Roger Holeindre

1929 - 2020

Informations générales
  • Né le 21 mars 1929 à Corrano (Corse - Corse)
  • Décédé le 30 janvier 2020 à Vaucresson (Hauts-de-Seine - France)

Mandats à l'Assemblée nationale ou à la Chambre des députés

Régime politique
Cinquième République - Assemblée nationale
Législature
VIIIe législature
Mandat
Du 2 avril 1986 au 14 mai 1988
Département
Seine-St-Denis
Groupe
Front national

Biographies

Biographie de la Ve République

HOLEINDRE (Roger)
Né le 21 mars 1929 à Corrano (Corse)
Décédé le 30 janvier 2020 à Vaucresson (Hauts-de-Seine)

Député de la Seine-Saint-Denis de 1986 à 1988

Roger Holeindre naît le 21 mars 1929 à Corrano, petite commune de la vallée du Taravo en Corse du sud. Issu d’un milieu modeste (père ouvrier communiste et ancien prisonnier de guerre), il passe son enfance dans les Vosges puis en région parisienne, dans la Seine-et-Oise. Refusant l’Occupation, il participe en 1944, parmi des Scouts de France, à des opérations nocturnes contre l’armée allemande à Noisy-le-Sec. A 15 ans, lors de l’évacuation de Paris par la Wehrmacht, il subtilise ainsi deux mitrailleuses jumelées.
A la Libération, Roger Holeindre, très patriote et qui voue un culte à l’empire colonial, souhaite s’engager dans les fusiliers marins et partir comme volontaire en Indochine. A 16 ans et demi, il est toutefois trop jeune pour rejoindre l’armée. Il falsifie donc ses papiers d’identité et s’embarque début 1947 pour l’Indochine où la guerre vient de débuter. Il fait partie de la 1ère demi-brigade de fusiliers marins au sein de la 1ère division navale d’assaut (1ère Dinassaut). C’est parce qu’il relevait initialement d’une troupe de marine qu’il gagne plus tard le surnom de « Popeye ». De retour en métropole, en 1950, il se porte volontaire pour la guerre de Corée mais, n’ayant pas l’âge requis, il n’est pas admis dans le corps expéditionnaire français. C'est alors un deuxième départ pour l'Indochine où il sert à la 1re Demi-brigade de Commandos parachutistes, les fameux "Bérets rouges". En tout, il séjourne à trois reprises en Indochine. S’il s’agit pour lui, au début, de combattre pour maintenir l’Indochine dans le giron français, il lutte à partir de 1949 pour préserver ce territoire du danger communiste, dans le cadre d’un conflit qui relève désormais de la Guerre froide.
Toujours militaire, Roger Holeindre passe d’une guerre à l’autre, de l’Indochine à l’Algérie. Très attaché au maintien dans le giron français d’une Algérie qui est entrée en rébellion à la Toussaint 1954, il fait partie de ceux qui croient dans l’Eurafrique, cette redéfinition du pacte colonial issue de l’entre-deux-guerres qui consiste à penser dans un même espace de développement économique la métropole et ses territoires africains. Il perçoit également cette guerre de décolonisation comme un conflit plus largement politique opposant la France et les pays occidentaux au camp communiste soutenant le Front de libération nationale (FLN). Formé aux techniques de la guerre anti-subversive en Indochine, il devient instructeur spécialisé en lutte anti-guérilla. Incorporé au sein du 8e régiment de parachutistes coloniaux, il participe notamment à des opérations près de Tébessa, à l’est de l’Algérie. Il passe parfois derrière les lignes ennemies, déguisé en fellagha, et infiltre des maquis de l’Armée de libération nationale (ALN) dans les Aurès. Deux fois blessé (dont une fois grièvement à la tête), cinq fois cité, Roger Holeindre est démobilisé en 1957 avec le grade de sergent. Installé à Tébessa comme commerçant, il continue d’œuvrer pour l’Algérie française en créant dans cette ville une maison des jeunes pour encadrer les loisirs de quatre cents jeunes Algériens musulmans avec l’objectif de les éloigner de l’influence du FLN. Bien que civil, il est cité "à l'ordre de l'Armée" pour son action sociale envers la population autochtone.
