Jules, Romain Barni
1818 - 1878
- Informations générales
-
- Né le 1er juin 1818 à Lille (Nord - France)
- Décédé le 4 juillet 1878 à Mers (Somme - France)
1818 - 1878
Représentant à l'Assemblée nationale de 1872 à 1875, député de 1876 à 1878, né à Lille (Nord), le 1er juin 1818, mort à Mers (Somme), le 4 juillet 1878, il était originaire d'Italie.
Après de brillantes études commencées au collège d'Amiens et terminées au collège Rollin à Paris, puis à l'Ecole normale supérieure, d'où il sortit, en 1840, premier agrégé de philosophie, Jules Barni fut quelque temps professeur au collège de Reims; il revint à Paris, et Cousin, qui préparait alors une édition personnelle de ses premiers cours, se l'attacha comme secrétaire. La connaissance approfondie de la langue allemande qu'avait le jeune agrégé, rendit sa collaboration particulièrement précieuse au philosophe universitaire, qui n'avait jamais lu Kant dans le texte. Jules Barni en profita lui-même pour étudier plus à fond la doctrine du penseur allemand, dont il songea dès lors à publier une traduction française. Après être resté une année seulement près de Cousin, - c'était la durée habituelle de ces fonctions de secrétaire, récompense en quelque sorte consacrée du premier rang à l'agrégation de philosophie, - Barni enseigna successivement la philosophie à Louis le Grand, à Charlemagne, à Bonaparte, en même temps qu'il commençait la publication de sa grande traduction de Kant, et qu'il donnait de nombreux articles à une revue libérale, la Liberté de penser, fondée à la fin de 1847 et qui était devenue, en 1848, nettement républicaine. Un de ses articles avait pour titre : le Suffrage universel et l'instruction primaire. Ils excitèrent bientôt la défiance du pouvoir, et Barni fut, en 1850, brusquement envoyé de Paris au lycée de Rouen, en disgrâce. Il se rendit à son nouveau poste; mais plus tard, lorsque le coup d'Etat imposa aux fonctionnaires l'obligation de prêter le serment de fidélité, il refusa, et quitta l'Université. « Il avait alors, » a écrit M. Janet, « sans être marié, tous les devoirs de la famille : un père aveugle, une nièce orpheline, qu'il dut élever. »
Il reprit sa traduction de Kant, qu'il accompagnait d'études et d'analyses critiques où, parlant en son propre nom, il exprimait hautement ses espérances démocratiques, et collabora, sous l'Empire, avec d'autres universitaires insermentés, MM. Vacherot, Despois, Frédéric Morin, Albert Le Roy, à divers recueils périodiques d'opposition : la Revue de Paris, l'Avenir. En 1861, il accepta à l'Académie de Genève la chaire d'histoire, où il remplaça un autre exilé du 2 décembre, l'ancien représentant Victor Chauffour; il occupa cette situation jusqu'en 1870.
Plusieurs de ses ouvrages, Les martyrs de la libre-pensée, Napoléon Ier et son historien M. Thiers, Histoire des idées morales et politiques en France, La morale dans la démocratie, ne sont que le résumé des idées exposées par lui dans ses cours de Genève.
Barni fut encore, en 1867, un des fondateurs de la Ligue internationale de la paix et de la liberté, qui a pour objet la substitution de l'arbitrage à la guerre, et dont il présida le premier congrès.
Le 4 septembre 1870 le rappela en France. Il se mit aussitôt à la disposition du gouvernement de la Défense nationale, et prit la direction d'un journal officiel populaire, le Bulletin de la République, qui cessa de paraître au moment de la conclusion de la paix. La Délégation de Tours avait nommé Barni inspecteur général de l'Université; mais cette nomination, irrégulière parce qu'il n'existait alors aucun vide dans le cadre des inspecteurs, dut rester nulle et non avenue.
