Jacques Hébert

1920 - 2018

Informations générales
  • Né le 8 août 1920 à Falaise (Calvados - France)
  • Décédé le 15 février 2018 à Falaise (Calvados - France)

Mandats à l'Assemblée nationale ou à la Chambre des députés

Régime politique
Cinquième République - Assemblée nationale
Législature
IIe législature
Mandat
Du 18 novembre 1962 au 2 avril 1967
Département
Manche
Groupe
Union pour la nouvelle République-UDT
Régime politique
Cinquième République - Assemblée nationale
Législature
IIIe législature
Mandat
Du 5 mars 1967 au 30 mai 1968
Département
Manche
Groupe
Union démocratique pour la V° République
Régime politique
Cinquième République - Assemblée nationale
Législature
IVe législature
Mandat
Du 23 juin 1968 au 1er avril 1973
Département
Manche
Groupe
Union des démocrates pour la République - Non inscrit

Biographies

Biographie de la Ve République

HÉBERT (Jacques)
Né le 8 août 1920 à Falaise (Calvados)
Décédé le 15 février 2018 à Falaise (Calvados)

Député de la Manche de 1962 à 1973

Né le 8 août 1920 à Falaise dans le Calvados, Jacques Hébert est le fils de l’industriel Pierre Hébert, maire d’une petite commune du Calvados pendant vingt ans. Ce dernier, après la faillite d’une fonderie qu’il avait ouverte à Falaise, dirige une fabrique de brosses et balais à Caen. C’est là que s’installe la famille Hébert avec ses quatre enfants. Tout en étant inscrit à l’établissement Sainte-Marie de Caen, le petit Jacques suit des cours privés d’allemand. À quinze ans, il a un premier contact indirect avec l’Allemagne nazie à l’occasion d’un séjour linguistique en Angleterre. Résidant chez un militaire d’origine irlandaise acquis aux thèses du fasciste britannique Oswald Mosley, il partage sa chambre avec deux adolescents allemands issus des Jeunesses hitlériennes. Fasciné par la prestance de ces deux militants nazis, il s’en ouvre à son retour en Normandie à son père qui le ramène vite à la raison en lui faisant lire dans le texte la presse du IIIe Reich et ses thèses antisémites. Après son baccalauréat, il entame des études de botanique et de médecine à l’université de Caen, lesquelles sont interrompues au printemps 1940 par l’invasion allemande. Le jeune étudiant aide les chirurgiens qui opèrent des blessés rapatriés du front à l’hôpital de Caen, jusqu’à ce que la ville soit évacuée devant l’avance de la Wehrmacht. La famille Hébert rejoint Niort, la Gironde puis le Pays basque.

Là, Jacques Hébert, son frère Bernard (un pianiste prometteur) et son cousin, Louis Koenig, décident de partir pour Londres afin de s’engager dans les Forces françaises libres (FFL). S’étant fait passer pour des soldats polonais dont ils ont revêtu l’uniforme afin de franchir les barrages policiers, ils embarquent le 21 juin sur le paquebot Batory pour Plymouth. Ce n’est qu’à Londres qu’ils apprennent l’existence de Charles de Gaulle et l’appel du 18 juin. Enrôlés le 1er juillet 1940 comme soldats de 2ème classe dans la 1ère Compagnie autonome de chars de combat de la Légion étrangère, ils sont formés au camp d’Aldershot. Ils embarquent le 31 août 1940 sur le Pennland pour l’expédition de Dakar par laquelle de Gaulle espère rallier l’Afrique occidentale française (AOF). Après l’échec de cette opération, ils sont envoyés en Afrique équatoriale française (AEF). Ils arrivent cinq semaines plus tard à Douala au Cameroun, puis au Gabon où Jacques Hébert est blessé accidentellement à la jambe le 23 octobre 1940. Séparé de son frère Bernard, qui a intégré une école d’aspirant officier, Jacques Hébert quitte le Congo pour Suez qu’il atteint le 23 avril 1941, avant de gagner la Palestine pour participer à la campagne de Syrie contre les troupes françaises de Vichy avec le nouveau grade de caporal. C’est durant cette bataille qu’est tué son cousin Louis Koenig. Lui-même est blessé par un éclat d’obus près de Damas.

