Francis Geng
1931 - 2022
GENG (Francis)
Né le 23 septembre 1931 à Paris (Île-de-France)
Décédé le 10 avril 2022 à Nogent-le-Rotrou (Eure-et-Loir)
Député de l’Orne de 1978 à 1993
Francis Geng naît le 23 septembre 1931 à Paris, dans le XIVe arrondissement. Elevé au sein d’une famille de cadres de l’industrie, il reçoit une éducation catholique au sein de l’institution Notre-Dame de Sainte-Croix à Neuilly-sur-Seine et intègre les scouts de France à l’âge de onze ans. Après avoir obtenu son baccalauréat, il suit, pendant deux années, des études à la Faculté de pharmacie de Paris, avant de rejoindre le Conservatoire national des arts et métiers, puis l’Ecole supérieure de publicité et de marketing de Paris. Appelé en Algérie, il sert à l’ancien hôpital militaire Maillot d’Alger où il reste trente-trois mois. Lieutenant officier de réserve (service de santé), il rejoint l’industrie pharmaceutique aux laboratoires UCEPHA (1960), puis EGIC où il s’occupe du marketing et de la publicité pendant quinze ans (1963-1978). Membre du groupement des directeurs publicitaires de France (1960-1978), il reprend avec Guy Baron, en janvier 1966, l’imprimerie Bellêmoise (qui compte alors quatre-vingts employés) située à Bellême, commune rurale du Perche d’un peu plus de 1 400 habitants, au sein de laquelle il réside avec son épouse Josette et ses deux filles (Véronique et Sophie). Il y devient adjoint au maire en 1971.
Région traditionnellement présentée comme conservatrice, la Basse-Normandie comprend trois départements – le Calvados, la Manche, l’Orne – dirigés par des majorités de droite depuis 1945. Proche de Roland Boudet, ancien journaliste-imprimeur, député centriste sortant de la seconde circonscription de l’Orne (élu en 1958, battu en 1962, réélu en 1967 puis en 1968), conseiller général et maire de l’Aigle, Francis Geng devient son suppléant lors des élections législatives de mars 1973 et se rapproche du Centre démocrate. Porte-étendard du mouvement politique de centre droit fondé par Jean Lecanuet après sa campagne présidentielle de 1965, les deux « candidats de l’Orne pour l’Orne » jouent habilement la carte de « Paris et du désert français » en revendiquant, d’une part, leur ancrage dans le terroir et en dénonçant, d’autre part, « la politique anti-rurale des administrations parisiennes ». Bien que les réformateurs démocrates sociaux soient en perte de vitesse avec à peine 34 élus aux élections législatives de mars 1973, la confortable réélection de Roland Boudet avec 61,25% des suffrages exprimés face à Michel Bruguière, candidat du Rassemblement pour la République (RPR), ouvre à Francis Geng, quelques mois plus tard, les portes du Conseil général de l’Orne. Membre du Comité directeur du Centre des démocrates sociaux (CDS) et bientôt élu conseiller général du canton de Bellême (30 septembre 1973), l’homme, profondément ancré dans le tissu associatif et économique départemental, devient une figure locale incontournable comme président de SIVOM (1973), vice-président de l’Office départemental du tourisme, et président du comité départemental d’expansion de l’Orne. Son investissement dans la commune comme adjoint au maire, mais également au sein de nombreuses activités culturelles et sportives qu’il préside (tels l’Union sportive Bellêmoise ou encore le Centre d’initiation à l’artisanat d’art), lui permet de remporter la mairie de Bellême lors des élections municipales de 1977.
