Fernand Grenier
1901 - 1992
* : Un décret de juillet 1939 a prorogé jusqu'au 31 mai 1942 le mandat des députés élus en mai 1936
GRENIER (Fernand, Joseph)
Né le 9 juillet 1901 à Tourcoing (Nord)
Décédé le 12 août 1992 à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis)
Député de la Seine de 1937 à 1940
Membre de la première et de la seconde Assemblée nationale constituante
Député de la Seine, puis de la Seine-Saint-Denis de 1946 à 1968
Fils d'Edouard Grenier qui meurt en combattant en 1917, Fernand Grenier, après avoir fait ses études dans les écoles publiques de Tourcoing, devient ouvrier boulanger. Il est ensuite employé à la mairie de la ville voisine d'Halluin puis employé de commerce, et s'installe bientôt dans la région parisienne.
Dès sa création, il milite au parti communiste français. En 1932, il devient secrétaire général de l'association « Les amis de l'Union soviétique » jusqu'en 1939.
Aux élections générales des 26 avril et 3 mai 1936, le parti communiste le présente dans la 4e circonscription de Saint-Denis contre Jacques Doriot, député sortant, qui a été exclu du parti communiste en juin 1934. Au premier tour, Fernand Grenier obtient 8 899 voix contre 10 880 à Jacques Doriot qui est élu au second tour avec moins de 700 voix d'avance (11 585 contre 10 887). En mai 1937, Jacques Doriot, révoqué de ses fonctions de maire de Saint-Denis par le ministre de l'intérieur, Marx Dormoy, démissionne de son mandat de conseiller municipal, ce qui entraîne une élection partielle. Fernand Grenier se présente contre lui et le bat largement par 10 552 voix contre 6 547. Jacques Doriot ayant alors démissionné de son mandat de député, Fernand Grenier se présente - Jacques Doriot renonce - et il est élu le 1er août suivant au premier tour par 9 522 contre 4 563 à Malo.
Inscrit au groupe communiste, Fernand Grenier est membre de la commission des affaires étrangères et de celle des comptes définitifs et des économies. Il demande à interpeller le gouvernement à propos des agressions contre les membres du conseil municipal (de front populaire) de Saint-Denis.
Au cours de la discussion du budget des affaires étrangères de 1939, il appelle le gouvernement à préciser sa position à l'égard du pacte franco-soviétique et demande par amendement que l'interdiction du Journal de Moscou soit rapportée.
Il intervient ensuite à l'occasion d'interpellations relatives à la politique extérieure du gouvernement.
Le 9 janvier 1940, après que MM. Ybarnegaray et Tixier-Vignancour ont soulevé un incident à propos de la présence, dans l'hémicycle, des députés du parti communiste interdit, ceux-ci ne se lèvent pas quand, au cours de l'allocution d'ouverture de session, le président Lévy-Alphandéry rend hommage aux armées. Sur proposition du président, Fernand Grenier et ses amis se voient appliquer la censure avec exclusion temporaire et sont emmenés hors de la salle des séances. Le 21 janvier 1940, ils sont déchus de leur mandat.
Mobilisé en septembre 1939, Fernand Grenier est affecté comme sapeur à la 5ème compagnie du bataillon du génie stationnée à Laval, dans la Mayenne. Démobilisé près d'Annecy, il regagne Paris au début d'août 1940 ; malgré l'interdiction officielle du Parti communiste français (PCF) et la déchéance de ses mandats de député de la Seine et de conseiller municipal de Saint-Denis, il assure la remise en marche des organisations communistes de Saint-Denis, à ciel ouvert, en pleine occupation nazie. Il est finalement arrêté le 5 octobre 1940 par la police de Saint-Denis et interné au sanatorium d'Aincourt (Seine-et-Oise). Transféré le 4 décembre suivant à Fontevrault (Maine-et-Loire) puis le 20 janvier 1941 à la centrale de Clairvaux (Aube), il échoue finalement au camp de Chateaubriant (Loire-Inférieure) dont il parvient à s'échapper, le 19 juin 1941.
