Maurice Bardet
1903 - 1989
Maurice BARDET
Né le 21 juin 1903 à Paris (11e),
Décédé le 25 juillet 1989 à Ploemeur (Morbihan)
Député du Morbihan de 1962 à 1967
Directeur de société, Maurice Bardet est élu député sous l’étiquette Union pour la nouvelle république-Union démocratique du travail (UNR-UDT) dans la 5e circonscription du Morbihan, celle de Lorient, en novembre 1962. Sa vie est marquée par un triple parcours : une carrière professionnelle remarquable d’autodidacte ; un engagement militaire dans la France libre ; un engagement politique gaulliste.
Il est le fils de Juliette Bardet (1862-1928), originaire de la Creuse et de la Seine-et-Marne. À l’issue de l’école primaire (1910-1916), il est titulaire du certificat d’enseignement primaire (CEP). Il débute alors son parcours professionnel comme ouvrier métallurgiste (tourneur sur métaux).
Incorporé sous les drapeaux, il fait partie de l’armée du Rhin en 1923, avant d’être réformé en 1925. Durant cette période, il semble avoir adhéré un temps au Parti communiste français (PCF). En 1928, il devient artisan. Il le reste jusqu’en 1940.
Chef d’atelier au temps de la mobilisation industrielle (1940-1943), auteur d’actes de résistance à partir de janvier 1942 dans le Périgord puis en Dordogne, il réussit à s’évader de France au début de 1943. Incarcéré en Espagne à Pampelune et Totana, il parvient à rejoindre les Forces françaises libres (FFL) en avril 1943, via Témara au Maroc. Engagé volontaire dans la deuxième division blindée (2e DB), en formation en 1943, il prend part à l’intégralité de ses campagnes militaires. Il est sous-officier au 501e Régiment de chars de combat (501e RCC).
Ces engagements résistants notoires valent à Maurice Bardet de nombreuses décorations : la Croix de guerre 1939-1945 (deux citations), la Croix du combattant, la Médaille des combattants volontaires de la Résistance (CVR), la médaille des déportés, internés, résistants et évadés de France, la médaille des Français Libres. Il est même distingué par la Presidential unit citation américaine. Son livre Hier et demain, paru en 1984, relate notamment cette période héroïque de son parcours durant la Seconde guerre mondiale, événement fondateur de son engagement dans la famille politique gaulliste.
Devenu cadre, expert des domaines de 1947 à 1949, Maurice Bardet s’installe à Lorient en 1949, où il fonde une société commerciale, dont il est le P-DG jusqu’en 1968, la Fourniture pour l’industrie, la marine et l’entreprise (FIME). Il emploie alors 60 personnes dans le domaine de la mécanique, de la construction de machines-outils et des appareils ménagers. Il exerce parallèlement des missions d’expertise auprès du tribunal de commerce de Lorient.
Maurice Bardet s’engage au même moment en politique. Militant au Rassemblement du peuple français (RPF), il préside également l’association des anciens FFL du Morbihan à partir de 1949. En 1953, il subit cependant un échec aux municipales sur la liste d’union Mouvement républicain populaire-Rassemblement du peuple français (MRP-RPF), intitulée liste d’Union pour la défense des intérêts communaux. Son activisme, de plus en plus marqué par une certaine radicalité politique, traduit un glissement vers la droite et une proximité avérée avec les milieux de la droite extrême dans la seconde moitié des années 1950. Ainsi, il milite au sein des Volontaires de l’union française (VUF), puis à l’Union pour le salut et le renouveau de l’Algérie française, avant de rejoindre Volonté française.
Ce rapprochement s’exprime en juillet 1957 par l’animation d’une tournée morbihannaise, aux côtés de l’ancien poujadiste Louis Roussin, des « commandos de propagande » du Front national des combattants, présidés par les députés Jean-Marie Le Pen et Jean-Maurice Demarquet.
Au moment de la crise du 13 mai 1958, fondateur et président du « Comité de salut public » du Morbihan, Maurice Bardet joue un rôle central dans les milieux gaullistes, incarnant la frange la plus dure de cette droite nationaliste et conservatrice en recomposition.