En août 1941, promu sergent, Jacques Hébert est obligé de suivre les cours d’élève aspirant à Damas. En octobre, il est affecté à la 1ère Compagnie de chars de combat. En janvier 1942, il rejoint le Liban et poursuit sa formation dans les chars à l’école de blindés d’Héliopolis. Il est engagé en Libye, puis participe en octobre 1942 à la bataille d’El Alamein aux côtés d’un autre futur député gaulliste, Hubert Germain. Il est gravement brûlé sur le front. Soigné à Alexandrie, où il apprend en décembre 1942 sa promotion comme sous-lieutenant, il combat de nouveau en Tunisie de mars à mai 1943 où il retrouve son frère. Stationné au Maroc, Jacques Hébert intègre le 501ème régiment de chars de combat de la 2ème division blindée du général Leclerc récemment créée. C’est avec la 2ème DB qu’il rejoint l’Angleterre en avril 1944. Nommé lieutenant, il débarque à Utah Beach le 2 août 1944 et participe à la campagne de Normandie comme officier des transmissions. À bord de son half-track et sous le feu des canons ennemis, il se distingue lors de la bataille d’Écouché le 13 août. Il prend part à la libération de Paris en se battant aux Tuileries et sur la place de la Concorde, où il contribue en officier de liaison à coordonner l’attaque des différentes unités.

À partir de septembre, il quitte la capitale avec la 2ème DB en direction des Vosges. Le lieutenant Hébert participe aux combats d’Andelot et de Chatel. Il est présent lors de la libération de Strasbourg, le 23 novembre 1944, puis lors de la campagne d’Alsace. Passé en Allemagne en avril à la tête d’un groupement de chars, il fait enfin partie de ceux qui parviennent au nid d’aigle d’Hitler à Berchtesgaden dans la nuit du 4 au 5 mai 1945. Une nouvelle fois blessé à cette occasion, il est évacué et soigné à Mourmelon, au Val de Grâce puis à Caen, près de sa famille. Celle-ci s’agrandit d’ailleurs puisqu’il se marie alors avec Marie-Jeanne Foy. Le couple aura trois enfants. Jacques Hébert est affecté en avril 1945 au secrétariat particulier du ministre de la Guerre, André Diethelm. Fait compagnon de la Libération par décret du 16 octobre 1945, il est nommé en novembre au cabinet militaire du Résident général de France en Tunisie, Eirik Labonne, et y reste jusqu’en juin 1946.

Après une discussion avec Leclerc, Jacques Hébert choisir de quitter le monde militaire pour retrouver la vie civile. Il reprend ses études de médecine d’abord à Caen puis à Paris, se spécialisant d’abord en cardiologie avant d’évoluer vers la médecine du travail. Il devient médecin-chef du centre interprofessionnel de médecine du travail de l’agglomération de Cherbourg. S’étant établi dans cette ville où il est connu et apprécié, il décide de s’y engager politiquement en 1959. De sensibilité gaulliste depuis la guerre, même si on ne lui connait pas de responsabilité militante à l’époque du Rassemblement du peuple français (RPF), il se présente aux élections municipales de mars 1959. Il affronte le socialiste René Schmitt, ancien Résistant et figure politique locale très implantée. Maire de 1944 à 1947 (il avait contribué à reconstruire Cherbourg, ville très touchée par les affrontements et bombardements consécutifs au débarquement américain de juin 1944), et de retour à l’hôtel de ville à partir de 1954 (après une élection partielle liée à la démission de René Rosette appuyée par une fragile coalition RPF/Mouvement républicain populaire), l’édile socialiste était également député de la Manche (siégeant à l’Assemblée de 1945 à 1955, il avait été réélu en novembre 1958) et conseiller général du canton de Cherbourg (depuis 1958). Profitant des divisions de la gauche (l’anticommunisme de René Schmitt lui vaut l’hostilité du Parti communiste français) et d’une volonté générale d’alternance, Jacques Hébert, qui a obtenu l’investiture gaulliste, remporte les municipales. Il reste à la tête de l’hôtel de ville jusqu’en 1977 (il préside la communauté urbaine de Cherbourg de 1970 à 1977). Pendant près de vingt ans, il s’emploie à transformer la cité normande en rénovant le quartier de la Divette, en construisant le port Chantereyne, en aménageant la plage Napoléon. Bien avant que le traité de l’Elysée ne popularise ce genre d’initiative, il organise le jumelage de Cherbourg avec la ville allemande de Bremerhaven.

Lors des législatives de novembre 1962, le maire gaulliste de Cherbourg obtient facilement l’investiture Union pour la nouvelle République-Union démocratique du travail (UNR-UDT) dans la 5e circonscription de la Manche. Avec l’aide de son suppléant, l’exploitant agricole Paul Gosselin, il affronte de nouveau le socialiste René Schmitt. Ce dernier, toujours conseiller général, pâtit une fois encore des fortes tensions locales entre socialistes et communistes comme de son image d’élu de gauche dans un département rural ancré à droite. Jacques Hébert est élu, dès le premier tour, avec 62,4 % des suffrages exprimés. Il s’apparente au groupe UNR-UDT et rejoint la commission de la défense nationale et des forces armées. Il est membre en 1966 de la commission spéciale chargée d’examiner la proposition de loi visant à permettre aux travailleurs chargés de travaux pénibles de prendre leur retraite avant soixante ans.

