Jean Guillon
1908 - 1974
Né le 30 juillet 1908 à Poitiers (Vienne)
Décédé le 12 août 1974 à Mende (Lozère)
Membre de la première et de la seconde Assemblée nationale constituante (Indre-et-Loire)
Député d'Indre-et-Loire de 1946 à 1951
Un père employé d'octroi, une mère lingère : c'est dans un milieu social très modeste que Jean Guillon voit le jour, le 30 juillet 1908. Mais sa réussite scolaire lui permet d'intégrer l'Ecole normale de Poitiers, et de là, bientôt l'Ecole normale supérieure de Saint-Cloud.
Ces années de jeunesse sont aussi celles de l'engagement : Jean Guillon milite dans les rangs de l'Union fédérale des étudiants, qui avait comme objectif de rassembler les étudiants pauvres, de défendre leurs revendications et d'établir une liaison avec les intellectuels et les organisations ouvrières. En 1930, délégué au syndicat unitaire de l'enseignement, il intervient au congrès de Marseille où il appuie les thèses de la majorité de la CGTU contre celles du bureau de la fédération. Il adhère aux Jeunesses communistes en 1930, au PCF en 1931.
Après deux années de poste de professeur dans l'Est de la France (Gérardmer et Longwy), pendant lesquelles Jean Guillon voit ses responsabilités s'accroître au PC, il revient de 1935 à 1939 dans son département d'origine, la Vienne, et participe activement à la vie du mouvement syndical (UD-CGT) et à celle de son parti : membre du bureau régional du PC, il représente la Vienne avec Grandin et Bouloux au Congrès national d'Arles en décembre 1937.
Les années 1939-1940 sont marquées par plusieurs mutations de poste et le refus de désavouer le pacte germano-soviétique du 23 août 1939 ; mais en avril 1941, il prend contact avec l'organisation clandestine du PC par l'intermédiaire de Paul Delanoue. De janvier à août 1942 il est membre du « triangle » de direction du PC pour l'Indre-et-Loire et, le 20 août 1942, il échappe de peu à une arrestation de la Gestapo. Condamné à mort par contumace, il réussit pendant plus d'un an à continuer son activité clandestine à la tête du Front national et des FTP pour plusieurs départements du Centre. Arrêté devant la gare de Blois le 10 novembre 1943, soumis à la torture, il parvient à dissimuler sa véritable identité. Déporté résistant à Mauthausen sous un faux nom (Jean Salado), il en est libéré par l'avancée des alliés en avril 1945. A son retour en France, il est nommé au Comité départemental de libération d'Indre-et-Loire en août 1945.
Sa vie de militant communiste reprend alors au grand jour, de manière très intense : journaliste il est pendant quelque temps rédacteur en chef adjoint de l'Humanité - orateur et défenseur populaire des milieux ouvriers et paysans d'Indre-et-Loire.
Il prend la tête de la liste communiste aux élections pour l'Assemblée nationale constituante, le 21 octobre 1945. Cette liste, avec 35 585 voix sur 163 840 suffrages exprimés, obtient l'un des cinq sièges à pourvoir. Pour la deuxième Constituante, le 2 juin 1946, la situation est sensiblement identique : toujours en tête de liste, Jean Guillon est élu avec 38 748 des 170 395 suffrages exprimés. Le 18 novembre 1946, pour la première législature, il améliore son score et sa liste obtient un siège de plus, avec 41 151 voix sur 161 084 votants. Cette progression est toutefois efficacement enrayée par la loi des apparentements qui empêche Jean Guillon, en dépit des 22,6 % de suffrages qu'il obtient, de retrouver son siège le 17 juin 1951.
Au cours des deux Assemblées nationales constituantes, Jean Guillon est désigné comme juré à la Haute cour de justice ; il est aussi membre de la Commission de la justice et de la législation générale. Il reste dans cette Commission pendant la première législature et siège également aux Commissions de la reconstruction et des dommages de guerre, des territoires d'outre-mer, de la presse, et enfin de la famille, de la population et de la santé publique. Il dépose deux rapports - dont un sur la révision des nominations abusives en Indochine pendant la guerre (19 juin 1947) et deux propositions de loi, dont l'une vise à modifier l'organisation communale pour faciliter la représentation de la population des communes rurales (25 novembre 1948).
Mais c'est surtout comme orateur que Jean Guillon agit dans l'hémicycle, attaquant à maintes reprises le gouvernement, ainsi lorsqu'il l'interpelle le 4 février 1948 sur l'arrestation illégale et le maintien en prison du président de la délégation de la République démocratique du Vietnam à Paris, ou lorsqu'il dénonce sans relâche la politique coloniale française, comme ce 22 septembre 1948 : « M. le ministre de la France d'outre-mer fait comme Ponce Pilate ; il se lave les mains des abominables forfaits qui se trament à Madagascar ». Une vive polémique l'oppose alors à Maurice Schumann : « En tout cas, Monsieur Schumann, lorsque vous étiez à Londres, j'étais au camp de concentration de Mauthausen » ; M. Schumann réplique : « Je ne conteste pas vos états de service, c'est vous qui contestez les miens ! »
Outre les problèmes coloniaux, Jean Guillon se préoccupe du monde agricole, en particulier des conditions de fermage et de métayage, ainsi lorsqu'il défend la proposition de loi du 30 avril 1948 visant à stabiliser le prix des baux à ferme.
Avec son groupe, Jean Guillon approuve les deux projets de Constitution, le 19 avril et le 28 septembre 1946 ; il vote contre la question de confiance (4 mai 1947) à la suite du vote de laquelle Paul Ramadier se sépare de ses ministres communistes ; le 27 août 1947, il approuve le projet de loi sur le statut de l'Algérie. Enfin, il s'oppose au Plan Marshall (7 juillet 1948), à la constitution du Conseil de l'Europe (9 juillet 1949), au Pacte de l'Atlantique (26 juillet 1949) et bien sur à la loi sur les apparentements (7 mai 1951) qui lui sera fatale un mois et demi plus tard.
Après son échec de 1951, Jean Guillon tentera sans succès à trois reprises de retrouver un mandat national. Il échoue au Conseil de la République en 1955. En 1956, il est en troisième position sur la liste communiste qui n'obtient qu'un siège. Enfin, le 30 novembre 1958, il n'obtient que la troisième place à l'issue du deuxième tour.
Il se consacre, pendant cette période, à son mandat de Conseiller municipal de Tours (de 1945 à 1959) et à la Fédération communiste d'Indre-et-Loire. Il doit cependant limiter ses activités à partir de 1966 pour raisons de santé. Il participe alors à des réunions d'anciens résistants et déportés et surtout fonde, en 1967, la société littéraire des amis de Paul-Louis Courier qui fait paraître les Cahiers Paul-Louis Courier et organise diverses rencontres.
Décédé alors qu'il se reposait en Lozère, le 12 août 1974, Jean Guillon, père de quatre enfants, était titulaire de la Croix de Guerre 1939-1945.