Frédéric Jalton
1924 - 1995
JALTON Frédéric
Né le 21 février 1924 à Abymes (Guadeloupe)
Décédé le 19 novembre 1995 à Abymes (Guadeloupe)
Député de Guadeloupe de 1973 à 1978 et de 1981 à 1995.
Né aux Abymes le 21 février 1924, Frédéric Jalton est issu d’une famille modeste de petits cultivateurs et est lui-même arrière-petit-fils d’esclave. Dernier d’une fratrie de dix enfants, il reçoit une éducation stricte et poursuit un parcours scolaire brillant. Après ses études secondaires au lycée de Pointe-à-Pitre, il part pour Montpellier pour y étudier la médecine. En 1952, il y débute comme médecin généraliste, avant de revenir, dix ans plus tard, s’établir dans sa commune d’origine.
Sa carrière publique commence en 1964 : il devient conseiller général du premier canton des Abymes. En 1967, après un premier échec en 1965, il en est élu maire et le restera pendant vingt-huit ans.
Au même moment, Frédéric Jalton entame une carrière législative : aux élections de 1967, il est candidat socialiste de la deuxième circonscription de la Guadeloupe, au siège qu’occupait auparavant le socialiste Pierre Monnerville. Au premier tour, il affronte le communiste Paul Lacave, Gabriel Lisette, de tendance socialiste, et l’homme de lettres Louis Tigrane. Frédéric Jalton n’arrive qu’en troisième position avec 21,8% des voix contre 35% à Gabriel Lisette et 42,3% à Paul Lacave. Son maintien au second tour ne lui permet pas d’inverser la tendance : Paul Lacave est élu avec 44,7% des suffrages contre 38,4% à Gabriel Lisette et 16,8% à Frédéric Jalton.
A nouveau candidat en 1968 contre Paul Lacave et Gabriel Lisette, le maire des Abymes obtient un score similaire : il est troisième à l’issue du premier tour (25,4% des suffrages) mais ne se maintient pas au second tour, qui voit la victoire du député sortant Paul Lacave.
En 1973, après avoir rompu avec le Parti socialiste français pour protester contre la volonté de transformer la Guadeloupe en collectivité territoriale, Frédéric Jalton crée le Mouvement socialiste guadeloupéen, qui milite contre l’autonomie et l’indépendance. Au premier tour, où il affronte cinq autres candidats, il obtient déjà 50,6% des voix contre 41,7% au député communiste sortant Paul Lacave et 6,2% au candidat du Parti socialiste français, René Toribio, ancien sénateur. Mais comme seulement 48,1% des électeurs ont exprimé leur suffrage, un second tour est nécessaire : resté seul face au député sortant, Frédéric Jalton est élu avec 54,4% des voix contre 45,6% à Paul Lacave.
Lors de sa première année au Palais-Bourbon, le nouveau député de Guadeloupe reste indépendant avant de s’apparenter en 1974 au groupe du parti socialiste et des radicaux de gauche. Il est nommé membre de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales dès 1973 et le reste tout au long de son mandat. Au cours de cette législature, Frédéric Jalton dépose une proposition de résolution tendant à créer une commission d'enquête parlementaire sur les modalités de transport de la banane entre les Antilles françaises et la France métropolitaine (30 juin 1977) et pose deux questions au gouvernement, l’une sur l’augmentation des taux de fret vers les Antilles (4 juin 1975), l’autre sur le prix de la canne à sucre en Guadeloupe (13 avril 1977) à l’occasion de la crise économique sévissant à la Guadeloupe, pour exposer la nécessité d'accorder aux planteurs de canne un prix rémunérateur tenant compte des coûts de production. Il intervient à une dizaine de reprises en séance publique, notamment pour évoquer le cas des départements d’outre-mer lors des projets de lois de finances (pour 1974, 26 octobre 1973 ; pour 1975, 13 novembre 1974), en insistant sur le problème de l’emploi.
Au cours de la législature, sa participation aux grands scrutins confirme son ancrage dans l’opposition : s’il vote en faveur de la déclaration de politique générale du Premier ministre Pierre Messmer le 12 avril 1973, il s’oppose à la réduction du mandat présidentiel à 5 ans en octobre 1973, à la déclaration de politique générale du Premier ministre Jacques Chirac le 6 juin 1974, à l’extension de la saisine du Conseil constitutionnel en octobre 1974, ou encore au programme du gouvernement de Raymond Barre le 28 avril 1977. En revanche, il vote en faveur de la légalisation de l'interruption volontaire de grossesse en novembre 1974, ainsi que pour l’élection des membres de l'Assemblée des communautés européennes au suffrage universel en juin 1977.
