Anne-Marie Fritsch
1921 - 1994
FRITSCH (Anne-Marie)
Née le 16 juin 1921 à Wimmenau (Bas-Rhin)
Décédée le 7 juin 1994 à Vannes (Morbihan)
Députée de la Moselle de 1973 à 1978
Anne-Marie Fristch naît le 16 juin 1921 à Wimmenau dans le Bas-Rhin. Ses parents sont instituteurs, tout comme ses grands-parents. Après un double baccalauréat obtenu au Gymnase protestant de Strasbourg en 1939, Anne-Marie Fritsch est évacuée en Dordogne, comme beaucoup d’Alsaciens, au moment de l’entrée en guerre. Elle travaille comme maitre-auxiliaire dans l’enseignement primaire. Marquée par l’appel du 18 juin et choquée par l’occupation de l’Alsace, elle revient dans sa région natale à la Libération. Elle entreprend des études de médecine et devient phtisiologue (spécialiste de la tuberculose). Elle exerce à Forbach. De sensibilité centriste, le médecin entre au conseil municipal de Forbach en 1971 (la ville est dirigée depuis 1953 par le gaulliste Jean-Eric Bousch). Elle appartient au Mouvement réformateur (MR), coalition regroupant essentiellement le Centre démocrate de Jean Lecanuet et le Parti radical de Jean-Jacques Servan-Schreiber dans la perspective des législatives de 1973. La formation entend incarner une troisième voie entre la gauche du Programme commun et une droite dominée par l’Union des démocrates pour la République (UDR). En Lorraine, le Mouvement réformateur est sous l’influence de Jean-Jacques Servan-Schreiber, élu député de Nancy en 1970.
C’est donc sous l’étiquette du MR qu’Anne-Marie Fritsch se présente aux législatives de mars 1973 dans la 6ème circonscription de la Moselle (cantons de Forbach, Grostenquin et Sarralbe). Son suppléant est Michel Tatto, employé de bureau aux Houillères du bassin de Lorraine et conseiller municipal de Freyming-Merlebach. Dans sa profession de foi, la candidate évoque les ratés de la reconversion économique de la Lorraine, notamment pour les Houillères, et en rend responsable le pouvoir gaulliste. Reprenant les grandes lignes du programme des Réformateurs, elle propose la sécurité de l’emploi pour les jeunes, le versement pour tous d’un salaire minimum de 1 000 francs, le doublement des allocations vieillesse, la multiplication des crèches et écoles maternelles, l’aide aux femmes au foyer par le versement d’une allocation de salaire unique de 300 francs et une révision fiscale avec la suppression de la taxe d’habitation. A l’issue du premier tour, Anne-Marie Fristch, avec ses 28,6 % des suffrages exprimés (12 565 voix), accuse un léger retard face au député gaulliste sortant, le médecin Jean Coumaros qui totalise 29,5 % des suffrages (12 949 voix). Mais elle peut compter, au second tour, sur le soutien actif du Républicain indépendant (RI) Jean Muller (13 % des suffrages), qui avait été l’adversaire malheureux de Jean Coumaros lors des législatives de 1968, tandis que les candidats communiste (11,2 %) et socialiste (11,7 %) ne dissimulent pas leur volonté de faire battre le gaulliste. Anne-Marie Fristch double donc ses voix au second tour (obtenant 25 845) et remporte l’élection avec 60,8 % des suffrages exprimés.
Au Palais-Bourbon, Anne-Marie Fritsch s’inscrit au groupe des Réformateurs démocrates sociaux, qui devient en juillet 1974 le groupe des Réformateurs, des centristes et des démocrates sociaux et rejoint la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Élue secrétaire de l’Assemblée nationale le 3 avril 1973 (elle conserve le poste jusqu’en avril 1975), la députée mosellane devient vice-présidente en avril 1977. A ce titre, elle surveille le temps de parole imparti aux auteurs des questions orales sans débat et répond aux rappels au règlement de certains députés. Elle est chargée entre décembre 1974 et juin 1975 d’une mission temporaire auprès du secrétaire d’Etat aux Transports, le RI Marcel Cavaillé. Elle siège au Haut conseil de l’audiovisuel entre 1976 et 1978. Durant la législature, Anne-Marie Fritsch dépose quatre propositions de loi souvent inspirées du programme de son parti : en mai 1974 sur les congés payés pour les mères de famille salariées désireuses de soigner un enfant malade, en avril 1975 au sujet de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), en octobre 1975 sur la mise en place d’un correctif proportionnel national au scrutin uninominal majoritaire à deux tours, en octobre 1975 pour porter à 591 le nombre de députés à l’Assemblée nationale. Au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, elle dépose quatre rapports relatifs aux assistantes maternelles (mai 1976 et avril 1977), aux pensions de vieillesse de certains salariés (mai 1977) et au code de la santé publique (décembre 1977).