Candidat naturel du centre droit sous la bannière CDS-Union pour la démocratie française (UDF), fort du soutien et de l’expérience acquise auprès du député sortant, Francis Geng, conseiller général et maire, président du comice agricole cantonal, affronte à son tour, lors des élections législatives de mars 1978, son compétiteur RPR, Michel Bruguière. Arrivé légèrement en tête du premier tour avec 28,37% des suffrages exprimés, contre 23,47% pour son adversaire de droite, il bénéficie, en raison d’accords nationaux passés, du retrait de ce dernier. Affrontant au second tour le candidat socialiste André Grudet, il est confortablement élu avec 61,25% des voix. Élu vice-président de la Fédération de l’Orne de l’UDF (août 1978) et réélu conseiller général (18 mars 1979), le député renforce son implantation normande.
A l’image de son prédécesseur, Francis Geng, inscrit au groupe UDF, membre de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, se révèle particulièrement actif au Palais-Bourbon. Il est rapporteur pour le projet de loi de finances pour l’année 1981 concernant le volet des prestations sociales agricoles (27 novembre 1980), et chargé, en novembre 1980, du contrôle des crédits du Musée d’Orsay. Le député se distingue au sein de l’hémicycle par son franc-parler et l’attention particulière qu’il porte aux questions rurales, par le biais notamment du budget annexe des prestations sociales agricoles (BAPSA) qui retrace les flux financiers afférents à la Sécurité sociale agricole. L’élu de l’Orne pointe ainsi la situation préoccupante de l’élevage en Basse-Normandie, les difficultés du troupeau allaitant et des producteurs de viande, la faiblesse des retraites agricoles, la forte augmentation des cotisations techniques ou encore les lacunes dans l’aide à domicile en milieu rural (8 novembre 1978, 8 novembre 1979, 6 novembre 1980) ; autant de sujets qui ne laissent pas insensible un électorat rural et agricole, en première ligne face aux enjeux de la politique agricole commune européenne qui favorise un modèle productiviste. On retrouve, dans cette même veine, ses interventions lors des discussions au sujet du projet de loi d’orientation agricole (12 décembre 1979, 9 avril 1980), et surtout lors du projet de loi de finances pour 1981, au sujet de l’actualisation des aides du Fonds interministériel de l’aménagement du territoire (FIAT), comme de la répartition des crédits versés par le Fonds européen de développement régional (FEDER). Le département de l’Orne, particulièrement touché par la crise économique, espère en bénéficier davantage (12 décembre 1979, 29 octobre 1980).
Candidat de l’Union pour une nouvelle majorité (UMP), le député sortant se représente dans sa circonscription lors des élections législatives anticipées de juin 1981. Si l’homme affronte les mêmes autres candidats, à savoir Michel Bruguière (RPR) et André Gruet (PS), les suites de l’élection de François Mitterrand comme président de la République suscitent toutefois de profondes incertitudes. Bien que Francis Geng se garde de remettre en cause la légitimité de l’élection présidentielle, il ne se prive pas, s’inscrivant dans l’héritage gaullien, de mettre en garde les électeurs contre « un changement d’inspiration socialiste et collectiviste qui a reçu l’appui massif du Parti communiste », un changement qui conduirait la société française « vers l’étatisation, le dirigisme, la bureaucratisation », voire la disparition des « libertés essentielles ». Faisant de ce scrutin « un enjeu décisif » visant à établir un « contrepoids nécessaire », le candidat centriste lance un appel à l’union des forces de droites. Appel semble-t-il entendu, puisqu’arrivé légèrement en tête du premier tour de scrutin, avec 36,47% des suffrages exprimés contre 34,35% pour son adversaire socialiste, le député sortant bénéficie, comme en 1978, du retrait du candidat RPR (arrivé à la troisième place avec 21,69%) et l’emporte finalement au second tour avec 53,71%.