En 1978, le député de Guadeloupe est candidat au renouvellement de son mandat. A l’issue du premier tour, il n’arrive qu’en deuxième position avec 42,2% des voix, contre 47,2% au candidat du RPR Mariani Maximin et 8,2% au communiste Antoine Pierre-Justin. Le candidat socialiste est battu au second tour, ne recueillant que 48,4% des voix contre 51,6% au candidat de droite.
Après un bref passage par le Parlement européen, où il remplace Pierre Mauroy démissionnaire en mars 1980, Frédéric Jalton brigue à nouveau le siège de la 2ème circonscription de Guadeloupe en 1981. Mitterrand venant d’être élu, le candidat socialiste demande aux électeurs de donner une majorité socialiste au gouvernement, et profite effectivement de la vague rose. En dépit de la très faible mobilisation (22,5% des suffrages sont exprimés), Frédéric Jalton se place largement en tête à l’issue du premier tour avec 54,8% des voix, contre 21% à Marcel Lacoma (DVD), 14,8% au député sortant Mariani Maximin (RPR), et 7,4% au communiste George Tarer. Au second tour, qui voit une mobilisation plus importante, le candidat socialiste l’emporte largement, avec 67,2% des suffrages contre 32,8% à Marcel Lacoma.
A son retour au Palais-Bourbon, Frédéric Jalton ne rejoint pas directement le groupe socialiste : il le fera en 1983. Il est nommé membre de la commission de la production et des échanges et le demeure durant toute la législature. Il participe par ailleurs à diverses commissions et groupess, notamment au groupe de travail relatif à la situation de certains producteurs d'eaux-de-vie (1982), ou encore au comité directeur du fonds d'investissement des départements d'outre-mer (1981, 1984). Ses nombreuses interventions, dix-huit pour l’ensemble du mandat, concernent quasiment exclusivement la Guadeloupe et les D.O.M. Ainsi, le 6 novembre 1981, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 1982, il dénonce dans les DOM une agriculture « de type féodal » et demande une modification du statut du fermage. Lors de la discussion du projet de loi sur l’organisation des régions d’outre-mer, il met en gard contre la nocivité de deux assemblées (départementale et régionale) et milite pour une assemblée unique, tout en acceptant le projet gouvernemental (15 décembre 1982). Le 20 décembre 1983, lorsque les députés discutent des compétences des nouvelles régions d’outre-mer l’année suivante, il rappelle le problème du chômage, et juge que le développement touristique est parfois excessif, notamment sur son île. Il pose plusieurs questions au gouvernement, notamment sur l’emploi des jeunes en Guadeloupe le 24 octobre 1984. A l’occasion de l’examen du projet de loi de finances pour 1985, il s’intéresse à l’insertion des Français d’outre-mer en métropole, dénonçant la subsistance de certaines discrimiations entre ces derniers et les métropolitains en matière sociale (26 octobre 1984). Lors d’une déclaration du gouvernement sur l’immigration, tout en rappelant l’accord général sur la nécessité de diminuer la population étrangère en France, il rappelle le caractère pluri-culturel de la société française (6 juin 1985).
Désormais député de la majorité, Frédéric Jalton montre un soutien constant au gouvernement lors des grands scrutins de son deuxième mandat : aini, il approuve les déclarations de politique générale de Pierre Mauroy les 9 juillet 1981 et 6 avril 1983, et de Laurent Fabius le 24 juillet 1984. S’il ne prend pas part au vote sur l’abolition de la peine de mort en septembre 1981, il soutient les lois sur l’égalité professionnelle hommes/femmes et le remboursement de l’IVG en décembre 1982, celle sur les enquêtes publiques en avril 1983, la protection des victimes d’infraction en mai 1983, la réforme des titres de séjour pour les étrangers en mai 1984, l’égalité des époux en mai 1985 ou encore l’enregistrement audiovisuel ou sonore des audiences des juridictions en juin de la même année.
En 1986, le député sortant conduit la liste socialiste de Guadeloupe, entendant lutter pour « préserver les acquis » de la dernière législature et poursuivre le développement de la Guadeloupe « dans le respect de [son] identité et de [ses] spécificités ». Dans un combat qui voit s’affronter sept partis politiques, Frédéric Jalton obtient le seul siège socialiste avec 27,9% des voix, contre deux sièges à la liste de droite (35,5%) et un au communiste Ernest Moutoussamy (23,5%). Dans sa commune des Abymes, le maire obtient plus de 70% des suffrages.
Retrouvant pour la deuxième fois les bancs de l’Assemblée, le député guadeloupéen s’inscrit au groupe socialiste, et devient membre de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Au cours de cette législature écourtée et dans le contexte de cohabitation, il prend la parole à quelques reprises, notamment le 25 novembre 1986, lors de la discussion du projet de loi de programme relatif au développement des départements d’outre-mer, pour lequel il défend plusieurs amendements. Il dénonce notamment l’ignorance de la volonté majoritaire des élus locaux et la « mentalité coloniale » du plan.
