lebas, a obtenu plus de 35% des voix. Pierre Forest, à son tour, se retire en faveur de son adversaire communiste. Mais un grand nombre de ses électeurs préfèrent se tourner vers le candidat du pouvoir qui est élu avec une courte majorité de 51,5% de voix. Signe des temps, c’est le candidat gaulliste qui est arrivé en tête dans le canton de Maubeuge-Nord, jusque-là largement détenu par le docteur Forest.
Après cet échec, Pierre Forest décide de se consacrer à ses mandats locaux de maire de Maubeuge, de conseiller régional du Nord-Pas-de-Calais et de conseiller général du canton de Maubeuge-Nord. En 1977, il refuse de constituer une liste d’union de la gauche et s’oppose au « parachutage » de Pierre Bérégovoy dans sa ville. Fort de son implantation locale, il lui fait échec et est élu à la tête d’une liste où figurent des candidats Union pour la démocratie française (UDF) et Rassemblement pour la République (RPR). Il est alors exclu du Parti socialiste. En 1981, le médecin appelle à voter Valéry Giscard d’Estaing – ce qui lui vaut, en mars 1983, d’être très confortablement réélu sous l’étiquette du Parti social-démocrate de Max Lejeune et Georges Donnez.
Le maire de Maubeuge est décédé le 30 novembre 1984 dans l’exercice de ses fonctions. Commandeur de la Légion d’honneur, officier des palmes académiques, chevalier du mérite social, Pierre Forest était également titulaire de très nombreuses décorations dont la croix du combattant, la médaille de la Libération et celle de la Reconnaissance française.