Alfred Krieger
1903 - 1957
Né le 5 mars 1903 à Pfaffenhoffen (District de Basse Alsace - Empire allemand)
Décédé le 25 novembre 1957 à Metz (Moselle)
Membre de la première et de la seconde Assemblée nationale constituante (Moselle)
Député de la Moselle de 1946 à 1955
Né le 5 mars 1903 à Pfaffenhoffen (District de Basse Alsace - Empire allemand), Alfred Krieger, ingénieur de formation, se tourne vers une carrière de chef d'entreprise dans le secteur de l'électricité. Son rôle de commandant des FFI de Lorraine lors de la seconde guerre mondiale, sous le pseudonyme de « commandant Gregor », lui vaudra la croix de guerre avec palme, la rosette de la résistance et la promotion au grade d'officier de la Légion d'honneur.
Au sortir de la guerre, Alfred Krieger décide d'entrer dans l'action politique. Le 21 octobre 1945, pour l'élection des constituants, il se présente aux suffrages de ses concitoyens comme tête de la liste d'action démocratique, qui convainc 63 134 des 237 421 votants et obtient deux mandats. Le paysage politique de ce département changera peu jusqu'en 1956 : un MRP très puissant, emmené par Robert Schuman, une SFIO quasi inexistante, un parti communiste qui, oscillant entre 45 000 et 50 000 voix, ne peut obtenir qu'un seul des sept sièges à pourvoir ; enfin une liste d'inspiration gaulliste que conduit Alfred Krieger et qui obtient généralement deux sièges.
A l'Assemblée nationale, Alfred Krieger est nommé juré à la Haute cour de justice, ainsi que membre de la Commission de la reconstruction et des dommages de guerre et de la Commission des affaires économiques, des douanes et des conventions commerciales. Il dépose, dès le 22 décembre 1945, une proposition de loi relative à la nationalisation des trusts de l'électricité et au contrôle des entreprises électriques, et intervient à plusieurs reprises sur le projet et les propositions de loi relatifs à la nationalisation de l'électricité et du gaz, ainsi que sur des problèmes budgétaires généraux. Il se prononce le 2 décembre 1945 pour la nationalisation de la Banque de France et des autres banques de crédit ; mais le 19 avril 1946, il ne prend pas part au vote sur le premier projet de Constitution soumis aux représentants du peuple.
Le 2 juin 1946, la liste d'union gaulliste d'action démocratique et républicaine enregistre un recul avec 41 889 des 256 736 suffrages exprimés ; cette fois, seul Alfred Krieger est élu. La perte de ce siège s'explique par l'irruption d'une liste nouvelle, celle du général Giraud, allié aux indépendants.
Alfred Krieger retrouve la Commission des affaires économiques, des douanes et des conventions commerciales, et devient membre de celle de l'équipement national et de la production. Il s'occupe particulièrement de sa région : ainsi dépose-t-il le 8 août 1946 une proposition de loi tendant à restituer la nationalité française aux femmes des départements du Rhin et de la Moselle l'ayant perdu du fait de mariage. Le 18 septembre, il dépose une autre proposition de loi tendant à assurer l'unification législative successive des départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle. S'il participe aux discussions relatives à l'établissement d'une nouvelle Constitution, il se prononce contre le texte soumis le 28 septembre 1946 qui deviendra la Constitution de la IVe République.
Pour la liste UDSR d'Alfred Krieger, l'élection du 10 novembre 1946 marque une nette progression : avec 60 064 des 247 390 suffrages exprimés, elle retrouve deux élus - la liste du général Giraud ayant disparu, la configuration redevient normale.
Alfred Krieger conserve son domaine de spécialité et les commissions chargées de le gérer : affaires économiques, production industrielle - il devient secrétaire de cette commission début 1949 et finances. Au cours de la législature, il dépose cinq rapports et avis au nom de la Commission de la production industrielle, sur des sujets ayant trait à l'industrie du gaz et aux problèmes particuliers de sa région. Il dépose aussi deux propositions de loi pour mieux réglementer les industries électriques et gazières et leur venir en aide.
Il intervient à plusieurs reprises devant ses pairs sur toute la gamme des sujets économiques généraux : introduction du franc en Sarre le 14 novembre 1947 ; lutte contre l'inflation le 22 décembre suivant ; ou encore, en février 1950, restitution par les banques allemandes de dépôts effectués pendant l'Occupation par des entreprises d'Alsace-Lorraine. Il revient à plusieurs reprises sur la question de la nationalisation de l'électricité et du gaz en juillet 1949, lorsque des retouches sont apportées à la loi de 1946.