Son vote lors des grands scrutins de la législature témoigne de sa fidélité au groupe socialiste : il vote à deux reprises contre la déclaration de politique générale du Jacques Chirac les 9 avril 1986 et 7 avril 1987, mais s’associe au projet de loi autorisant la ratification de l’Acte unique européen le 20 novembre 1986 et à la loi sur l’exercice de l’autorité parentale, instituant la coparentalité en mai 1987.
En 1988, le maire des Abymes est à nouveau candidat socialiste pour la première circonscription de la Guadeloupe. Après la réélection de Mitterrand, il demande aux électeurs d’offrir à Michel Rocard une majorité claire et porte un message de rassemblement pour « bâtir une Guadeloupe unie. » Dans un affrontement triangulaire, la liste de Frédéric Jalton arrive largement en tête au soir du premier tour, avec 63% des suffrages, contre 23,7% à la liste communiste conduite par Lucien Parize et 13,3% à la liste du RPR emmenée par Philippe Hazael-Massieux.
Pour son quatrième mandat, le député de Guadeloupe retrouve les bancs du groupe socialiste. Il est nommé à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République en 1988 et 1990. En tant que membre, il est rapporteur de quatre propositions de lois tendant à étendre aux départements et territoires d’outre-mer l’indemnisation des victimes de catastrophes naturelles et l’assurance pour catastrophes naturelles, présentées le 26 avril 1990. A l’occasion de la déclaration du gouvernement sur l’égalité sociale et le développement économique dans les DOM, le 12 juin 1990, il fustige les anciennes politiques de « rattrapage » et enjoint à une traduction en actes des constats partagés, souhaitant notamment une décentralisation plus. Lors de l’examen du projet de loi de finances pour 1991, il évoque notamment la question du logement social en Guadeloupe (12 novembre 1990).
Lors des scrutins d’importance nationale, Frédéric Jalton se conforme scrupuleusement aux consignes de vote du groupe socialiste. Ainsi, il soutient la loi sur les conditions de séjour et d’entrée des étrangers en France revenant sur les restrictions adoptées en 1986 en juillet 1989, la réforme du code pénal le 12 octobre 1989, la loi instituant un contrôle de constitutionnalité des lois par voie d’exception le 25 avril 1990, la loi Gayssot tendant à réprimer tout acte raciste, antisémite ou xénophobe en mai 1990 ainsi que la réforme du statut de la Corse accordant au territoire une plus grande autonomie en avril 1991, la ratification des accords de Schengen en juin 1991 ou encore le texte traitant de la répression des crimes et délits contre la Nation destiné à intégrer le nouveau code pénal le 8 octobre 1991. Le député de Guadeloupe ne prend pas part au vote sur la déclaration de M. Rocard lors de l’entrée en guerre contre l’Irak le 16 janvier 1991.
En 1993, le maire des Abymes se présente pour la huitième fois devant les électeurs de sa circonscription pour « défendre les intérêts de la Guadeloupe » et combattre « toutes les exclusions ». Dans un combat où s’afffrontent huits candidats, le député sortant arrive largement en tête au soir du premier tour, avec 35,3% des voix, contre 18,7% à Jean Girard et 18% à René-Serge Nabajoth, tous deux candidats divers gauche, et 14,5% au candidat RPR Louis Dessout. Seul Jean Girard se maintient au second tour, mais il n’obtient que 35,6% des voix et Frédéric Jalton est réélu avec 64,4% des suffrages.
De retour à l’Assemblée, le député guadeloupéen s’inscrit au groupe socialiste, et retrouve les bancs de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration de la République. Son activité parlementaire reste soutenue, en dépit de la maladie : il prend la parole à une dizaine de reprises en deux ans. Il pose notamment une question au gouvernement sur la lutte contre la drogue en Guadeloupe le 28 avril 1993. Le 28 juillet 1995, Frédéric Jalton dépose une proposition de loi tendant à instituer au profit des départements d'outre-mer un prélèvement sur le produit des jeux de hasard afin de financer l'habitat social.
La maladie vient interrompre, le 19 novembre 1995, la carrière parlementaire du député de Guadeloupe. Frédéric Jalton s’éteint à 71 ans en Guadeloupe, dans la commune des Abymes où il est né. Le 5 décembre, MM. Séguin et Juppé rendent hommage dans leur éloge funèbre à cet « ardent défenseur des départements d’outre-mer », et saluent un « disciple de Victor Schoelcher », rejetant avec constance toutes les discriminations.