Roger Holeindre, qui a été membre du comité de salut public de Tébessa au printemps 1958, puis conseiller au plan de Constantine pour les affaires sociales et la jeunesse, est heurté par l’évolution de la politique algérienne du général de Gaulle. Après l’échec du putsch des généraux en avril 1961 et la création de l’OAS, Roger Holeindre bascule dans la sédition. En décembre 1961, il monte dans le Constantinois le maquis « Bonaparte », qui accueille notamment des membres de l’Organisation de l’armée secrète (OAS) évadés de prison. Arrêté, emprisonné, il s'évade et poursuit la lutte avant d’être à nouveau arrêté. Le 6 février 1962, il est incarcéré en métropole. Condamné à quatorze ans d’emprisonnement, il est finalement amnistié à la mi-1965.
Ses combats en Indochine puis en Algérie inspirent autant ses premiers romans (Le Levain de la colère en 1963, consacré aux parachutistes d’Indochine, Honneur ou décadence en 1965, vibrant appel à la jeunesse pour qu’elle se détourne de ses « mauvais maîtres » et retrouve le chemin des « vrais valeurs »), qu’ils déterminent son engagement dans les rangs nationalistes. Nostalgique de l’Algérie française, il rejette le pouvoir gaulliste et lutte contre le communisme. A peine libéré de prison, le voici qui soutient ainsi le mouvement d’extrême droite Occident fondé en 1964. Il rejoint également les rangs des partisans du candidat Jean-Louis Tixier-Vignancour à l’élection présidentielle de décembre 1965. Il supervise les équipes jeunes et fait partie du service d’ordre des comités TV qui affrontent durement leurs adversaires de gauche. Lors de cette campagne, il rencontre Jean-Marie Le Pen. C’est le début d’une amitié profonde et durable.
Au printemps 1968, Roger Holeindre préside l’association France-Vietnam du sud et dirige depuis 1967 le Front uni de soutien au Sud-Vietnam qui, dans une logique anticommuniste, rassemble plusieurs mouvements d’extrême droite (dont Occident). Il fréquente au Cercle du Panthéon, rue Quicampoix, de jeunes militants nationalistes comme Alain Madelin, Gérard Longuet et Claude Goasguen. Le 28 avril 1968, il est blessé par des maoïstes des Comités Vietnam de base venus saccager au Quartier Latin une exposition du Front uni de soutien au Sud-Vietnam. Après mai 68, Roger Holeindre continue le combat politique, s’engageant sur le terrain militant via sa nouvelle organisation, les Jeunesses patriotes et sociales (JPS), et sur le terrain des idées par l’intermédiaire de la revue Contre-Poison, dont il est le directeur de publication, et d’Unité française, dont il assure la direction administrative. Le nationaliste ne renonce pas, le cas échéant, à l’emploi de la violence dans le contexte tendu des « années 68 ». Début mai 1969, il est placé en détention pendant deux jours après une altercation entre militants JPS et extrême-gauche devant le lycée Louis-le-Grand. En mars 1970, il lance et préside le Parti national populaire (PNP), aux côtés d’une autre figure du milieu nationaliste, Pierre Bousquet. Le PNP fusionne en janvier 1971 avec d’autres formations d’extrême droite dans le Parti de l’unité française. A la fin de l’année, cette même organisation se joint au Mouvement pour la justice et la liberté de l’ancienne figure OAS Georges Bidault pour former le Mouvement pour la justice et la liberté-unité française. Soucieux de rassembler les groupuscules de la mouvance nationaliste en un seul grand parti capable d’exister sur le terrain électoral, Roger Holeindre s’emploie à partir du début des années 1970 à unifier les tendances diverses de sa famille politique : anciens de l’Algérie française antigaullistes, nationaux-populistes, nationalistes-révolutionnaires, conservateurs anticommunistes, fascistes, catholiques intégristes… Le restaurant qu’il ouvre au 87 de la rue Saint-Honoré, dans le quartier des Halles à Paris, le « Bivouac du grognard », devient ainsi un point de ralliement où se rencontrent les représentants de ces différentes sensibilités.
