Albert Gau
1910 - 1993
Les archives d’Albert Gau sont conservées aux Archives départementales de l’Aude sous la cote 132 J. Donné en 2011, ce fonds de 2 mètres linéaires est composé de papiers personnels ainsi que de dossiers relatifs à ses activités sacerdotales et politiques. Ces documents couvrant la période 1870-2006 et décrits dans un répertoire numérique sont librement communicables.
De plus amples renseignements sur ce fonds sont disponibles sur le site Internet des Archives départementales de l’Aude.
Né le 10 juillet 1910 à Conques-sur-Orbiel (Aube)
Décédé le 14 mai 1993 à Bram (Aude)
Membre de la première et de la seconde Assemblée nationale constituante (Aube)
Député de l'Aude de 1946 à 1955
Albert Gau, né le 10 juillet 1910 à Conques, est resté une « figure audoise » à laquelle ses concitoyens aiment faire référence. Ce prêtre modeste, dont l'action décisive et courageuse dans le Comité de Libération de l'Aude lui a valu la médaille du Juste (Israël) et celle de la résistance, a poursuivi son engagement temporel dans le champ politique après la guerre, en mettant au service de ses convictions et de sa région sa force de travail et de persuasion à l'Assemblée.
Cet ecclésiastique très actif, qui était aussi journaliste et Président des mouvements catholiques de jeunesse, a naturellement choisi l'étiquette MRP dès la première Assemblée nationale constituante. au cours de nombreux affrontements électoraux auxquels il prend part, il doit faire face à une forte implantation communiste, socialiste et radicale-socialiste contre laquelle sa notoriété seule peut lutter. Si son score (autour de 15 %) est constant en octobre 1945, juin et novembre 1946 (23 398 des 127 438 suffrages exprimés), il doit cependant conclure un apparentement en 1951 avec la liste SFIO et la liste Radicale-socialiste pour conserver son siège face à la poussée du RPF : il obtient 16 705 voix sur 125 070 suffrages exprimés. Et c'est finalement un candidat poujadiste qui a raison de lui en 1956, avec 6 % de voix supplémentaires et à défaut du renouvellement de l'apparentement avec les deux listes socialistes.
Son dynamisme à l'Assemblée nationale est frappant : par l'ampleur du travail effectué, mais aussi par la variété des problèmes abordés. En effet, si l'on retrouve quelques domaines de prédilection - les difficultés viticoles de sa région, les questions d'éducation nationale et de formation de la jeunesse, et plus généralement les problèmes sociaux qui rappellent l'attachement du MRP ; à cette question au moment de sa fondation - les interventions de l'abbé Gau laissent deviner un esprit tout à fait éclectique
De 1945 à 1951 l'abbé Gau est membre de la Commission du travail et de la sécurité sociale au nom de laquelle il dépose diverses propositions de loi et de résolution à caractère social, souvent très concrètes, comme l'amélioration de la réglementation sur les jardins ouvriers ou l'encadrement du temps de travail dans les professions agricoles.
Il est aussi membre, puis secrétaire, vice-président et enfin président de la commission des boissons, au sein de laquelle il tente de résoudre les problèmes de surproduction du Languedoc (autorisation de fabrication et de consommation de tous les apéritifs à bas degré alcoolique), de venir en aide au viticulteurs en crise (par des avances à leur caisse de crédit agricole), et d'améliorer le statut viticole. Son action est à la fois intense et technique dans ce domaine : en témoignent ces multiples propositions de loi très précises qui ponctuent son engagement pour sa région, comme celle du 18 février 1955 interdisant la vente de vins mousseux autres que la « Blanquette de Limoux » à l'intérieur de l'aire délimitée ayant droit à cette appellation contrôlée. Albert Gau siège aussi à d'autres Commissions : ainsi celle de l'éducation nationale ; de 1946 à 1951 celle de la marine marchande et des pêches et celle de la presse ; de 1951 1956 celle de la coordination de l'énergie atomique, dont il est secrétaire.
