Pierre Joigneaux
1815 - 1892
Représentant en 1848, en 1849, en 1871, député de 1876 à 1889, né à Ruffey-lez-Beaune (Côte-d'Or) le 23 décembre 1815, il fut élève de l'Ecole centrale des Arts et Manufactures, et entra dans la presse démocratique dès l'âge de vingt ans.
Collaborateur du Journal du Peuple, du Corsaire, du Charivari, il fit une vive opposition au gouvernement de Louis-Philippe, et fut condamné en 1838 à quatre ans de prison pour des articles insérés dans l'Homme libre, journal républicain imprimé clandestinement. Rendu à la liberté, il publia les Prisons de Paris (1841), puis il retourna dans son département, créa à Beaune un journal littéraire, les Chroniques de Bourgogne, et dirigea successivement le Courrier de la Côte-d'Or, la Revue agricole et industrielle de la Côte-d'Or et le Vigneron de la Bourgogne.
Apôtre convaincu de l'idée républicaine, en même temps que fervent propagateur des saines notions d'agriculture, il exploitait la ferme de Quatre-Bornes, prés de Châtillon-sur-Seine, lorsque la révolution de 1848 éclata. Nommé par le gouvernement provisoire sous-commissaire de la République à Châtillon, M. Joigneaux fut envoyé ensuite, le 23 avril 1848, à l'Assemblée constituante, comme représentant de la Côte-d'Or, le 9e sur 10, par 44,826 voix. Membre du comité des travaux publics, il siégea à la Montagne et vota avec elle,
- contre le rétablissement du cautionnement et de la contrainte par corps,
- contre les poursuites contre Louis Blanc et Caussidière,
- pour l'abolition de la peine de mort,
- pour l'amendement Grévy,
- pour le droit au travail,
- contre l'ensemble de la Constitution,
- pour la suppression de l'impôt du sel,
- contre la proposition Rateau,
- pour l'amnistie,
- contre les crédits de l'expédition de Rome,
- pour la mise en accusation du président et de ses ministres.
Adversaire décidé de la politique de L.-N. Bonaparte, il la combattit avec la même ardeur à l'Assemblée législative, où les électeurs de la Côte-d'Or le renommèrent (13 mai 1849), le 7e sur 8, par 37,378 voix (92,695 votants, 118,563 inscrits). Il y fit encore partie du groupe de la Montagne et opina constamment avec la minorité,
- pour l'interpellation de Ledru-Rollin sur les affaires de Rome,
- contre la loi Falloux-Parieu sur l'enseignement,
- contre la loi restrictive du suffrage universel, etc.
Mais l'action de M. Pierre Joigneaux s'exerça surtout en dehors du parlement ; dans la Feuille du Village, qu'il fonda à cette époque, et dont le succès fut très grand, il s'attacha à faire comprendre aux paysans les avantages qui devaient résulter pour eux d'un gouvernement vraiment démocratique. L'influence considérable acquise dans son pays par le représentant Joigneaux, dont le nom fut même mis en avant pour la candidature à la présidence de la République, à l'approche de 1852, le fit, au coup d'Etat de décembre 1851, expulser du territoire français ; il se réfugia à Saint-Hubert, dans le Luxembourg belge, reprit ses études agronomiques, collabora au Moniteur de l'agriculture, et publia à Bruxelles plusieurs ouvrages pratiques estimés. L'amnistie de 1859 lui permit de rentrer en France, où de nouvelles publications rappelèrent fréquemment son nom au public.
Lors des élections du 24 mai 1869, la démocratie radicale posa sa candidature au Corps législatif dans la 2e circonscription de la Côte-d'Or, et lui donna 10,967 voix contre 19,477 à l'élu officiel, M. Marey-Monge, député sortant. Après la chute de l'empire et lors du siège de Paris par les Prussiens, M. Joigneaux, qui se trouvait dans cette ville, s'occupa de créer des cultures maraichères destinées à assurer l'alimentation et à prolonger la résistance.
Le 8 février 1871, il redevint représentant de la Côte-d'Or à l'Assemblée nationale, le 4e sur 8, avec 41,308 voix (73,216 votants, 116,813 inscrits). En même temps, le département de la Seine lui donnait aussi la majorité. Il opta pour la Côte-d'Or, prit place à l'extrême-gauche de l'Union républicaine, et vota
- contre les préliminaires de paix,
- contre l'abrogation des lois d'exil,
- contre le pouvoir constituant,
- contre la chute de Thiers au 24 mai 1873,
- contre le septennat,
- contre la loi des maires,
- contre le ministère de Broglie,
- pour les amendements Wallon et Pascal Duprat,
- et pour l'ensemble des lois constitutionnelles.