En octobre 1972, le lancement du Front national (FN) est la consécration de cette synergie de rassemblement. Le mouvement de Roger Holeindre fait partie des organisations fédérées et son responsable est proclamé secrétaire général adjoint du nouveau parti. En 1973, celui qui s’est présenté sous l’étiquette du nouveau parti sans succès aux législatives du printemps, dans la 25e circonscription de Paris (18e arrondissement : Grandes-Carrières), n’obtenant que 942 voix au premier tour, est promu vice-président du FN et conserve cette fonction jusqu’en 1978. Toujours hanté par ses guerres coloniales, il publie en 1974 Requiem pour trois sous-off puis Hanoï : combats pour un empire, en 1979. Roger Holeindre voit le parti dirigé par Jean-Marie Le Pen sortir de la marginalité politique à la faveur des élections municipales de 1983 et plus encore des européennes de 1984 quand le FN obtient près de 11 % des suffrages. En 1985, l’ancienne figure de l’OAS fonde et préside le Cercle national des combattants (CNC), qui se veut l’antenne anciens combattants du FN. Au sein du parti, il s’occupe du service d’ordre et de l’organisation des meetings. Il lance également un mouvement de jeunesse, sorte de scouts nationalistes, les Cadets de France et d’Europe. En février 1987, Roger Holeindre est nommé chargé de mission pour l’organisation de la campagne présidentielle de Jean-Marie Le Pen.
Parallèlement à ses engagements militants, Roger Holeindre poursuit une carrière journalistique, comme grand reporter à Paris-Match dans les années 1980 puis à Magazine Hebdo et au Figaro Magazine dans les années 1990 où il traite notamment des questions relatives à l’Afrique, à l’Asie et à l’Amérique latine. Il continue de publier très régulièrement des ouvrages, portant sur les guerres d’Indochine et d’Algérie (entre autres Le Commando en 1980 ou Torture ? Ils ont dit torture ! en 1999), le danger du communisme (Le Rire du cosaque en 1981) et la situation politique et socio-culturelle à ses yeux dégradée de la France (A tous ceux qui n’ont rien compris en 1989, SOS hystérie en 1992). Si certains livres sont édités chez Robert Laffont, la plupart relève de petites maisons d’éditions.
Au printemps 1986, lors des élections législatives qui se tiennent au suffrage proportionnel départemental, Roger Holeindre figure sur la liste du Front national en Seine-Saint-Denis. Élu, il rejoint les 34 autres députés du groupe FN, ainsi que la commission de la défense nationale et des forces armées. Si les résultats du scrutin de mars 1986 ont réduit à néant les espoirs de Jean-Marie Le Pen d’occuper une position d’arbitre au Palais-Bourbon (la droite réunissant le Rassemblement pour la République et l’Union pour la démocratie française -RPR-UDF- obtenant de justesse la majorité absolue), les parlementaires frontistes se voient attribuer par leur chef le rôle d’être « les gardiens vigilants de l’opinion publique » et de dénoncer « toute dérive social-démocrate » et « les renoncements de la majorité à ses engagements électoraux ». Le député frontiste se montre assez actif au Palais-Bourbon, intervenant souvent à l’occasion des questions au gouvernement ou lors de l’examen des projets et propositions de loi. Le 2 décembre 1986, dans le cadre d’une question au gouvernement, il s’insurge contre les tarifs préférentiels dont auraient bénéficié à la SNCF les manifestants venus à Paris protester contre le gouvernement et souhaite que les militants désireux de participer à la prochaine fête du FN à Paris puissent jouir des mêmes avantages. Il participe, le 25 avril 1986, aux discussions sur le projet de loi autorisant le gouvernement à prendre diverses mesures d’ordre économique et social en défendant le principe de la préférence nationale et en demandant un soutien aux petits entrepreneurs. La plupart de ses interventions reprennent les grandes orientations du Front national, notamment dans le domaine de la sécurité et de la lutte contre l’immigration. Les 3, 10 et 11 juillet 1986, il profite des débats autour du projet de loi relatif aux contrôles et vérifications d’identité pour exiger le durcissement des sanctions pénales contre les étrangers ne pouvant justifier de la régularité de leur séjour en France, il dénonce l’immigration clandestine via les faux visas de tourisme et souhaiterait que les voyageurs se rendant en France fournissent une attestation d’assurance couvrant leurs frais de santé durant leur séjour. Lors de cette même intervention, Roger Holeindre refuse les « mea culpa éternels » sur le passé colonial et estime