Revenu à Paris, Fernand Grenier se cache soigneusement dans un appartement et rédige des articles dans la presse clandestine du PC ; à la fin de l'année 1942, il est chargé par le Comité central clandestin d'établir les premiers rapports avec les formations de la Résistance non communiste, et en particulier avec les gaullistes. Le 25 novembre 1942, il rencontre Rémy, agent de liaison du général de Gaulle pour préparer un voyage à Londres, afin d'établir le contact direct entre les communistes et le chef de la France libre. Voyageant en compagnie de Rémy, Fernand Grenier arrive le 11 janvier 1943 à Londres, porteur d'une première lettre du Comité central donnant « l'adhésion du PCF à la France combattante pour la Libération de la France » et d'une seconde, signée de Charles Tillon, au nom des Francs tireurs et partisans (FTP). Délégué du PCF auprès du comité de la France Libre, Fernand Grenier reçoit le titre, sans grande signification, de conseiller au Commissariat de l'intérieur de la France Libre. Cependant, en août, puis en septembre 1943, Charles de Gaulle lui offre une place au Comité français de la Libération nationale (CFLN) à Londres ; Fernand Grenier en réfère alors à Jacques Duclos, qui préfère décliner pour l'instant.
A son arrivée, à Alger, en octobre 1943, comme délégué au Comité consultatif, Fernand Grenier se voit offrir un portefeuille ministériel, celui du commerce, de l'industrie et de l'agriculture. Le Parti communiste jugeant le poste trop « mince », on lui propose alors le lendemain celui du ravitaillement, qui d'ailleurs n'est guère plus important ; il s'agit en fait d'un épisode du conflit de principe qui oppose de Gaulle, qui entend choisir ses ministres communistes, et la direction du PCF, qui entend les lui imposer.
L'activité parlementaire de Fernand Grenier, interrompue durant près de quatre années par la guerre, reprend le 9 novembre 1943, lorsque sa désignation à l'Assemblée consultative provisoire est validée ; il est alors nommé membre de la Commission du règlement, de la Commission des affaires étrangères et de la Commission de l'information et de la propagande.
Fernand Grenier n'est l'auteur que d'une seule proposition de résolution, le 30 novembre 1944, « tendant à inviter le gouvernement à prendre les mesures nécessaires pour restaurer dans leurs biens et pour indemniser toutes les victimes politiques de la guerre, du fascisme et de la collaboration avec l'ennemi et de toutes les lois d'exception ». A la tribune, il intervient cependant à de nombreuses reprises, en qualité de délégué, au début de l'année 1944, au cours de la discussion de la proposition de résolution sur l'organisation des pouvoirs publics en France ; il dépose notamment le 24 mars, un amendement tendant à établir le principe du vote des femmes, puis, le 27 mars un autre amendement tendant à étendre le droit de vote aux militaires.
Après une nouvelle proposition du général de Gaulle visant à l'entrée du PCF au sein du gouvernement provisoire, le 18 mars 1944, la délégation du Comité central sollicite une audience, le 29 mars, qui est accordée à Florimond Bonte, Etienne Fajon, François Billoux, Henri Lozeray, André Marty et Fernand Grenier. Après un compromis de part et d'autre, De Gaulle nomme, le 4 avril 1944, François Billoux au commissariat d'Etat et Fernand Grenier commissaire à l'Air, montrant ainsi la confiance personnelle qu'il a envers ce dernier. De Gaulle écrira d'eux dans ses Mémoires de guerre : « Fernand Grenier et François Billoux, l'un brusque, l'autre habile, tous deux capables, divisent leur sourcilleuse attention entre, d'une part, leurs postes respectifs, et, d'autre part, leur parti qui veille sur eux du dehors » Fernand Grenier explique quant à lui en 1981, dans un entretien accordé au Monde : « De Gaulle m'a choisi, car il a sans doute apprécié mon sentiment national et parce qu'il savait que je n'en profiterais pas pour faire l'éloge des thèses soutenues par le Parti communiste ».