Retrouvant son siège dans l’hémicycle, membre du groupe UDF, dorénavant dans l’opposition, le député rejoint la commission des affaires culturelles, sociales et familiales. Membre de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi de nationalisation (25 septembre 1981), il dénonce avec fermeté la conquête du pouvoir économique par la majorité, oppose les performances respectives du secteur public et du secteur privé, appelle à la défense de la liberté économique et met en garde contre une procédure lourde, coûteuse et dangereuse d'appropriation publique (13 octobre 1981). Affaiblissement des groupes nationalisables par rapport à la concurrence étrangère, obstacle au rôle de Paris comme place financière, danger des nationalisations pour l'emploi et coût financier, l’argumentaire critique centriste est bien rodé. S’appuyant sur son expérience professionnelle, ses interventions démontrent une réelle connaissance du monde de l’entreprise (5 avril 1984), à l’image de son expertise au sein de la commission mixte paritaire constituée pour l'examen du projet de loi relatif à l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée et à l'exploitation agricole à responsabilité limitée (27 juin 1985). Il est par ailleurs président de l’amicale parlementaire des petites et moyennes entreprises. De même, membre suppléant du Conseil supérieur des prestations sociales agricoles et rapporteur pour avis des projets de loi de finances (pour 1982, 1983, 1984) pour les prestations agricoles, l’élu de l’Orne n’oublie pas les attentes d’un électorat paysan pour le moins attentif aux changements à venir. Enfin, à l’image de son groupe, Francis Geng n’oublie pas non plus les enjeux sociétaux et soutient à ce titre la motion de censure déposée par le député des Hauts-de-Seine (RPR), Claude Labbé, lors du débat sur la place de l’enseignement privé (projet de loi Savary visant à la création d'un grand service public de l'éducation). Reprenant à cette occasion le mot de Talleyrand, « asseyez-vous sur vos principes, ils finiront par céder », il fustige ainsi « le cortège des promesses non tenues et des échecs du gouvernement » (24 mai 1985).
Conseiller régional de Basse Normandie (depuis 1978), vice-président du Conseil général de l’Orne (depuis 1982, réélu en 1985 au premier tour) et réélu à la mairie de Bellême (mars 1983), Francis Geng s’engage à l’occasion des élections législatives du 16 mars 1986 aux côtés de Daniel Goulet, député RPR sortant de la première circonscription, au sein d’une liste d’opposition RPR-UDF. Rassemblée autour d’un « programme de gouvernement », cette dernière arrive largement en tête avec 48,24% des suffrages exprimés (contre 29,87% pour la liste de divers gauche conduite par le dissident socialiste Michel Lambert). Membre du groupe UDF, désigné 3E questeur de l'Assemblée nationale, il rejoint la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (5 avril 1986) avant de lui préférer, quelques mois plus tard, celle des Affaires étrangères (4 octobre 1986). Au-delà des questions rurales et agricoles (qu’il suit attentivement comme vice-président de l’Amicale agricole et rurale), notamment dans une question au gouvernement sur le revenu agricole (6 mai 1986) et une autre sur l’indemnisation des agriculteurs victimes de la sécheresse de 1986 (27 mai 1987), il est chargé auprès d’Alain Madelin (ministre de l’Industrie, des PTT et du Tourisme) d’une mission temporaire sur les PME-PMI (février-mai 1988).
Aux élections législatives anticipées qui suivent la réélection de François Mitterrand comme président de la République, candidat unique de la majorité parlementaire dans sa circonscription aux élections législatives de juin 1988, Francis Geng centre habilement sa campagne sur les enjeux nationaux et se présente comme le défenseur d’une République libérée de tout dogmatisme : « Il s'agit de savoir si les Françaises et les Français vont redonner tous les pouvoirs à un seul parti, le Parti socialiste qu'ils ont pourtant sévèrement condamné, il y a deux ans, en raison de son dogmatisme et de ses échecs. Le POUVOIR ABSOLU d'un parti sur tous les rouages de la vie d'un pays est toujours dangereux et le risque est alors considérable d'aboutir à un MONOPOLE INCONTRÔLÉ comme l'époque de socialisme délirant de 1981-1983 en a laissé le triste et pénible souvenir » (document électoral du 5 juin 1988). La palette sémantique de l’autoritarisme est ainsi savamment employée auprès des électeurs : « Si, après la présidence de la République, après le gouvernement, le Parti socialiste obtient la majorité absolue l'Assemblée nationale, c'est toute la vie publique, économique, sociale, culturelle qui tombe sous la tutelle et la coupe du parti unique ». A l’image du député sortant Daniel Goulet dans la première circonscription, Francis Geng distance largement son rival socialiste, Guy Raffi, et l’emporte dès le premier tour de scrutin avec 53,74% des suffrages exprimés. Seule la troisième circonscription (Argentan-Flers) tombe, après une campagne mouvementée, aux mains du candidat socialiste Michel Lambert (élu de justesse avec 50,29% des voix).