Lors des législatives de novembre 1958, il se présente sous l’étiquette Union pour la nouvelle République (UNR) dans la 5e circonscription du Morbihan (Lorient), bastion socialiste qui a porté au Palais-Bourbon successivement Louis L’Hévéder (1930-1940) puis Jean Le Coutaller (1945-1956) pour la Section française de l’Internationale ouvrière (SFIO). Epaulé par Robert Le Person, son suppléant, agent général d’assurances, il obtient 3 947 voix sur 45 529 suffrages exprimés (8,66 % des voix). Il est largement distancé par Jean Le Coutaller (SFIO, 12 037 voix, 26,43%), Louis Le Montagner (Centre national des indépendants, CNI, 10 204 voix, 22,41%), Roger Le Hyaric (PCF, 7 950 voix, 17,46%), et aussi Paul Bollet (DC, 6 225 voix, 13,67%). Au second tour, le maintien des candidats SFIO et communiste assure la victoire du modéré Louis Le Montagner (21 641 voix), élu dans cette triangulaire avec l’appui des droites locales, plurielles.
Ce revers ne décourage cependant pas Maurice Bardet. Le 15 mars 1959, il se présente aux élections municipales à Lorient sur une liste d’union du MRP, de l’UNR et d’autres mouvements de droite. La division des gauches aboutit à la défaite des socialistes qui détiennent la municipalité sans discontinuer depuis 1925 (Emmanuel Svob, Julien Le Pan, Jean Le Coutaller), à l’exception d’une parenthèse radicale (1929-1935) et communiste (1951-1953). Maurice Bardet est donc élu conseiller municipal, au second tour, avec l’ensemble de la liste. Il ne parvient cependant pas d’emblée à être adjoint. C’est le 5 avril 1959, qu’il est élu adjoint supplémentaire de la ville de Lorient, délégué aux finances et aux affaires économiques auprès du maire, Louis Glotin.
Lors des législatives de novembre 1962, Maurice Bardet se présente à nouveau, sous l’étiquette gaulliste. Son suppléant est le Dr Michel Guillon, né en 1926. Il obtient 11 757 voix au premier tour, soit 28,17% des suffrages exprimés, devant les communistes Jean Maurice et Emmanuel Gicquel (9 674 voix), les socialistes Louis Le Moënic et Joseph Kerbellec (7 858 voix). Arrivé en 3e position, le député sortant, Louis Le Montagner, conseiller général de Pont-Scorff (1955-1967) et maire de Guidel de 1945 à 1965, recueille 9 460 voix (son suppléant est François Le Clainche). Au second tour, avec 24 796 voix et 57,62% des suffrages exprimés, Maurice Bardet l’emporte nettement sur le candidat communiste, qui recueille 17 683 voix (et 548 pour Louis Le Montagner, qui ne s’était pourtant pas maintenu). La poussée gaulliste, signe des recompositions majeures au sein du bloc de droite dans le Morbihan, lui permet de devenir député UNR dans ce fief ouvrier traditionnellement acquis à la gauche.
Au Palais-Bourbon, le député s’inscrit au groupe UNR-UDT et siège à la commission de la production et des échanges. Il exerce en deux occasions les fonctions de rapporteur, d’une part, en décembre 1964, sur la proposition de loi tendant à définir la pêche artisanale en fonction de la jauge brute des navires utilisés, d’autre part, en mai 1966, sur le projet de loi sur l'exercice de la pêche maritime et l'exploitation des produits de la mer dans les terres australes et antarctiques françaises. Il évoque à cette occasion, le 26 mai 1966, les trois grands sujets d’avenir : « l’avenir de la pêche ; l’activité de l'industrie française des pêches ; la protection des ressources de la mer ».
Ses autres interventions en séance publique sont nombreuses et portent essentiellement sur les questions locales, propres à la région de Lorient, à savoir sur la marine militaire et la marine marchande, sur le port de commerce de Lorient, ainsi que sur les questions économiques et sociales.