Le passage de Fernand Grenier au commissariat de l'Air est marqué par l'échec sanglant du soulèvement du maquis du Vercors, en juillet 1944 : en charge de l'aviation militaire de transport, il est mis en cause dans ce désastre pour n'avoir pas su obtenir la constitution réelle de l'unité aérienne « La Patrie », qui aurait dû réaliser des parachutages d'armes sur le Vercors. Pour avoir critiqué l'attentisme du général de Gaulle dans cette affaire, Fernand Grenier se voit exiger de ce dernier, le 26 juillet 1944, une lettre d'excuses ou de démission. Alors qu'il penche à titre personnel pour la seconde solution, Fernand Grenier doit se résoudre à écrire une lettre de rétractation, sur ordre du Comité central, qui voulait éviter une crise à la veille de la Libération de Paris. Cependant, peu de temps après son retour à Paris en septembre 1944, via Cherbourg, à bord de la Jeanne d'Arc, Fernand Grenier perd son poste de commissaire à l'Air au profit de Charles Tillon.
Lors de l'élection de la première Assemblée nationale Constituante, le 21 octobre 1945, Fernand Grenier est candidat dans la sixième circonscription de la Seine, en troisième position seulement sur la liste communiste emmenée par Jacques Duclos et Charles Tillon. Il emporte néanmoins l'un des sept sièges à pourvoir, puisque sa liste recueille 143 942 voix sur 308 887 suffrages exprimés.
Fernand Grenier est nommé membre de la Commission de la presse, de la radio et du cinéma et membre de la Commission des affaires étrangères ; son activité parlementaire se concentre autour d'interventions à la tribune destinées à défendre et à organiser la liberté de la presse et à établir le monopole et la nationalisation de l'électricité et du gaz.
Aux élections à la seconde Assemblée nationale Constituante, il retrouve sans peine son siège, puisque la liste communiste, toujours conduite par Jacques Duclos et Charles Tillon, obtient 141 254 voix sur 309 546 suffrages exprimés. Il siège dans les mêmes commissions que durant la première Assemblée constituante ; c'est d'ailleurs, au nom de la Commission de la presse, de la radio et du cinéma qu'il dépose, le 18 septembre 1946, deux rapports, l'un portant sur la création du Centre national de la cinématographie, l'autre sur la création d'un commissariat au cinéma.
Tout au long de ces deux Assemblées Constituantes, Fernand Grenier se conforme aux consignes de vote du groupe communiste auquel il appartient.
Son élection lors des premières élections législatives est encore plus aisée que les précédentes (146 573 voix sur 304 886 suffrages exprimés) ; il est vrai que le PCF jouit dans la sixième circonscription de la Seine d'une audience remarquable, et décroche invariablement, lors de ces trois premières consultations nationales, quatre des sept sièges à pourvoir. Fernand Grenier est durant cette première législature nommé membre de la Commission des affaires étrangères (1946, 1948) et de la Commission de la presse (1946, 1948, 1949, 1950, 1951) ; il est, par ailleurs, élu vice-président de cette dernière commission.
Fernand Grenier déploie une activité parlementaire très intense pour toutes les questions relatives à la représentation des intérêts français dans le cinéma et dans la presse ; il dépose ainsi le 26 janvier 1948 une proposition de résolution tendant à inviter le gouvernement à promouvoir la révision des accords Blum-Byrnes, afin d' « assurer la protection du film français ». Ses interventions, très nombreuses durant cette législature, témoignent aussi de son intérêt pour la mise en place des moyens de diffusion de presse (proposition de loi du 21 février 1947 tendant à constituer des sociétés de messagerie), et de la vigueur de son engagement aux côtés de l'URSS contre l'impérialisme économique américain qu'il n'a de cesse de dénoncer (demande d'interpellation, déposée le 12 décembre 1947, sur « les actes d'hostilité contre l'URSS et les conséquences de ces procédés »).
Candidat au renouvellement de son mandat aux élections législatives du 17 juin 1951, la tâche lui est moins facile en raison de la forte percée, dans la sixième circonscription de la Seine, de la liste du Rassemblement du peuple français (RPF) conduite par l'ancien directeur du cabinet à Londres du général de Gaulle, Gaston Palewski ; sur les 298 719 suffrages exprimés, la liste communiste du trio Duclos-Tillon-Grenier emporte 131 212 voix et trois sièges, celle du RPF, 88 497 voix et deux sièges - les deux sièges restants allant à la SFIO et au MRP.