Barni rentra dans la politique. Un grand nombre d'électeurs républicains de la Somme songèrent à lui pour la députation; mais il échoua d'abord à l'élection complémentaire du 7 janvier 1872, en remplacement du général Faidherbe qui venait d'opter pour le Nord. Candidat radical, il obtint 40,660 voix seulement contre 52,826 voix accordées à M. Dauphin, républicain conservateur, qui fut élu. Mais M. Dauphin s'étant presque aussitôt démis de son mandat, Barni se trouva seul, le 9 juin 1872, contre deux candidats conservateurs, MM. Cornuau et Lejeune. Il fut élu par 54,820 voix. Il s'était déclaré, dans sa profession de foi, disposé à soutenir la politique de Thiers.
A l'Assemblée de Versailles, il siégea à gauche, se fit inscrire aux deux groupes de la gauche et de l'Union républicaine, et donna dès lors tout son concours à la politique conseillée par Gambetta, qui devait aboutir au vote de la Constitution de 1875. Sans aborder la tribune, il vota à l'Assemblée nationale :
- 29 novembre 1872, pour le message de Thiers contenant une déclaration en faveur de la République; - 24 juin 1873, contre la démission de Thiers;
- 24 mai, contre l'approbation de l'arrêté du préfet Ducros sur les enterrements civils;
- 19-20 novembre, contre la prorogation des pouvoirs du maréchal;
- 20 janvier 1874, contre la loi des maires;
- 30 janvier 1875, pour l'amendement Wallon sur la réélection septennale du président de la République;
- 25 février, pour l'ensemble des lois constitutionnelles.
Le rôle parlementaire de Barni prit plus d'importance à la Chambre des députés de 1876, où il fut, le 20 février, élu par la 1re circonscription d'Amiens avec 11,133 voix sur 20,974 votants et 26,958 inscrits, contre 9,448 à M. de Fourment, conservateur. Il avait voté, dans l'Assemblée précédente, contre la loi de 1876 sur l'enseignement supérieur. Nommé (1876) membre et président des commissions saisies de la révision de cette loi ainsi que de celles qui régissaient l'enseignement primaire, il prit la parole à la Chambre dans la discussion sur la collation des grades, combattit deux amendements tendant à l'institution de jurys spéciaux qui auraient été désignés soit par le conseil supérieur, soit par le ministre, et s'attacha à prouver que de tels jurys seraient loin d'offrir les mêmes garanties de compétence et d'impartialité que les facultés. Il opposa (7 juin 1876) l'esprit religieux, qu'il déclarait « infiniment respectable » à l'esprit clérical, « qui en est la contrefaçon », et, comme la droite, irritée et tumultueuse, le sommait de s'expliquer : « Il y a, dit-il, une religion qui console, qui purifie, qui moralise, qui prêche la concorde et la charité : celle-là, nous la bénissons, nous la respectons profondément... Il y a une religion qui opprime, qui persécute, une religion qui excommunie, qui est synonyme d'intolérance et de fanatisme : celle-là, nous la détestons. » Le projet soumis à la Chambre en 1876 ne visait que la collation des grades et la suppression des jurys mixtes de 1875; Barni, qui aurait souhaité une réforme plus complète, déposa la même année une proposition spéciale, qui avait pour but de favoriser l'initiative individuelle, c'est-à-dire les cours isolés et les conférences; elle fut momentanément écartée.
Barni s'associa, d'ailleurs, à tous les votes de la majorité de gauche, notamment :
- 19 mai 1876, pour la proposition Margue tendant à une amnistie partielle des condamnés de la Commune;
- 12 juillet, pour le projet de loi relatif à l'élection des maires et modifiant la loi de 1874;
- 28 décembre, contre la discussion des articles du budget renvoyés à la Chambre par le Sénat;
- 4 mai 1877, pour l'ordre du jour Laussedat, Loblond, de Marcère, sur les menées ultramontaines.
Il fit partie enfin des 363 députés qui témoignèrent de leur défiance à l'égard du gouvernement du 16 mai. Mais sa santé, gravement altérée depuis quelque temps, ne lui permit pas d'accepter, après la dissolution de la Chambre, le renouvellement de son mandat. Il vécut encore une année et fut inhumé civilement à Amiens.