notamment que l’immigration clandestine ruine le pays et que l’amicale des Algériens en Europe a « pris le relais du FLN ». Il déplore enfin la façon dont sont enseignées les guerres d’Indochine et d’Algérie. Ce journaliste nationaliste dénonce lors de l’examen du projet de loi relatif à la liberté de communication, le 5 août 1986, le « non-respect des faits » par les trois quarts de la presse française selon lui. Il met en cause Hervé « Mohamed » Bourges et regrette le manque de pluralisme des chaînes de télévision et stations de radio où, à ses yeux, Jean-Marie Le Pen serait régulièrement diffamé, et de citer les émissions de Michel Drucker, Jean-Pierre Elkabbach, Bernard Pivot et Jean-François Kahn. Il se dit également révolté par les dessins du Monde représentant les militants du FN en tenue de SA hitlériens. En 1986 et 1987, le député propose l’octroi de la Légion d’honneur aux survivants les plus méritants de la guerre d’Indochine. Lors de l’examen, le 5 juillet 1987, du projet de loi portant diverses mesures d’ordre social, Roger Holeindre apporte son soutien à l’amendement du député frontiste François Bachelot suggérant que l’allocation de parent isolé soit réservée aux citoyens français.
Au sein du Front national, le député Roger Holeindre est chargé des Dom-Tom à partir de 1987. Cette responsabilité prend un sens particulier au milieu des années 1980, lorsque la Nouvelle-Calédonie bascule dans la violence politique. Fasciné par l’Asie-Pacifique dans laquelle il voit un espace de développement économique stratégique (idée exprimée dès 1981 dans son essai L’Asie en marche pour lequel il obtient le prix Asie et qui est consacré aux dragons du Sud-Est asiatique alors en plein émergence), Roger Holeindre estime que la France ne doit pas abandonner ces territoires du Pacifique mais en faire les bases de sa future prospérité. Cela suppose d’augmenter de manière volontariste la population de la Nouvelle-Calédonie, un territoire « vide » à ses yeux, en y transférant près de 100 000 Français sur dix ans, de manière à développer l’économie du Caillou et à marginaliser le camp indépendantiste. Au Palais-Bourbon, le député intervient souvent sur la situation en Nouvelle-Calédonie. Les 8 et 9 juillet 1986, lors de l’examen du projet de loi relatif à ce TOM, il rappelle le rôle stratégique de ce territoire dont, selon lui, l’Australie et la Nouvelle-Zélande voudraient chasser la France. Il s’insurge contre le « climat de terreur » qui a accompagné les récents scrutins sur l’île et le découpage électoral d’Edgard Pisani. D’après lui le racisme n’existerait pas sur cette île où les tensions naîtraient de l’action de hauts fonctionnaires partiaux « qui ont plongé la Nouvelle-Calédonie dans le drame ». Il revient à la charge le 8 novembre 1986 lors des débats portant sur le volet outre-mer du projet de loi de finances pour 1987. Après avoir souligné que la majorité de la population locale voulait « rester sous le drapeau tricolore », il déplore le traitement de la crise par les médias qui devraient montrer le « vrai visage de la Nouvelle-Calédonie ». Il prend la parole, les 10 et 14 avril 1987, lors des échanges sur le projet de loi organisant la consultation des populations intéressées de Nouvelle-Calédonie et dépendances. Après avoir rappelé la volonté du Premier ministre Messmer de faire de l’île une « colonie de peuplement », après avoir souligné le contexte géopolitique particulier dans lequel s’inscrit le territoire et évoqué le désastre qu’avait été à ses yeux l’indépendance du Vanuatu, il déclare soutenir l’amendement de son collègue FN, Jean-Claude Martinez, supprimant les conditions nécessaires pour la participation à la consultation, conditions qui avantagent selon lui le camp indépendantiste. Il souhaiterait, au contraire, que les fonctionnaires et militaires stationnant sur l’île puissent être inscrits sur les registres électoraux. Lors de l’examen, les 23 et 24 novembre 1987, du projet de loi portant statut du territoire de la Nouvelle-Calédonie, il intervient fréquemment dans les échanges, soutenant les nombreux amendements déposés par Jean-Claude Martinez (comme la suppression de la référence aux signes distinctifs permettant à la Nouvelle-Calédonie de marquer sa personnalité, la transformation du territoire en DOM, le respect local des compétences de l’État français notamment sur le plan économique, la possibilité pour le haut-commissaire de présider les délibérations du conseil exécutif local…), amendements tous rejetés. Il vote contre le projet de loi, comme son groupe.