Une fois son élection validée, le 6 juillet 1951, Fernand Grenier retrouve son siège à la Commission de la presse. Toujours soucieux de contrer la propagande américaine en France, il est notamment l'auteur, le 1er avril 1952, d'une proposition de résolution tendant à la nomination d'une commission d'enquête sur l' « origine des fonds considérables dépensés par Paix et liberté et sur la constitution, le fonctionnement et la direction de cette officine », qu'il accuse à deux reprises d'être financée par les fonds secrets de la présidence du Conseil. Fernand Grenier multiplie aussi les interventions à la tribune pour alerter la représentation nationale sur les problèmes du cinéma : fiscalité excessive pénalisant les productions nationales, censure des films soviétiques en France et, à l'inverse, pénétration massive et déloyale des produits de l'industrie cinématographique américaine. Il s'inquiète aussi des éventuelles dérives de la politique atomique entreprise par la France (11 décembre 1951 et 28 janvier 1955).
L'élection législative de 1956 est un grand succès pour les communistes de la sixième circonscription de la Seine : la liste à laquelle Fernand Grenier appartient, cette fois à la deuxième position derrière Jacques Duclos, bénéficie de l'effondrement du RPF (Gaston Palewski, à la tête des Républicains sociaux, manque la députation avec 5,6 % des suffrages) et de la très forte dispersion des listes à droite. La liste du PCF emporte trois sièges, avec 169 271 voix sur 371 902 suffrages exprimés ; les autres sièges reviennent au député sortant SFIO Gérard Jaquet, au radical-socialiste Charles Hernu, au député sortant et maire de Vincennes Antoine Quinson, membre du Rassemblement des gauches républicaines (RGR) et à Jean Dides qui représente les Indépendants et Paysans.
Fernand Grenier retrouve son siège à la Commission de la presse ; la quasi-totalité de ses dépôts de textes sont relatifs à l'industrie cinématographique (et notamment sa proposition de loi du 26 octobre 1956 tendant à supprimer la censure cinématographique). A la tribune, il prend part avec vigueur à la discussion du projet de loi portant réforme et statut de l'Agence France-Presse. Il est aussi rappelé à l'ordre, et par deux fois inscrit au procès-verbal, lors de la discussion des interpellations sur les événements de Hongrie, le 7 novembre 1956.
Elu membre suppléant du Comité central du PCF au congrès de juin 1945 à Paris, Fernand Grenier en est élu membre titulaire au congrès de Strasbourg, en juin 1947, et conserve ce siège tout au long de la IVème République. A la Libération, il est membre du comité national de l’Association France-URSS.
Avec son groupe, il s'oppose au retour du général de Gaulle et refuse la confiance au gouvernement (1er juin 1958), les pleins pouvoirs et la révision constitutionnelle (2 juin).
Aux élections législatives des 23 et 30 novembre 1958, Fernand Grenier se présente comme candidat du Parti communiste dans la 40ème circonscription de la Seine, correspondant à la commune de Saint-Denis, avec pour suppléant Auguste Gillot, premier magistrat de celle-ci. Le député sortant entend répondre aux multiples revendications socioéconomiques et politiques des électeurs de la circonscription. Il l‘explique dans sa profession de foi électorale, dans laquelle il s’engage à défendre le « niveau de vie des masses populaires, faire la Paix en Algérie, assurer l’indépendance française, ouvrir l’avenir de la jeunesse, construire une démocratie rénovée ». Il voit dans un « groupe communiste important dans la prochaine Assemblée nationale » la « seule opposition solide, résolue, constructive, dont le peuple aura besoin à la veille d’un hiver qui s’annonce rude ». Dans cette circonscription très ouvrière où le communisme jouit d’une vaste audience, et dont il est l’emblématique député depuis 1937, Fernand Grenier l’emporte sans difficultés. Il est en effet élu dès le premier tour de scrutin avec 21 106 des 38 865 suffrages exprimés, soit 54,31% des voix, devançant ainsi largement le gaulliste Jean Destrée (20,66%), le candidat sans étiquette Michel Seguin (11,28%) et le socialiste Victor Bourgeois (9,08%). Il est ainsi l’un des rares députés communistes sortants de la IVème République à ne pas avoir été éliminés lors de ces élections, marquées par un retour au scrutin d’arrondissement qui s’avère nettement défavorable au PCF, parallèlement très isolé dans son opposition radicale au retour du général de Gaulle au pouvoir. Durant la première législature de la Vème République, les dix députés communistes, parmi lesquels il figure, ne sont pas assez nombreux pour former un groupe et refusent par ailleurs l'appartenance au groupe des non inscrits, et Fernand Grenier n’est pas membre de commission.
