Pierre July
1906 - 1982
Né le 9 septembre 1906 à Vitry-le-François (Marne)
Décédé le 7 août 1982 à Suresnes (Hauts de Seine)
Membre de la première et de la seconde Assemblée nationale constituante (Eure-et-Loir)
Député d 'Eure-et-Loir de 1946 à 1958
Secrétaire d'Etat à la Présidence du Conseil chargé de la fonction publique du 28 juin 1953 au 12 juin 1954
Ministre des affaires marocaines et tunisiennes du 23 février au 10 octobre 1955 Ministre délégué à la Présidence du Conseil du 20 octobre 1955 au 24 janvier 1956
La carrière d'homme public de Pierre July est aussi diverse qu'elle est riche : avocat, patron de presse, député, ministre, représentant de son pays dans des instances internationales, mais aussi grand résistant et père de dix enfants - rien n'y manque, si l'on excepte les responsabilités politiques locales.
Tout commence dans l'Est de la France, loin de la région Centre qui sera celle de sa carrière politique : né d'un père commerçant à Vitry-le-François, originaire des environs de Reims, et d'une mère originaire des Ardennes (née Jeanne Hennequin), Pierre July fréquente le collège de Vitry-le-François puis monte à Paris faire son droit. Elève brillant, il obtient sa licence, puis son diplôme d'études supérieures en droit privé et en droit public.
Avocat à Vitry-le-François à partir de 1928, il effectue son service militaire comme officier de réserve au 106e RI de Reims en 1930 après avoir été élève-officier à Saint-Cyr pendant six mois. Marié l'année suivante à Hélène Mauclaire, dont il aura quatre garçons et six filles, il s'établit comme avoué plaidant à Dreux en 1935, une charge qu'il conserve pendant vingt ans avant d'être avocat près la Cour d'appel de Paris.
Pierre July est mobilisé comme lieutenant d'infanterie pour la campagne de France en 1939-1940, et sera plus tard décoré de la Croix de guerre. Fait prisonnier, il s'évade et, en dépit de ses charges familiales, s'engage résolument dans la résistance à l'occupant, en créant et en dirigeant le groupe FFI d'Eure-et-Loir ; il s'assure en particulier de nombreux parachutages et transports d'armes. Arrêté par la Gestapo le 24 juillet 1944, interné à Compiègne et interrogé violemment, il doit être déporté vers Buchenwald mais parvient à s'échapper du train le 15 août 1944 à Vitry-les-Reims - acte de bravoure qui sera reconnue par la remise de la Médaille des évadés.
Deux mois plus tard, en octobre, Pierre July prend à Chartres la direction du journal « l'Echo Républicain » dont il reste président de 1944 à 1958. C'est aussi cette période qui va être le moment de son plus grand engagement politique, puisqu'il sera membre des deux assemblées nationales constituantes puis député jusqu'à la fin de la Quatrième République.
Ses succès répétés aux élections sont le fait de sa notoriété personnelle et de son prestige bien plus que d'affiliations partisanes dont il change souvent. De sensibilité gaulliste, Pierre July siège successivement dans les rangs du Parti républicain de la liberté au cours de la première législature, au RPF avant de s'inscrire au groupe d'Action républicaine et sociale (ARS) au cours de la seconde, et enfin, à partir de 1958, parmi les indépendants (CNI).
Il se présente donc pour la première fois en Eure-et-Loire le 21 octobre 1945 en tête d'une « liste résistante d'action républicaine » qui arrive nettement en tête du scrutin, avec 31 837 des 120 899 suffrages exprimés, devançant les communistes et la SFIO. Le premier projet de référendum ayant été repoussé par les constituants (comme l'a souhaité Pierre July), les électeurs retournent aux urnes le 2 juin 1946 et renouvellent leur confiance à la « liste du Parti républicain de la liberté » de Pierre July qui est élu avec cette fois 38 014 des 128 203 suffrages exprimés, devançant de nouveau le PC, le RGR et la SFIO. Son score continue à s'améliorer au cours de l'année 1946, puisque sa « liste du salut public pour la République et la liberté », avec 42 175 des 124 877 suffrages exprimés, obtient deux députés pour la première législature, loin devant le PC et le RGR, et privant la SFIO de son siège.
Dans les deux constituantes, Pierre July prend part aux discussions concernant le fonctionnement général des pouvoirs publics, intervenant plus particulièrement sur les questions de justice (Déclaration des droits, Conseil supérieur de la magistrature, Haute cour de justice), et se prononçant pour un exécutif fort - d'où son vote contre chacun des deux textes proposés. Il tente aussi, à plusieurs reprises, de mobiliser le gouvernement sur le sort des prisonniers de guerre français encore retenus en URSS. Il tente vainement de s'opposer, le 2 décembre 1945, à la nationalisation de la Banque de France et des grandes banques, et à l'organisation du crédit.