Ses interventions à la tribune sont marquées au sceau d'un certain humanisme toujours soucieux de l'efficacité de son action ; dans le domaine de la justice, il dépose une proposition de loi relative au régime pénitentiaire applicable aux vieillards (26 janvier 1951), une autre tendant à prohiber l'emploi, à l'occasion de toute enquête de police, des procédés techniques susceptibles de porter atteinte au respect de la personne humaine (20 mars 1952) ; Il la défend ainsi : « A l'heure où les progrès de la sciences vont de pair avec l'affaiblissement du respect de l'homme, il est des barrières qu'il ne faut pas lever, sous peine de s'engager sur une pente très glissante et très dangereuse. La justice est un débat de conscience ; elle ne doit pas se résumer en procédés techniques ». En juin 1952, il dépose une proposition de loi tendant à abolir la peine de mort puis travaille à modifier certains articles du code d'instruction criminelle.
En faveur de la jeunesse, il propose la création d'un service civil pour les objecteurs de conscience (19 juin 1952) et dépose une proposition de résolution tendant à inviter le gouvernement à accorder aux jeunes travailleurs une semaine de « congés culturels » (5 novembre 1954).
Son action dépasse le cadre national : il propose au gouvernement de demander la discussion d'un « statut international des lépreux » à l'ONU (9 mars 1954), ainsi que la création d'une Commission d'enquête internationale sur les crimes contre l'humanité (24 mai 1955)
Sa participation active à des débats très divers (affaire des piastres, conservation des documents historiques, situation en Algérie...) et son éloquence à la tribune montrent bien l'envergure du personnage qu'était Albert Gau : intervenant parfois dans des problèmes purement politiques d'investiture, il s'exprime souvent sur des problèmes de presse, de justice, d'aide sociale, de vie quotidienne (nuisance des aéroports...)
Son opinion est souvent en accord avec son état : il prêche la clémence lorsqu'il siège à la Haute cour, le pardon lors de la loi d'amnistie, et défend le monde catholique à la tribune notamment lors de l'arrestation du Cardinal Mindszenty et de la persécution des catholiques vietnamiens, mais aussi lors de joutes oratoires : ainsi le 14 mai 1948 : « Voulez-vous me permettre de vous interrompre, monsieur Hamon ? - Volontiers ! - Vous avez cité une parole du Pape ; mais vous l'interprétez mal. N'oubliez pas que la notion de laïcité est entrée dans le monde avec le christianisme, avec cette page de l'Évangile où l'on distingue les choses de César et les choses de Dieu, qui étaient confondues dans la cité antique (...) L'Etat n'est plus laïque lorsqu'il veut imposer, soit une religion, soit même la non-croyance en Dieu » Albert Gau s'oppose au premier projet de Constitution (19 avril 1946), mais vote en faveur du second, le 28 septembre 1946. Il accorde la confiance à Léon Blum (17 décembre 1946), à Paul Ramadier lorsque celui-ci se sépare des ministres communistes (4 mai 1947) et vote en faveur du Statut de l'Algérie (27 mai 1947).
Il soutient les projets de Conseil de l'Europe (9 juillet 1949) et de Pacte de l'Atlantique (26 juillet 1949) ; il vote logiquement en faveur des apparentements. Au cours de la deuxième législature, il soutient bien entendu les lois Marie et Barangé en faveur de l'enseignement libre (21 septembre 1951); il vote en faveur de la Communauté charbon-acier (13 décembre 1951), investit de sa confiance les cabinets Pinay (6 mars 1952) et Laniel (26 juin 1953). Il s'abstient lors du vote de l'investiture de Pierre Mendés France (17 juin 1954) et tente en vain de soutenir la Communauté Européenne de Défense (30 août 1954).
L'abbé Gau meurt à Bram, dans l'Aude, à l'age de quatre-vingt deux ans, le 14 mai 1993.