Chaque année, cet élu d’un port militaire rapporte pour sa commission le budget de la marine de guerre prévu par la loi de finances. Il est également rapporteur en mai 1963 du projet de loi relatif à certains personnels de réserve de l’armée de mer, et en avril 1964 du projet de loi modifiant l’organisation des différents corps d’officier de l’armée de mer et du corps des équipages de la flotte, ainsi que de celui sur la prise en compte des services effectués avant 18 ans dans les FFL.

En avril 1964 toujours, il présente deux propositions de loi. La première tend à étendre le régime général de la Sécurité sociale aux membres des professions industrielles et commerciales, libérales et artisanales et à leurs familles. La seconde propose l'admission à l'assurance volontaire (assurances sociales) du conjoint ou du membre de la famille du grand invalide remplissant bénévolement, auprès de ce dernier, le rôle de « tierce personne ».

Le cardiologue Jacques Hébert s’intéresse aussi aux questions de santé publique, et lors de l’examen, en janvier 1963, de la deuxième partie du projet de la loi de finances, il dénonce « la misère des hôpitaux français ». Il déplore également le manque d’investissements publics pour développer les ports moyens. Pour protester contre le manque de soutien que reçoit Cherbourg par rapport au Havre, il n’hésite pas à s’abstenir, le 9 avril 1965, lors du vote du projet de loi sur les ports maritimes autonomes.

Lors des difficiles législatives de mars 1967, Jacques Hébert est de nouveau candidat dans la même circonscription. Bénéficiant d’un ancrage politique encore amélioré depuis son élection, le 15 mars 1964, comme conseiller général du canton de Cherbourg, jouissant d’une excellente réputation personnelle et pouvant s’appuyer sur un bilan positif à l’hôtel de ville, il est réélu dès le premier tour avec 53,5 % des suffrages exprimés face à son principal adversaire, Joseph Bocher (Fédération de la gauche démocrate et socialiste) qui ne dépasse pas les 27 % des voix. Il intègre le groupe de l’Union des démocrates pour la Ve République (UD-Ve) et reste fidèle à la commission de la défense nationale et des forces armées. Il est rapporteur pour avis des dépenses d’équipement prévues par la loi de finances pour l’année 1968, et rapporteur du projet de loi relatif aux modalités de recrutement en vue du service national, en juin 1967. Il est également rapporteur pour avis sur l’article 31 du projet de loi de finances rectificative pour 1967, relatif à une validation législative en faveur des ouvriers des armées et des techniciens à statut ouvrier de la marine. Il présente en avril une proposition de loi tendant à l’institution d’un régime unique de solidarité sociale nationale.

Jacques Hébert, qui a un fort caractère, n’hésite pas à s’opposer à la discipline de vote de son groupe lorsqu’il estime que les positions de celui-ci sont contraires à ses intérêts ou à ses convictions. Lors d’un vote en 1967 sur le prélèvement de la redevance de l’ORTF, il est le seul député gaulliste, avec son collègue Pierre Godefroy, député de Valognes, à voter contre. Lors de l’examen en juillet de la proposition de loi du député gaulliste Lucien Neuwirth sur la contraception légalisant la pilule, Jacques Hébert fait savoir sa vive opposition. Il évoque son « devoir de législateur, responsable devant les générations futures du patrimoine biologique des Français » avant de mettre en garde contre « la flambée inouïe d’érotisme entretenue et attisée par la propagande politique, aussi bien d’ailleurs de la majorité que de l’opposition, en faveur des techniques anticonceptionnelles hormonales » qui, selon lui, « menace notre pays ». À l’automne de la même année, au moment de l’annonce du projet Infratome de stockage de déchets près de l’usine de La Hague, il n’hésite pas à écrire au ministre d’État chargé de la Recherche scientifique et des questions atomiques, Maurice Schumann, et à diffuser cette même lettre en la publiant dans le quotidien Le Monde, pour protester contre le non-respect par l’État des engagements pris avant 1960. Les deux députés gaullistes du Cotentin menacent de ne pas voter la confiance au gouvernement.

Sa réélection dès le premier tour, avec 55,44 % des suffrages exprimés, comme député de la même circonscription de la Manche est une formalité à l’occasion des législatives anticipées de juin 1968 très favorables aux gaullistes. Il profite localement de la dispersion de la gauche entre le socialiste Georges Fatôme (15 %), le communiste Maurice Postaire (11 %) et le candidat du Parti socialiste unifié (PSU) Jean Marigny (9,5 %).

