Mamadou Konaté
1897 - 1956
Né vers 1897 à Kati (Soudan français)
Décédé le 11 mai 1956 à Bamako (Mali)
Député du Soudan de 1946 à 1956
Né vers 1897 dans le village de Kati au Soudan français (actuellement au Mali) d'une famille très modeste, Mamadou Konaté fréquente l'école normale de Gorée, au Sénégal, où il remporte de brillants succès. Nommé instituteur, il enseigne dans différents établissements du Soudan (Bafoulabé, Matina, Kolokani). La renommée qu'il acquit dans ses fonctions et l'aptitude pédagogique dont il fit preuve lui valurent d'être appelé à la direction de la grande école régionale de Bamako, charge qu'il occupa pendant treize années consécutives.
Mais son caractère généreux et avide de justice sociale, dans une Afrique française en première phase d'éveil national après le retour des tirailleurs sénégalais de la première guerre mondiale, le pousse vers d'autres horizons. Il crée le syndicat des instituteurs de Bamako, dont il est longtemps le secrétaire général. Le cercle de sa renommée s'élargit, et ses compatriotes le poussent bientôt à accepter d'autres responsabilités, au conseil général de Bamako et au grand conseil de l'Afrique occidentale française (AOF).
La seconde guerre mondiale ébranle une nouvelle fois les fondations du pouvoir colonial français - le Soudan fournit vivres, soldats, argent en quantité - et la montée du mouvement nationaliste se poursuit. Brillante élite occidentalisée, Mamadou Konaté est le prototype des nouveau leaders de ce mouvement, à l'instar d'un autre enseignant plus jeune, Modibo Keita, qui sera Président de la République autonome du Soudan de 1960 jusqu'en 1968, date à laquelle il sera renversé par Moussa Traoré.
En 1945, Mamadou Konaté et Modibo Keita fondent le Bloc soudanais. L'année suivante, ce mouvement devient, sous le nom d'Union soudanaise, une section d'un grand mouvement fédéral, le Rassemblement démocratique africain (RDA). Le congrès constitutif de ce mouvement, animé principalement par le leader ivoirien Houphouët-Boigny et par Modibo Keita, se tient à Bamako le 18 octobre 1946 et rassemble 800 délégués venus de l'AOF et de l'AEF.
Le mois suivant (après deux campagnes électorales infructueuses pour la Constituante en 1945 et 46), Mamadou Konaté se présente aux élections législatives comme tête de la liste d'Union soudanaise (RDA), qui remporte 27 653 des 94 803 suffrages exprimés, soit un siège sur les trois à pourvoir par le collège unique du Soudan, contre 60 759 pour la liste progressiste (proche des socialistes) qui remporte deux sièges.
Les grandes lignes de son programme sont, et resteront pour les élections suivantes, celles du RDA : union de tous les Africains et de tous les Français sans distinctions de conceptions philosophiques ou religieuses, et lutte pour l'émancipation politique, économique et sociale de l'Afrique dans le cadre de l'Union française fondée sur l'égalité des droits et des devoirs.
A l'Assemblée nationale, où Mamadou Konaté siège à l'UDSR, il est nommé membre de plusieurs commissions : celle de la marine marchande et des pêches et celle des moyens de communication, mais aussi à deux autres qui lui tiennent particulièrement à cœur : la commission des territoires d'outre-mer et celle de l'éducation nationale.
En effet, la plus grande partie de son activité et de ses interventions est consacrée à l'organisation du travail et de l'enseignement dans les territoires d'outre-mer. Il invite par exemple le gouvernement, en août 1947, à mettre fin à la constitution obligatoire de greniers de réserves en AOF ; le 23 février 1950, il dépose une proposition de loi tendant à instituer un Code du travail dans les territoires d'outre-mer, proposition de loi qu'il défendra à la tribune à plusieurs reprises, y compris dans la seconde législature ; quelques jours plus tard, il dépose une autre proposition de loi tendant à la création d'un « cadre unique » du personnel des chemins de fer d'AOF.
