Jean Lassère
1917 - 1974
LASSERE (Jean)
Né le 1er mars 1917 à Aspet (Haute-Garonne)
Décédé le 13 novembre 1974 à Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine)
Député de la Haute-Garonne de 1973 à 1974
Né à Aspet d’un père exploitant forestier et d’une mère institutrice, Jean Lassère fait ses études à l’école professionnelle de Tarbes, puis à l’Ecole des arts et métiers d’Aix-en-Provence. Revenu se fixer dans le Comminges en 1956, sa terre d’origine, il renonce à une carrière d’ingénieur pour reprendre l’exploitation paternelle à Soueich. Il dirige de cette date à 1973 une exploitation forestière spécialisée dans la fabrication d’emballages et de parquets comptant une dizaine d’employés. Mobilisé pendant la seconde guerre mondiale comme sous-lieutenant d’artillerie, il s’engage ensuite dans la résistance. Son action le conduit en 1944 à la tête du Comité de Libération de Soueich, dont il est élu maire en 1944, mandat qu’il conserve jusqu’en 1973. Son engagement socialiste est attesté à partir de la Libération. Il épouse le 27 août 1959 Irène Loubet de l’Hoste qui lui donne un fils.
Dans une circonscription acquise de longue date au Parti radical (la 6ème circonscription de Haute-Garonne), son accession à l’Assemblée nationale sous l’étiquette socialiste est difficile. Il est en effet candidat en 1956, 1958, 1962 et 1967 mais se heurte à chaque élection à la personnalité locale Hippolyte Ducos, député de Saint-Gaudens de 1919 à 1942, puis de 1951 à 1970. La circonscription de Saint-Gaudens, principalement agricole, constitue en effet un bastion du Parti radical, que la SFIO n’a jamais réussi à enlever à ce parti avant 1973, pas même en 1936 quand la SFIO détenait tous les autres sièges du département.
En 1967, lorsque le radical Hippolyte Ducos obtient l’investiture Fédération de la gauche démocrate et socialiste (FGDS), Jean Lassère, candidat malheureux de la SFIO depuis 1956, se présente comme socialiste dissident. Il obtient 47% des suffrages exprimés au 2ème tour sans parvenir néanmoins à l’emporter. En 1968, Hippolyte Ducos étant à nouveau investi par la FGDS, Jean Lassère renonce à se présenter. Sa candidature au Conseil général dans la Haute Garonne en 1951, 1958, 1964 et 1970, n’est pas plus couronnée de succès. Le décès d’ Hippolyte Ducos en 1970 facilite son investiture comme candidat du Parti Socialiste aux élections législatives de 1973, même si les radicaux, dans un premier temps, avaient marqué leur souhait de conserver la circonscription à l’un des leurs. Jean Lassère obtient 42% des suffrages au premier tour, et 61% au second tour. Après quatre tentatives infructueuses, il entre enfin à l’Assemblée nationale. Son suppléant Maurice Masquère, qui siège après sa mort en novembre 1974, est le fils du secrétaire fédéral de la fédération de la SFIO pendant l’entre-deux-guerres.
Jean Lassère s’inscrit au groupe socialiste à l’Assemblée. Il est désigné comme membre de la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales le 8 juin 1973. Il vote comme la majorité de son groupe : il se prononce contre la déclaration de politique générale du gouvernement Messmer le 12 avril 1973 et contre le projet de quinquennat le 16 octobre 1973. Enfin, il refuse la confiance au gouvernement Chirac le 6 juin 1974.
Il se distingue par son engagement mutualiste. Elu en tant qu’exploitant forestier aux instances régionales de la mutualité agricole, il est président de la Caisse régionale d’assurances mutuelles agricoles (CRAMA) de Toulouse. Cet engagement mutualiste inspire ses interventions en tant que député, et il ne manque pas de rappeler cette fonction dans ses discours. Il était aussi président du syndicat des eaux de la Vallée du Job ainsi que président du syndicat des transports scolaires du Cagire. Sa profession de foi témoigne déjà de préoccupations rurales essentielles chez ce député d’une région en proie au dépérissement démographique et agricole. Les quelques interventions qu’il fait au cours des dix-huit mois de sa présence à l’Assemblée nationale (mars 1973-novembre 1974) portent sur des sujets issus de cette expérience du monde agricole. Il est d’ailleurs membre suppléant du Conseil supérieur des prestations agricoles.
Jean Lassère intervient quatre fois en séance. Le 7 novembre 1973, il prend part à la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 1974, concernant l’agriculture et le développement rural. Il se fait le défenseur des petits exploitants et des jeunes ménages d’agriculteurs. Il demande lors de cette séance l’alignement des prestations sociales agricoles sur le régime général, dénonçant les injustices qu’il discerne dans le régime social des exploitants agricoles. Il remarque la faiblesse des prestations en termes de retraites pour les exploitants ainsi que les obstacles mis à la transmission des terres entre générations. Il suggère que les prêts d’installation aux jeunes ménages dans le régime général soient aussi consentis aux jeunes ménages d’agriculteurs. Son intervention du 12 décembre 1973 sur la question des indemnités viagères de départ aborde, de même, la question de la parité des revenus agricoles avec ceux des autres catégories socio-professionnelles. S’il salue la création du Fonds d’action sociale et d’aménagement des structures agricoles (FASASA), chargé de prendre des mesures pour aboutir à la parité, il dénonce les insuffisances et ambiguïtés de l’Indemnité viagère de départ (IVD), indemnité qui était censée permettre à un exploitant âgé de transmettre son exploitation à ses enfants pour qu’ils la reprennent, tout en touchant une retraite.
Enfin, lors de la discussion de la loi relative au remboursement de la TVA aux exploitants agricoles (3 octobre 1974), Jean Lassère critique la gestion de l’agriculture par le gouvernement qui, selon lui, se contente d’agir lorsque les agriculteurs bloquent les routes ou envahissent les préfectures. Il dénonce une gestion à court terme des crises agricoles, gestion qui ne permet pas de régler les véritables problèmes liés à la modernisation de ce secteur. Il se considère comme un homme de terrain, élu d’une région où les petites exploitations d’élevage sont nombreuses. C’est à ce titre qu’il dénonce les anomalies et les injustices inhérentes à l’attribution des aides de l’Etat, notamment envers les veuves et les salariés agricoles qui n’y ont pas droit. Tout au long de sa brève carrière parlementaire, Jean Lassère se concentre donc principalement sur les questions agricoles. En tant que maire et chef d’entreprise, il a en effet été le témoin des évolutions et de la crise des systèmes agricoles dans le Sud-Ouest.
Son éloge funèbre note sa grande fidélité et constance à un terroir, le Comminges, ainsi qu’à son orientation politique le socialisme. Cet engagement explique peut être l’orientation choisie pour son entreprise après son élection en mars 1973. Estimant qu’il ne peut plus gérer de Paris l’entreprise familiale, il en confie la direction à son personnel.