Au cours de la première législature, Pierre July siège à la Commission de la famille, de la population et de la santé publique, ainsi qu'à la Commission des pensions ; nommé juré à la Haute cour de justice, il participe aussi à deux commissions d'enquête. Il travaille beaucoup pour la première Commission, et ne dépose pas moins de dix-sept propositions de loi, dont beaucoup concernent les conditions de vie de la famille française : imposition mieux adaptée, assouplissement de certaines règles d'adoption, temps de travail réduit pour le personnel féminin chargé de famille, allocation-logement, etc. Pour autant, il n'oublie pas le monde judiciaire qui est le sien, et dépose plusieurs propositions de loi visant notamment à supprimer les juridictions d'exception, ou à permettre une meilleure représentation des familles dans les tribunaux pour enfants.
Membre de la Commission des territoires d'outre-mer, Pierre July y consacre une part de plus en plus importante de son travail parlementaire. Outre sa présidence de la Commission chargée d'enquêter sur les incidents survenus en Côte d'Ivoire et plusieurs propositions de loi, il intervient à plusieurs reprises à la tribune sur ces problèmes, et interpelle le gouvernement sur les très graves événements survenus à Madagascar en 1947. Il représente enfin la France comme délégué à la conférence générale de la FAO (Food Agricultural Organization) en 1948.
Pierre July ne prend pas part au vote du 4 mai 1947, le jour où Paul Ramadier se sépare de ses ministres communistes. Il s'oppose au projet de loi sur le statut de l'Algérie (27 août 1947), se prononce en faveur du plan Marshall (juillet 1948) et de la constitution du Conseil de l'Europe le 9 juillet 1949. Il ratifie le Pacte atlantique quelques jours plus tard, et s'oppose au système des apparentements qui, le 7 mai 1951, modifie la loi électorale en faveur des partis de la troisième force. Pierre July s'en était d'ailleurs ému le 9 mars 1951 à la tribune.
Lors du scrutin du 17 juin 1951, la liste RPF conduite par Pierre July est en effet, avec la liste communiste, la seule liste importante à n'avoir pas conclu d'apparentement. Si ce système prive les communistes (18,8 % des suffrages exprimés) de leur siège, il en donne deux aux radicaux et RGR (24,4 %), soit autant qu'à la liste gaulliste qui, avec 48 303 des 124 877 votes, obtient près de 40 % des voix.
A l'Assemblée, Pierre July se spécialise désormais sur les questions relatives aux territoires d'outre-mer, et devient président de cette commission ; presque toute son activité de parlementaire s'y rapporte. Le 27 mars 1952, il dépose par exemple une proposition de loi tendant à ériger en une circonscription administrative autonome, « l'Afrique saharienne française », sous l'autorité d'un commissaire de la République, les territoires du gouvernement d'Algérie, de l'AOF et de l'AEF.
Mais son activité de parlementaire se réduit sensiblement au cours de cette législature, en raison des responsabilités auxquelles il est appelé dans l'exécutif : secrétaire d'Etat à la Présidence du Conseil dans le cabinet Laniel, du 28 juin 1953 au 12 juin 1954, il est notamment chargé d'« assurer la vie du pays » pendant les grandes grèves de l'été 1953, et s'occupe de la fonction publique, des rapports avec le parlement - ce qui lui vaut d'intervenir souvent à la tribune de l'Assemblée - et des questions relatives au Commissariat à l'énergie atomique (CEA).
Il est surtout nommé ministre des affaires marocaines et tunisiennes dans le cabinet d'Edgar Faure le 23 février 1955. Pierre July est en effet au premier rang de l'évolution de la politique française au Maroc, depuis la déposition du sultan Mohammed V, en 1953, jusqu'au rétablissement de celui-ci en 1955. En 1974, Il témoignera de cette expérience dans un livre de mémoires intitulé Une République pour un roi, publié chez Fayard.
Enfin, Pierre July est nommé, pour une courte période (20 octobre 1955 -24 janvier 1956) ministre délégué à la Présidence du Conseil du cabinet Edgar Faure remanié.
A l'Assemblée, Pierre July vote en faveur de la loi Barangé-Marie sur l'école libre, qui divise la troisième force d'entrée de jeu, le 21 septembre 1951. Il s'oppose au projet de Communauté européenne du charbon et de l'acier (13 décembre 1951), et fait partie des vingt-sept gaullistes « hérétiques » (Georgette Elgey) qui accordent l'investiture à Antoine Pinay le 6 mars 1952, contre les consignes de vote du Général. Il accorde bien évidemment sa confiance à Joseph Laniel (26 juin 1953) et s'abstient volontairement lors du vote d'investiture de Pierre Mendès France un an plus tard. Il tente en vain de sauver le projet de Communauté européenne de défense (CED) le 30 août 1954, en votant contre la question préalable opposée par Édouard Herriot et le général Aumeran à la discussion du projet de ratification du traité. Enfin, il accorde sa confiance à Edgar Faure le 23 février 1955.