La dissolution de l’Assemblée nationale après la victoire de François Mitterrand à la présidentielle en mai 1988 met un terme à l’expérience parlementaire de Roger Holeindre. Au demeurant, ce dernier avait globalement peu apprécié son passage dans l’hémicycle. Le 9 octobre 1987, il avait ainsi comparé l’Assemblée à « un panier de crabes ». Fin 1986, Roger Holeindre était d’ailleurs revenu sur ses premiers mois de député dans un essai publié chez l’éditeur Robert Laffont, Aux larmes citoyens. Après les élections municipales de mars 1989 où, candidat à Sevran en Seine-Saint-Denis, il n’avait recueilli que 24 % des voix au second tour face au maire sortant communiste, Bernard Vergnaud, Roger Holeindre intègre le conseil municipal comme élu d’opposition. Il y siège jusqu’en 2001, s’opposant dans un premier temps au communiste Bernard Vergnaud (jusqu’en 1995) puis au maire RPR Jacques Oudot. Au printemps 1992, il se présente aux cantonales à Sevran. Battu, il entre la même année au conseil régional d’Ile-de-France (comme tête de liste FN), il y reste jusqu’en 1998 où il conduit la liste du FN aux élections territoriales en Corse, sans succès. Il retrouve le conseil régional d’Ile-de-France en 2004 et y siège jusqu’en 2010. Au sein du Front national, ce responsable admiré par les adhérents pour son passé de baroudeur en Indochine puis en Algérie, est toujours élu au comité central parmi les dix premiers. Surnommé « Popeye », cet historique du parti, qui n’hésite pas à arborer ses décorations, est particulièrement adulé par les anciens de l’Algérie française et les nombreux anciens combattants. Il est toutefois rattrapé par le renouvellement générationnel qui touche le parti dans les années 1990 et qui voit des quadras « technos », étrangers à cette mythologie enracinée dans le passé colonial et ancien combattant, prendre progressivement le contrôle des instances dirigeantes du parti à la faveur de l’affirmation de Bruno Mégret.
Avec d’autres figures du parti comme Bruno Gollnisch, Roger Holeindre refuse, lors de la crise de décembre 1998, de rejoindre Bruno Mégret, l’ambitieux secrétaire général qui, porté par les bons résultats des municipales de 1995 et des régionales de 1998, conteste l’autorité de Jean-Marie Le Pen. Le soutien que le populaire « Popeye » apporte à celui-ci n’est pas négligeable compte tenu de l’appui dont dispose le dissident parmi les cadres du FN (140 conseillers régionaux, 60 secrétaires départementaux, 50 membres du comité central). Mais, même si Bruno Mégret ne parvient pas à prendre le contrôle du FN et même si Jean-Marie Le Pen se voit relancé par sa présence, inattendue, au deuxième tour de la présidentielle de 2002, la dynamique de renouvellement générationnelle se poursuit dans les années 2000 au sein du parti. En avril 2010, le bureau politique du FN déclare que le prochain congrès national, à Tours, en janvier 2011, verra la désignation du successeur de Jean-Marie Le Pen à la tête du parti. Marine Le Pen, la fille du président annonce sa candidature mais Roger Holeindre soutient son rival, Bruno Gollnisch. Refusant la victoire annoncée de Marine Le Pen, il démissionne du FN le 15 janvier 2011, à la veille du congrès fatidique. Roger Holeindre n’accepte pas en effet la stratégie de « normalisation », entamée par la nouvelle patronne du parti, consistant à s’éloigner des formules antisémites scandaleuses et des prises de position clivantes de Jean-Marie Le Pen (avortement, immigration, Vichy…) au profit d’un discours plus lisse et de thématiques sociétales plus consensuelles. Plus fondamentalement, il reproche à Marine Le Pen, née en 1968, de faire peu de cas des combats historiques de l’extrême-droite (à commencer par les luttes coloniales) des années 1950-1960.