Parlementaire actif, il intervient plus d’une trentaine de fois en séance publique mais ne dépose pas de proposition de loi. Le 27 mai 1959, réagissant à la situation particulière dans laquelle il se trouve avec ses collègues communistes rescapés du scrutin de novembre 1958, il dépose un amendement afin que les députés appartenant à une formation ayant obtenu plus de 10% des suffrages dans l’ensemble du pays aux élections législatives puissent se constituer en groupe quel que soit leur nombre. Au cours de la législature, ses interventions se concentrent sur les questions sociales et culturelles. Elu communiste d’une circonscription où, à cette époque, la population active est à plus des trois quarts ouvrière, c’est en effet assez logiquement qu’il consacre une grande partie de ses interventions à des sujets sociaux, aux premiers rangs desquels figurent les problèmes de logement (insuffisance de logements HLM face à la croissance très rapide de la population, multiplication des bidonvilles, poids des loyers pour les petits retraités) et d’emploi. Le 20 juillet 1964, il fait part à la tribune de l’inquiétude des travailleurs dionysiens face aux fermetures d’entreprises (comme celle des Chantiers de l’Atlantique) et à la décentralisation d’établissements implantés à Saint-Denis, qui manifestent selon lui un « démantèlement économique de la région parisienne ». Il défend aussi à plusieurs reprises les droits syndicaux dans les entreprises. Par ailleurs, lors des discussions relatives aux projets de finances qui rythment annuellement la législature, il prend systématiquement la parole pour évoquer une série de dossiers qui lui sont particulièrement chers. Il s’exprime ainsi chaque année pour réitérer sa demande d’affectation par la Chancellerie d’une partie du parc de la maison d’éducation de la Légion d’honneur à la population de Saint-Denis. De plus, élu d’une circonscription située au cœur d’un territoire pionnier de l’industrie cinématographique depuis la fin du XIXe siècle, et lui-même personnellement très concerné par les questions culturelles de manière générale, engagé d’ailleurs avec continuité dans ses précédents mandats sur cette question, il évoque régulièrement et avec insistance « la crise du cinéma français ». A celle-ci, il donne une explication (évolution du public et diminution de la fréquentation des salles, insuffisance des aides, poids de la fiscalité, « colonisation du cinéma français » par les productions et les capitaux américains, rigueur de la censure) et propose des remèdes (augmenter les aides à la petite exploitation et baisser les charges fiscales pesant sur elle, revenir à la liberté du prix des places). Publiciste passionné depuis plus de trente ans et parlementaire très engagé sur les questions de la presse tout au long de la IVème République, Fernand Grenier continue de s’impliquer beaucoup dans tous les débats relatifs à la liberté de l’information. Il s’exprime ainsi fréquemment pour dénoncer des entraves à l’exercice du journalisme de presse et surtout le manque d’objectivité de la Radio télédiffusion française (RTF), la suppression de tout contrôle parlementaire sur celle-ci et l’introduction de la publicité directe à la télévision. Par ailleurs, il manifeste à la tribune, le 7 décembre 1961, ses inquiétudes sur la crise algérienne, en particulier face au climat de violence que tente d’installer l’OAS, dénonçant la complicité de parlementaires, la «complaisance du pouvoir et l’indulgence de la justice » ainsi que les « brutalités policières dont ont été victimes les manifestants anti-OAS». Le 4 octobre 1962 il prend part au débat intense portant sur la motion de censure relative à l’élection du président de la République au suffrage universel et célèbre, en réaction à l’argumentaire de la légitimité historique de l’homme du 18 juin, la « résistance, fait non d’un homme, mais d’un peuple ».
Durant cette législature, Fernand Grenier se conforme aux consignes de vote du groupe communiste auquel il appartient.