En décembre 1872, M. Joigneaux, conseiller général de Beaune, organisa l'enseignement de l'agriculture dans les écoles primaires de la Côte-d'Or ; il refusa de siéger dans la commission chargée par la loi Dufaure de dresser la liste annuelle des jurés. A l'Assemblée nationale il ne prit qu'une part assez restreinte aux discussions ; toutefois il parla sur diverses questions d'agriculture et demanda la création d'une Ecole d'horticulture.
Aux élections du 20 février 1876, M. Joigneaux se porta candidat à la députation dans la 1re circonscription de Beaune (Côte-d'Or). Sa profession de foi, d'un style familier, contenait ce passage : « Vous voulez que la République s'affermisse ; je le veux aussi; aucun de vous n'en doute. Vous voulez que la Constitution soit respectée et que nul ne porte atteinte au pouvoir du président de la République ; nous sommes toujours d'accord. Vous êtes conservateurs de ce qui est, je suis des vôtres... etc. » Aucun candidat républicain n'ayant été opposé à M. Pierre Joigneaux en raison de son extrême popularité dans le département, il fut élu député par 10,811 voix (16,410 votants, 19,010 inscrits), contre 5,511 voix à M. Dupont-Marey.
Il reprit sa place dans la majorité républicaine, vota contre les jurys mixtes, contre les « menées cléricales », combattit le gouvernement du Seize-Mai, s'associa à toutes les protestations des gauches, et fit partie des 363.
Après la dissolution de la Chambre, M. Joigneaux se reporta candidat à Beaune, et fut réélu député, le 14 octobre 1877, par 11,789 voix (17,227 votants et 20,663 inscrits), contre 5,359 à M. Delimoges, candidat officiel et monarchiste. M. Pierre Joigneaux vota avec la gauche de la Chambre nouvelle pour la nomination d'une commission d'enquête électorale parlementaire, contre le cabinet Rochebouët, appuya les divers ministères qui se succédèrent au pouvoir, se rallia à la politique opportuniste recommandée par Gambetta, et ne fut pas du nombre des députés républicains qui formèrent le groupe dit « intransigeant ».
Réélu encore le 21 août 1881, par 11,266 voix (12,208 votants, 20,394 inscrits), il soutint les ministères Gambetta et Ferry, vota pour les crédits de l'expédition du Tonkin, pour le rétablissement du scrutin de liste, et, porté sur la liste de « concentration républicaine » dans la Côte-d'Or, en octobre 1885, fut élu député de ce département, le 2e sur 6, par 50,730 voix (91.997 votants, 113,471 inscrits). M. Joigneaux s'est associé à tous les votes de la majorité en faveur des cabinets Rouvier et Tirard ; en dernier lieu, il s'est abstenu sur le rétablissement du scrutin d'arrondissement (11 février 1889), et s'est prononcé pour l'ajournement indéfini de la révision de la Constitution, pour les poursuites contre trois députés membres de la Ligue des patriotes ; il était absent par congé lors des scrutins qui suivirent.
Parmi les nombreux ouvrages de M. Pierre Joigneaux il faut citer : Histoire anecdotique des professions en France (1843) ; les Paysans sous la royauté (1850-51); Dictionnaire d'agriculture pratique (1855) ; l'Agricultucre dans la Campine (1859) ; Légumes et fruits (1860); les Veillées de la ferme du Tournebride (1861) ; le Livre de la ferme et des maisons de campagne (1861-1864) ; Causeries sur l'agriculture et l'horticulture (1864), recueil d'articles publiés dans divers journaux, notamment dans le Siècle ; Nouvelle lettre aux paysans (1871); Petite école d'agriculture (1875), etc.
Né le 23 décembre 1815 à Ruffey-lez-Beaune (Côte-d'Or), mort le 25 janvier 1892 à Bois-Colombes (Seine).
Député de la Côte-d'Or de 1876 à 1889.
Sénateur de la Côte-d'Or de 1891 à 1892.
(Voir première partie de la biographie dans ROBERT ET COUGNY, Dictionnaire des Parlementaires, t. III, p. 418.)
La santé ébranlée de Pierre Joigneaux l'avait contraint à renoncer à son siège de député. Elu sénateur le 4 janvier 1891, non sans difficulté (au troisième tour et à la pluralité des voix), il s'éteignit un an plus tard, le 25 janvier 1892, sans avoir pu remplir effectivement son mandat. Il avait 76 ans.