C’est ainsi que le 15 janvier 1963, lors des débats sur le projet de loi de finances, il analyse la situation du port de Lorient, port de guerre, de pêche, de commerce et pétrolier, et réclame « la suppression de la taxe sur les carburants maritimes », arguant des disparités existantes « entre les conditions de pêche en France et en Grande-Bretagne ». Le 24 janvier suivant, lors des débats sur les crédits militaires, il s’inquiète de « la réduction des commandes passées à l’arsenal de Lorient ».
Puis, le 24 octobre 1963, lors de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 1964, il pointe « les difficultés de la pêche industrielle, la disparition des frayères et le coût de plus en plus élevé des bateaux ». Il revient ensuite sur les questions militaires, appelant lors de la discussion des crédits correspondants, le 7 novembre 1963, à un « programme de construction de moteurs français permettant d'assurer un travail régulier aux ouvriers de l'industrie aéronautique ». Lors de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 1965, sur les crédits militaires, il fait part, le 6 novembre 1964, des « craintes du personnel des arsenaux de la marine », citant en exemple l'arsenal de Lorient et le projet de réorganisation des établissements industriels militaires. L’année suivante, le 8 avril 1965, à l’occasion de l’examen du projet de loi sur les ports maritimes autonomes, il réclame un « projet devant apporter une solution aux problèmes des régions de l'extrême Ouest en permettant le développement de ses ports ». Lors de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 1966, il analyse, le 12 octobre 1965, la « gestion du port de Lorient », à la suite du « rachat par l'État des droits de la société concessionnaire », évoquant tour à tour « la modicité de l'aide accordée par l'État à la pêche et à l'armement », « l’ouverture à Lorient d'une école d'apprentissage maritime et d'une école supérieure de pêche », la nécessité de défendre « la pêche artisanale » et de garantir « la construction de navires-usines », ainsi que les problèmes des « frayères artificielles ». Le 9 novembre 1966, lors des débats sur les crédits budgétaires de l’aviation civile prévus pour 1967, il intervient en faveur de l’aviation de tourisme, de l’industrie aéronautique et du rôle des aéro-clubs.
L’impact du commerce international alors en plein développement le préoccupe. Lors de l’examen du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord de commerce entre la France et le Japon signé à Paris le 14 mai 1963, il rappelle « la politique de dumping pratiquée en 1932 par le Japon » et « la nécessité de tenir compte du pourcentage du revenu national affecté dans chaque pays aux dépenses sociales » pour que les partenaires commerciaux soient sur un pied d’égalité. Puis, lors du projet de loi portant modification des dispositions de l'article 19bis du Code des douanes relatif à la lutte contre le dumping, il fait état, le 29 novembre 1966, de « la situation d'un armateur breton commandant un chalutier en Pologne » puis de la question « du coût de l’importation des kaolins de Tchécoslovaquie ».
Maurice Bardet développe dans l’ensemble une vision assez large des mutations économiques de la France. Lors du projet de loi portant approbation du Plan de développement économique et social, il met en exergue le 4 novembre 1965 le « complexe sidérurgique de Dunkerque » ainsi que les enjeux de « l’axe Rhin-Rhône » et de « la réalisation d'un axe routier Brest-Strasbourg », en raison des « problèmes des pêches maritimes ». Lors du projet de loi relatif à la protection des appellations d'origine s'appliquant aux produits industriels, il analyse en détail le 26 avril 1966 les critères autres que géographiques de l’appellation, qualité de la matière première et respect des procédés de fabrication, de manière à en décentraliser éventuellement la production. Le 20 octobre 1966, lors de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 1967, sur les affaires sociales, il pointe « les problèmes de la sidérurgie lorraine » et « l’obligation pour l'Etat d'animer la vie économique du pays ».