Les élections législatives anticipées de novembre 1962 dans la 40ème circonscription de la Seine sont à nouveau un succès pour Fernand Grenier, qui retrouve sans peine son siège dès le premier tour, avec à nouveau comme suppléant Auguste Gillot, maire de Saint-Denis et conseiller général. Le député sortant obtient en effet 20 115 des 32 964 suffrages exprimés, soit 61,02% des voix, devançant de très loin les autres candidats, dont le gaulliste Jacques Tunzini, arrivé en deuxième position avec 21,31% des voix. Dans sa profession de foi, il rappelle aux électeurs les réalisations que lui-même et Auguste Gillot, à l’Assemblée nationale, au conseil général ou à la mairie ont permises grâce à leurs actions, en particulier les « cités nouvelles, écoles modernes, palais des sports, lycées, collèges techniques, etc. ». Face au « bilan négatif du pouvoir personnel », et sans nostalgie pour une IVème République déstabilisée par des « alliances immorales », Fernand Grenier plaide en faveur d’une politique tournée « résolument vers l’avenir » engagée dans la voie du « progrès social, de la démocratie réelle et de la paix ». Son programme prévoit notamment l’élection à la représentation proportionnelle d’une Assemblée constituante « chargée d’établir une nouvelle Constitution assurant notamment la souveraineté du peuple », également la « nationalisation des monopoles capitalistes » et la « construction massive d’HLM à loyers abordables », enfin la coopération « avec tous les pays ». Pour réaliser ce programme, il appelle, au « rassemblement des forces ouvrières et démocratiques » et à l’ « union des communistes et des socialistes ».
Les députés communistes, dont les effectifs se sont élevés à 41, permettant cette fois la constitution d’un groupe. Et c’est à celui-ci que s’inscrit naturellement Fernand Grenier le 11 décembre. Durant cette législature, il siège à la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales.
Il dépose deux propositions de loi relative à la RTF, dont l’une vise à modifier le statut (17 mai 1963) et l’autre à organiser un accès équitable de celle-ci aux grandes formations politiques en vue des élections législatives de mars 1967 (30 novembre 1966). Il dépose également un rapport, au nom de sa commission, qui vise à améliorer les conditions de travail des femmes salariées (23 avril 1964).
Comme sous les précédentes législatures, il se montre particulièrement prolixe, intervenant en séance publique plus d’une cinquantaine de fois au total. A nouveau, il intervient dans les discussions relatives aux projets de loi de finances annuels pour évoquer ses thèmes de prédilection. Toujours soucieux du règlement des dossiers dionysiens qui lui sont chers, il répète sa demande d’affectation d’une partie du parc de la Légion d’honneur à la population de Saint-Denis, dénonce la diminution des crédits alloués à la construction d’HLM et la gravité du problème de logement pour les travailleurs immigrés originaires d’Afrique noire, défend la nécessité du prolongement du métro jusqu’au barrage de Saint-Denis, évoque les conséquences néfastes du sous-équipement en matière sportive et socioéducative, « la délinquance juvénile étant inversement proportionnelle à la pratique des sports » (2 juin 1965). Il continue aussi d’alarmer l’Assemblée nationale sur « la gravité de la situation cinématographique française » (18 janvier 1963), insistant notamment sur l’indispensable protection du cinéma contre la concurrence de la télévision. De manière plus générale, il déplore à la tribune l’insuffisance des moyens financiers mis à la disposition des affaires culturelles, notamment en comparaison « avec la situation de l’URSS » (7 novembre 1964). Le 25 juin 1963, lors de la discussion générale sur une proposition de loi relative à l’emploi des enfants dans le spectacle, il explique la position favorable du groupe communiste sur le texte présenté. Vigilant vis-à-vis de l’indépendance de la RTF, il dénonce le 14 juin 1963 « la partialité de la télévision lors de la grève des mineurs ». Il s’alarme par ailleurs de la suppression des émissions culturelles et civiques. Il intervient longuement dans les discussions très intenses des 27 et 28 mai 1964 relatives au projet de loi portant statut de l’Office de radiodiffusion-télévision française (ORTF), expliquant les raisons de l’opposition de son groupe au projet de loi, et dépose de nombreux amendements, dont l’un tend à créer un comité de contrôle auprès du conseil d’administration (28 mai 1964). Le 8 novembre 1964, il rappelle le principe d’un « ORTF devant être au service de la Nation et non pas d’un clan ». Il évoque par ailleurs plusieurs fois la solution de réserver une émission d’un quart d’heure par mois à chaque groupe de l’Assemblée. Il prend également part le 12 juin 1964 au débat sur le projet de loi portant réorganisation de la région parisienne, défendant en particulier la vocation de la ville de Saint-Denis à devenir le siège de la préfecture du nouveau département de Seine-Saint-Denis. Le 24 juin 1966, lors des discussions intenses portant sur le projet de loi modifiant des dispositions du Code électoral relatives à l’élection des députés à l’Assemblée nationale, il intervient pour expliquer l’opposition de son groupe à l’ensemble du projet de loi, défendant notamment la nécessité d’éviter une sous-représentation de la banlieue parisienne, comme dans le cas du département de Seine-Saint-Denis, et rappelant la position du PCF en faveur de la représentation proportionnelle, « seul mode de scrutin clair et démocratique ». Enfin, à l’approche des élections législatives, il prend la parole en séance publique pour réclamer à nouveau l’utilisation équitable des ondes (7 décembre 1966).