Il prend souvent la parole, sur ses sujets de prédilection - coordination de l'enseignement en AOF, budget destiné à l'outre-mer -, mais aussi sur la politique de la France dans ses colonies : ainsi lors des discussions relatives aux événements de Madagascar en mai 1947, ou lorsqu'il interpelle le gouvernement sur l'attitude de l'administration lors des élections au Soudan et au Niger et des événements sanglants de Boromo (26 juin 1948). Il s'inquiète également de l'organisation politique qui convient à l'Union française : pour l'élection des Conseillers de la République outre-mer, il soutient par exemple l'unicité du collège et le scrutin proportionnel (18 août 1948) ; il soutient la création d'une assemblée représentative en Cochinchine (mars 1949), ainsi qu'en Côte française des Somalis (24 juillet 1950).
Mamadou Konaté ne vote pas la confiance au gouvernement le 4 mai 1947, vote à la suite duquel Paul Ramadier se sépare de ses ministres communistes ; il s'oppose aussi au projet de loi sur le statut de l'Algérie (27 août 1947). Il ne prend pas part au vote sur la loi instituant la possibilité d'apparentements, le 7 mai 1951, loi modifiant les règles électorales en faveur de la troisième Force.
Le 17 juin 1951, de même qu'en 1946, le parti progressiste soudanais l'emporte sur le RDA, avec cette fois trois sièges contre un (201 866 suffrages contre 115 490), mais dans un collège qui a plus que triplé en volume : 337 989 suffrages exprimés pour 916 944 électeurs inscrits.
Mamadou Konaté, seul élu de la liste RDA, retrouve la Commission des territoires d'outre-mer et devient membre de la Commission de la justice et de législation, ainsi que de celle du travail et de la sécurité sociale dont il devient secrétaire. Mais ses centres d'intérêt restent les mêmes : promotion de la culture du coton dans l'Union française (proposition de loi le 23 juin 1953), promotion des élites (reculer de deux ans pour les étudiants d'outre-mer la limite d'âge pour les concours des grandes écoles), consolidation des contrôles administratifs en AOF et AEF (5 août 1955) et avancement des droits politiques des autochtones (création des « communes de plein exercice » outre-mer en 1954), etc. Comme il l'avait fait au cours de la première législature, il essaie d'imposer le respect par les militaires et les fonctionnaires de leurs obligations lorsqu'ils servent outre-mer, et ne laisse passer aucun manquement au droit en-dehors de la métropole, en particulier en matière électorale et juridique.
Mamadou Konaté ne prend pas part au vote sur la loi Barangé-Marie sur l'enseignement privé, le 21 septembre 1951. Il soutient le projet de Communauté européenne du charbon et de l'acier (13 décembre 1951), accorde son investiture à Antoine Pinay (6 mars 1952), à Joseph Laniel (26 juin 1953) et à Pierre Mendès France (17 juin 1954). Il se prononce pour la question préalable opposée à la discussion de la ratification de la CED (Communauté européenne de défense) le 30 août 1954, vote équivalent au rejet du traité. Il accorde sa confiance à Edgar Faure en 23 février 1955, mais s'abstient volontairement lors de la chute de son cabinet, le 29 novembre 1955.
Le 2 janvier 1956, sur un collège unique qui a continué à croître (plus d'un million d'inscrits), la liste d'Union soudanaise de Mamadou Konaté, forte de 215 419 des 433 029 suffrages exprimés, remporte cette fois deux sièges sur les quatre à pourvoir, et Modibo Keita est élu aux côtés de Mamadou Konaté.
Retrouvant le Palais-Bourbon, ce dernier connaît un moment de gloire, puisqu'il est nommé vice-président de l'Assemblée nationale. Malheureusement, il n'aura pas le loisir d'exercer son troisième mandat très longtemps : nommé membre de plusieurs commissions, il a le temps de déposer le 20 mars 1956 une proposition de loi portant suppression des sociétés indigènes de prévoyance dans les territoires relevant du ministère de la France d'outre-mer, mais son état de santé décline soudainement : il est soigné sans grand espoir à l'hôpital Saint-Antoine, puis rapatrié à Bamako où il décède le 11 mai 1956.
Le président de l'Assemblée nationale aura ces mots lors de l'annonce de cette triste nouvelle en séance, quatre jours plus tard : « Mamadou Konaté appartenait à ces élites que la France a su former partout où flotte son drapeau et sur lesquelles elle est en droit de compter pour réaliser une véritable Union française. Sa présence au fauteuil présidentiel, comme l'avait souligné si justement notre collègue M. le chanoine Kir, était plus qu'un symbole. »