Le député a aussi l’occasion d’exposer ses conceptions, conservatrices, en matière sociale. Le 17 juillet 1963, à l’occasion du projet de loi relatif à la réglementation de la grève dans les services publics, il juge nécessaire de « parvenir à un équilibre à l'intérieur duquel la grève n'apparaisse plus » comme un recours systématique. Le 29 avril 1965, lors de l’examen des propositions de loi de M. Peretti tendant à modifier les articles 186 et 187 du Code de l'urbanisme et de l'habitation et de M. Henry Rey relative à l'acquisition d'habitation à loyer modéré à usage locatif par les locataires, il conseille de « ne pas fixer le prix de vente du logement à un niveau trop bas ». Au cours de la discussion du projet de loi modifiant certaines dispositions de l'ordonnance du 22 février 1945 instituant des comités d'entreprises, il souligne, le 28 juin 1965, la nature du « combat de la classe ouvrière contre le patronat » et recommande la « création d'une école des cadres syndicaux » pour « la formation nécessaire des représentants du syndicalisme ». Il défend la conception d’un « syndicalisme coopératif » « différent du syndicalisme revendicatif » et la création d'une « magistrature économique ».
Lors du projet de loi relatif au régime de pensions de retraite des marins français du commerce, de pêche ou de plaisance, il appuie le 7 juin 1966 une révision de la législation des pensions servies par la Caisse de retraite des marins, objet de ses deux questions écrites. Lors du projet de loi de finances rectificative pour 1966, le 1er décembre 1966, il insiste sur les « problèmes des représentants des syndicats de l'arsenal de Lorient », et appelle l’attention sur la situation des techniciens à statut ouvrier.
La carrière politique locale de Maurice Bardet est contrariée. Lors des élections municipales de mars 1965, celui-ci souhaite se représenter, mais il est sciemment évincé de la liste d’union de la droite par le maire sortant MRP, Louis Glotin, désireux d’étendre sa liste vers le centre gauche. La défaite des droites face à la liste d’union menée par Yves Allainmat semble marquer la fin de la carrière municipale de Maurice Bardet.
Aux législatives de mars 1967, Maurice Bardet s’efface devant Pierre Messmer, ministre de la Défense, figure nationale du gaullisme et qui n’a pas encore eu de mandat parlementaire, acceptant toutefois d’être son suppléant. Durant toute la période qui précède la campagne, il « se dit très proche de Messmer », notamment dans la presse locale. Ce parachutage est cependant un échec. Au premier tour, Pierre Messmer recueille certes 19 719 voix, et 37,48% des suffrages exprimés, devançant le candidat communiste Jean Maurice (12 387 voix), celui de la Fédération de la gauche démocrate et socialiste (FGDS) Yves Allainmat (11853 voix) et l’ancien député Centre démocrate Louis Le Montagner (8 654 voix). Il est néanmoins battu avec 24 918 voix par le maire socialiste de Lorient, Yves Allainmat, qui a recueilli 27 328 voix et 52,3% des suffrages exprimés, lequel a bénéficié de l’accord national de désistement entre le PCF et la FGDS comme de l’appel du candidat centriste à faire battre le candidat gaulliste. L’affrontement prend en effet valeur de test national avec la présence d’un ministre gaulliste qui multiplie les promesses importantes pour le pays de Lorient, telles que l’amélioration du plan de charge de l’arsenal. Les deux hommes s’étaient par ailleurs bien connus en Afrique.
En juin 1968, Maurice Bardet apporte son soutien à Roger de Vitton, responsable syndical agricole et ancien adjoint au maire de Lorient, chargé de Keryado, lors des élections législatives. Ce dernier l’emporte face à Yves Allainmat dans le contexte d’un reflux profond des gauches en Bretagne (Georges Carpentier est le seul élu de gauche, à Saint-Nazaire) et d’une prééminence, très marquée, des gaullistes sur les démocrates-chrétiens, à droite.
Président fondateur en 1977 d’un foyer destiné au troisième âge, Maurice Bardet se révèle une figure clé et atypique du gaullisme breton, expression de la droite nationaliste, catholique et conservatrice, à Lorient, sous ses appellations partisanes successives (UNR, UDT, UDR). Père de 9 enfants, il se marie une première fois, le 12 octobre 1929, avec Gabrielle Osset (née en 1903) puis se remarie avec Aline-Marie Garniel pendant la guerre. Soutien des candidats du Rassemblement pour la République (RPR) dans les années 1970 et 1980, il décède en 1989 à Ploemeur, commune anciennement dirigée par Louis Lessart (1967-1983), qui a été un temps son secrétaire.