Durant cette législature, en 1964 et 1965, il effectue trois rappels au règlement, notamment le 25 juin 1964 lorsqu’il proteste vigoureusement contre une modification apportée à la dernière minute à l’ordre du jour à propos de la discussion du projet de loi portant statut de l’ORTF: « Pendant les dix minutes de mon absence de l’hémicycle [au service des transports], l’ordre du jour a été totalement modifié, la discussion du projet sur l’ORTF a été appelée en priorité et le texte a été adopté en quelques minutes ».
Durant toute la législature, les votes de Fernand Grenier sont évidemment conformes à ceux du groupe communiste dont il est membre.
Sa réélection lors des élections de mars 1967 dans la 2ème circonscription de la Seine-Saint-Denis (commune de Saint-Denis) dès le premier tour est aisée avec 21 085 des 37 849 suffrages exprimés, soit 55,71% des voix. Son avance sur les autres candidats est cependant moins nette qu’en 1962, le candidat gaulliste Charles Faget ayant réuni sur son nom 26,47% des voix, soit 5% de plus que le candidat de l’Union pour la nouvelle République (UNR) en 1962. Il a pour suppléant Marcellin Berthelot, adjoint au maire de Saint-Denis. Dans sa profession de foi électorale, après avoir rappelé que le PCF cherche à parvenir à l’ « accord des partis de gauche sur un programme commun », il annonce : « Nous sommes prêts, en cas de victoire de la gauche à assumer nos responsabilités ». Afin d’ « assurer la prospérité de Saint-Denis et le bonheur de ses habitants dans une France démocratique, indépendante et pacifique », Fernand Grenier lance un appel à « l’union des forces de gauche et démocratiques », écho à la «base d’action commune » avec la Fédération de la gauche démocrate et socialiste (FGDS) proclamée par Waldeck Rochet au plan national.
Fernand Grenier rejoint l’Assemblée le 3 avril 1967 et s’inscrit au groupe communiste. Il est nommé membre de la Commission des finances, de l’économie générale et du plan. Il sera aussi membre de huit commissions spéciales, chargées notamment d’examiner des propositions de loi relatives au fonctionnement de l’ORTF, en particulier sur la question des ressources provenant de la publicité commerciale et sur l’objectivité des programmes. Le 18 mai 1967, il est élu vice-président d’une de ces commissions, portant sur le sujet de la création d’une commission d’enquête sur les émissions des actualités régionales télévisées de l’ORTF.
Il dépose une seule proposition de loi au cours de cette législature, portant sur l’organisation d’un accès équitable à la radiodiffusion et à la télévision des organisations nationales représentatives des grands courants d’opinion (19 décembre 1967).