Alfred Krieger accorde bien sûr sa confiance à Paul Ramadier le 4 mai 1947, le jour où le Président du Conseil se sépare de ses ministres communistes. Il s'abstient volontairement lors du scrutin portant sur le projet de loi sur le statut de l'Algérie (27 août 1947), se prononce en faveur du plan Marshall (7 juillet 1948) et de la constitution du Conseil de l'Europe le 9 juillet 1949. Il ratifie le Pacte atlantique quelques jours plus tard et, comme gaulliste, s'oppose fermement au système des apparentements qui, le 7 mai 1951, modifie la loi électorale en faveur des partis de la Troisième force.
En effet, la poussée gaulliste de 1951 en Moselle, si forte soit-elle, ne parvient pas à contrebalancer le mécanisme correctif que représente la possibilité d'apparentement : la liste du RPF, avec près de 44 % des 278 653 suffrages exprimés, obtient trois mandats (dont Alfred Krieger, qui avait cédé la première place à Raymond Mondon, maire de Metz), tandis que le MRP, apparenté avec les listes UIPRN, RGR et SFIO, obtient le même nombre de députés avec 32 % des voix.
Alfred Krieger retrouve à la Chambre les questions économiques et industrielles, devenant notamment vice-président de la commission de coordination de l'énergie atomique et des recherches nucléaires ; il siège aussi dans la commission chargée de suivre et d'apprécier le travail de l'OECE (Organisation européenne de coopération économique) relatif au programme de relèvement européen (c'est-à-dire le plan Marshall). Son activité législative reste centrée sur l'amélioration des conditions économiques et du cadre général de l'industrie française : faciliter les regroupements d'entreprises par fusion (proposition de loi du 14 janvier 1953), exonérer de cotisations les paiements de dividendes consentis au personnel par les sociétés à participation ouvrière (7 octobre 1954) etc. Il s'occupe aussi des questions concernant son département et de quelques sujets techniques : assurance aux tiers obligatoire pour tous les automobilistes (proposition de résolution du 3 août 1954), visites techniques de sécurité pour certains véhicules mécaniques et toujours une préoccupation soutenue pour le secteur électrique et gazier.
Au cours de l'un des débats marquants de cette législature, Alfred Krieger s'oppose à la tribune à son adversaire électoral, Robert Schuman, sur la CECA qui, on s'en souvient, était aussi appelée « Plan Schuman ». Il explique notamment : « Sous le prétexte d'avoir enfin du charbon, nous acceptons d'aliéner une partie de notre souveraineté, d'être en minorité constante dans une autorité qui décidera du sort de nos plus importantes industries de base, d'ouvrir largement nos frontières aux produits d'une concurrence étrangère redoutable, enfin de voir nos positions politique, industrielle et commerciale partout fortement ébranlées [...]. Le plan Schuman peut être un instrument d'unification européenne, mais seulement sous deux conditions préalables [la sincérité des intentions de tous par l'institution d'une Europe unifiée politiquement et une unification monétaire] ».
Avec son groupe RPF, Alfred Krieger vote en faveur de la loi Barangé-Marie sur l'enseignement primaire privé, qui divise la Troisième force d'entrée de jeu le 21 septembre 1951. Il ne fait pas partie des vingt-sept membres du RPF qui votent l'investiture d'Antoine Pinay (6 mars 1952) et s'abstient volontairement. Il accorde sa confiance à Joseph Laniel (26 juin 1953) et la refuse à Pierre Mendès France (17 juin 1954). Il se prononce pour la question préalable opposée par Edouard Herriot et le Général Aumeran à la discussion de la ratification de la CED (Communauté européenne de défense) le 30 août 1954, vote équivalent au rejet du traité.
Le 12 octobre 1954, Alfred Krieger vote en faveur des accords de Londres qui mettent un terme à l'occupation de l'Allemagne et de nouveau en faveur de la ratification des accords de Paris le 29 décembre, qui permettent le réarmement de la RFA et son entrée dans l'OTAN. Il accorde sa confiance à Edgar Faure le 23 février 1955 et la lui réitère lors de la chute de son cabinet, le 29 novembre 1955.
Alfred Krieger ne retrouve pas son siège aux élections du 2 janvier 1956 : la liste des Républicains sociaux dont il avait pris la tête ne réalise que 5,2 % des voix. Mais sa popularité est grande puisqu'il obtient personnellement 20 622 suffrages pour une moyenne de liste de 17 639.
Le 25 novembre 1957, une semaine après avoir été élevé au grade d'officier de la Légion d'honneur et alors que, rendu à la vie civile, Alfred Krieger se consacrait à ses occupations de haut responsable régional d'EDF à Metz, il est pris d'un malaise cardiaque qui le terrasse en quelques heures. Pour la cérémonie funèbre, une garde d'honneur des FFI de Moselle entoura son cercueil que recouvrit le drapeau tricolore.