De nouveau dans l’opposition, inscrit au groupe de l’Union du Centre, délégué national de l’UDF chargé des relations avec les PME (novembre 1988), il rejoint la commission de la production et des échanges (4 avril 1989) et assure la vice-présidence de la commission spéciale chargée de vérifier et d’apurer les comptes (5 avril 1989). Ses questions au gouvernement (comme ses interventions) le plus souvent centrées sur les problématiques liées à l’aménagement du territoire (et notamment l’Orne), portant sur des enjeux agricoles et/ou industriels, s'avèrent particulièrement nombreuses et nourries (26–27 octobre 1989, 29 mai, 30 octobre et 6 novembre 1990, 3 et 10 octobre 1991). Président du groupe d’amitié France-Pologne, il porte également une attention particulière aux investissements économiques dans ce pays (29 novembre 1989) au lendemain du triomphe de Solidarnosc aux élections du 4 juin (dont les candidats remportent 99% des sièges au Sénat et 35% des sièges à la Diète) et de la nomination de Tadeusz Mazowiecki (19 août), premier chef de gouvernement non communiste d'un pays signataire du pacte de Varsovie. Enfin, d’un point humaniste et démocrate-chrétien, fervent soutien de la construction européenne, Francis Geng soutient, à l’image de sa famille politique (hormis Philippe de Villiers et Alain Griotteray), le traité de Maastricht. La réforme de la politique agricole commune (PAC), comme la négociation des accords du GATT, retiennent cependant son attention (27 mai 1992) et suscitent certaines craintes au lendemain de la déclaration de Pierre Bérégovoy (25 novembre 1992).
Réélu en 1992 conseiller général de l’Orne, le maire de Bellême, réélu en mars 1989, entend bien se représenter lors des élections législatives de 1993. Appelant plus que jamais à un « vote utile » pour une « alternance authentique », Francis Geng se retrouve toutefois en ballottage défavorable au soir du premier tour. Distancé par Jean-Claude Lenoir, candidat UDF dissident, qui récolte 27,81 % des suffrages exprimés (contre 23,66%), le député sortant s’incline au terme d’une lutte fratricide, loin derrière son challenger qui recueille 61,57% des suffrages au second tour, bénéficiant pleinement du report des voix des candidats du RPR (Christian Eude) et du Front national (Jean-Pierre Dieutre). Cette dernière formation alors en pleine ascension dans l’Orne avec plus de 12% des suffrages exprimés. Amer, l’élu se replie sur sa mairie de Bellême, à la tête de laquelle il est réélu en 1995. Toutefois, battu par la candidate socialiste Christiane Roussel lors des élections municipales de 2001, l’homme se retire de la vie politique. Il est nommé chevalier de la Légion d’honneur en 2003.
Décédée le 10 avril 2022, à l’âge de 90 ans, l’ancienne figure centriste est saluée par Christophe de Balorre, président LR du Conseil départemental de l’Orne, comme un « personnage haut en couleur, amoureux de son territoire » et comme un « homme déterminé à en être fougueux, passionné par son engagement politique » (Ouest France, 11 avril 2022).