Pendant cette courte législature, il intervient cinq fois. Il prend la parole en juin 1967 pour évoquer les problèmes des ménages ouvriers et retraités de la région parisienne, et défendre la nécessité d’une planification économique démocratique. En novembre 1967, au cours de la discussion du projet de loi de finances, comme à son habitude, il intervient à la tribune pour évoquer les problèmes dont il est constamment le porte-parole à l’Assemblée : la question toujours non résolue de l’affectation d’une partie du parc de la Légion d’honneur, la prise en compte du problème social et humain que représente la jeunesse délinquante, et surtout la crise de l’industrie cinématographique française
Aux élections législatives de juin 1968, Fernand Grenier cède la candidature communiste à son suppléant Marcelin Berthelot, adjoint au maire de Saint-Denis. Se présentant dans un contexte défavorable, les événements du mois de mai ayant engendré un sursaut de la majorité et une division de la gauche, Marcelin Berthelot perd près de trois mille voix par rapport à son prédécesseur au premier tour, subissant dans sa circonscription la baisse qui affecte le PCF à l’échelle nationale, mais manque cependant d’atteindre la majorité absolue à cinquante suffrages près. Il est mis en ballottage par Charles Faget, candidat de l’Union pour la défense de la République (UDR) se présentant comme « défenseur de l’ordre », porté par la vague gaulliste au plan national. Au second tour, le report de voix socialistes, bien qu’assez limité, et surtout la stagnation des voix de son adversaire gaulliste, permettent au Parti communiste de conserver la circonscription dont Fernand Grenier a été l’élu pendant trente ans.
Fernand Grenier est aussi conseiller municipal de Saint-Denis. Il est également le directeur de l’hebdomadaire Saint-Denis Républicain de la Libération à 1978. Il occupe aussi des responsabilités importantes au sein du Parti communiste et dans ses organisations. Réélu membre titulaire du comité central en 1959 au XVème Congrès à Ivry-sur-Seine, il l’est à nouveau en 1961 au XVIe Congrès du PCF à Saint-Denis. Lors des réunions du comité central, il intervient à plusieurs reprises, principalement sur les questions d’organisation et de méthode de la propagande du parti. Il relate son voyage en Chine de 1960, et participe aux discussions menant à l’exclusion du bureau politique de Laurent Casanova et Marcel Servin en février 1961. Relayant ses engagements parlementaires, il dénonce au comité central les tentatives du pouvoir gaulliste de museler l’opposition, sur les ondes et les écrans comme à l’Assemblée nationale, en particulier lors de la préparation du référendum de 1962. Fernand Grenier n’est cependant pas réélu au comité central au XVIIe Congrès du PCF en mai 1964 qui se tient à la salle de la Mutualité à Paris. Il reste, en revanche, membre du comité national de l’Association France-URSS, et le 25 février 1980, à la suite du décès de Lucien Midol, il est élu président de l’Amicale des vétérans du Parti communiste français. Il préside aussi l’Amicale de Châteaubriant-Voves-Rouillé.
Fernand Grenier est par ailleurs l’auteur de nombreux articles publiés dans la presse communiste et de nombreux livres de souvenirs, principalement consacrés à la Résistance communiste et à l’URSS :
- U.R.S.S. 1935 ;
- Le mouvement stakhanoviste (1936) ;
- Réponse à André Gide (1937) ;
- L'U.R.S.S. a vingt ans (1937) ;
- Réponse à Kléber Legay (1938) ;
- Lettre à un ami (1945) ;
- C'était ainsi (1949) ;
- Au pays de Staline (1950) ;
- La Marche radieuse (1951) ;
- Ceux de Châteaubriant (réédition en 1961) ;
- L’URSS au rythme de notre temps (1961), ;
- Journal de la drôle de guerre (1969) ;
- Ce bonheur-là (1974).
Fernand Grenier, titulaire de la rosette d’officier de la médaille de la Résistance, a été élevé à la dignité de chevalier de la Légion d’honneur en 1982. Il a également été décoré d’une distinction honorifique polonaise.
Il décède le 12 août 1992 à Saint-Denis, dans sa 92ème année. Ses obsèques ont lieu le 18 août, d’abord devant l’hôtel de ville de Saint-Denis, puis au cimetière du Père-Lachaise à Paris où son corps est inhumé. Son épouse Andréa Grenier, avec qui il n’eut pas d’enfants, décède six mois plus tard le 27 février 1993. A l’annonce du décès de Fernand Grenier, Jacques Chaban-Delmas, député-maire de Bordeaux, a rendu hommage au communiste patriote et résistant, à l’ancien ministre, mais aussi à « un parlementaire assidu […] fort de ses convictions, et d’un comportement loyal ».