Pierre July mène donc campagne pour la troisième législature tout en assurant ses fonctions ministérielles dans le gouvernement remanié d'Edgar Faure. En Eure-et-Loir, la situation est complexe, puisque cette fois quatorze listes sont en présence, contre six lors du vote précédent. Pierre July se présente sous l'étiquette du CNI, sur une « liste d'Union des indépendants et des paysans présentée par le CNI, des paysans de l'action républicaine et sociale et par le groupement national des Indépendants d'action démocratique et paysanne. » Cette liste, apparentée à celle du Groupement national des républicains démocrates, obtient un siège avec 31 048 des 132 179 suffrages exprimés, soit 23,5 %. Les trois autres sièges revenant aux communistes (20,6 %) et aux radicaux apparentés à la SFIO et à l'UDSR (22,3 %, deux sièges).
A l'Assemblée, le député CNI ne siège cette fois que dans une seule commission, celle des affaires étrangères. Pour cette commission, il travaille notamment sur la ratification par la France des statuts de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) en 1957. Il est vrai que Pierre July, qui avait supervisé le CEA en 1953-1954, a des compétences à faire valoir dans ce domaine ; il met de nouveau ses connaissances au service de la France en étant rapporteur, pour sa commission, du traité sur l'Euratom. Mais son activité parlementaire générale est réduite, puisqu'il ne dépose que deux propositions de loi. En revanche, il intervient à la tribune à de nombreuses reprises, parfois sur ses sujets traditionnels (organisation judiciaire, outre-mer et décolonisations), mais principalement sur les questions relatives à l'énergie atomique.
Ainsi le 5 juillet 1956, sur le projet Euratom, lorsqu'il tente de persuader ses pairs de l'importance de l'énergie atomique sur un mode prophétique : « La France, ne l'oublions jamais, a des besoins que seul l'atome peut satisfaire. [...] Comme je l'ai dit, notre déficit en charbon est comblé par des importations américaines. Pour les carburants, la situation est encore pire. Ils nous sont fournis par les nations du Moyen-Orient, dont certaines se sont déclarées ouvertement contre nous en diverses circonstances. Qu'adviendrait-il de notre économie si ces nations, dédaignant pour un temps l'avantage que représentent pour elles nos achats, s'avisaient de placer ce problème sur un plan politique ou idéologique ? Qu'adviendrait-il, je vous le demande, si nous cessions de recevoir les quantités sans cesse croissantes que nous demandons aux Etats du Moyen-Orient ? » Pierre July préconise donc la mise en commun des efforts européens pour progresser sur la voie du nucléaire : « Si l'aide des Etats-Unis peut n'avoir qu'un caractère temporaire, en revanche la collaboration entre les six pays devrait être durable. [...] Nous avons besoin, pour un temps, d'acquérir de l'uranium 235. Si nous voulons éviter que le contrôle ne soit assuré entièrement par nos fournisseurs américains, et qu'il ne s'exerce, un jour, dans le cadre international général, par des délégués chinois ou égyptiens, nous ne disposons que d'un seul moyen, l'organiser entre Européens. »
Pierre July s'abstient volontairement lors du vote de confiance au gouvernement Guy Mollet (25 octobre 1956), mais il accorde sa confiance au programme de Maurice Bourgès-Maunoury (12 juin 1957). Il vote, bien entendu, pour la ratification des traités instituant la Communauté économique européenne et la Communauté européenne de l'énergie atomique (9 juillet 1957). Lors de la crise qui emporte la Quatrième République, il soutient l'investiture de Pierre Pflimlin (13 mai 1958), vote contre la révision de la Constitution (27 mai 1958) mais soutient l'investiture du général de Gaulle (1er juin 1958), de même qu'il accorde, le 2 juin 1958, les pleins pouvoirs au gouvernement.
Pierre July se présente sans succès aux législatives de 1958 puis aux sénatoriales de 1959, ainsi qu'aux législatives de 1968. Ayant mis fin à ses responsabilités éditoriales à « l'Echo républicain », il se tourne vers sa carrière d'avocat près la Cour d'appel de Paris, jusqu'en 1978. En 1964, il est le défenseur, en Algérie, du dirigeant kabyle Hocine Aït-Ahmed. Fait commandeur de la Légion d'honneur en juillet 1982, il décède quelques semaines plus tard à Suresnes, le 7 août 1982. Titulaire d'une médaille de la résistance, Pierre July était aussi grand-croix du Ouissam Alaouite et du Nicham Iftikar.