Elle interroge le gouvernement à plusieurs reprises à l’occasion de questions orales sans débat, sur l’approvisionnement en produits pétroliers, la désertion des jeunes appelés, l’attribution de primes de développement régional, l’application de la loi sur l’architecture, et de questions au gouvernement, sur la sécurité sociale minière à la suite de la grève des sociétés de secours minières, la vaccination obligatoire et la situation du crédit mutuel. Certaines de ses interventions portent sur sa circonscription comme sa question d’avril 1976 sur la construction de l’échangeur de Puttelange-aux-Lacs sur l’autoroute A 34 Freyming-Strasbourg. Spécialiste des questions sociales, notamment liées au monde médical, elle s’engage activement dans les débats parlementaires sur l’interruption volontaire de grossesse (IVG). Partisane du droit à l’IVG, elle intervient d’abord dans la discussion d’un premier projet de loi présenté à l’automne 1973 en soulignant les inégalités sociales face à l’avortement et les conséquences sanitaires des avortements clandestins. Elle demande l’abrogation de la loi de 1920 « afin de libérer les médecins ». A partir de novembre 1974, elle prend de nouveau part aux débats sur le projet de loi présenté par Simone Veil en insistant sur la nécessité d’une information de la population sur la contraception et la mise en place d’une éducation sexuelle. Selon elle, « les femmes ne demandent aux hommes que la responsabilité de choisir » et « la crainte de se tromper ne doit pas l’emporter sur la volonté d’entreprendre ». Elle vote en sa faveur. Elle soutient également en 1975 le projet de loi portant réforme du divorce.
Favorable à la décentralisation comme les autres élus réformateurs, elle profite de la déclaration de politique générale du gouvernement, en avril 1973, pour évoquer les problèmes spécifiques des régions frontalières et demander un statut particulier pour la Moselle sur le plan douanier et fiscal. Elle appelle de ses vœux « la construction d’une Europe politique ». Inquiète par la crise qui touche à partir de 1974 les industries minières et sidérurgiques de la Moselle, elle alerte le gouvernement lors du débat sur le projet de finances pour 1975 sur la gravité de la situation de l’emploi en Lorraine et les tensions sociales dans certains groupes (Titan-Coder et Manu-Est). Face au chômage des jeunes, elle fonde de grands espoirs sur la campagne de relance de l’apprentissage menée par la chambre des métiers de Moselle et s’en fait le relais lors du débat sur le projet de loi de finances pour 1977. En novembre 1976, elle insiste sur l’avenir de l’exploitation houillère en Lorraine et évoque la création d’un groupe thermique minier en Lorraine. A propos du nouveau plan charbonnier, elle estime qu’il n’y a pas de contradiction entre le développement de l’énergie nucléaire et une politique énergétique conservant une place importante au charbon. Ces considérations économiques ne l’empêchent pas de rester attentive aux problèmes de l’environnement et, déplorant la pollution de l’air dans sa région frontalière, elle dénonce en novembre 1973 l’implantation à Carling d’une industrie du plomb dont la création avait été interdite en Allemagne. Elle vote en faveur du projet de loi d’orientation du commerce et de l’artisanat en 1975. Elle approuve enfin le projet de loi relatif à l’informatique, aux fichiers et aux libertés (la loi du 6 janvier 1978).
Anne-Marie Fritsch se fait connaître du grand public en participant en 1973 puis en 1974, comme député, à l’expédition polynésienne de Jean-Jacques Servan-Schreiber, le « bataillon de la paix ». L’opération consiste à envoyer à Tahiti des élus et des personnalités pour dénoncer les essais nucléaires français de Mururoa. La députée mosellane part donc sur le voilier Fri aux côtés de députés (Louis Besson et Charles Josselin), de responsables religieux (les pasteurs Gilbert Nicolas et Richard Mollard, le père Avril), de figures pacifistes et écologistes (Brice Lalonde, Jacques de La Bollardière, Jean-Marie Muller) pour alerter l’opinion française et internationale, et apporter aux Tahitiens la pétition recueillie par le Mouvement pour le désarmement. Le soutien de Jean-Jacques Servan-Schreiber à la campagne de 1974 du « bataillon de la paix » vaudra au ministre des Réformes de rester moins de deux semaines au gouvernement. Anne-Marie Fritsch apparaît à la télévision, le 21 mars 1976, à l’occasion d’une émission d’Antenne 2 produite par Pierre Miquel et consacrée aux « cadets de la politique ». Interrogée par la journaliste Anne Gaillard, elle revient sur son parcours personnel et son activité politique et parlementaire. Elle s’exprime sur le bilinguisme (elle parle alsacien et le francique rhénan, qui est l’un des dialectes mosellans), la régionalisation, son combat pour l’arrêt des essais nucléaires en Polynésie, les droits des femmes et les projets de réforme du travail au Parlement. Sur le plan militant, Anne-Marie Fritsch est membre à partir de septembre 1974 du directoire du Parti radical-socialiste et réformateur et en devient la vice-présidente en mai 1977. Dès juin 1975, elle siège également au conseil fédéral de la Fédération des réformateurs.
Après 1978, Anne-Marie Fritsch abandonne la vie politique pour revenir à ses activités professionnelles comme médecin à Forbach. Elle prend sa retraite en Bretagne au début des années 1980 et réside près de Saint-Avé dans le Morbihan. Elle décède le 7 juin 1994 à Vannes.