René Jadfard

1899 - 1947

Informations générales
  • Né le 24 janvier 1899 à Cayenne (Guyane - France)
  • Décédé le 9 novembre 1947 à Cayenne (Guyane - France)

Mandats à l'Assemblée nationale ou à la Chambre des députés

Régime politique
Quatrième République - Assemblée nationale
Législature
Ire législature
Mandat
Du 17 juin 1947 au 9 novembre 1947
Département
Guyane
Groupe
Socialiste

Biographies

Biographie extraite du dictionnaire des parlementaires français de 1940 à 1958 (La documentation française)


Né le 24 janvier 1899 à Cayenne (Guyane)

Décédé le 9 novembre 1947 à Sinnamary (Guyane)

Député de la Guyane en 1947

Bien des aspects de la vie aventureuse de René Jadfard restent imprécis, voire obscurs. Sa date de naissance fut ainsi contestée et sa mort donna lieu à des interprétations diverses. Il est attesté aujourd'hui que René Jadfard est né à Cayenne le 24 janvier 1899 et non le 21 janvier 1901 comme il est possible de le lire sur certains documents.

L'histoire personnelle de René Jadfard n'est pas sans rappeler celle de Gaston Monnerville avec lequel il fut un temps suffisamment lié pour être le témoin de son mariage. Comme le futur président du Sénat, René Jadfard appartient à une famille originaire de la Martinique. Elle s'était établi en Guyane à la fin du XIXe siècle attirée par l'activité aurifère (thèse de R. Alexandre). Mais René Jadfard est un élève nettement moins appliqué que Gaston Monnerville. Autant ce dernier se plie aux règles de l'excellence scolaire, autant Jadfard apprécie l'école buissonnière et les chemins de traverse. Cette différence de tempérament éclaire en partie la victoire de Jadfard sur Monnerville en 1946. Le jeune Jadfard donc suit une scolarité en pointillé, plus souvent enclin à suivre son père sur les placers ou les exploitations de bois de rose qu'à s'instruire. Cette vie d'aventure dans la forêt inspira son roman Nuits de Cachiri (1946). Elève puis collégien à Cayenne jusqu'en 1913, coupeur de bois de rose, canotier et mineur jusqu'en 1916, élève au lycée de Toulouse en 1917 où il retrouve son frère condisciple de Gaston Monnerville, il est mobilisé la même année et est engagé sur le front en 1918. De retour à Toulouse en 1922, il préside l'Union des étudiants républicains et connaît ses premiers engagements politiques, au Parti radical et à la Ligue des Droits de l'homme. Ainsi, participe-t-il aux différentes campagnes électorales, à Toulouse d'abord puis à Paris à partir de 1924. En 1932, il siège au comité directeur des Cadets du radicalisme. Se prévalant volontiers de la protection de Joseph Caillaux avec lequel il collabora, René Jadfard goûte aussi au journalisme. Il donne des articles à La République, à la Dépêche de Toulouse ainsi qu'au Midi socialiste. René Jadfard est un esprit curieux volontiers papillonnant. Il voyage beaucoup, touche un peu à tout, écrit des articles mais aussi des récits d'aventure, des romans policiers et des pièces de théâtre. Ayant achevé ses études en 1926 - il a fréquenté l'Ecole libre des Sciences politiques mais ne semble pas en être diplômé il est engagé dans une entreprise charbonnière et en devient directeur commercial. A ce titre mais aussi comme envoyé spécial de différents journaux- à moins qu'il n'ait mis à profit ses déplacements professionnels pour écrire des articles de presse -, il voyage dans le monde entier et couvre certains événements marquants des années trente. Pour la Dépêche de Toulouse, il suit les événements marocains de 1937 et pour Liberté-Soir la guerre civile espagnole notamment à partir de Tanger et de Tétouan. Il tira de cette expérience un roman Deux hommes et l'aventure. Dans ses articles, il dénonce le danger nazi et l'incohérence de la politique coloniale française.

Mobilisé en 1939, René Jadfard combat sur la ligne Maginot avec le 7e régiment d'artillerie lourde. A l'annonce de l'assassinat de Maurice Sarraut en 1943, il quitte Toulouse pour se mettre à l'abri des recherches de la Milice. Arrêté à Perpignan par la Gestapo alors qu'il formait le projet de traverser la frontière espagnole, il est fait prisonnier puis libéré par erreur. René Jadfard devient l'adjoint du capitaine Roch, chef du maquis « Prades clandestinité » dans les Pyrénées orientales. En 1945, de retour à Paris, il dirige les services parisiens de Liberté-Soir et au début de l'année 1946 part pour la Guyane.