Le député-maire de Cherbourg rejoint le groupe Union des démocrates pour la République (UDR) et reste dans la commission de la défense nationale et des forces armées dont il est vice-président de juillet 1968 à avril 1969. Il est rapporteur pour avis sur les crédits militaires pour l’examen des projets de loi de finances rectificative pour 1968, rapporteur pour avis des crédits d’équipement du budget des armées prévus par le projet de loi de finances pour 1969, puis rapporteur pour avis des crédits de la marine, prévus par le projet de loi de finances pour 1973.

Il est aussi rapporteur en juillet 1968 du projet de loi relatif aux salaires des ouvriers et des techniciens à statut ouvrier du ministère des Armées, puis en décembre suivant, du projet de loi relatif au personnel enseignant de l’École polytechnique. En avril 1972, il est rapporteur du projet de loi interdisant la mise au point, la fabrication, la détention, le stockage, l'acquisition et la cession d'armes biologiques ou à base de toxines.

Il intervient, en octobre 1970, lors de l’examen du projet de loi de programme relative aux équipements militaires pour la période 1971-1975. Le même mois, il dépose une proposition de loi tendant à accorder à la femme fonctionnaire, dont le mari, militaire, fait l'objet d'une mutation, un droit de priorité en matière d'affectation, lui permettant de recevoir un poste dans la ville où exerce son conjoint. Par ailleurs, il prend part aux débats sur la déclaration du gouvernement relative à l’éducation nationale (juillet 1968).

Jacques Hébert reste fondamentalement un parlementaire libre. Bien que très attaché depuis l’épopée des FFL à la personne du général de Gaulle en tant que chef fondateur de la France libre, il n’hésite pas à se démarquer de la ligne du chef de l’État si celle-ci ne lui semble pas satisfaisante. Au printemps 1969, il s’oppose ainsi publiquement au projet de référendum sur le Sénat et la régionalisation (il avait déjà émis des réserves lors des débats qui avaient suivi en décembre 1968 la déclaration du gouvernement relative à la réforme de la région et du Sénat). Étant le seul député gaulliste à avoir pris ouvertement position contre la volonté du président, il est exclu de l’UDR et siège donc, à partir du 29 avril 1969, parmi les non-inscrits. Cela ne l’empêche pas de conserver un lien militant indirect avec le gaullisme via le mouvement Démocrates Ve, au comité directeur duquel il siège à partir de mai 1973 (il fait aussi partie du comité national du même mouvement). Cette organisation a été fondée en 1967 pour servir de structure d’accueil aux membres du MRP favorables à la majorité. Marie-Madeleine Dienesch en assure la présidence et Marc Bécam le secrétariat général. Le mouvement, lié organiquement à l’UD-Ve République, est représenté dans les instances dirigeantes du parti gaulliste et dispose d’un journal, Avenir démocratique. Se réclamant par ailleurs depuis le début d’un gaullisme de gauche (il a travaillé avec René Capitant sur la participation), Jacques Hébert exprime quelques réserves à l’égard de Georges Pompidou qu’il perçoit comme conservateur sur le plan social.

Ébranlé par la mort de sa fille en 1972, Jacques Hébert renonce à se représenter lors des législatives de 1973. Il s’efface au profit de son adjoint démocrate-chrétien Charles Dumoncel, qui est battu par le socialiste Louis Darinot. Jacques Hébert se concentre sur son mandat de maire de Cherbourg et de président de l’agglomération jusqu’en 1977. Il renonce à briguer un nouveau mandat de maire et laisse Charles Dumoncel monter une liste de droite dans laquelle figure Hubert Germain (ancien FFL et ministre des PTT en 1972-1974). Cette liste, qui souffre du manque de soutien de l’influent Léon Vaur (ce notable, président de la chambre de commerce et d’industrie de Cherbourg-Cotentin de 1970 à 1976, et qui a beaucoup fait pour développer économiquement le port, avait songé un temps à se présenter), est défaite par Louis Darinot qui obtient 55,8 % des voix.

Sans successeur, Jacques Hébert quitte alors la vie politique et redevient médecin à temps plein. Il cesse ses activités professionnelles en 1982. Retraité, il consacre son nouveau temps libre à sa famille, à des responsabilités associatives (judo, golf), à la société d’orchidophilie de France, aux Amis des Museum-Naturalistes parisiens et aux Amis du Louvre.

En 2015, il revient sur son étonnant parcours personnel dans un livre de souvenirs, Des hommes libres, parus aux éditions des Cahiers du Temps.

L’ancien député-maire de Cherbourg meurt le 15 février 2018 dans sa ville natale de Falaise. Ce gaulliste atypique et original, était l’un des derniers députés Compagnons de la Libération encore en vie. Grand Officier de la Légion d’honneur, Jacques Hébert était titulaire de la Croix de Guerre 1939-1945 (avec quatre citations), de la Médaille coloniale (avec agrafes Lybie et Tunisie), de la Médaille des services volontaires dans la France libre et de plusieurs décorations étrangères.