Soucieux de trouver une formation nationaliste plus en accord avec ses convictions, il rejoint le Parti de la France, un groupuscule dirigé par l’ancien cadre du FN, Carl Lang, ancien responsable du FNJ dans les années 1980, délégué général du parti dans les années 1990, exclu de la formation en 2008 après avoir refusé le parachutage de Marine Le Pen dans le Nord lors des élections européennes. Roger Holeindre intègre en 2013 le bureau politique du Parti de la France qui accueille d’autres transfuges du FN comme Martial Bild, Martine Lehideux, Bernard Antony, Pierre Descaves, Jean-Claude Martinez, Fernand Le Rachinel et Christian Baeckeroot. Il devient président d’honneur de ce petit parti et conserve cette fonction jusqu’à sa mort. En 2012, l’ancien journaliste s’associe au projet « Notre Antenne » porté par Philippe Milliau (ancien dirigeant du Bloc identitaire) qui entend doter le milieu nationaliste d’une web télé. L’opération aboutit en 2014 au lancement de TV Libertés.
Dans les années 2000 et 2010, Roger Holeindre continue de combiner engagements militants et publications à un rythme soutenu d’ouvrages autour de thèmes et de causes qui lui sont chers : éloge des combattants des guerres coloniales et dénonciation de la « trahison » supposée des élites intellectuelles et politiques (notamment L’imposture Viet-Minh en 2004 ou Les sanglots de l’homme blanc commencent à me fatiguer : histoire d’une décadence en 2010), réquisitoire anticommuniste (Trahisons sur commande : histoire du Parti communiste français en 2007) et antigaulliste (L’homme qui faisait se battre les Français entre eux : histoire du gaullisme en 2009), réhabilitation du maréchal Pétain (Tout va mal en France… c’est la faute à Pétain en 2009). Après avoir publié en 2017 un ouvrage destiné aux Français musulmans, La Réconciliation nationale, il revient deux ans plus tard sur son parcours militaire et politique à l’occasion d’entretiens avec Arnaud Menu, membre du Bloc identitaire, C’est Roger.
L’ancien combattant des guerres d’Indochine et de l’Algérie, nationaliste fervent et profondément anticommuniste, s’éteint le 30 janvier 2020 d’un infarctus à son domicile de Vaucresson. Fidèle à ses premiers engagements, Roger Holeindre aura mené toute sa vie, par sa parole, ses écrits et ses actes, le même combat politique au sein de l’extrême droite. Jean-Marie Le Pen pleure la disparition d’un « frère de cœur, d’esprit et d’action » ayant consacré sa vie « à la défense intransigeante de la patrie », tandis que Marine Le Pen rend hommage à l’ancien responsable FN. Les obsèques ont lieu le 6 février 2020 à l’église Saint-Roch à Paris en présence de Jean-Marie Le Pen et notamment de figures nationalistes comme Marion Maréchal, Nicolas Bay et Carl Lang. Roger Holeindre était titulaire de la Médaille militaire, de la Croix de guerre des théâtres d’opérations extérieures, de la Croix de la Valeur militaire, de la Croix du combattant, de la Médaille d’Outre-Mer, de la Médaille commémorative de la campagne d’Indochine et de la Médaille des blessés de guerre.