Au lendemain de la seconde guerre mondiale, la Guyane est désemparée. Privée de son bagne qui était une source de revenus pour bon nombre de commerçants et d'entrepreneurs, isolée durant les années de guerre de la métropole, la Guyane se sent un peu abandonnée. La départementalisation obtenue par Gaston Monnerville offre certes des perspectives d'un avenir associé à la celui de la France européenne mais suscite inquiétudes et interrogations. Sur le plan politique, l'autorité de Gaston Monnerville qui est absent de Guyane depuis neuf ans est contestée. C'est ainsi que René Jadfard est sollicité par des opposants à Gaston Monnerville. Résolus à le faire battre, ils cherchent un homme suffisamment habile pour emporter l'élection. René Jadfard qui avait du reste suivi en journaliste les travaux de la première Constituante accepta de courir l'aventure en dépit des objurgations de son frère Henri qui resta fidèle à l'amitié de Monnerville. René Jadfard se voyait volontiers comme un nouveau Galmot. N'avait-il pas une expérience des affaires, comme collaborateur de Joseph Caillaux et comme dirigeant d'une entreprise charbonnière ? Aussi, dès son arrivée à Cayenne le 20 avril 1946, fait-il campagne sur le thème du développement économique de la Guyane en général et de la défense des petites communes et des ruraux qui vivent sur leur abattis en particulier. Sa candidature reçut l'appui des industriels et des propriétaires agricoles qui n'avaient pas pardonné à Gaston Monnerville la suppression du bagne, des partis d'opposition au Parti radical accusé de monopoliser les fonctions électives ainsi que des jeunes, notamment le chantre de la négritude Léon-Gontrand Damas, qui refusaient la départementalisation, un nouvel habillage selon eux de la colonisation. Les monnervilliens ayant senti la désaffection qui entourait leur patron avait donné à la formation radicale une nouvelle appellation, celle d'Union démocratique guyanaise, et avait essayé de rénover son discours. En juin 1946, la campagne électorale s'était durcie de façon spectaculaire. Qualifié de « nègre blanc » par Damas, c'est à dire d'être trop assimilé, Monnerville était aussi accusé de n'avoir rien fait pour la Guyane. Malgré tout, il fut réélu mais au second tour le 16 juin alors qu'il avait toujours été élu dès le premier tour. René Jadfard qui, au second tour, avec 1670 voix était arrivé en deuxième position derrière Monnerville (3493 voix) et devant le communiste Constant Chlore (1545 voix) intensifia son implantation dans la perspective des élections à la première Assemblée nationale de la Quatrième République. Il fonda le Mouvement de la Renaissance guyanaise et se dota d'un journal Temps Nouveaux. L'appellation du mouvement comme le titre de l'organe de presse étaient des slogans dirigés contre Gaston Monnerville : « A temps nouveaux, hommes nouveaux ! ». La campagne électorale de novembre 1946 fut encore plus agitée que la précédente. Aux arguments déjà utilisés, les jadfardistes en ajoutèrent un autre pour essayer de se rallier le vote des catholiques : le franc-maçon Monnerville ferait appliquer la séparation de l'Eglise et de l'Etat en Guyane, conséquence logique de la départementalisation. Le clergé était en effet salarié de la Guyane et devait le rester.

Avec 3372 voix contre 3007 à Gaston Monnerville, René Jadfard est élu député de la Guyane sous l'étiquette SFIO le 10 novembre. Il avait su attirer sur son nom le vote d'une coalition hétéroclite d'opposants au système Monnerville. Son élection fut validée tardivement, le 17 juin 1947, car les monnervilliens firent, en effet, état de nombreuses irrégularités.

Nommé à la Commission de la presse et à celle des moyens de communication, René Jadfard n'eut pas le loisir d'intervenir en séance publique. Dans la nuit du samedi 8 au dimanche 9 novembre 1947, l'hydravion dans lequel avait pris place Robert Vignon, le préfet de la Guyane qui avait par sympathie socialiste soutenu activement la candidature de Jadfard, et René Jadfard lui-même avait sombré lors d'un amerrissage forcé sur le fleuve Sinnamary. Le pilote, le préfet ainsi qu'un autre passager purent se dégager. Quant à René Jadfard, son corps fut découvert le surlendemain. Quand bien même rien n'autorisait à douter de la mort accidentelle du député, les Guyanais ne se satisfirent pas de cette explication trop simple. Comment un homme réputé pour sa force physique avait-il pu trouver la mort dans un accident qui avait laissé la vie aux autres passagers ? Comment un pilote aussi expérimenté que le lieutenant Lorillon, as de l'escadrille Normandie-Niémen, avait-il été contraint à un amerrissage de fortune ? Le décès de René Jadfard semblait à bon nombre de Guyanais aussi mystérieux que celui du député Galmot en 1928. Le 10 novembre, une émeute éclata à Cayenne. Des maisons furent saccagées et des menaces de mort furent proférées à l'adresse des monnervilliens. Les obsèques religieuses de René Jadfard eurent lieu le 11 novembre. Le 4 janvier 1948, Léon Damas fut élu député de la Guyane.